Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
8C_807/2014
Arrêt du 22 décembre 2015
Ire Cour de droit social
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Heine.
Greffière : Mme Castella.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Dominique Morard, avocat,
recourante,
contre
Allianz Suisse Société d'Assurances SA, avenue du Bouchet 12, 1211 Genève 28,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (expertise médicale; appréciation des preuves),
recours contre le jugement de la Ire Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg du 19 septembre 2014.
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1966, a travaillé en qualité de serveuse à la buvette de B.________. A ce titre, elle était assurée obligatoirement contre le risque d'accident auprès d'Allianz Suisse Société d'Assurances (ci-après: Allianz).
A.b. Le 3 février 1998, elle a été victime d'un accident de la circulation au cours duquel elle a subi une fracture de Voillemier gauche (fracture du bassin), ainsi qu'une fracture diaphysaire de l'humérus droit, laquelle a été ostéosynthésée. Allianz a pris en charge le cas.
L'assurée a séjourné à la Clinique C.________ du 24 juillet au 30 août 2000. Les médecins de la Clinique C.________ ont fait état de troubles de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée, d'un syndrome somatoforme douloureux persistant et de cervico-brachialgies chroniques. Par la suite, compte tenu de la persistance des douleurs et de l'incapacité de travail de l'assurée, plusieurs expertises médicales ont été mises en oeuvre. Sur le plan somatique, des expertises ont été confiées aux docteurs D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie (rapport d'expertise du 10 octobre 2001), et E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique (rapport d'expertise du 10 mai 2006). Sur le plan psychique, une expertise a été réalisée par le docteur F.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport d'expertise du 28 mars 2003). Enfin, une expertise pluridisciplinaire a été confiée à la Clinique G.________ à V.________ par l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (rapport d'expertise du 10 juillet 2008).
Entre-temps, l'assurée a séjourné du 21 juin au 9 juillet 2004 dans le service de rhumatologie de l'Hôpital H.________. Les médecins de ce service ont fait état d'une consolidation vicieuse de l'humérus distal droit. Le 15 septembre 2004, une intervention chirurgicale destinée à corriger la consolidation vicieuse a été réalisée par le docteur I.________, spécialiste en chirurgie orthopédique.
A.c. Le 24 juillet 2009, Allianz a rendu une décision, par laquelle elle a mis fin au droit aux indemnités journalières avec effet au 1er mai 2007 et à la prise en charge des frais de traitement avec effet au 1er janvier 2008. Elle a considéré notamment que l'assurée disposait d'une capacité entière de travail dans une activité adaptée. Par ailleurs, elle a indiqué qu'il ne serait pas versé d'autres montants en sus de 6'000 fr. qu'elle avait octroyés à titre d'acompte sur l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.
Saisie d'une opposition, Allianz l'a partiellement admise en ce sens qu'elle a fixé l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à 9'720 fr., correspondant à un taux de 10 % (décision sur opposition du 15 mars 2012).
B.
L'assurée a déféré la décision sur opposition devant la Ire Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, en invoquant l'existence d'un syndrome de Sudeck et requérant la mise en oeuvre d'une expertise dans le but de confirmer ou d'infirmer ce diagnostic. Par jugement du 19 septembre 2014, la Ire Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a rejeté le recours formé par l'assurée.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont elle demande l'annulation en concluant au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour mise en oeuvre d'une nouvelle expertise, sous suite de frais et dépens.
L'intimée conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
A.________ s'est encore exprimée le 20 février 2015.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l'assurance-accidents au-delà du 30 avril 2007 (respectivement du 31 décembre 2007 en ce qui concerne les frais de traitement). Singulièrement il porte sur le point de savoir si les premiers juges étaient fondés à confirmer la décision sur opposition de l'intimée, sans mettre en oeuvre une nouvelle expertise sur la question de l'existence de la maladie de Sudeck (algodystrophie).
2.2. Lorsque le jugement entrepris porte sur des prestations en espèces et en nature de l'assurance-accidents comme c'est le cas ici, le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (8C_584/2009 du 2 juillet 2010 consid. 4, in SVR 2011 UV n° 1 p. 2 s.).
3.
A l'appui de son recours, la recourante produit un rapport de sa physiothérapeute ainsi que plusieurs photos. A l'exception des photos figurant déjà au dossier, ces documents ne peuvent pas être pris en considération par la Cour de céans dès lors que, sauf exception non réalisée en l'espèce, un moyen de preuve qui n'a pas été examiné dans la procédure devant l'autorité précédente n'est pas admissible dans la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF; cf. ATF 135 V 194).
4.
Les premiers juges ont considéré, à l'instar de l'intimée, que les troubles psychiques ne pouvaient être mis en rapport de causalité avec l'accident, ce que la recourante ne conteste pas.
Sur le plan somatique, après avoir écarté les rapports et expertises rhumatologiques antérieurs à l'opération de 2004, la juridiction cantonale a retenu qu'il n'existait plus de séquelles résiduelles objectivables et qu'il n'y avait plus aucun traitement médical à entreprendre. Selon l'autorité cantonale, tous les avis médicaux concordaient à ce stade. Seule l'origine des douleurs dont se plaignait l'assurée faisait l'objet d'opinions divergentes. Cela étant, la cour cantonale a fait siennes les conclusions des docteurs E.________ (rapport d'expertise du 10 mai 2006), F.________ (rapport d'expertise du 28 mars 2003), et des médecins de la clinique G.________ (rapport d'expertise du 10 juillet 2008), fondées, selon elle, sur une anamnèse détaillée et motivées de façon convaincante. Elle a relevé que les experts avaient conclu de manière concordante, sur la base des éléments purement objectifs, à la récupération progressive d'une capacité de travail de 85 à 90 % dans l'activité de serveuse et même de 100 % dans une activité adaptée.
5.
5.1. Invoquant les art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDH, la recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue. Elle fait grief à la juridiction cantonale d'avoir renoncé à mettre en oeuvre une expertise médicale, bien que les avis médicaux versés au dossier soient contradictoires.
Sur le fond, la recourante se plaint d'un établissement inexact des faits (art. 97 LTF). Elle reproche en particulier à l'autorité cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves en retenant que le symptôme de Sudeck n'était pas de nature à expliquer ses limitations et fait valoir que cette appréciation ne repose sur aucun avis médical. Selon l'assurée, si les médecins sont partagés sur l'existence de la pathologie, c'est précisément parce qu'elle est susceptible d'expliquer ses symptômes. La recourante fait valoir que les rapports médicaux évoquant la présence du syndrome de Sudeck proviennent de médecins compétents pour se prononcer sur cette question (à savoir les docteurs J.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation et en rhumatologie, K.________, spécialiste en médecine interne générale et en angiologie, et L.________, spécialiste en radiologie). La recourante soutient, par ailleurs, que la pathologie est apparue immédiatement après l'accident, dans la mesure où le docteur M.________, médecin assistant à l'Hôpital H.________, a diagnostiqué une capsulite rétractile de l'épaule droite dans un rapport du 15 avril 1998. En résumé, la recourante est d'avis qu'au vu des rapports médicaux contradictoires, les juges cantonaux ne pouvaient considérer les faits comme suffisamment établis et estimer que d'autres moyens de preuve ne modifieraient pas leur appréciation.
5.2. Sur la question de l'existence du syndrome de Sudeck, la juridiction cantonale a retenu que seul le docteur J.________ en avait expressément fait mention (rapport médical du 7 septembre 2009). Les docteurs K.________ et L.________ n'en avaient discuté que sous une forme hypothétique (rapports médicaux des 18 septembre 2008 et 1 er septembre 2010). En outre, il n'était pas fait état des symptômes habituels de la maladie (sudation, enflure, coloration de la peau) dans les divers rapports d'expertises et trois scintigraphies réalisées en 2001, 2004 et 2005 n'avaient pas révélé d'indices en faveur de cette pathologie. Le docteur I.________, qui suivait l'assurée depuis son opération en 2004, n'avait jamais posé ce diagnostic et avait même formellement exclu qu'il eût existé (rapport médical du 14 février 2011). Par ailleurs, la cour cantonale a retenu qu'en tout état de cause, le syndrome de Sudeck n'était pas de nature à expliquer les limitations invoquées par l'assurée, contrairement à la lourde symptomatologie psychique dépressive. Cela étant, la cour cantonale n'a pas jugé utile de confier une nouvelle expertise à des spécialistes du syndrome de Sudeck.
5.3. Dans son rapport du 15 avril 1998, le docteur M.________ n'a pas mentionné l'existence de la maladie de Sudeck mais s'est limité à poser le diagnostic de capsulite rétractile, lequel n'a d'ailleurs plus été retenu dans les expertises ultérieures. Le docteur K.________ a indiqué qu'une tendance à un lymphoedème épifascial intermittent " pourrait s'expliquer dans le cadre d'un syndrome de Sudeck " (rapport médical du 18 septembre 2008), et la doctoresse L.________ a expliqué que la médullaire osseuse [au membre supérieur droit] était caractérisée par une importante hétérogénéité " posant la question d'un élément algodystrophique " (rapport du 1 er septembre 2010). Il est vrai que le docteur J.________ atteste, quant à lui, l'existence d'un trouble dystrophique dans le sens d'un CRPS I (" Die klinische Untersuchung belegt eine dystrophe Störung im Sinne eines CRPS I "; rapport médical du 7 septembre 2009). Mais ce diagnostic, évocateur d'une maladie de Sudeck et posé en 2009 seulement, ne justifiait pas de mettre en oeuvre l'expertise requise par l'assurée, dans la mesure où un lien de causalité entre l'accident et la pathologie invoquée par la recourante pouvait d'emblée être nié. En effet, pour admettre l'existence d'un rapport de causalité entre un accident et une algodystrophie, la jurisprudence impose, notamment, une courte période de latence entre l'apparition de l'algodystrophie et l'événement accidentel ou une opération nécessitée par celui-ci (soit au maximum six à huit semaines; arrêts 8C_871/2010 du 4 octobre 2011 consid. 3.2, 8C_384/2009 du 5 janvier 2010 consid. 4.2.1, in SVR 2010 UV n° 18 p. 69). Cette condition n'étant pas remplie, les juges cantonaux étaient fondés à refuser la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise. Cette manière de procéder, qui relève d'une appréciation anticipée des preuves, ne viole pas le droit d'être entendu, contrairement à ce que soutient l'assurée (cf. ATF 141 I 60 consid. 3.3 p. 64; 136 I 229 consid. 5.3 p. 236 et les arrêts cités).
Cela étant, le point de savoir si le tribunal cantonal pouvait considérer qu'en tout état de cause, le syndrome de Sudeck n'était pas susceptible d'expliquer les limitations invoquées par l'assurée peut rester indécis.
6.
Il s'ensuit que le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
7.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Ire Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 22 décembre 2015
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Leuzinger
La Greffière : Castella