BGer 8C_796/2013
 
BGer 8C_796/2013 vom 30.09.2014
{T 0/2}
8C_796/2013
 
Arrêt du 30 septembre 2014
 
Ire Cour de droit social
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Maillard.
Greffier : M. Beauverd.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Pierre Seidler, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (lien de causalité; mécanisme d'accélération),
recours contre le jugement de la Cour des assurances
du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 3 octobre 2013.
 
Faits :
A. A.________, né en 1964, a travaillé en qualité d'opérateur au service de la société B.________ SA. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Il a été victime d'un accident de la circulation le 6 mars 2010: alors qu'il était au volant de sa voiture, celle-ci a été percutée sur le flanc avant gauche par un autre véhicule glissant sur la route enneigée. Il a été transporté à l'Hôpital C.________, où les médecins ont diagnostiqué une contusion cervico-dorsale sans fracture visible et ont indiqué une mobilité normale de la colonne cervicale et dorsale. Le docteur D.________, spécialiste en médecine générale et médecin traitant, a fait état d'une incapacité de travail de 100 % du 6 mars au 18 avril 2010 et de 50 % dès cette dernière date (certificat du 19 avril 2010). La CNA a pris en charge le cas.
L'assuré a repris le travail à 100 % à compter du 26 juillet 2010. Dans un rapport du 16 août 2010, le docteur D.________ a posé le diagnostic de contusion cervico-dorsale pour laquelle un traitement par ostéopathie et acupuncture était en cours. L'intéressé s'étant plaint de maux de tête et de migraines, ainsi que d'acouphènes permanents, alors que ceux-ci étaient intermittents avant l'accident du 6 mars 2010, la CNA a mis en oeuvre une mesure d'évaluation interdisciplinaire à la Clinique E.________, où l'assuré a séjourné du 20 au 22 septembre 2010. Les médecins de cet établissement ont indiqué que les nombreux documents d'imagerie versés au dossier ne montraient aucune anomalie traumatique susceptible d'expliquer les symptômes. En outre, il n'existait pas de limitation fonctionnelle de l'appareil locomoteur, l'examen neurologique spécialisé ne révélant aucune anomalie hormis un syndrome du tunnel carpien, ni de signe d'hypertension intracrânienne, de lésion encéphalique focale ni d'indice de dysfonction vestibulo-cérébelleuse (rapport du 27 septembre 2010).
Le 21 avril 2011, l'assuré a consulté le docteur F.________, médecin à la Clinique G.________, à H.________, lequel a fait état d'une dysfonction atlanto-axiale consécutive à un accident (" unfallbedingt ") et à l'origine de céphalées, de troubles visuels, d'un tinnitus, de nucalgies, de troubles de la concentration et de la mémoire (rapport du 21 avril 2011).
Le docteur D.________ a attesté une incapacité de travail de 100 % à partir du 25 décembre 2011 (certificats des 23 février et 23 avril 2012). Une reprise du travail a échoué à deux reprises. Le 27 février 2012, l'employeur a annoncé une rechute survenue le 25 décembre 2011.
Dans un rapport du 25 juin 2012, le docteur I.________, spécialiste en chirurgie et médecin d'arrondissement de la CNA, a indiqué l'existence d'un discret syndrome cervico-vertébral sans limitation fonctionnelle significative et sans déficit périphérique à l'examen neurologique succinct. Selon ce médecin, les investigations RX effectuées à la suite de l'événement du 6 mars 2010 n'avaient pas révélé de lésion traumatique objectivable et à caractère durable. Sur le plan ophtalmologique, la mise en oeuvre d'un examen complémentaire était néanmoins souhaitable. Cet examen a été effectué par la doctoresse J.________, spécialiste en ophtalmologie, laquelle a indiqué un status ophtalmologique et orthoptique objectif dans la norme (rapport du 11 septembre 2012). Consulté le 24 septembre 2012, le docteur K.________, spécialiste en neurologie, a attesté un status neurologique normal, sans syndrome cervical ou radiculaire, ni signes médullaires ou trouble vestibulaire (rapport du 24 septembre 2012).
Par décision du 5 octobre 2012, confirmée sur opposition le 9 janvier 2013, la CNA a refusé d'allouer ses prestations pour la rechute survenue le 25 décembre 2011. Elle a considéré qu'il n'existait pas de lien de causalité adéquate entre l'accident du 6 mars 2010 et les troubles sans substrat organique objectivable, ressortissant au tableau clinique typique d'une distorsion cervicale de type " coup du lapin ".
B. Par jugement du 3 octobre 2013, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition de la CNA.
C. A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant à l'octroi des prestations prévues par la LAA et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la CNA pour complément d'instruction sous la forme d'une expertise médicale, le tout sous suite de frais et dépens.
L'intimée et la cour cantonale concluent au rejet du recours De son côté, l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
 
Considérant en droit :
1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2. En l'occurrence, il y a lieu d'examiner si l'intimée était fondée, par sa décision sur opposition du 9 janvier 2013, à refuser d'allouer ses prestations d'assurance pour l'atteinte à la santé entraînant une incapacité de travail dès le 25 décembre 2011 et annoncée en tant que rechute le 27 février 2012, singulièrement, s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'accident survenu le 6 mars 2010 et cette atteinte.
Lorsque le jugement entrepris porte sur des prestations en espèces et en nature de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral constate avec un plein pouvoir d'examen les faits communs aux deux objets litigieux et se fonde sur ces constatations pour statuer, en droit, sur ces deux objets. En revanche, les faits qui ne seraient pertinents que pour statuer sur le droit aux prestations en nature ne sont revus que dans les limites définies par les art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (arrêts 8C_316/2013 du 10 février 2014 consid. 2; 8C_878/2012 du 4 septembre 2013 consid. 2).
 
Erwägung 3
3.1. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181; 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 s. et les références). Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 p. 181; 402 consid. 2.2 p. 405; 125 V 456 consid. 5a p. 461 s. et les références).
3.2. La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'événement assuré. Les prestations d'assurance sont donc également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 OLAA). A cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (RAMA 1997 n
 
Erwägung 4
4.1. A l'appui de sa décision de refus de prestations pour la rechute survenue le 25 décembre 2011, l'intimée a considéré qu'il n'existait pas de lien de causalité adéquate entre l'accident du 6 mars 2010 et les troubles sans substrat organique objectivable, ressortissant au tableau clinique typique d'une distorsion cervicale de type " coup du lapin ". Elle a nié l'existence d'une altération structurelle d'origine traumatique en se fondant sur les conclusions du docteur L.________, spécialiste en neurologie et médecin associé à la Clinique E.________, selon lequel il n'existait pas de signe d'hypertension intracrânienne ou de lésion encéphalique focale, ni aucun indice de dysfonction vestibulo-cérébelleuse, de radiculopathie cervicale ou lombo-sacrée irritative ou déficitaire, ni même d'élément révélateur d'une myélopathie (rapport d'examen neurologique du 22 septembre 2010). En ce qui concerne la dysfonction atlanto-axiale diagnostiquée par le docteur F.________, l'intimée a indiqué qu'aucun des autres médecins consultés n'avait fait état d'une telle dysfonction, laquelle, au surplus, ne pouvait être assimilée à une instabilité cervicale. Au demeurant, le fait que cette dysfonction a été qualifiée de consécutive à un accident ne permet pas de conclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, à l'existence d'une lésion traumatique structurelle subie le 6 mars 2010. En particulier, un raisonnement fondé sur l'adage 
4.2. De son côté, la cour cantonale a nié l'existence d'une lésion structurelle cervicale d'origine traumatique en se référant à l'ensemble des données médicales recueillies, en particulier les conclusions établies par le docteur I.________ dans son rapport du 25 juin 2012. En ce qui concerne le diagnostic posé par le docteur F.________, la juridiction précédente a considéré que ce médecin n'indique pas que la dysfonction atlanto-axiale est constitutive d'une instabilité structurelle. En d'autres termes, le diagnostic du docteur F.________ ne diverge pas, sur ce point, des autres avis médicaux sur lesquels s'est fondée l'intimée, de sorte qu'une instruction complémentaire sous la forme d'une expertise médicale n'était pas nécessaire.
4.3. Le recourant invoque une appréciation arbitraire des preuves par la cour cantonale en tant qu'elle s'est fondée de manière prépondérante sur les avis des médecins de l'intimée pour nier l'existence de lésions organiques en relation avec l'accident du 6 mars 2010. Il invoque le traumatisme cervical indirect retenu par les médecins de la Clinique E.________, le discret syndrome cervico-vertébral attesté par le docteur I.________, ainsi que la dysfonction atlanto-axiale diagnostiquée par le docteur F.________. Se référant à la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes de l'Organisation mondiale de la santé (CIM-10, dixième révision), il fait valoir que cette dysfonction constitue une instabilité du rachis cervical mentionnée sous ch. S13.4 et qu'elle est à l'origine des déficits fonctionnels constatés. Or, selon la jurisprudence (arrêt 8C_735/2010 du 10 août 2011), une instabilité cervicale post-traumatique relève d'un déficit fonctionnel organique, ce qui suffit, lorsque la causalité naturelle avec un accident est donnée, pour admettre sans plus d'examen l'existence d'un lien de causalité adéquate.
 
Erwägung 5
5.1. Le ch. S13.4 CIM-10 mentionne les entorses et foulures du rachis cervical au niveau des articulations atlanto-axiale et atlanto-occipitale par mécanisme de " coup du lapin ", ainsi qu'au niveau du ligament longitudinal antérieur cervical. Dans son rapport du 21 avril 2011, le docteur F.________ n'indique pas une entorse ni une foulure au niveau de l'articulation atlanto-axiale mais une " dysfonction " post-traumatique, à l'origine de céphalées, de troubles de la vision, d'un tinnitus, de nucalgies, ainsi que de troubles de la concentration et de la mémoire. Il n'expose pas non plus que ce déficit constitue une instabilité structurelle et, pour l'essentiel, il attribue les troubles à un accident de la circulation survenu en 1994, en indiquant notamment que le deuxième accident a aggravé le tinnitus déjà existant. Or, il a été jugé, en relation avec des rechutes de l'accident survenu en 1994, que l'existence d'une lésion traumatique n'avait pas pu être établie (arrêt du Tribunal fédéral du 2 juin 2008 [8C_576/2007]), cela après un renvoi aux fins d'expertise, ordonné par le Tribunal fédéral des assurances (arrêt du 23 mai 2003 [U 218/02]). Cela étant, l'appréciation du docteur F.________ n'apporte pas vraiment d'éléments nouveaux par rapport aux autres avis médicaux, lesquels reposent sur de nombreuses investigations. En particulier, le docteur K.________ a attesté un status neurologique normal, sans syndrome cervical ou radiculaire, ni signes médullaires ou trouble vestibulaire. S'il a préconisé la mise en oeuvre d'une expertise médicale par la CNA (rapport du 24 septembre 2012), ce n'est pas dans le but de départager des opinions divergentes dont il ne fait aucunement état, mais dans la seule perspective " d'un litige avec l'assurance ". De son côté, appelé à se prononcer une nouvelle fois sur le dossier médical, en particulier sur le rapport du docteur K.________, le docteur I.________ a indiqué que les actes produits après son examen du 25 juin 2012 ne contenaient pas d'éléments nouveaux, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de mettre en oeuvre de nouvelles investigations (note du 2 octobre 2012).
Cela étant, il n'y a pas de motif de s'écarter du point de vue des premiers juges, selon lequel il n'existe pas de substrat organique objectivable sous la forme d'une lésion structurelle cervicale d'origine traumatique.
5.2. La cour cantonale a nié l'existence d'un lien de causalité adéquate entre les plaintes sans substrat organique objectivable et l'accident - qu'elle a qualifié d'accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité -, motif pris que la durée de l'incapacité de travail et les douleurs dont le recourant continue à se plaindre ne revêtent pas une importance suffisante pour admettre l'existence d'un tel lien. En l'occurrence, les critiques succinctes invoquées à ce sujet par le recourant ne sont pas de nature à mettre en cause ce point de vue.
Vu ce qui précède, l'intimée était fondée à refuser d'allouer ses prestations d'assurance pour l'atteinte à la santé entraînant une incapacité de travail dès le 25 décembre 2011 et annoncée en tant que rechute le 27 février 2012. Le jugement attaqué, qui confirme la décision sur opposition du 9 janvier 2013, n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 30 septembre 2014
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Leuzinger
Le Greffier : Beauverd