BGer 9C_573/2017
 
BGer 9C_573/2017 vom 23.01.2018
 
9C_573/2017
 
Arrêt du 23 janvier 2018
 
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes les Juges fédérales Pfiffner, Présidente,
Glanzmann et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
recourant,
contre
A.________,
représentée par Me Maurizio Locciola, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-invalidité (évaluation de l'invalidité),
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 30 juin 2017 (A/3024/2015 ATAS/603/2017).
 
Faits :
A. A.________, mariée et mère de deux enfants adultes, a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité datée du 27 mars 2013. Elle y indiquait avoir exercé une activité de courtepointière à domicile à un taux d'occupation de 100 % et souffrir d'une scoliose lombaire avec problèmes neurologiques ayant conduit à une intervention chirurgicale le 12 novembre 2012, ainsi que d'une arthrose des pouces.
Entre autres mesures d'instruction, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a recueilli des renseignements auprès des médecins traitants de l'assurée et mis en oeuvre uneenquête pour activité professionnelle d'indépendante (rapport du 30 juin 2014), ainsi qu'une enquête économique sur le ménage (rapport du 6 octobre 2014). Après avoir demandé l'avis de son Service médical régional (SMR; rapport du 3 juin 2013) et de son service de réadaptation (mandat de réadaptation du 26 janvier 2015), l'office AI a reconnu le droit de A.________ à une demi-rente d'invalidité dès le 1er novembre 2013 (décision du 9 juillet 2015). Il a considéré que l'assurée présentait un statut mixte de personne active à 38 % et de ménagère à 62 % et fixé son taux d'invalidité à 58 % (100 % d'invalidité dans la sphère d'activité professionnelle et 32,4 % de taux d'empêchement dans l'accomplissement des travaux ménagers). Avec effet au 1er novembre 2013, l'intéressée a également été mise au bénéfice d'une allocation pour impotent de degré faible (décision du 4 décembre 2014).
B. A.________ a recouru contre la décision du 9 juillet 2015 en concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à compter du 2 août 2013. La Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, a notamment entendu des témoins, avant de statuer le 30 juin 2017. Elle a reconnu le droit de l'assurée à une rente entière et en a fixé le début au 1er septembre 2013.
C. L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à la confirmation de sa décision du 9 juillet 2015 et, subsidiairement, à la reconnaissance du droit de l'intimée à une rente entière d'invalidité dès le 1er octobre 2013 au plus tôt seulement.
L'intimée conclut principalement au rejet du recours, subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance cantonale pour qu'elle détermine son taux d'activité professionnelle et rende une nouvelle décision au sens des considérants. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
 
Considérant en droit :
1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits retenus par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), qu'il peut rectifier ou compléter d'office si des lacunes et erreurs manifestes apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant n'est habilité à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références).
 
Erwägung 2
2.1. En instance fédérale, le litige a trait à l'étendue du droit de l'intimée à une rente de l'assurance-invalidité (demi-rente au lieu d'une rente entière). Il porte plus particulièrement sur la répartition des champs d'activité consacrés à l'exercice d'une activité lucrative et à l'accomplissement des travaux habituels dans l'application de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité. Est également contestée, la date du début du droit à cette prestation.
Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation, en particulier s'agissant de la détermination du statut de l'assuré (art. 8 LPGA et art. 28a LAI) et de l'évaluation de l'invalidité dans la sphère professionnelle conformément à la méthode mixte (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec son alinéa 2 et l'art. 16 LPGA), de telle sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
2.2. Compte tenu de la date de la décision administrative en cause, qui détermine l'application dans le temps des règles légales au présent litige (ATF 130 V 447 consid. 1.2.1; 127 V 467 consid. 1), il n'y a pas lieu de tenir compte de la modification réglementaire relative à l'évaluation de l'invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel entrée en vigueur le 1er janvier 2018 (art. 27bis RAI; voir aussi arrêt 9C_553/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2).
3. L'instance cantonale a écarté la méthode utilisée par l'office recourant pour évaluer le taux d'occupation professionnelle que l'intimée aurait maintenu si elle était restée en bonne santé. L'office recourant avait fixé ce taux à 38 %, en divisant le chiffre d'affaires de l'assurée par le tarif horaire moyen applicable selon le barème des tapissiers genevois (soit, 45 fr. de l'heure) et en ajoutant au total ainsi obtenu un certain nombre d'heures non facturées, conformément à la méthode préconisée par l'enquêtrice dans son rapport d'enquête pour activité professionnelle d'indépendante du 30 juin 2014. Considérant que cette manière de faire ne correspondait pas à la réalité, la juridiction cantonale a retenu que le taux en question devait être déterminé en se fondant sur les déclarations de l'intimée, selon lesquelles elle avait toujours exercé son activité à raison de 35 à 38 heures par semaine au moins. Les premiers juges ont ensuite comparé ce nombre d'heures avec l'horaire hebdomadaire de 41,7 heures qui ressort des statistiques et en ont déduit que le taux d'activité professionnelle de l'intimée s'élevait à 84 % au moins. Ils ont ainsi conclu à la reconnaissance d'un statut mixte de personne active à 84 % et de ménagère à 16 %, fixé le taux d'invalidité à 89 % (100 % d'invalidité dans la sphère d'activité professionnelle et 32,4 % de taux d'empêchement dans l'accomplissement des travaux ménagers) et reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité à compter du 1er septembre 2013.
4. Dans un premier motif, l'office recourant fait exclusivement grief à la juridiction de première instance d'avoir reconnu à l'intimée un statut d'active à 100 %.
4.1. Le point de savoir à quel taux d'activité la personne assurée travaillerait sans atteinte à la santé est une question de fait, dans la mesure où il s'agit d'une appréciation concrète des circonstances et non pas de l'application de conséquences générales tirées exclusivement de l'expérience générale de la vie. Les constatations y relatives de la juridiction cantonale lient donc le Tribunal fédéral, pour autant qu'elles ne soient ni manifestement inexactes, ni ne reposent sur une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (consid. 1 supra; ATF 133 V 504 consid. 3.2 p. 507; cf. aussi ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399). L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier ou contraire au sens de la justice et de l'équité ou encore lorsque le juge ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'il se trompe manifestement sur son sens ou sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, il en tire des conclusions insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
4.2. A la lecture du jugement cantonal, il apparaît que les premiers juges n'ont pas reconnu à l'intimée un statut d'active à 100 % - ce qui aurait du reste conduit à l'application de la méthode de la comparaison des revenus (art. 16 LPGA) -, mais bien un statut mixte de personne active à 84 % et de ménagère à 16 %. Le grief tiré d'un statut d'active à 100 % est dès lors mal fondé.
En particulier, en tant que l'office recourant expose que "36 heures environ par semaine ne représentent pas un 100 % d'activité", il rejoint le nombre d'heures retenues par la juridiction cantonale (35 à 38 heures par semaine). Lorsqu'il reproche ensuite aux premiers juges d'avoir confondu le chiffre d'affaire et le revenu réalisé en 2008 par l'assurée, il n'établit pas, au moyen d'une argumentation précise et suffisamment claire en quoi cette prétendue confusion aurait pour effet de faire apparaître le taux d'occupation de 84 % déterminé par ceux-ci comme manifestement inexact (supra consid. 1). En conséquence, il n'y a pas lieu de s'écarter de la répartition des champs d'activité déterminée par la juridiction cantonale ni du degré d'invalidité auquel elle est parvenue.
5. L'office recourant reproche ensuite aux premiers juges d'avoir pris le 27 mars 2013 comme date de référence pour arrêter le moment du début du droit à la rente d'invalidité de l'intimée au 1er septembre 2013, soit six mois plus tard (art. 29 al. 1 LAI). Selon lui, la date à laquelle un assuré fait valoir son droit aux prestations au sens de la disposition légale précitée doit correspondre à la date de réception de la demande par l'administration (en l'espèce, le 2 avril 2013) et non à la date à laquelle la personne assurée y a apposé sa signature (en l'occurrence, le 27 mars 2013); par conséquent, le droit de l'intimée à une rente d'invalidité ne pouvait pas être reconnu avant le 1er octobre 2013 au plus tôt.
L'office recourant ne peut pas être suivi. Conformément à la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 3 LPGA, en effet, la date déterminante quant à l'observation des délais et aux effets juridiques d'une demande est celle à laquelle la requête a été remise à la poste ou déposée auprès de cet organe (arrêt C 272/03 du 9 juillet 2004 consid. 2.3; voir aussi KIESER, ATSG-Kommentar, 3e éd. 2015, n° 36 p. 461 ad art. 29 LPGA). En l'espèce, l'intimée a envoyé sa demande de prestation par courrier recommandé le 28 mars 2013. C'est dès lors à bon droit que la Cour cantonale a considéré que le droit à la rente entière d'invalidité avait pris naissance le 1er septembre 2013 (art. 29 al. 3 LAI).
6. Compte tenu de l'issue du litige, l'office recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), ainsi que les dépens que peut prétendre l'intimée (art. 68 al. 1 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le recourant versera à l'avocat de l'intimée la somme de 2'400 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 23 janvier 2018
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Pfiffner
La Greffière : Perrenoud