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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
6B_551/2015
Arrêt du 24 février 2016
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Oberholzer et Jametti.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
X.________ Sàrl, représenté par Me Vincent Solari, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
Ordonnance de classement (banqueroute frauduleuse, gestion fautive),
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 22 avril 2015.
Faits :
A.
Le groupe russe Y.________est notamment actif, par l'intermédiaire de différentes sociétés, dans le négoce international de charbon. Le capital-action de Y.________ Trading SA (ci-après : Y.________ Trading SA), société inscrite au Registre du commerce de Genève, est détenu par A.________, administrateur président (25 actions à titre personnel et 450 à titre fiduciaire pour B.________), et par C.________, directeur (25 actions à titre personnel et 500 à titre fiduciaire pour D.________).
Le 28 mai 2010, X.________ Sàrl, société genevoise active dans le domaine de l'industrie et du commerce de combustible, ainsi que de produits carburants, a conclu un contrat avec Y.________ Trading SA portant sur la vente de charbon; dans ce cadre, la seconde a fourni à la première le 31 mai 2010 une garantie de performance de USD 200'000.-. La marchandise n'ayant pas été livrée dans le délai convenu, X.________ Sàrl a déposé, le 8 octobre 2010, une demande d'arbitrage, chiffrant ses prétentions en dommages-intérêts à USD 2'002'841.84. Le conseil d'administration de Y.________ Trading SA, considérant que le montant de la garantie de performance était suffisant, n'a pas constitué de provision en vue d'une éventuelle décision défavorable du Tribunal arbitral.
Dans son rapport du 11 mai 2011 en vue de l'assemblée générale de Y.________ Trading SA, l'organe de révision a relevé que les comptes de la société présentaient une perte de 689'376 fr. et qu'il existait une situation de surendettement au sens de l'art. 725 al. 2 CO; relevant notamment que la situation financière ne s'améliorerait pas en 2011 et qu'il convenait de liquider la société, le conseil d'administration a cependant renoncé à l'avis au juge, l'intégralité des créances - essentiellement de banques - pouvant être payée par le biais du soutien d'une société soeur.
Vers fin mars 2011, Y.________ Trading SA a informé le Tribunal arbitral qu'elle ne contribuerait pas à sa part de l'avance de frais et, le 8 avril 2011, a déclaré ne plus participer à la procédure. Le 4 novembre 2011, le Tribunal arbitral a rendu sa sentence, condamnant Y.________ Trading SA à payer à X.________ Sàrl (1) USD 1'059'913.19 à titre de dommages-intérêts, la garantie de USD 200'000.- déduite, (2) USD 150'789.52 à titre de dépens et (3) USD 176'800.-, montant correspondant à la participation à la provision payée par la requérante à titre d'avance sur les dépens.
Lors de son assemblée générale extraordinaire du 23 novembre 2011, le conseil d'administration de Y.________ Trading SA a décidé d'adresser au juge un avis de surendettement, les comptes intermédiaires au 30 novembre 2011 - intégrant une provision pour litige de 1'200'000 fr. - faisant apparaître une perte de 1'938'886 francs. Sur requête de A.________ du 9 décembre 2011, la faillite de Y.________ Trading SA a été prononcée par le Tribunal de première instance de Genève le 19 janvier 2012 et publiée le 3 février 2012 dans la FOSC.
Le 6 février 2012, une somme de USD 65'000.-, reçue trois jours plus tôt, a été transférée, sur ordre de Y.________ Trading SA, sur le compte de G.________, société incorporée aux Iles Vierges Britanniques et contrôlée par D.________.
A.________ et C.________ ont été entendus le 7 février 2012 par l'Office des faillites; ils ont déclaré que le capital de la société avait été utilisé pour son fonctionnement, que son dernier salarié avait quitté l'entreprise à fin mai 2011, que celle-ci ne disposait d'aucun actif, ne faisait pas partie d'un groupe et qu'aucun procès civil n'était en cours.
B.
Le 28 juin 2012, X.________ Sàrl a déposé plainte pénale contre Y.________ Trading SA, ses organes et tout autre participant pour banqueroute frauduleuse (art. 163 CP), diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP), gestion fautive (art. 165 CP) et inobservation des règles de la procédure de faillite (art. 323 ch. 3 et 4 CP). La partie plaignante reprochait en substance à Y.________ Trading SA d'avoir progressivement organisé son insolvabilité, notamment en prévision de la sentence arbitrale, en cessant ses activités au profit d'une société panaméenne homonyme, H.________ SA, de n'avoir pas constitué une provision pour litige, de n'avoir pas immédiatement averti le juge de son surendettement, ainsi que d'avoir abandonné la procédure initiée contre Z.________ Ldt., fournisseur du charbon qui devait lui être revendu.
A la suite de l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 décembre 2012 annulant l'ordonnance de non-entrée en matière du 4 septembre 2012, le Ministère public a procédé au séquestre des comptes bancaires et à la saisie de la documentation de Y.________ Trading SA; la faillite de celle-ci a depuis été clôturée et la société radiée le 12 août 2013 du Registre du commerce. Entre décembre 2013 et juin 2014, ont été entendus C.________ - par deux fois -, A.________, E.________ - ancien employé - et F.________, comptable mandaté par Y.________ Trading SA, ainsi que par la société panaméenne. Dans le délai imparti par l'avis de clôture du 25 août 2014, X.________ Sàrl a requis différents actes d'instruction complémentaires, dont les auditions de D.________ et de B.________ - allégués organes de fait de Y.________ Trading SA -, ainsi que la mise en oeuvre d'une expertise tendant à déterminer à quelle date cette société s'était retrouvée en état de surendettement.
Par ordonnance du 21 octobre 2014, le Ministère public a classé cette procédure, considérant que rien au dossier ne permettait de retenir la réalisation des éléments constitutifs des infractions dénoncées. Il a également relevé que, vu les explications fournies et les possibilités offertes à la partie plaignante d'interroger les animateurs de Y.________ Trading SA, il ne se justifiait pas d'entendre les actionnaires de la société ou le management du fournisseur de charbon; dès lors que le temps mis pour saisir le juge de la faillite n'avait ni causé, ni aggravé la faillite de la société, une expertise n'était pas nécessaire.
C.
Le 22 avril 2015, la Chambre pénale de recours a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours intenté par X.________ Sàrl contre cette décision. La cour cantonale a notamment considéré que la société plaignante n'avait pas la qualité pour recourir s'agissant de l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP); elle n'avait en effet pas été incitée à poursuivre la procédure arbitrale à la suite de la production de comptes fallacieux qui l'aurait induite en erreur sur la réelle capacité de sa cocontractante.
D.
Par acte du 26 mai 2015, X.________ Sàrl forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il reprenne l'instruction de sa plainte. La recourante requiert notamment que soit ordonné l'audition de D.________, de B.________ et des organes, respectivement des représentants, de Z.________ Ldt., la mise en oeuvre d'une expertise afin de déterminer à quelle date la société Y.________ Trading SA s'était trouvée en état de surendettement et quel serait le dommage qui lui aurait été causé à la suite du report injustifié de l'avis au juge. La recourante demande également la mise en prévention de D.________, de B.________, de C.________ et de A.________.
Invitée à se déterminer, la cour cantonale s'est référée à sa décision. Quant au Ministère public, il a conclu au rejet du recours. La recourante n'a pas déposé d'observations complémentaires.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement les conditions de recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
1.1. La décision attaquée a été rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF. Confirmant l'ordonnance de classement rendue par le Ministère public, elle a un caractère final (art. 90 LTF) et émane de l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). La recourante a en outre agi en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF).
1.2. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même celle-ci aurait déjà émis de telles prétentions (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).
Dans son mémoire, la recourante expose avoir une créance de 1'387'502 fr. 70 contre Y.________ Trading SA en raison de la sentence arbitrale. Cependant, vu la faillite de cette société et l'absence d'actifs disponibles, la recourante affirme ne pas pouvoir être en mesure de toucher le dividende y relatif. Or, selon la recourante, tel aurait pu être le cas si le solde des liquidités de Y.________ Trading SA (USD 65'000.-) n'avait pas été versé, au moment de la faillite, à un actionnaire; ce transfert serait donc constitutif d'une infraction réprimée par les art. 163 et 164 CP, voire 167 CP. En cas de condamnation des auteurs, soit les personnes visées dans ses conclusions, la recourante prétend pouvoir obtenir, à titre de dommages et intérêts, le montant correspondant à ce dividende.
Il ressort des pièces annexées à la plainte pénale que la créance de la recourante a été produite et admise dans la procédure de faillite (cf. les pièces 32, 46, 47 et 49). En tant que créancière de Y.________ Trading SA - qualité que protègent notamment les art. 163 et 164 CP (ATF 134 III 56 consid. 1.3.1 p. 55 s.; arrêt 6B_252/2013 du 14 mai 2013 consid. 2.2) -, la recourante entend donc obtenir, dans le cadre de la procédure pénale, le paiement du dividende espéré, montant probablement largement inférieur à la créance invoquée vu le solde des actifs indiqué. La qualité pour recourir doit dès lors lui être reconnue (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Devant le Tribunal fédéral, la recourante ne conteste pas l'irrecevabilité de son recours cantonal s'agissant de l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP), faute de qualité pour recourir (cf. consid. 1.3.3 de l'arrêt entrepris). Elle ne soutient pas non plus que l'art. 169 CP serait applicable au transfert des USD 65'000.-, dès lors que celui-ci a été effectué le 6 février 2012, soit après le prononcé de faillite (19 janvier 2012), mais avant l'inventaire de l'Office des faillites (7 février 2012).
En revanche, la recourante reproche à l'autorité précédente des violations de l'art. 319 al. 1 CPP, du principe "in dubio pro duriore" et de son droit d'être entendue. Elle soutient en substance que les conditions posées par les art. 163 et 164 CP seraient réalisées, dès lors que l'existence de la créance en faveur de la société de l'actionnaire D.________ et à l'origine du paiement des USD 65'000.- ne serait pas établie. Selon la recourante, même dans la mesure où tel serait le cas, le versement litigieux étant intervenu postérieurement à la mise sous faillite, il aurait visé à avantager un créancier au détriment des autres, comportement constitutif de l'infraction réprimée à l'art. 167 CP. La recourante prétend encore que l'infraction de gestion fautive (art. 165 CP) devrait être retenue à l'encontre des organes de Y.________ Trading SA puisque ceux-ci n'avaient pas pris les mesures nécessaires au vu de son surendettement; cela justifierait de mettre en oeuvre une expertise judiciaire afin notamment d'étudier l'évolution du surendettement de la société et par conséquent du dommage de la recourante, question que la cour cantonale n'avait pas examinée.
3.
Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e). L'art. 319 al. 2 CPP prévoit encore deux autres motifs de classement exceptionnels (intérêt de la victime ou consentement de celle-ci).
Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; 186 consid 4.1 p. 190).
4.
4.1. Se rend coupable de banqueroute frauduleuse au sens de l'art. 163 ch. 1 CP le débiteur qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura diminué fictivement son actif, notamment en distrayant ou en dissimulant des valeurs patrimoniales, en invoquant des dettes supposées ou en reconnaissant des créances fictives ou en incitant un tiers à les produire, s'il a été déclaré en faillite.
Par le terme actif, on vise l'ensemble du patrimoine du débiteur, soumis à la procédure d'exécution forcée, en vue de désintéresser les créanciers; en sont exclus les biens qui sont insaisissables en raison de leur nature ou d'une disposition spéciale (ATF 103 IV 227 consid. 1c p. 233). Il y a diminution fictive de l'actif lorsque le débiteur met en danger les intérêts de ses créanciers non pas en aliénant les biens sur lesquels ils ne pourront plus exercer directement leur mainmise, mais en les trompant sur la substance ou la valeur de son patrimoine, c'est-à-dire en créant l'apparence que ses biens sont moindres ou ses dettes plus importantes, qu'ils ne le sont en réalité (arrêt 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 5.1.2). N'entrent en revanche pas dans les prévisions de l'art. 163 CP les opérations qui, tel un transfert de propriété ou une cession de créance sans contre-prestation suffisante, entraînent une diminution effective de l'actif du débiteur. Ces actes-là, qui mettent en danger les intérêts des créanciers par une modification véritable de la substance ou de la valeur du patrimoine du débiteur, sont visés par l'art. 164 CP (arrêt 6S.438/2005 du 28 février 2006 consid. 3 et les références citées).
L'art. 163 CP mentionne différentes formes de diminution fictive du patrimoine : la distraction ou la dissimulation de valeurs patrimoniales, le fait d'invoquer des dettes supposées, ainsi que la reconnaissance de créances fictives. La distraction vise le cas où le débiteur met hors d'atteinte des biens qui servent à désintéresser les créanciers. Par exemple, l'auteur transfère ou attribue faussement ses propres valeurs patrimoniales à un tiers. Un cas particulier de distraction consiste dans le transfert des actifs de la société faillie à une "société-écran" (ATF 93 IV 16 consid. 1b p. 18 s.).
4.2. L'art. 164 ch. 1 CP sanctionne la diminution effective par le débiteur de son actif au préjudice des créanciers.
Cette disposition envisage trois hypothèses : premièrement la détérioration, la destruction, la dépréciation ou la mise hors d'usage de valeurs patrimoniales (al. 1), deuxièmement leur cession à titre gratuit ou contre une prestation de valeur manifestement inférieure (al. 2) et troisièmement le refus sans raison valable de droits qui reviennent au débiteur ou la renonciation gratuite à de tels droits (al. 3). L'art. 164 ch. 1 CP n'est applicable que si le débiteur a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui.
L'énumération de l'art. 164 ch. 1 CP est exhaustive (ATF 131 IV 49 consid. 1.2 p. 51 s.). Faute d'être mentionnée, l'aliénation d'un actif à sa valeur vénale ne peut être sanctionnée en vertu de cette disposition. Il en va de même de l'augmentation du passif (arrêt 6B_635/2010 du 19 avril 2011 consid. 3.2.1 et les références citées).
4.3. Pour les infractions visées par les art. 163 et 164 CP, la déclaration de faillite est une condition objective de punissabilité. L'intention de l'auteur ne doit donc pas nécessairement porter sur cet élément. Il n'est pas non plus exigé de rapport de causalité entre le comportement fautif et la survenance de la faillite (arrêt 6B_575/2009 du 14 janvier 2010 consid. 1.2.3 [art. 163 CP]; ANDREAS DONATSCH, in DONATSCH (édit.), StGB Kommentar, Schweizerisches Strafgesetzbuch, 19e éd. 2013, n° 3 ad art. 163 CP; DUPUIS et al., Petit commentaire, Code pénal, 2012, n° 7 ad remarques préliminaires sur les art. 163 à 171 bis CP). Ces deux infractions sont intentionnelles, le dol éventuel étant suffisant (arrêts 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 5.1.3 [art. 163 CP]; 6B_635/2010 du 19 avril 2011 consid. 3.2.1 [art. 164 CP]).
En principe, seul le débiteur peut commettre les infractions visées par ces deux dispositions. Cependant, si le débiteur est une personne morale ou une société, l'art. 29 CP est applicable : les personnes physiques mentionnées par cette disposition - organes, membres d'un organe, associés, collaborateurs disposant d'un pouvoir de décision indépendant ou dirigeants effectifs - sont punissables en tant qu'auteurs si elles ont agi, en l'une des qualités décrites, pour la personne morale ou la société (arrêts 6B_635/2010 du 19 avril 2011 consid. 3.2.1 [art. 164 CP]; 6B_575/2009 du 14 janvier 2010 consid. 1.2.1 [art. 163 CP]). Enfin, le tiers qui, dans les mêmes conditions que celles visées par l'art. 164 ch. 1 CP, se sera livré aux agissements visés par ce chiffre, de manière à causer un dommage aux créanciers, sera puni de l'emprisonnement (art. 164 ch. 2 CP).
4.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que le versement litigieux de USD 65'000.- ait été opéré le 6 février 2012, soit après le prononcé de la faillite (19 janvier 2012) et avant l'inventaire de l'Office des faillites (7 février 2012).
Cette chronologie exclut l'application de l'art. 169 CP, le versement litigieux étant antérieur à l'inventaire (NADINE HAGENSTEIN, in Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 111-392 StGB, 3e éd. 2013, n° 101 ad art. 163 CPP; BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd. 2010, n° 3 ad art. 169 CP). En revanche, le raisonnement de la cour cantonale, à savoir l'impossibilité de commettre une infraction aux art. 163 et 164 CP après le jugement de faillite, ne saurait être suivi.
Certes, après le prononcé de la faillite, l'art. 204 LP exclut toute opération directe en faveur de possibles créanciers. Cependant, si les actes commis en violation de cette disposition sont nuls (cf. art. 204 al. 1 LP), cette sanction civile n'implique pas pour autant nécessairement l'absence d'infraction pénale, eu égard notamment à l'appréciation des circonstances et de l'intention ayant abouti à l'opération litigieuse (cf. la solution similaire en matière d'actes révocables au sens des art. 285 ss LP, ATF 134 III 52 consid. 1.3.4 p. 57 s. [absence d'action révocatoire, mais comportement punissable pénalement]; 131 IV 49 consid. 1.3.3. p. 54 [acte révocable, mais non punissable sur le plan pénal]). Une telle solution se justifie dès lors qu'un jugement de faillite, respectivement une possible action civile en nullité, ne garantissent pas à eux seuls la coopération du failli. Il ne peut ainsi être exclu que ce dernier puisse encore vouloir postérieurement au prononcé de faillite dissimuler ou soustraire des biens/valeurs qui devraient entrer dans la masse en faillite, voire avantager un créancier. Cela vaut d'ailleurs d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, l'inventaire du patrimoine du failli n'a pas encore été établi. En outre, il n'est pas non plus impossible que de nouveaux biens puissent échoir au failli après le jugement de faillite (cf. art. 197 al. 2 et/ou 269 LP; SCHUBARTH/ALBRECHT, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Schweizerische Strafgesetzbuch, Besondere Teil, vol. 2, Delikte gegen das Vermögen, Art. 137-172, 1990, n° 24 art. 163 CP) et celui-ci ne doit pas pouvoir impunément les soustraire de la masse.
L'hypothèse d'une infraction au sens des art. 163 et 164 CP postérieurement au prononcé de faillite, mais préalablement à l'inventaire de l'Office des faillites n'est d'ailleurs pas exclue par la doctrine (HAGENSTEIN, op. cit., n° 66 et 101 ad art. 163 CP, ainsi que n° 31 ad art. 164 CP; DONATSCH, op. cit., n° 10 ad art. 163 CP; JOSÉ HURTADO POZO, Droit pénal, Partie spéciale, 2009, n° 1710, p. 502; JÉRÉMIE MÜLLER, Distinction entre diminution fictive et diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, in RPS 126 2008 p. 411 ss, ad C p. 426 s. [cas fictif inspiré par un arrêt de la Cour de cassation du Tribunal cantonal vaudois où l'infraction à l'art. 163 CP serait réalisée après le prononcé de faillite]; SCHUBARTH/ALBRECHT, op. cit., n° 24 et 36 ad art. 163 CP et 7 ad art. 164 CP; ROBERT HAUSER, Der Schutz von Schuldbetreibung und Konkurs durch das Strafrecht, in Festschrift 100 Jahre SchKG/Centenaire de la LP, 1989, p. 31 ss, ad c p. 42).
Vu la date de la commission de l'acte litigieux (le 6 février 2012), la question d'une éventuelle application des art. 163 et 164 CP ultérieurement à l'inventaire de l'Office des faillites (le 7 février 2012) peut en l'occurrence rester indécise (cf. à cet égard, la controverse relevée par HAGENSTEIN, op. cit., n° 66 ad art. 163 CP).
4.5. La cour cantonale ne peut pas non plus se prévaloir de l'ATF 131 IV 49 pour expliquer sa solution. Dans cette affaire, il avait été établi que le remboursement effectué - antérieurement à la faillite - était la contre-prestation d'un prêt arrivé à échéance et donc exigible; il était dès lors sans incidence que l'organe qui avait ordonné le paiement soit également le créancier du prêt (ATF 131 IV 49 consid. 1.3 p. 53 ss).
Or, en l'occurrence et ainsi que relevé à juste titre par la recourante, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué à quel titre aurait été effectué le versement litigieux. Vu la date de celui-ci, l'autorité précédente ne pouvait se contenter des affirmations - au demeurant peu claires ("couvrir les intérêts débiteurs des garanties bancaires fournies par D.________ par le biais d'autres sociétés du groupe" [cf. notamment ad t p. 6 de l'arrêt attaqué]) - du directeur de Y.________Trading SA. Il lui appartenait au contraire de vérifier les circonstances entourant ce transfert, notamment par rapport au donneur d'ordre et aux raisons l'ayant motivé. Cela vaut d'autant plus que la société faillie ne paraît disposer d'aucune autre liquidité, que ce versement est intervenu un jour avant l'inventaire de l'Office et que ce transfert a été opéré en faveur d'une société sise à l'étranger et dont le bénéficiaire n'est autre qu'un des actionnaires de la société faillie Y.________Trading SA.
4.6. Vu les considérations précédentes, la date du virement litigieux n'exclut pas une éventuelle infraction aux art. 163 ou 164 CP et il appartenait en conséquence à l'autorité précédente d'examiner les circonstances entourant ce transfert. Partant, la Chambre pénale de recours ne pouvait pas, sans violer le droit fédéral, confirmer l'ordonnance de classement rendue par le Ministère public (art. 319 al. 1 let. a CPP) et ce grief doit être admis.
5.
La reco urante reproche encore à l'autorité précédente une violation de l'art. 165 CP (sur cette disposition, cf. arrêt 6B_135/2014 du 30 octobre 2014 consid. 3.1).
Cependant, l'art. 165 CP ne s'applique en principe que subsidiairement aux art. 163 et 164 CP (arrêt 6B_54/2008 du 9 mai 2008 consid. 7.3.1; HAGENSTEIN, op. cit., n° 94 ad art. 165 CP; DUPUIS et al., op. cit., n° 2 ad remarques préliminaires ad art. 163 à 171bis CP, n° 24 ad art. 163 CP, n° 20 ad art. 164 et n° 36 ad art. 165 CP; CORBOZ, op. cit., n° 63 ad art. 165 CP; HURTADO POZO, op. cit., n° 1756 ad art. 163 CP et n° 1779 ad art. 164 CP). Or, au vu des considérations précédentes, une infraction à ces dispositions ne peut pas être exclue à ce stade et la question d'une éventuelle application de l'art. 165 CP peut donc rester indécise. Il appartiendra, le cas échéant, à l'autorité précédente, à celle d'instruction ou au juge du fond d'examiner son éventuelle application. Cela justifie également de ne pas entrer en matière sur le grief relatif au droit d'être entendu soulevé en lien avec l'art. 165 CP, soit l'absence alléguée de motivation du rejet de la requête d'expertise visant à établir la date du surendettement de Y.________ Trading SA; cette question pourra en effet à nouveau être soulevée devant l'autorité précédente, respectivement celle d'instruction.
6.
Il s'ensuit que le recours est admis.
Vu de l'état de fait lacunaire, notamment eu égard aux circonstances entourant le versement du 6 février 2012, le Tribunal fédéral ne peut pas contrôler la bonne application du droit fédéral. Il convient donc d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants, ainsi que sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Dans une telle configuration, le Tribunal fédéral peut procéder au renvoi sans avoir à ordonner un échange d'écritures préalable avec les personnes potentiellement désignées par la recourante en tant qu'auteurs des infractions (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296). Celles-ci n'ont au demeurant pas été interpellées au niveau cantonal et la cour cantonale ne manquera pas, le cas échéant, de les solliciter.
La recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens pour la procédure fédérale à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
2.
La République et canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 24 février 2016
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Kropf