BGer 5A_818/2014
 
BGer 5A_818/2014 vom 29.07.2015
{T 0/2}
5A_818/2014
 
Arrêt du 29 juillet 2015
 
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Herrmann et Schöbi.
Greffier : M. Braconi.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Carlo Lombardini, avocat,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Jean-Philippe Rochat, avocat,
intimé,
Office des poursuites et faillites du Littoral
et du Val-de-Travers, rue de Tivoli 5, 2001 Neuchâtel 1,
Office des poursuites du canton de Neuchâtel, avenue L.-Robert 63, case postale 1204,
2300 La Chaux-de-Fonds.
Objet
exequatur d'une décision étrangère (séquestre),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
de Neuchâtel, Cour civile, Autorité de recours en matière civile, du 15 octobre 2014.
 
Faits :
A. Le 2 mai 2012, la société A.________ ( poursuivante ) a saisi le Juge de paix du district de la Riviera - Pays-d'Enhaut d'une requête de séquestre et d'exequatur portant sur des biens appartenant à B.________ (  poursuivi ) dans les cantons de Vaud, de Berne et de Neuchâtel; elle s'est prévalue d'un jugement rendu le 31 mai 2006 par le Tribunal de grande instance de Paris.
Par prononcé du 3 mai 2012, le Juge de paix a déclaré exécutoire le jugement français et, par ordonnance séparée prise le même jour dans la même procédure, autorisé le séquestre.
B. Dans chaque poursuite en validation du séquestre, la poursuivante a fait notifier un commandement de payer, puis requis la mainlevée définitive, assortie de l'exequatur préalable, des oppositions formées par le poursuivi. Statuant le 7 avril 2014, le Président du Tribunal civil du Littoral a rejeté la requête, parce que le jugement français n'avait pas été produit en original, mais en copie certifiée conforme par un notaire genevois. Le 15 octobre 2014, l'Autorité de recours en matière civile de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté le recours interjeté contre cette décision.
C. Par mémoire du 3 novembre 2014, la poursuivante exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal; à titre principal, elle conclut à la reconnaissance et à l'exequatur du jugement français ainsi qu'à la mainlevée définitive et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Des observations sur le fond n'ont pas été requises.
 
Considérant en droit :
 
Erwägung 1
1.1. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) qui confirme, en dernière instance cantonale et sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF), le refus de l'exequatur d'un jugement étranger - soumis à la Convention de Lugano ( 
1.2. La recourante conclut à ce que le jugement français soit reconnu et déclaré exécutoire, et la mainlevée définitive prononcée. Un tel chef de conclusions ne pourrait toutefois être accueilli en l'espèce. Comme l'admet l'intéressée, les magistrats précédents n'ont pas examiné les conditions de l'exequatur et de la mainlevée définitive, la requête ayant été préjudiciellement écartée pour un motif formel ( 
2. La décision attaquée ne porte pas sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, en sorte que la cognition du Tribunal fédéral n'est pas restreinte à la violation des droits constitutionnels (ATF 135 III 670 consid. 1.3.2; arrêt 5A_646/2013 du 9 janvier 2014 consid. 2.1).
3. En l'espèce, l'autorité précédente a préalablement écarté du dossier, conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, l'original du jugement du Tribunal de grande instance de Paris que la recourante avait produit en instance de recours. Se référant au premier juge, elle a retenu en bref: que la production d'une simple photocopie ne suffit pas; qu'une copie certifiée conforme par l'autorité compétente de l'Etat d'origine n'a pas été produite en première instance; que, selon des commentateurs, une copie éventuelle de la décision étrangère doit être établie par le tribunal qui l'a rendue et que le requérant ne saurait s'affranchir de l'obligation de produire une expédition originale du jugement - ce qui est par ailleurs douteux au regard de la lettre et de la systématique du traité - que si le droit interne de l'Etat d'origine ( i.c. droit français) place une copie authentifiée sur le même pied que l'original, ce qui n'a pas été établi en l'occurrence.
3.1. Comme l'admettent la cour cantonale et la recourante, l'ancienne Convention de Lugano (CL-1988) est applicable en l'espèce (ATF 138 III 82 consid. 2.1); il s'ensuit que l'art. 327a CL-2007 n'entre pas en ligne de compte ici (ATF 138 III 82 consid. 2.2; arrêt 5A_834/2011 du 21 janvier 2013 consid. 3.2.1, résumé 
3.2. Aux termes de l'art. 46 ch. 1 CL-1988, la partie qui invoque la reconnaissance ou demande l'exécution d'une décision doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité. Cette disposition correspond à l'art. 53 § 1 CL-2007, à teneur duquel la partie qui invoque la reconnaissance ou sollicite la délivrance d'une déclaration constatant sa force exécutoire doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité. La convention révisée introduit un 
3.3. Le Message concernant la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 expose que l'expédition doit remplir " 
3.4. En vertu de l'art. 48 ch. 1 CL-1988, à défaut de production des documents mentionnés aux art. 46 ch. 2 et 47 ch. 2, l'autorité judiciaire (de l'Etat requis) peut impartir un délai pour les produire ou accepter des documents équivalents ou, si elle s'estime suffisamment éclairée, en dispenser. Cette disposition, dont la recourante ne dénonce pas la violation (art. 42 al. 2 LTF; 
4. Au terme d'une motivation absconse, l'autorité précédente a considéré qu'il n'y avait pas lieu de fixer à la recourante un " délai de grâce " pour produire une expédition régulière du jugement français. La recourante soutient, au contraire, que les tribunaux neuchâtelois "  auraient dû [lui]  impartirconformément à l'art. 56 CPC, un délai pour produire l'original du document [...]".
4.1. Il est acquis que la décision de première instance ne pouvait faire l'objet que d'un recours selon les art. 319 ss CPC ( 
4.2. L'art. 48 ch. 1 CL-1988 n'entrant pas en considération ( 
 
Erwägung 5
5.1. Dans un dernier grief, la recourante se plaint d'un " 
5.2. Outre sa motivation indigente (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2), ce moyen est dénué de pertinence. Le fait d'avoir " 
6. En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre et n'a pas déposé d'observations sur la requête d'effet suspensif.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des poursuites et faillites du Littoral et du Val-de-Travers, à l'Office des poursuites du canton de Neuchâtel et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (Autorité de recours en matière civile de la Cour civile).
Lausanne, le 29 juillet 2015
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
Le Greffier : Braconi