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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1C_93/2015
Arrêt du 20 avril 2015
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Eusebio et Chaix.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________ Ltd,
B.________ Ltd,
représentées par Me Alexander Biderbost, avocat,
recourantes,
contre
Ministère public de la Confédération, route de Chavannes 31, case postale, 1001 Lausanne.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la République de Chine,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 13 janvier 2015.
Faits :
A.
Par décision de clôture partielle du 1er avril 2014, le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC) a ordonné la remise aux autorités de Taïwan d'un montant total de 6'746'840 USD (correspondant à 200 millions de dollars taïwannais - NT$), soit l'intégralité du compte détenu par A.________ Ltd et une partie des avoirs détenus par B.________ Ltd auprès de la banque C.________. Cette remise fait suite à une transmission de renseignements sur ces deux comptes intervenue le 27 octobre 2009 en vertu d'une demande d'entraide judiciaire formée dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre l'ex-président de Taïwan et ses proches, pour corruption et détournements de fonds publics. Une demande de remise simplifiée des avoirs avait ensuite été formée en novembre 2009, mais n'avait pas été exécutée faute de consentement des intéressés. Une demande complémentaire avait été présentée le 5 septembre 2013, sur la base d'un jugement de la Cour suprême de Taïwan confirmant la condamnation du couple présidentiel à des amendes de 180 millions de NT$ et à la restitution des montants détournés, soit 200 millions de NT$. L'autorité requérante réclamait ainsi la remise de 380 millions de NT$ et le blocage du solde des avoirs. Dans sa décision de clôture, le MPC a considéré que la confiscation était définitive et exécutoire. Les deux comptes bancaires avaient été alimentés par le produit des infractions et il n'y avait pas de raison de penser que la procédure à l'étranger ne soit pas conforme aux exigences de la CEDH.
B.
Par arrêt du 13 janvier 2015, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par les deux sociétés. La décision du MPC était suffisamment motivée. La séance du 2 octobre 2013 entre les autorités requérante et requise était destinée à certaines clarifications; elle n'était pas illégale. Le jugement rendu à l'étranger décrivait de manière suffisante les infractions ainsi que le cheminement des fonds. Il n'y avait pas lieu de douter de l'entrée en force du jugement de condamnation, l'attestation produite sur ce point n'étant par ailleurs pas soumise à une forme particulière.
C.
Par acte du 5 février 2015, A.________ Ltd et B.________ Ltd forment un recours en matière de droit public par lequel elles concluent à l'annulation de l'arrêt du TPF et de la décision du MPC ainsi qu'au rejet de la demande d'entraide. Subsidiairement, elles demandent le renvoi de la cause au TPF ou au MPC pour complément de l'état de fait. Les recourantes demandent l'octroi d'un délai supplémentaire pour compléter leur recours.
La Cour des plaintes a produit le dossier de la cause et persiste dans les termes de son arrêt, sans observations. Le MPC conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. L'Office fédéral de la justice conclut à l'irrecevabilité du recours. Les recourantes ont présenté de nouvelles observations le 10 avril 2015, persistant dans leurs motifs et leurs conclusions.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu en français, il en ira de même du présent arrêt, quand bien même le recours est rédigé en allemand (art. 54 al. 1 LTF).
1.1. Les recourantes ont obtenu le droit de se déterminer sur les observations du TPF et du MPC; il s'agit d'un droit de réplique ordinaire, et non d'un droit de compléter le recours, tel que prévu à l'art. 43 LTF. Les conditions posées par cette disposition ne sont en effet pas satisfaites, dès lors que le recours apparaît irrecevable (ATF 133 IV 125 consid. 2 p. 129).
1.2. Selon les art. 107 al. 3 et 109 al. 1 LTF, la cour statue dans une composition à trois juges, et dans les quinze jours qui suivent la fin d'un éventuel échange d'écritures, lorsqu'elle refuse d'entrer en matière sur un recours soumis à l'exigence de l'art. 84 LTF.
2.
A teneur de cette disposition, le recours en matière de droit public peut être formé contre un arrêt rendu par le TPF en matière d'entraide pénale internationale, s'il a notamment pour objet le transfert d'objets ou de valeurs et s'il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1 LTF). La première de ces conditions est réalisée dès lors que l'arrêt attaqué vient confirmer un transfert de fonds en faveur de l'Etat requérant.
2.1. Selon l'art. 84 al. 2 LTF, un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de penser que la procédure à l'étranger viole les principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. En dehors de ces cas, le Tribunal fédéral peut aussi être amené à entrer en matière lorsqu'il s'agit d'une affaire de principe, soit quand il s'agit d'examiner une question qui ne s'était jamais posée précédemment, ou quand le TPF s'est écarté de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe au recourant de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3 p. 132).
2.2. Les recourantes estiment que le présent cas serait particulièrement important. Présentant leur propre état de fait, elles relèvent que leurs ayants droit (soit le fils et la belle-fille de l'ex-président) ne sont concernés que pour le volet "D.________" de la procédure pénale, volet pour lequel la Cour suprême a annulé la condamnation et renvoyé la cause pour nouveau jugement. Le jugement ne serait définitif qu'en ce qui concerne le volet "E.________", pour lequel les ayants droit des recourantes ne sont pas concernés. Il n'existerait dès lors par de jugement de confiscation exécutoire en ce qui concerne leurs comptes, ni de lien entre ceux-ci et les infractions. Le principe de proportionnalité serait également violé; faute de précisions suffisantes dans les jugements produits et dans la demande de l'autorité requérante, une remise anticipée ne serait pas possible; les recourantes contestent aussi la validité de l'attestation d'entrée en force du jugement étranger. Elles reprochent au MPC et au TPF de n'avoir pas pris en compte leurs arguments, violant ainsi leur droit d'être entendues. Elles soutiennent encore que la procédure dirigée contre l'ex-président et ses proches serait de nature politique, dirigée à charge et avec l'influence de la Chine. Les autorités précédentes ne pouvaient par conséquent se fonder sur les seules affirmations de l'autorité requérante. Les recourantes estiment enfin que l'importance des montants en jeu justifierait une entrée en matière, de même que des défauts graves entachant la procédure étrangère: l'ex-président avait été condamné et incarcéré sans qu'il soit tenu compte de son état de santé, et la procédure se poursuivrait à des fins politiques.
2.3. Ces objections ne sont pas propres à admettre l'existence d'un cas particulièrement important. Pour l'essentiel, le grief de fond des recourantes consiste à affirmer qu'il n'y aurait pas de lien démontré entre leurs comptes bancaires et les infractions, dans la mesure où leurs ayants droit ne sont pas visés par le volet jugé définitivement. L'arrêt attaqué rappelle les principes applicables à une remise de valeurs au sens de l'art. 74a EIMP. Il relève ensuite que selon le jugement de la Haute Cour de Taïwan, l'affaire "E.________" serait définitivement jugée; celle-ci porte sur des pots-de-vin reçus par l'ex-président, à hauteur de 200 millions de NT$, blanchis par des transferts à l'étranger et ayant abouti sur les comptes de la première, puis de la seconde recourante. Le jugement de la Cour suprême, traduit en anglais et en français pour les extraits pertinents, est sans ambiguïté sur ces points. La production d'un jugement dont l'authenticité ne saurait être remise en doute est suffisante au regard des exigences de l'art. 74a al. 3 EIMP. Les arguments relatifs à l'attestation d'entrée en force sont donc dénués de pertinence. La Cour des plaintes retient aussi que le cheminement des fonds est suffisamment établi; il ressort en effet tant du jugement de la Haute cour, confirmé sur ce point par la Cour suprême, que de l'exposé des faits figurant dans la demande d'entraide du 5 septembre 2013. Lorsque la question de l'origine criminelle des avoirs est ainsi résolue par un jugement étranger, celle-ci n'a plus à être revue dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire (ATF 131 II 169 consid. 6 p. 175 et les références citées). Cela répond à l'objection des recourantes selon lesquelles leurs ayants droit ne seraient pas directement les personnes condamnées sur ce point. Les recourantes, dont les ayants droit sont mis en cause dans la procédure étrangère, n'ont d'ailleurs pas invoqué la protection des tiers de bonne foi garantie à l'art. 74a al. 4 let. b EIMP. La Cour des plaintes s'en est tenue à la pratique constante relative à cette disposition et la présente cause ne soulève dès lors aucune question de principe.
Les objections relatives au caractère politique et aux défauts graves de la procédure étrangère reposent quant à elles sur des généralités et de simples conjectures; les condamnations prononcées concernent des infractions de droit commun et elles visent un ancien président et ses proches. Outre que les recourantes, en tant que personnes morales dont le siège ne se trouve pas dans l'Etat requérant, n'ont en principe pas qualité pour s'en prévaloir (cf. ATF 133 IV 40 consid. 7.2 p. 47), le grief n'a pas été soulevé devant l'instance précédente alors qu'il s'agirait selon les recourantes d'un motif d'entrée en matière. Quant aux montants en jeu (6'746'840 USD), ils apparaissent nettement inférieurs au total des montants détournés (environ 100 millions d'USD) et ne sont pas non plus suffisants pour justifier une entrée en matière (cf. arrêt 1C_239/2014 du 18 août 2014). La cause ne présente pas non plus de complexité particulière.
3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est irrecevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourantes qui succombent.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourantes.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 20 avril 2015
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
Le Greffier : Kurz