BGer 1B_30/2016
 
BGer 1B_30/2016 vom 12.02.2016
{T 0/2}
1B_30/2016
 
Arrêt du 12 février 2016
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Eusebio et Chaix.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
détention provisoire; retrait du recours cantonal,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 7 janvier 2016.
 
Faits :
Le 17 décembre 2015, le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève a ordonné la prolongation de la détention provisoire de A.________ jusqu'au 17 mars 2016.
La Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a confirmé cette décision sur recours du prévenu au terme d'un arrêt rendu le 7 janvier 2016.
Par acte du 22 janvier 2016, A.________ a formé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il reproche à la Chambre pénale de recours de ne pas avoir tenu compte de son courrier du 5 janvier 2016 par lequel il retirait son recours du 24 décembre 2015 contre l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire du 17 décembre 2015. Il conclut à ce que celui-ci soit déclaré sans objet et que la cause soit rayée du rôle sans frais ni émolument. Il sollicite l'assistance judiciaire.
Le Ministère public et la Chambre pénale de recours proposent de rejeter le recours.
 
Considérant en droit :
1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Le recourant dispose d'un intérêt juridique au sens de l'art. 81 al. 1 let. b LTF à faire constater que la Chambre pénale a statué indûment au fond et à obtenir l'annulation de cet arrêt qui met à sa charge les frais de la procédure de recours à hauteur de 1'000 fr.
2. Le recourant reproche à la Chambre pénale de recours d'avoir établi les faits de manière arbitraire en omettant de mentionner dans son arrêt qu'il avait retiré son recours par courrier du 5 janvier 2016 et de discuter les conséquences d'un tel retrait sur la procédure. Le retrait du recours serait intervenu à temps et la Chambre pénale de recours aurait dû en tenir compte et rayer la cause du rôle.
Il est exact que l'arrêt attaqué, rendu le 7 janvier 2016, ne fait aucune allusion au courrier du prévenu du 5 janvier 2016 par lequel celui-ci retire son recours. Interpelée à ce sujet, la Chambre pénale de recours a refusé d'annuler son arrêt, estimant que le recours avait été retiré tardivement. Elle a renvoyé le recourant à l'art. 386 al. 2 let. b CPP, à teneur duquel quiconque a interjeté un recours peut, s'agissant d'une procédure écrite, le retirer avant la clôture de l'échange de mémoires et le terme fixé pour apporter des compléments de preuves ou compléter le dossier. Cela étant, dans la mesure où elle estimait que le recours avait été retiré hors délai et qu'il était de ce fait toujours valable, elle n'avait aucune obligation de faire mention du courrier du 5 janvier 2016 dans son arrêt. En tant qu'il dénonce un établissement incomplet des faits, le recours est mal fondé.
3. Le recourant considère que le retrait du recours serait intervenu à temps, soit dans le délai qui aurait encore dû être imparti au Ministère public pour dupliquer. Il ignorait à quel stade se trouvait la procédure lorsqu'il a retiré son recours et si l'échange de mémoires était clos. La Chambre pénale de recours aurait dû informer les parties de la clôture de l'échange d'écritures comme le font d'autres juridictions qui avisent les parties que la cause est gardée à juger.
Le texte de l'art. 386 al. 2 let. b CPP est clair. Le législateur n'a pas voulu qu'un recours puisse être retiré jusqu'à ce que l'arrêt soit rendu. Il a fixé le dernier moment pour un tel retrait, en procédure écrite, avant le dernier échange des mémoires et les éventuels compléments de preuves. En d'autres termes, un retrait est concevable aussi longtemps que les parties ont encore une forme de maîtrise sur la procédure; après ce stade, un retrait ne déploie plus d'effet et un jugement doit être rendu (cf. en ce sens, JO PITTELOUD, Commentaire du Code de procédure pénale suisse, 2012, n. 1129 p. 766; RICHARD CALAME, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n. 4 ad art. 386 CPP, p. 1738; THOMAS MAURER, in: Goldschmid/Maurer/ Sollberger, Kommentierte Textausgabe zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2008, p. 380; d'un autre avis: MAURO MINI, in: Commentario, Codice svizzero di procedura penale, 2010, n. 2 ad art. 386 CPP, p. 713).
En l'occurrence, A.________ a recouru le 24 décembre 2015 contre l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire. Le Ministère public et le Tribunal des mesures de contrainte ont déposé leurs observations le 29 décembre 2015. Le recourant s'est déterminé le 30 décembre 2015 sur les observations du Ministère public par un courrier de deux pages au terme duquel il maintenait son recours. Le 4 janvier 2016, la Direction de la procédure a communiqué la réplique au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte pour information. Le recours a été retiré le lendemain par courrier déposé au greffe de la Cour de justice à 15h15.
Le dernier échange d'écritures est ainsi intervenu le 4 janvier 2016, date à laquelle la Direction de la procédure a communiqué la réplique du recourant aux autres parties pour information. Une fois la réplique déposée, le 30 décembre 2015, le recourant n'avait plus aucune maîtrise sur la procédure en cours. Vu le caractère succinct de cette écriture, il ne pouvait compter sur l'octroi d'un bref délai au Ministère public pour le dépôt éventuel d'une duplique. Le principe de célérité, qui s'applique tout particulièrement en matière de détention provisoire, commandait au contraire de statuer rapidement sur le recours. La Cour de justice n'avait par ailleurs aucune obligation d'informer les parties que la cause avait été gardée à juger ou de les aviser de la clôture de l'échange d'écritures ou de la procédure probatoire. Elle n'avait pas davantage l'obligation de notifier au prévenu une copie de la lettre par laquelle elle transmettait la réplique aux autres parties pour information. Il est à cet égard sans importance que, dans d'autres procédures, l'autorité judiciaire adresse aux parties un avis de clôture de l'instruction ou les informe que la cause est gardée à juger. Sur ce point, le recours est infondé.
Le recourant estime enfin qu'en vertu du principe d'économie de la procédure, la Chambre pénale de recours aurait dû néanmoins prendre en considération le retrait du recours, ce qui l'aurait dispensée de rendre un arrêt au fond. Il se fonde notamment sur une décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 28 août 2013 dans la cause BB.2013.35-36 et sur un avis isolé de doctrine (cf. MAURO MINI, op. cit., n. 2 ad art. 386 CPP, p. 713). S'agissant d'une pratique qui va à l'encontre du texte clair de la loi, la cour cantonale n'était pas tenue de la suivre et elle n'a pas violé le droit fédéral en considérant que le retrait du recours était intervenu tardivement et en statuant sur le fond. Autre est la question de savoir si la décision inverse, prise pour des considérations pragmatiques, serait admissible. Ce n'est pas le lieu d'examiner ce qu'il en est. On peut d'ailleurs douter de l'existence d'un intérêt juridique de l'une ou l'autre des parties à contester une telle décision (art. 81 al. 1 let. b LTF).
4. Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 et 2 LTF étant réunies, il y a lieu de faire droit à la demande d'assistance judiciaire formée par le recourant, de le dispenser des frais de la procédure fédérale, de désigner Me Aude Baer en qualité d'avocate d'office et de fixer à 1'500 fr. ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Aude Baer est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, ainsi qu'au Ministère public et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 12 février 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
Le Greffier : Parmelin