BGer 1B_384/2014
 
BGer 1B_384/2014 vom 17.12.2014
{T 0/2}
1B_384/2014
 
Arrêt du 17 décembre 2014
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Philippe Currat, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Détention pour des motifs de sûreté,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 novembre 2014.
 
Faits :
 
A.
A.a. Le 16 janvier 2013, A.________ a été arrêté à Genève et mis notamment en prévention de tentative d'assassinat et de tentative de meurtre pour des faits survenus le 7 août et le 16 septembre 2011.
Par décision du 18 janvier 2013 du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc), le prévenu a été placé en détention provisoire au vu des risques de fuite et de collusion existants et de l'absence de mesures de substitution propres à les pallier. La détention a ensuite été régulièrement prolongée.
A la suite de la demande du 25 juillet 2014 de A.________, le Tmc a constaté, par ordonnance du 6 octobre 2014, que les conditions dans lesquelles s'était déroulée la détention provisoire et pour des motifs de sûreté sur les périodes consécutives de 105 jours, puis de 329 jours ne respectaient pas les exigences légales s'agissant de la surface individuelle, de la durée et du confinement. L'autorité a aussi relevé que le détenu avait eu le droit de se promener une heure par jour, de pratiquer des activités sportives, de travailler depuis le 7 juillet 2014 et de recevoir régulièrement des visites de sa famille. Elle a encore retenu que le prévenu n'avait produit aucun certificat médical concernant les automutilations qu'il se serait infligées à la suite de fouilles alléguées illicites.
A.b. Par jugement du 15 octobre 2014, le Tribunal correctionnel a reconnu A.________ coupable de tentative d'assassinat (art. 22, 111 et 112 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers, mais l'a acquitté du chef de prévention de tentative de meurtre. Le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté de six ans, sous déduction des 638 jours de détention avant jugement. A.________ a annoncé faire appel contre ce jugement.
Le Tribunal correctionnel a également ordonné le maintien en détention pour motifs de sûreté de A.________, retenant les risques de fuite - celui-ci étant rendu encore plus élevé en raison du verdict condamnatoire - et de collusion, ainsi que l'absence de mesures propres à les pallier.
Lors de l'audience de jugement, A.________ a déposé une requête de mise en liberté en raison des conditions illicites de détention. Cette demande a été rejetée le 20 octobre 2014 par le Tmc. Cette autorité s'est considérée comme incompétente pour statuer sur la nullité alléguée de la procédure de première instance. Elle a ensuite estimé qu'au vu de la condamnation, la condition des charges suffisantes était toujours remplie, que les risques de fuite et de collusion s'étaient renforcés et qu'il convenait d'assurer la présence du prévenu lors de la procédure d'appel, ainsi que pour l'éventuelle exécution de la peine. Le Tmc a encore rappelé que l'illicéité des conditions de détention durant certaines périodes n'était pas de nature à influencer celles relatives au maintien en détention. Selon l'autorité, la durée de la mesure subie était proportionnée au regard de la peine encourue et il n'existait dans le cas d'espèce aucune mesure de substitution susceptible d'atteindre le même but que la détention.
B. Par arrêt du 4 novembre 2014, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette ordonnance. A l'appui de sa décision, elle a retenu que les conditions du maintien en détention pour des motifs de sûreté étaient remplies (charges suffisantes, risque de fuite, absence de mesure de substitution et proportionnalité de la durée de la détention subie). Elle a également considéré que l'illicéité des conditions de détention - telle que constatée par le Tmc le 6 octobre 2014 - ne permettait pas d'envisager une mise en liberté immédiate.
C. Par acte du 24 novembre 2014, A.________ forme un recours en matière pénale contre ce jugement, concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate. Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire.
Invitée à se déterminer, la juridiction précédente s'est référée à ses considérants. Quant au Ministère public, il a conclu au rejet du recours. Le recourant n'a pas déposé d'autres observations.
 
Considérant en droit :
1. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu - actuellement détenu - a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
2. Le recourant ne conteste pas en l'espèce - à juste titre - la réalisation des conditions permettant son maintien en détention (art. 221 CPP).
En revanche, se référant notamment aux art. 3, 5 § 4, 6 et 13 CEDH, 9, 10 al. 3, 29, 29a, 30 et 32 Cst., le recourant soutient que les violations des conditions de sa détention ne pourraient plus être réparées par un jugement en constatation, accompagné, cas échéant, d'une réparation pour tort moral, voire d'une réduction de peine; cela justifierait donc sa libération immédiate.
2.1. Lorsqu'une irrégularité constitutive d'une violation d'une garantie conventionnelle ou constitutionnelle a entaché la procédure relative à la détention provisoire, celle-ci peut être réparée par une décision de constatation (ATF 140 I 246 consid. 2.5.1 p. 250; 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85). Une telle décision vaut notamment lorsque les conditions de détention provisoire illicites sont invoquées devant le juge de la détention. A un tel stade de la procédure, seul un constat peut donc en principe intervenir et celui-ci n'a pas pour conséquence la remise en liberté du prévenu (ATF 139 IV 41 consid. 3.4 p. 45). Il appartient ensuite à l'autorité de jugement d'examiner les possibles conséquences des violations constatées, par exemple par le biais d'une indemnisation ou, cas échéant, par une réduction de la peine (ATF 140 I 246 consid. 2.5.1 p. 250; 140 I 125 consid. 2.1 p. 128; 139 IV 41 consid. 3.4 p. 45).
2.2. En l'occurrence, le recourant se limite, d'une manière par ailleurs contraire à son obligation de motivation (cf. art. 42 al. 2 LTF), à reproduire la quasi totalité de son mémoire de recours cantonal devant le Tribunal de céans, sans démontrer en quoi l'arrêt attaqué violerait le droit.
Ainsi, le recourant ne remet pas en cause les motifs retenus par la cour cantonale pour rejeter ses griefs. Or celle-ci, après avoir examiné les principes en cas de détention dans des conditions illicites, a considéré qu'elle était incompétente en tant que juge de la détention pour statuer sur les conséquences résultant d'une telle constatation. Selon l'autorité précédente, cela valait d'ailleurs d'autant plus au regard de la typologie de l'acte reproché (tentative d'assassinat) et de l'absence d'atteinte à la santé du recourant, voire si tel était le cas, le défaut de refus de lui procurer les soins nécessaires. Devant le Tribunal de céans, le recourant ne développe toujours aucune argumentation tendant à démontrer quelles circonstances particulières justifieraient en l'espèce de se distancer de la jurisprudence rappelée ci-dessus. De plus, il omet de rappeler que, dans son ordonnance d'octobre 2014, le Tmc a aussi fait état du respect d'autres exigences en matière de détention, soit les promenades, les activités sportives, le travail et les visites dont bénéficie le recourant.
Au vu des éléments retenus par la cour cantonale, celle-ci était en droit de ne pas entrer en matière sur une mise en liberté fondée uniquement sur les conditions illicites de détention. La requête de mise en liberté - dans la mesure de sa recevabilité - doit donc être rejetée.
3. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Philippe Currat en qualité d'avocat d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2. La requête d'assistance judiciaire est admise; Me Philippe Currat est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 17 décembre 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
La Greffière : Kropf