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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
1C_131/2017
Arrêt du 20 février 2018
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Fonjallaz et Chaix.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
tous les deux représentés par Me Pierre Chiffelle, avocat,
recourants,
contre
C.________ SA, représentée par Me Pierre-Antoine Buchard, avocat,
intimée,
Commune de Saillon, Administration communale, rue du Bourg 19, 1913 Saillon, représentée par
Me Nicolas Voide, avocat,
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion.
Objet
permis de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
du Valais, Cour de droit public, du 26 janvier 2017
(A1 15 73).
Faits :
A.
La société C.________ SA (ci-après: la constructrice) est propriétaire de la parcelle n° 506, de 2483 m², en zone dite de centre thermal et comprise dans le périmètre du plan de quartier des Bains de Saillon adopté en 1980 (ci-après: le PDQ). Le 23 juillet 2012, elle a déposé une demande de permis concernant la destruction de la villa et du garage existants et la construction d'un immeuble résidentiel de 27 appartements de deux et trois pièces (de 45 à 90 m²) sur cinq niveaux avec parking souterrain et 12 places de parc. A.________ et B.________ (ci-après: les opposants), propriétaires de deux logements dans le même complexe, se sont opposés à la demande. Le 11 décembre 2012, le Conseil communal de Saillon a rejeté les oppositions et délivré le permis.
Les opposants ont saisi le Conseil d'Etat valaisan. Durant cette procédure, à la suite des arrêts de principe rendus par le Tribunal fédéral à propos de l'art. 75b Cst., la constructrice a indiqué que les logements seraient exclusivement utilisés comme résidences principales conformément à un avenant délivré par le Conseil communal avec l'inscription d'une mention correspondante au Registre foncier. Par décision du 25 février 2015, le Conseil d'Etat a rejeté le recours, considérant que l'affectation en résidence principale était conforme à l'art. 105 du règlement communal des constructions (RCC).
B.
Par arrêt du 26 janvier 2017, la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan a rejeté le recours des opposants. Selon les dispositions du RCC, la zone était consacrée à l'habitat collectif en lien avec l'exploitation thermale, ce qui n'excluait pas des résidences principales. Les logements, par leur typologie et leur situation, se prêtaient à une telle utilisation. Compte tenu de l'augmentation régulière de la population de la commune et du fait qu'un tiers des logements de la zone thermale étaient des résidences principales, un abus de droit ne pouvait être retenu. La constructrice invoquait l'art. 26 LRS pour se libérer de l'obligation d'affecter les logements en résidence principale, mais compte tenu de la teneur de l'autorisation de construire et de l'annotation au registre foncier, un tel revirement ne serait pas conforme à la bonne foi.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et le permis de construire et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens.
La cour cantonale et le Conseil d'Etat ont renoncé à se déterminer. La commune de Saillon se réfère à sa décision et à l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours. L'intimée C.________ SA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral du développement territorial estime que les considérants de l'arrêt attaqué ne permettent pas d'établir l'existence d'une demande de résidences principales et que deux autres éléments devraient être pris en compte: la demande de la constructrice, en cours de procédure, d'être libérée de l'affectation prévue, et le fait que les acheteurs potentiels sont déjà propriétaires de logements dans le même complexe. L'intimée s'est déterminée notamment sur ces points les 7 et 28 juin 2017. Les recourants et l'intimée ont déposé de nouvelles observations le 17 août et le 11 septembre 2017.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant du droit de la construction (art. 82 let. a LTF), le recours en matière de droit public est en principe recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recours a été déposé dans le délai prescrit (art. 100 al. 1 LTF) et la qualité pour agir des recourants (art. 89 al. 1 LTF) n'est pas contestable (ATF 139 II 271).
2.
Dans un premier grief d'ordre formel, les recourants se plaignent de ne pas avoir été invités par la cour cantonale à consulter le PDQ de 1980 versé au dossier par le SDT le 6 décembre 2016.
2.1. Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1; 137 II 266 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1 et les références). Ce droit s'étend à toutes les pièces décisives et garantit que les parties puissent prendre connaissance des éléments fondant la décision et s'exprimer à leur sujet (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494; 129 I 85 consid. 4.1 p. 88).
2.2. En l'occurrence, le PDQ a été versé au dossier le 9 décembre 2016 et les recourants en ont été informés par lettre du même jour. Ils n'ont toutefois pas demandé l'accès à cette pièce, alors qu'ils en auraient eu le temps puisque l'arrêt attaqué a été rendu le 26 janvier 2017.
La cour cantonale ne s'est au demeurant pas fondée sur le contenu du plan, mais sur certaines dispositions de son règlement que les recourants eux-mêmes connaissaient et avaient invoquées. Elle a d'ailleurs considéré que le plan, adopté il y a 36 ans, était en partie rendu obsolète par la planification ultérieure. Dans ces circonstances, il n'y a aucune violation du droit d'être entendu.
3.
Les recourants invoquent l'art. 109 RCC, dans sa version du 16 novembre 2016. Ils relèvent que cette disposition (tout comme sa version précédente, l'art. 105 RCC) n'accepte que l'habitat lié à l'exploitation thermale et touristique; cette affectation serait confirmée par les dispositions du PDQ qui (au contraire de la partie est de la zone thermale, réservée à l'habitat) mentionnent uniquement l'habitation de cure et l'habitation hôtelière.
3.1. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale ou communale sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). En outre, pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5).
3.2. L'art. 105 RCC, dans sa version de 1995 appliquée par la cour cantonale, définit la zone du centre thermal de la manière suivante:
a) Cette zone est destinée à l'exploitation thermale et touristique des " Bains de Saillon " et aux constructions résidentielles pour l'habitat et le commerce liés à cette activité. Toute construction contraire à cette destination est interdite.
b) Dans la partie " ouest " de la zone, selon le secteur n° 1 du plan annexé, seuls pourront être construits les bâtiments prévus par le plan de quartier homologué le 6 août 1980. L'implantation, l'affectation et les gabarits des bâtiments encore à réaliser ne pourront être érigés qu'à l'intérieur de l'espace d'implantation hachuré sur le plan annexé.
Cette disposition est reprise telle quelle à l'art. 109 du RCC homologué le 16 novembre 2016. Il n'est dès lors pas nécessaire de déterminer quelle version du RCC doit s'appliquer en l'occurrence. La cour cantonale relève que, outre les dispositions précitées, les ch. 1.6 et 2.3 du règlement du PDQ mentionnent exclusivement l'habitation de cure. Elle en déduit qu'au moment de l'adoption du PDQ, l'idée était que les logements projetés dans le périmètre seraient utilisés pour le séjour des curistes ou des touristes. Elle retient néanmoins que rien n'empêcherait une utilisation en résidence principale, compte tenu de la localisation parfaitement desservie et du fait que près d'un tiers des logements déjà construits dans la zone du centre thermal sont annoncés comme résidences principales.
3.3. Ces considérations pratiques ne permettent toutefois pas de faire abstraction du texte clair des dispositions précitées, qui réservent expressément les constructions à l'habitat et aux commerces liés à l'activité du centre thermal. Le RCC, dans ses deux versions (art. 105 aRCC et 109 RCC) prévoit au demeurant expressément que "toute construction contraire à cette destination est interdite". Les dispositions du PDQ font également clairement ressortir que seuls les logements destinés à la cure sont autorisés, ce qui exclut des résidences principales. La cour cantonale considère que le plan est ancien et que l'adoption du PAZ de 1992 et ses modifications ultérieures l'auraient rendu en partie obsolète. Il n'en demeure pas moins que le RCC, dans sa teneur la plus récente, fait encore expressément référence au PDQ et précise une fois encore que toute construction contraire à la destination prévue est interdite. Le fait que les résidents puissent occasionnellement fréquenter le centre thermal et que le nouveau bâtiment soit relié à celui-ci, ne change rien à l'affection en résidence principale telle que mentionnée dans la demande d'autorisation de construire. L'existence d'un grand nombre de résidences principales dans ce même secteur ne saurait conduire à interpréter différemment les dispositions pertinentes. Celles-ci excluent clairement, en l'état, les résidences principales: l'argumentation contraire de la cour cantonale - qui se fonde sur des considérations étrangères à la lettre et au but des dispositions communales - est insoutenable et conduit à un résultat arbitraire.
4.
Le recours doit dès lors être admis pour ce motif sans qu'il y ait à s'interroger sur le respect de la législation relative aux résidences secondaires et sur la question de l'abus de droit. L'arrêt attaqué est annulé, ainsi que la décision du Conseil d'Etat du 25 février 2015 et le permis de construire du 11 décembre 2012. Les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF), de même que l'indemnité de dépens allouée aux recourants, assistés d'un avocat (art. 68 al. 2 LTF). La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens des instances cantonales (art. 67 et 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé, de même que la décision du Conseil d'Etat du 25 février 2015 ainsi que le permis de construire délivré le 11 décembre 2012 par le Conseil communal de Saillon.
2.
Une indemnité de dépens de 3'000 fr., est allouée aux recourants, à la charge de l'intimée C.________ SA.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée C.________ SA. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens des instances cantonales.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Commune de Saillon, au Conseil d'Etat du canton du Valais, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 20 février 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Kurz