BGer 9C_580/2015
 
BGer 9C_580/2015 vom 22.03.2016
{T 0/2}
9C_580/2015
 
Arrêt du 22 mars 2016
 
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Glanzmann, Présidente, Parrino et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Flury.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Emmanuel Rossel, avocat,
recourant,
contre
Assura-Basis SA, Avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully, représentée par Me Guy Longchamp, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-maladie,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 19 juin 2015.
 
Faits :
A. B.________ et A.________ sont assurés auprès de Assura-Basis SA pour l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie, en ayant choisi le modèle "médecin de famille". Dans un courrier du 10 octobre 2012, la caisse-maladie a réitéré les informations données précédemment aux époux B.________ et A.________ (voir lettre du 16 juin 2012: elle comptait désormais appliquer ses nouvelles "Conditions spéciales d'assurance, catégorie B - 'Basis'" (dans leur teneur en vigueur dès le 1 er janvier 2012), selon lesquelles elle acceptait comme "médecin de famille" exclusivement un médecin généraliste, interniste sans autre spécialisation; en conséquence, dans la mesure où le docteur C.________, choisi comme médecin de famille, bénéficiait d'une spécialisation en hématologie, s'ajoutant au titre de spécialiste en médecine interne générale, elle ne pouvait plus l'accepter en cette qualité. Aussi, demandait-elle aux époux B.________ et A.________ de lui indiquer les coordonnées d'un médecin agréé ou de l'informer s'ils optaient pour le modèle d'assurance obligatoire des soins ordinaire offrant le libre choix du médecin.
Par décision du 9 janvier 2013, la caisse-maladie a refusé de prendre en charge les frais médicaux liés aux consultations suivies par les assurés auprès du docteur C.________, à partir de la notification de sa correspondance du 16 juin 2012. Saisie d'une opposition de B.________ et A.________, elle a maintenu son point de vue par décision sur opposition du 15 mars 2013. Elle y a ajouté que les médicaments prescrits par le fils des assurés, le docteur D.________, spécialiste en médecine interne générale et en allergologie et immunologie clinique, ne pouvaient pas non plus être remboursés.
B. A.________ a déféré la décision sur opposition du 15 mars 2013 au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, en concluant à ce qu'Assura-Basis SA soit tenue de prendre en charge les soins prodigués par les docteurs C.________ et D.________, "dans la mesure où les honoraires facturés correspondent au tarif des médecins généralistes" et condamnée à lui verser la somme de 3'447 fr. 65 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 janvier 2013 (date de son opposition). Par jugement du 19 juin 2015, le Tribunal cantonal a rejeté le recours et confirmé la décision sur opposition du 15 mars 2013.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ demande en substance au Tribunal fédéral d'annuler le jugement cantonal et la décision de Assura-Basis SA du 9 janvier 2013 (recte 15 mars 2013), en réitérant les conclusions prises en première instance.
La caisse-maladie acquiesce au recours. De son côté, l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
 
Considérant en droit :
1. La décision attaquée ayant été rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) et dans une matière où aucune des clauses d'exception de l'art. 83 LTF ne s'applique, la voie du recours en matière de droit public est ouverte. Partant, le recours constitutionnel subsidiaire interjeté par le recourant est irrecevable.
2. Dans sa réponse, l'intimée a indiqué acquiescer au recours formé par l'assuré. Elle propose donc d'en admettre les conclusions. Devant le Tribunal fédéral, la caisse-maladie ne dispose cependant pas de la faculté de rendre une nouvelle décision dans le sens des conclusions du recours jusqu'à l'envoi de sa détermination (comme le prévoit par exemple l'art. 58 al. 1 PA [RS 172.021]; voir aussi la faculté de reconsidérer pendente lite une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé, prévue par l'art. 53 al. 3 LPGA [RS 830.1]). Dans ces conditions, il n'est pas possible de rendre une décision de classement et de rayer la cause du rôle (sur la portée de l'art. 32 al. 2 LTF en relation avec l'acquiescement, cf. arrêt 2C_299/2009 du 28 juin 2010 consid. 1.3, in RDAF 2010 II p. 494); cela reviendrait à laisser subsister l'arrêt de la juridiction cantonale, ce qui ne saurait correspondre à la volonté des parties. Il convient par conséquent de rendre une décision sur le fond.
 
Erwägung 3
3.1. En instance fédérale, le recourant se réfère à une cause 9C_201/2015, sur laquelle le Tribunal fédéral a statué le 22 septembre 2015, dans un arrêt publié in ATF 141 V 557. La IIe Cour de droit social a jugé que le refus de l'assureur-maladie d'inclure un médecin dans son modèle d'assurance "médecin de famille" impliquant un choix limité du fournisseur de prestations au seul motif qu'il bénéficie d'un double titre de généraliste et de spécialiste ne repose pas sur une raison objective liée au caractère désavantageux, du point de vue des coûts, des prestations fournies. Ce refus est contraire au droit, notamment sous l'angle de l'interdiction de l'arbitraire, principe auquel est tenu l'assureur-maladie dans l'exercice de ses tâches étatiques (ATF 141 V 557 consid. 9 p. 571 ss).
3.2. Il ressort de cet arrêt (rendu après le prononcé du jugement entrepris), qu'une caisse-maladie qui propose le modèle "médecin de famille" n'est pas en droit de refuser l'admission d'un praticien comme médecin de famille au seul motif que ce dernier dispose, en plus du titre de généraliste (médecine interne générale), d'une spécialisation supplémentaire.
En l'occurrence, le refus de l'intimée de prendre en charge les consultations du recourant auprès du docteur C.________, médecin traitant choisi comme "médecin de famille", repose uniquement sur la spécialisation en hématologie dont bénéficie celui-ci, en plus du titre de médecine interne générale (cf. décision du 9 janvier 2013). Sous l'angle du droit aux prestations de l'assuré, en particulier des conséquences du refus d'admettre le docteur C.________ comme "médecin de famille" pour la forme particulière d'assurance conclue, la situation est identique à celle qui était à l'origine du litige tranché par l'arrêt 9C_201/2015 (qui opposait cependant un médecin à un assureur-maladie). Dans les deux cas, le refus d'admettre le médecin en tant que "médecin de famille" est entaché d'arbitraire, de sorte que la caisse-maladie ne peut en tirer une absence d'obligation de prester. C'est sans aucun doute la raison qui a conduit l'intimée à acquiescer aux conclusions du recourant et, partant, à admettre implicitement la prise en charge des prestations en instance fédérale. Par conséquent, compte tenu de la situation juridique prévalant depuis le 22 septembre 2015, il se justifie de reconnaître le droit de l'assuré à la prise en charge par sa caisse-maladie des soins dispensés par le docteur C.________, en qualité de " médecin de famille" dans le modèle particulier d'assurance choisi par le recourant.
Le même raisonnement ne peut en revanche pas être tenu en ce qui concerne les médicaments prescrits par le docteur D.________. L'assuré ne prétend pas qu'il s'agirait du médecin qu'il s'est engagé à consulter en premier recours, qu'il l'aurait consulté d'urgence ou qu'il aurait disposé d'un avis de délégation de la part de son médecin de famille (cf. art. 23.2 des Conditions spéciales d'assurance).
3.3. Il suit de ce qui précède qu'indépendamment des motifs invoqués par le recourant à l'appui de son recours (cf. ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104) en relation avec des droits constitutionnels dont il n'est pas titulaire dans le présent contexte, il convient d'annuler le jugement entrepris, ainsi que la décision sur opposition du 15 mars 2013, en tant qu'ils portent sur le refus de l'intimée de prendre en charge les prestations fournies par le docteur C.________. La cause est renvoyée à la caisse-maladie pour qu'elle fixe l'étendue du droit de l'assuré à ces prestations.
4. Vu l'issue du la procédure, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 première phrase LTF), qui versera une indemnité de dépens réduite au recourant (art. 68 al. 1 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2. Le recours en matière de droit public est partiellement admis. La décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 19 juin 2015 et la décision sur opposition de l'intimée du 15 mars 2013 sont annulées, dans la mesure où elles portent sur le refus de la caisse-maladie de prendre en charge les prestations fournies par le docteur C.________. La cause est renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
4. L'intimée versera au recourant la somme de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
5. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
6. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 22 mars 2016
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Glanzmann
La Greffière : Flury