BGer 1C_534/2014
 
BGer 1C_534/2014 vom 29.01.2015
{T 0/2}
1C_534/2014
 
Arrêt du 29 janvier 2015
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
Eusebio et Chaix.
Greffier : M. Alvarez.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Swiss-Exile, 2501 Bienne,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (Secrétariat d'Etat aux migrations depuis le 1er janvier 2015), Quellenweg 6, 3003 Berne.
Objet
Annulation de la naturalisation facilitée,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 2 octobre 2014.
 
Faits :
A. A.________, ressortissant de la République démocratique du Congo (ci-après: RDC) né le 6 août 1968, est entré en Suisse le 3 novembre 2002 et a déposé une demande d'asile le lendemain. Celle-ci a été rejetée définitivement le 22 juin 2004 et son renvoi a été prononcé.
B. Par lettre du 6 juin 2011, le SPOP a informé l'ODM que les époux vivaient séparés depuis le 1 er mai 2011. Cette séparation fait suite à la convention de mesures protectrices de l'union conjugale du 21 mars 2011, approuvée le 20 avril 2011 par le Tribunal régional Jura bernois-Seeland. Aux termes de cet accord, les époux ont déclaré vouloir cesser la vie commune aussitôt que l'épouse aurait trouvé un logement.
C. Par décision du 6 décembre 2012, l'ODM a prononcé, après avoir recueilli l'assentiment du Service de l'état civil et des naturalisations du canton de Berne, l'annulation de la naturalisation facilitée. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision dans un arrêt rendu le 2 octobre 2014. Celui-ci a considéré, en particulier, que l'enchaînement rapide des événements, après l'octroi de la naturalisation, fondait la présomption que la communauté conjugale n'était pas effective et stable au moment de la déclaration commune et que les éléments avancés par A.________, en particulier l'arrivée de son fils C.________, n'étaient pas susceptibles de la renverser. Les premiers juges ont par ailleurs estimé que l'importante différence d'âge entre les époux de même que l'existence d'un enfant adultérin étaient de nature à renforcer cette présomption.
D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral. Il requiert en outre l'assistance judiciaire.
 
Considérant en droit :
1. Dirigé contre la décision du Tribunal administratif fédéral qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 al. 1 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire. Pour le surplus, le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2. Le recourant conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères, respectivement par la dissimulation de faits essentiels et expose sa propre version et appréciation des événements. De manière confuse et implicitement, il reproche à l'instance précédente d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacte et "d'avoir fait usage de son pouvoir d'appréciation de façon excessive"; sa décision serait ainsi contraire à la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN; RS 141.0).
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant qui entend invoquer que les faits importants pour le jugement de la cause ont été établis de manière manifestement inexacte ou constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF) doit le démontrer par une argumentation précise répondant aux exigences de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF ou de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
2.2. Conformément à l'art. 41 al. 1 LN, l'ODM peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler la naturalisation ou la réintégration obtenue par des déclarations mensongères ou la dissimulation de faits essentiels.
2.2.1. Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est point besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 132 II 113 consid. 3.1 p. 115 et les arrêts cités). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 1C_256/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.2.1; 1C_406/2009 du 28 octobre 2009 consid. 3.1.1 et l'arrêt cité).
2.2.2. La notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 130 II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 3a p. 98).
2.3. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a constaté que le mariage a été célébré le 5 juillet 2005, qu'une demande de naturalisation facilitée a été déposée le 10 octobre 2008 et que, le 4 mai 2010, les époux ont signé une déclaration de vie commune. La naturalisation facilitée a été accordée par décision du 26 mai 2010, entrée en force le 27 juin 2010. Le 21 mars 2011, les intéressés ont conjointement manifesté leur volonté de cesser la vie commune aussitôt que possible, par la signature d'une convention de mesures protectrices de l'union conjugale. Les époux vivent séparés depuis le 1
2.4. Le recourant soutient principalement que son épouse souffre de toxicomanie et qu'avant la séparation elle consommait des stupéfiants au domicile conjugal en compagnie de ses fils majeurs. Le recourant affirme que cette toxicomanie constituerait la principale cause de difficultés au sein du couple, mais que les époux seraient parvenus à la surmonter jusqu'à l'arrivée inattendue du fils du recourant.
2.4.1. A teneur du dossier, il ne peut être déterminé avec exactitude quand le fils du recourant est arrivé sur sol suisse ni si son père était préalablement informé de sa venue. Cela étant et même en retenant, à l'instar de l'autorité précédente, la version la plus favorable au recourant, à savoir une arrivée inattendue en décembre 2010, ce dernier événement ne saurait à lui seul expliquer la rupture précipitée du lien conjugal.
2.4.2. D'autres éléments confirmant la présomption fondée sur l'enchaînement des événements ont par ailleurs été retenus par l'instance précédente. Elle a ainsi jugé que la relation adultère entretenue par le recourant était de nature à confirmer la fragilité du lien conjugal. Elle a en outre estimé qu'il incombait au recourant de faire état de l'existence de son enfant adultérin dans le cadre de la procédure de naturalisation, cet événement étant susceptible d'avoir une incidence sur la décision d'octroi. A cet égard, le recourant se borne à répéter que son comportement lui aurait été pardonné lors de la déclaration de vie commune. Il ne discute toutefois pas les motifs de la décision entreprise ni n'indique en quoi l'autorité précédente aurait violé le droit. Il affirme par ailleurs qu'il ne cherchait aucunement à dissimuler un fait essentiel en taisant l'existence de sa fille, laquelle ne pouvait, selon lui, "plus figurer parmi les enfants à inclure dans la procédure de naturalisation". Faute de motivation sur ce point, on ne discerne pas ce qui aurait empêché le recourant d'informer l'ODM de ces éléments, durant la procédure de naturalisation.
2.4.3. En définitive, les griefs du recourant, à la limite de la recevabilité (art. 42 al. 2 LTF; cf. ATF 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120 s., 286 consid. 1.4 p. 287), ne permettent pas de renverser la présomption de fait déduite de l'enchaînement chronologique des événements. Dans ces circonstances, le Tribunal administratif fédéral n'a pas apprécié les faits, ressortant du dossier, de façon arbitraire en admettant que l'union formée par les époux ne présentait plus l'intensité et la stabilité requise lors de la signature de la déclaration de vie commune, respectivement au moment de la décision de naturalisation facilitée.
3. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recours au Tribunal fédéral était d'emblée voué à l'échec, de sorte que l'assistance judiciaire requise en relation avec la présente procédure doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour III.
Lausanne, le 29 janvier 2015
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Merkli
Le Greffier : Alvarez