BGer 6B_275/2016
 
BGer 6B_275/2016 vom 09.12.2016
{T 0/2}
6B_275/2016
 
Arrêt du 9 décembre 2016
 
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me André Gossin, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public du canton de Berne,
2. A.________, représenté par
Me Willy Lanz, avocat,
intimés.
Objet
Extorsion et chantage, arbitraire,
recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, Section pénale, 2ème Chambre pénale, du 27 janvier 2016.
 
Faits :
A. Par jugement du 19 décembre 2014, rectifié le 5 mai 2015, le Tribunal régional du Jura bernois-Seeland a, notamment, condamné X.________ pour extorsion et chantage, à une peine privative de liberté de seize mois, sous déduction de la détention provisoire de trente jours, avec sursis pendant deux ans. En outre, sur le plan civil, il l'a condamné à verser à A.________, partie plaignante, un montant de 24'300 fr. à titre de dommages-intérêts, un montant de 2'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral et un montant de 500 fr. à titre d'indemnité pour ses dépenses.
B. Par jugement du 27 janvier 2016, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté l'appel formé par X.________ et confirmé le jugement attaqué.
En résumé, elle a retenu les faits suivants:
B.a. Le 13 juin 2012, A.________ a dénoncé X.________ pour lui avoir demandé entre 2008 et 2012 des sommes d'argent pour couvrir ses manquements professionnels et modifier en sa faveur les rapports annuels d'évaluation professionnelle (ci-après: Focus). X.________ a été interpellé alors qu'il venait de recevoir 2'000 fr. (deux billets de 1'000 fr.) remis par A.________.
B.b. Entre 2008 et 2012, X.________ a proposé et accepté (après négociations) des versements de A.________ pour modifier son évaluation Focus annuelle, à savoir 2'000 fr. le 17 mars 2008, 3'500 fr. entre le 9 avril et le 27 avril 2009, 2'000 fr. le 4 février 2010, 2'000 fr. entre le 2 février et le 9 février 2011 et 2'000 fr. le 14 juin 2012.
X.________ a reconnu avoir reçu les montants de 1'000 fr. pour l'évaluation 2009, 1'700 fr. en février 2012 pour l'évaluation 2010 et 2000 fr. le jour de son interpellation pour l'évaluation 2011 (jugement de première instance p. 64).
Entre 2008 et 2012, X.________ a proposé et accepté de l'argent de A.________ pour couvrir les erreurs dans son travail, à savoir
- des montants de 1'500 fr., de 1'200 fr. et de 1'700 fr., car  A.________ avait oublié ses clés sur le véhicule, 
- un montant de 5'000 fr. le 28 novembre 2008, car A.________  avait oublié une caisse de courrier pour B.________ SA;
- un montant de 5'000 fr. le 9 décembre 2010, lorsque A.________,  blessé à la suite d'un accident, avait été conduit à la Poste de  Tramelan par X.________,
- un montant de 1'700 fr., qui a été prélevé par A.________  sur sa prime de 20 ans de fidélité le 15 février 2012,
- des montants de 50 fr., remis à X.________ chaque samedi  où les deux parties étaient présentes,
- des montants de 300 fr. le 20 novembre 2009, de 300 fr. le 11 dé-  cembre 2009 et de 500 fr. le 21 octobre 2011.
B.c. La première fois, en 2008, c'est A.________ qui a proposé une somme de 1'000 fr. pour améliorer son évaluation. X.________ a refusé l'offre et redéfini la situation selon ses propres termes, exigeant le paiement de 2'000 francs. Par la suite, X.________ suggérait quand des paiements devaient avoir lieu et déterminait quelles sommes étaient acceptables. Si, certaines fois, A.________ proposait un montant, le recourant négociait la plupart du temps celui-ci à la hausse.
C. Contre ce jugement cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. En bref, il conclut, principalement, à son acquittement, à l'allocation d'une indemnité de 6'000 fr. en réparation de l'incarcération subie et de 40'455 fr. pour ses frais de défense, ainsi qu'au rejet de toutes les conclusions civiles. A titre subsidiaire, il demande l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.
 
Considérant en droit :
1. Dénonçant une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), le recourant se plaint d'une motivation incomplète du jugement. Il reproche à la cour cantonale d'avoir renvoyé sur plusieurs points au jugement de première instance.
1.1. Le droit d'être entendu impose au juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités).
L'art. 112 al. 1 let. b LTF prévoit pour sa part que les décisions susceptibles d'un recours devant le Tribunal fédéral doivent contenir les motifs déterminants de fait et de droit, notamment les dispositions légales appliquées (al. 1 let. b), à défaut de quoi le Tribunal fédéral peut soit renvoyer la décision entreprise à l'autorité cantonale en invitant celle-ci à la parfaire, soit l'annuler (al. 3; cf. ATF 141 IV 244 consid. 1.2.1 p. 245 s.; 138 V 154 consid. 2.3 p. 157). Cette disposition n'interdit pas à l'autorité précédente d'adopter, avec renvoi, l'état de fait dressé par une autorité inférieure (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd., 2014, n° 28 ad art. 112 LTF). La possibilité de renvoyer à l'exposé des motifs de l'autorité inférieure (art. 82 al. 4 CPP) doit toutefois être utilisée avec réserve. Un renvoi n'entre en considération, lorsque l'état de fait ou l'application du droit est contesté, que lorsque l'autorité de recours fait totalement siennes les considérations de l'autorité précédente (ATF 141 IV 244 consid. 1.2.3 p. 246).
1.2. La cour cantonale n'a pas énoncé les faits déterminants qu'elle retenait, mais a procédé par renvoi. Elle a examiné de manière approfondie la crédibilité des déclarations du recourant et de l'intimé et, à l'issue de cette appréciation, elle a retenu les faits décrits dans l'acte d'accusation comme établis. Cette manière de procéder rend mal aisée la compréhension du jugement cantonal sur certains points précis. Il n'y a cependant pas lieu de renvoyer la décision à l'autorité cantonale (art. 112 al. 3 LTF), parce que ces défauts n'empêchent pas le Tribunal fédéral de statuer ni le recourant de comprendre les faits qui lui sont reprochés. En effet, il ressort de manière suffisante que le recourant a proposé et accepté des sommes d'argent de la part de l'intimé afin de modifier les évaluations annuelles de celui-ci et de couvrir ses erreurs dans son travail.
2. Le recourant se plaint d'une violation du principe d'accusation conduisant à une condamnation inattendue. Il se plaint également de la violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et de son droit à un procès équitable (art. 6 ch. 1 et 3 let. a et b CEDH).
2.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 141 IV 132 consid. 3.4.1 p. 142 s.; 133 IV 235 consid. 6.2 p. 244 s.). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également des art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).
Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f) de même que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (arrêt 6B_489/2013 du 9 juillet 2013 consid. 1.1). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêt 6B_1141/2015 du 3 juin 2016 consid. 1.1).
2.2. Selon le recourant, l'acte d'accusation ne mentionnerait pas suffisamment de quelle manière les éléments constitutifs de l'infraction d'extorsion et de chantage seraient remplis en l'espèce, en particulier le moyen de contrainte, l'acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires de la victime et le dessein d'enrichissement illégitime. Le recourant explique que les actes reprochés dans l'acte d'accusation se rapprocheraient plutôt de l'infraction de corruption, de sorte qu'il ne pouvait pas s'attendre à être condamné sur la base de l'infraction d'extorsion et de chantage.
2.3. L'acte d'accusation mentionne spécifiquement l'art. 156 CP (" extorsion et chantage "). La description " proposer et accepter une somme d'argent déterminée afin de modifier l'évaluation annuelle " et " pour couvrir les erreurs faites par un subalterne dans son travail " laisse inférer que le moyen de pression sur l'employé est la menace de ne pas modifier l'évaluation annuelle d'une manière favorable à l'intimé et de révéler lesdites erreurs. Pour le surplus, l'acte d'accusation mentionne que le recourant avait proposé et accepté des sommes d'argent; il est donc clair que l'intimé a versé à ce dernier de l'argent, ce qui constitue l'acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires et le dommage. Enfin, le dessein d'enrichissement se déduit du fait que le recourant a exigé ces versements de la part de l'intimé. L'acte d'accusation indique ainsi de manière suffisamment claire les éléments objectifs et subjectifs de l'infraction d'extorsion et de chantage. Sur cette base, la cour cantonale pouvait reconnaître le recourant coupable d'extorsion et de chantage sans violer le principe d'accusation. Les griefs tirés de la violation du droit d'être entendu et de la violation du droit à un procès équitable sont aussi infondés.
3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire en retenant les montants mentionnés dans l'acte d'accusation.
3.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il ne peut revoir les faits établis par l'autorité précédente que si ceux-ci l'ont été de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205) et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). En bref, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat.
Le grief d'arbitraire doit être invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant doit exposer, de manière détaillée et pièces à l'appui, que les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable. Il ne saurait se borner à plaider à nouveau sa cause, contester les faits retenus ou rediscuter la manière dont ils ont été établis comme s'il s'adressait à une juridiction d'appel (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 352; 133 IV 286). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253).
3.2. La cour cantonale a retenu que l'intimé avait versé au recourant les montants suivants:
1.1 le 17 mars 2008, à St-Imier: 2'000 fr.;
1.2 le 28 novembre 2008, à St-Imier: 5'000 fr.;
1.3 entre le 9 avril et le 27 avril 2009, à St-Imier, 3'500 fr.;
1.4 le 20 novembre 2009, à St-Imier et Tramelan: 300 fr.;
1.5 le 11 décembre 2009, à St-Imier et Tramelan: 300 fr.;
1.6 le 4 février 2010, à St-Imier: 2'000 fr.;
1.7 le 9 décembre 2010 à Tramelan: 5000 fr.;
1.8 entre le 2 février 2011 et le 9 février 2011, à St-Imier: 2'000 fr.;
1.9 le 21 octobre 2011, à St-Imier et Tramelan: 500 fr.;
1.10 le 15 février 2012, à St-Imier : 1'700 fr.;
1.11 le 14 juin 2012, à St-Imier: 2'000 fr.;
1.12 entre 2008 et 2012, à St-Imier: 50 fr. à plusieurs reprises;
1.13 entre 2008 (2010) et 2012, à Sonvilier: 1'500 fr.;
1.14 entre 2008 et 2012, à Sonvilier:1'200 fr.;
1.15 entre 2008 et 2012, à Renan: 1'700 fr.
Les autorités d'instruction se sont fondées sur les extraits des relevés de comptes du recourant, de son épouse, de ses enfants et aussi de ceux de l'intimé, pour reconstituer les transactions.
3.3. Le recourant fait valoir qu'aucun retrait d'un montant de 1'700 fr. n'a été effectué le 17 mars 2008 sur le compte de la Banque C.________ de l'intimé (ch. 1.1 de l'acte d'accusation). Il reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que l'argent pouvait provenir d'une autre source, sans l'établir. En outre, aucun versement correspondant ne se retrouverait sur les comptes du recourant.
La cour cantonale se fonde notamment sur les témoignages de la soeur et de la mère de l'intimé (jugement de première instance p. 68). Le recourant ne discute pas cette appréciation des preuves (cf. art. 106 al. 2 LTF). En outre, il se réfère à un montant de 1'700 fr., alors que la cour cantonale a retenu un montant de 2'000 fr. Insuffisamment motivé, le grief soulevé est irrecevable.
3.4. En ce qui concerne le montant de 5'000 fr, versé le 28 novembre 2008 (chiffre 1.2 de l'acte d'accusation), le recourant admet qu'un tel montant a bien été prélevé sur le compte de la Banque C.________ de l'intimé, mais qu'il ne se retrouve pas sur les comptes du recourant; en revanche, on trouve la trace d'un versement d'une somme de 10'156 fr. 70. sur le compte de l'intendance des impôts du canton de Berne en faveur de l'intimé.
Il n'est pas arbitraire de retenir, sur la base du compte Raiffeisen de l'intimé, que celui-ci a versé au recourant un montant de 5'000 fr. le 28 novembre 2008. Le recourant peut très bien avoir utilisé cet argent, par exemple pour le ménage ou un autre achat. En outre, le retrait d'un montant de 5'000 fr. ne suffisait pas à payer une dette d'impôts de plus de 10'000 francs. L'argumentation du recourant n'est donc pas pertinente.
3.5. S'agissant du montant de 5'000 fr. (chiffre 1.7 de l'acte d'accusation), versé le 9 décembre 2010, le recourant admet qu'un versement de 5'000 fr. a été effectué sur son compte le 10 décembre 2010, mais fait valoir que cet argent peut avoir une autre origine; ainsi, il relève que son fils a procédé à un retrait de 10'000 fr. sur son compte et que D.________ a admis lui avoir versé en décembre 2010 un montant de 5'200 fr., pour l'acquisition d'une collection de pièces de monnaie.
Il ressort du dossier que, le 9 décembre 2010, l'intimé a retiré un montant de 5'000 fr. de son compte au bureau de poste de Tramelan. Il n'a pas effectué le moindre paiement dans le quart d'heure qui a suivi. Le jour suivant, à savoir le 10 décembre 2010, un montant de 5'000 fr. a été enregistré sur le compte du recourant à la Banque E.________ (cf. jugement de première instance p. 57). Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que l'intimé avait versé au recourant un montant de 5'000 francs. Les explications du recourant sur les autres origines possibles de ce versement sont purement appellatoires.
3.6. Enfin, le recourant fait observer que les versements mentionnés dans l'acte d'accusation aux chiffres 1.3 à 1.5, 1.9. 1.12. à 1.15 ne se retrouvent pas dans ses comptes, de sorte que l'accusation se fonde uniquement sur les déclarations de l'intimé.
La cour cantonale a retenu ces montants sur la base des extraits de compte de l'intimé et sur les allégations de celui-ci, considérées généralement comme crédibles contrairement à celles du recourant. Le recourant ne discute pas ces éléments d'appréciation (cf. art. 106 al. 2 LTF). Pour le surplus, son argumentation n'est pas décisive, puisque le recourant a très bien pu dépenser cet argent pour divers achats, sans le déposer sur son compte.
4. Le recourant conteste sa condamnation pour extorsion et chantage (art. 156 CP).
4.1. L'art. 156 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, en usant de violence ou en la menaçant d'un dommage sérieux. Pour que cette infraction soit objectivement réalisée, il faut donc que l'auteur, par un moyen de contrainte, ait déterminé une personne à accomplir un acte portant atteinte à son patrimoine ou à celui d'un tiers.
 
Erwägung 4.2
4.2.1. La loi prévoit deux moyens de contrainte: la violence - qui n'entre pas en considération en l'espèce - et la menace d'un dommage sérieux. La menace est un moyen de pression psychologique. L'auteur doit faire craindre à la victime un inconvénient, dont l'arrivée paraît dépendre de sa volonté (ATF 122 IV 322 consid. 1a p. 324 ad art. 181 CP). Il importe peu qu'en réalité l'auteur ne puisse pas influencer la survenance de l'événement préjudiciable (ATF 106 IV 125 consid. 1a p. 128 ad art. 181 CP) ou qu'il n'ait pas l'intention de mettre sa menace à exécution (ATF 122 IV 322 consid. 1a p. 324 ad art. 181 CP). La menace peut être expresse ou tacite et être signifiée par n'importe quel moyen (BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., 2010, n° 15 ad art. 156 CP). Le dommage évoqué peut toucher n'importe quel intérêt juridiquement protégé (arrêt 6S.277/2003 du 23 septembre 2003, consid. 2.1). Il faut toutefois qu'il soit sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient soit propre, pour un destinataire raisonnable, à l'amener à adopter un comportement qu'il n'aurait pas eu s'il avait eu toute sa liberté de décision; le caractère sérieux du dommage doit être évalué en fonction de critères objectifs et non pas d'après les réactions du destinataire (ATF 122 IV 322 consid. 1a p. 325 ad art. 181 CP).
4.2.2. En cas d'extorsion et de chantage, l'illicéité résulte en principe déjà de la contrainte, dans la mesure où l'auteur amène la victime à réaliser un acte préjudiciable à ses intérêts pour obtenir un avantage illicite. Si le transfert de patrimoine est déjà illicite, il n'est pas nécessaire d'examiner l'illicéité du comportement contraignant. Une infraction d'extorsion peut aussi exister en cas de moyen de pression licite. Tel est le cas si l'auteur menace d'un comportement en soi permis, dépendant de sa volonté - comme par exemple le dépôt d'une plainte pénale -, pour obtenir l'exécution d'une prestation, alors que la prétention demandée n'existe pas, n'est juridiquement pas fondée ou est disproportionnée (arrêts 6B_411/2009 du 18 août 2009 consid. 3.2; 6B_402/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2.4.2.3; PHILIPPE WEISSENBERGER, in Basler Kommentar, Strafrecht II, 3e éd., 2013, n° 21 ss ad art. 156 CP). Celui qui, sous la menace d'une plainte pénale, exige, dans un dessein d'enrichissement, plus que ce qui lui est dû, commet une extorsion (arrêt 6S.77/2003 du 6 janvier 2003, consid. 4.6, publié in JT 2004 I 515, SJ 2004 I 335 consid. 2-4, recht 2004 119). Si, en revanche, la prestation est due, il n'y a pas d'extorsion (ANDREAS DONATSCH, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 10e éd., 2013, p. 290; CRAMERI/TRECHSEL, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2e éd., 2013, n° 8), mais éventuellement une infraction de contrainte, en cas de rapport " moyen/but " abusif ou contraire aux moeurs (arrêts 6B_411/2009 du 18 août 2009 consid. 3.2; 6B_402/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2.4.2.3).
4.2.3. L'usage de la contrainte doit avoir déterminé la personne visée à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. Cela implique d'abord que la personne visée ait conservé une certaine liberté de choix et se lèse elle-même ou lèse autrui par son acte (CORBOZ, op. cit., n° 18 art. 156 CP n° 18 et n° 28 ad art. 146 CP). Il faut en outre un dommage, c'est-à-dire une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (cf. ATF 122 IV 279 consid. 2a p. 281; 121 IV 104 consid. 2c p. 107).
4.2.4. L'extorsion suppose un lien de causalité entre ces divers éléments. Autrement dit, l'usage de la contrainte doit avoir été la cause de l'acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires, lequel doit être la cause du dommage (CORBOZ, op. cit., n° 21 ad art. 156 CP).
4.2.5. Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant, et dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime.
4.3. En l'espèce, le recourant a exigé de la part de l'intimé des versements afin de ne pas rapporter ses erreurs à sa hiérarchie et de modifier ses évaluations annuelles. Certes, la première fois, en 2008, c'est l'intimé qui a proposé au recourant une somme de 1'000 fr. pour que celui-ci améliore son évaluation. Le recourant ne s'est toutefois pas borné à accepter l'offre, mais a négocié et exigé un paiement de 2'000 francs. Par la suite, le recourant suggérait quand des paiements devaient avoir lieu et déterminait quelles sommes étaient acceptables. Si, certaines fois, l'intimé proposait un montant, le recourant négociait la plupart du temps celui-ci à la hausse. Ainsi, lorsque le recourant soutient que l'intimé proposait de sa propre initiative de l'argent pour couvrir ses erreurs, il s'écarte de l'état de fait cantonal, sans en démontrer l'arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF); son argumentation est dès lors irrecevable.
Le moyen de pression consistait dans la menace de ne pas modifier l'évaluation annuelle d'une manière favorable à l'intimé et de révéler ses erreurs. L'intimé craignait de perdre sa place si ses manquements étaient révélés à sa hiérarchie (cf. notamment jugement de première instance p. 14). La menace portait donc sur un dommage sérieux. Certes, le recourant ne répétait pas à chaque reprise la menace; celle-ci était toutefois implicite.
C'est en vain que le recourant fait valoir qu'il n'a pas agi de manière illicite puisque le fait de procéder à l'évaluation de l'intimé, en tenant compte du manque de qualité de son travail et de ses erreurs, correspondait aux devoirs de sa charge. En effet, en cas d'extorsion et de chantage, peu importe que le moyen de pression soit en soi licite; l'illicéité de la contrainte ne résulte pas de l'objet de la menace, mais bien du but poursuivi par celle-ci (cf. ci-dessus 4.2.2). Or, le recourant n'avait aucune créance contre l'intimé et n'avait en conséquence aucun droit à recevoir les montants versés. Le recourant relève que l'intimé était libre de ne pas payer et de voir ses manquements révélés à la hiérarchie. La liberté de choix devant laquelle se trouvait l'intimé est justement le propre de l'infraction d'extorsion et de chantage (cf. infra 4.2.3).
De peur de voir ses manquements révélés à sa hiérarchie, l'intimé a versé au recourant diverses sommes d'argent, pour un montant total d'environ 30'000 francs. De la sorte, il a réalisé des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires et a subi un dommage. Le recourant conteste l'existence de tout acte préjudiciable et de tout dommage au motif que le recourant aurait obtenu en contrepartie un avantage (indu) pour lui-même, à savoir notamment une évaluation annuelle plus favorable. Cette argumentation est infondée. En effet, l'établissement d'une évaluation annuelle plus favorable et l'omission de dénoncer des erreurs à la hiérarchie ne sauraient constituer des contreprestations valables; il s'agit d'actes qui dépendent des compétences du subordonné et qui ne peuvent pas être monnayés.
En définitive, les éléments constitutifs de l'infraction d'extorsion et de chantage sont ainsi réalisés. La cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en condamnant le recourant pour cette infraction. Les griefs soulevés sont infondés.
5. Le recourant s'en prend aux prétentions civiles. Il fait notamment valoir que les versements de l'intimé n'ont pas été établis s'agissant des chiffres 1.1., 1.2 et 1.7 de l'acte d'accusation. Comme vu au considérant 3 ci-dessus, cette critique doit être écartée.
6. Le recourant sollicite enfin une indemnité de 6'000 fr. pour son tort moral, en raison de 30 jours d'incarcération.
La libération de la prévention d'abus de confiance ne saurait donner lieu à une indemnisation. En effet, la détention provisoire a été ordonnée en raison de la prévention d'extorsion et de chantage, qui constitue l'élément principal de la procédure pénale ouverte contre le recourant. Au surplus, l'intégralité de la détention subie a été imputée sur la peine prononcée (art. 51 CP).
7. Le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Le recourant qui succombe devra supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, Section pénale, 2ème Chambre pénale.
Lausanne, le 9 décembre 2016
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Kistler Vianin