BGer 4A_292/2015
 
BGer 4A_292/2015 vom 17.07.2015
{T 0/2}
4A_292/2015
 
Arrêt du 17 juillet 2015
 
Présidente de la Ire Cour de droit civil
Composition
Mme la Juge Kiss, présidente.
Greffier: M. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________ L imited, représentée par Me Ramon Rodriguez,
recourante,
contre
B.________ SA, représentée par Me Guillaume Fatio,
intimée.
Objet
procédure civile; administration des preuves,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 24 avril 2015 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Considérant en fait et en droit :
1. 
1.1. Le 24 mai 2013, B.________ SA, demanderesse, a assigné la société A.________ Limited, défenderesse, devant les tribunaux genevois en vue d'obtenir le paiement de 20'496'300 fr., intérêts en sus, à titre de remboursement d'un prêt qu'elle lui avait consenti.
Dans le cadre de la procédure d'instruction relative à cette cause, le Tribunal de première instance du canton de Genève, par ordonnance du 22 décembre 2014, se fondant sur l'art. 229 CPC, a déclaré recevables les pièces complémentaires déposées par la demanderesse à l'audience de débats d'instruction du 2 octobre 2014 et fixé à cette partie un délai pour produire d'autres pièces.
1.2. Saisie d'un recours de la défenderesse contre cette ordonnance, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève l'a déclaré irrecevable par arrêt du 24 avril 2015.
1.3. Le 29 mai 2015, la défenderesse (ci-après: la recourante) a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que son recours cantonal est déclaré recevable et la décision de première instance modifiée de manière à ce que les preuves complémentaires produites par la demanderesse soient écartées du dossier et que cette partie soit invitée à en déposer d'autres selon les précisions fournies par la recourante dans les conclusions de son mémoire. A titre subsidiaire, la recourante sollicite le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvel arrêt.
La demanderesse, intimée au recours, et la cour cantonale, qui a produit son dossier, n'ont pas été invitées à déposer une réponse.
2. Ainsi que la recourante le précise elle-même, l'arrêt attaqué n'est pas une décision finale, au sens de l'art. 90 LTF, car il ne met pas fin à la procédure. Il s'agit d'une décision relative à l'administration des preuves, c'est-à-dire d'une décision incidente de procédure ne concernant ni la compétence ni une demande de récusation (cf. art. 92 LTF) et qui tombe, dès lors, sous le coup de l'art. 93 LTF.
3.  
3.1. L'hypothèse visée par l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant pas en ligne de compte, le recours n'est recevable que si la décision entreprise peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Cela suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale qui lui serait favorable; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue. Cette condition s'apprécie par rapport à la décision de première instance, et non par rapport à la décision d'irrecevabilité du recours rendue par le tribunal supérieur. En particulier, si la question qui a fait l'objet de la décision incidente de première instance peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale (art. 93 al. 3 LTF), il n'y a pas de préjudice irréparable. Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois, lorsqu'il est certain que la partie recourante subit effectivement un dommage définitif. Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel préjudice lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les arrêts cités).
La décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir que la preuve refusée à tort soit administrée ou que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier. Dans des cas exceptionnels, il peut y avoir préjudice irréparable, par exemple lorsque le moyen de preuve refusé risque de disparaître ou qu'une partie est astreinte, sous la menace de l'amende au sens de l'art. 292 CP, à produire des pièces susceptibles de porter atteinte à ses secrets d'affaires ou à ceux de tiers, sans que le tribunal n'ait pris des mesures aptes à les protéger (arrêt 4A_425/2014 du 11 septembre 2014 consid. 1.3.2 et les arrêts cités).
3.2. Considéré à la lumière de cette jurisprudence, le présent recours apparaît manifestement irrecevable.
La recourante concède expressément que le préjudice qu'elle subit pourrait être réparé ultérieurement par une décision qui lui serait favorable. Elle soutient, toutefois, que, eu égard à l'importance de la valeur litigieuse de la cause pécuniaire pendante sur le fond - plus de 20 millions de francs -, elle serait dans l'impossibilité matérielle de verser l'avance de frais correspondante, qu'elle estime entre 100'000 fr. et 200'000 fr. selon les règles pertinentes du droit genevois, car le seul bien dont elle dispose est un immeuble sis à Ramatuelle (France) et grevé d'une hypothèque en 1er rang en faveur de la demanderesse. De ce fait, il lui serait impossible de remettre en cause l'ordonnance du 22 décembre 2014 touchant l'administration des preuves au cas où elle viendrait à succomber sur le fond devant le Tribunal de première instance du canton de Genève.
Pareille argumentation, qui repose d'ailleurs sur des faits non constatés dans l'arrêt attaqué et relève de la conjecture sur l'avenir, ne saurait être retenue. A ce défaut, il suffirait à une partie d'alléguer sa mauvaise situation financière pour contourner la jurisprudence relative au préjudice irréparable et forcer le Tribunal fédéral à entrer en matière sur un recours visant une décision préjudicielle au sens de l'art. 93 LTF.
Par conséquent, il n'est pas possible d'entrer en matière, ce qu'il y a lieu de constater selon la procédure simplifiée de l'art. 108 al. 1 let. a LTF.
4. Les frais judiciaires seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse, n'a pas droit à des dépens.
 
Par ces motifs, la Présidente de la Ire Cour de droit civil:
1. N'entre pas en matière sur le recours.
2. Met les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., à la charge de la recourante.
3. Communique le présent arrêt aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 17 juillet 2015
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Kiss
Le Greffier: Carruzzo