BGer 1C_125/2014
 
BGer 1C_125/2014 vom 05.08.2014
{T 0/2}
1C_125/2014
 
Arrêt du 5 août 2014
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
Karlen et Chaix.
Greffière : Mme Sidi-Ali.
Participants à la procédure
AA.________ et BA.________,
représentés par Me Stefan Graf, avocat,
recourants,
contre
B.________ Sàrl, représentée par Me Jacques Ballenegger, avocat,
C.________,
D.________,
E.________,
intimés,
Municipalité de Valeyres-sous-Montagny, Administration communale, 1441 Valeyres-sous-Montagny, représentée par Me Jean-Claude Perroud, avocat.
Objet
permis de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 4 février 2014.
 
Faits :
A. E.________ est propriétaire de la parcelle n° 8 du cadastre de la Commune de Valeyres-sous-Montagny, D.________ et F.________ de la parcelle n° 9 (en copropriété) et C.________ des parcelles nos 10 et 11. Le 25 juillet 2012, la société B.________ Sàrl, en qualité de promettant acquéreur de ces parcelles, a déposé une demande de permis de construire quatre immeubles d'habitation (dont trois immeubles accolés) de 22 appartements en PPE, avec deux parkings souterrains de 32 places ainsi qu'un parking extérieur de 17 places, et de transformer le bâtiment ECA n° 37 sis sur la parcelle n° 10. Ce projet prévoit la réunion des quatre parcelles concernées. La transformation du bâtiment ECA n° 37 consiste à aménager l'immeuble existant, actuellement une ancienne ferme servant à l'habitation et une remise, en trois appartements et deux locaux commerciaux. La surface bâtie augmentera de 700 m2 à 1'344 m2et la surface brute de plancher utile (SBP) de 375 m2 à 2'652 m2, dont 2'407 m2 consacrés au logement. Le projet a suscité plusieurs oppositions, dont celles de AA.________ et BA.________, propriétaires des parcelles nos 6 et 533, respectivement à proximité de et directement contiguë à la parcelle n° 8.
Par décision du 28 mars 2013, la municipalité a levé les oppositions et délivré le permis de construire.
B. Saisie d'un recours de plusieurs opposants, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision par arrêt du 4 février 2014. Elle a, entre autres griefs examinés, confirmé l'interprétation que la municipalité avait faite du règlement communal s'agissant de la mesure de la hauteur à la corniche, celle-ci devant être prise au droit d'une façade comprenant une corniche et non au droit d'une façade pignon. Elle a par ailleurs considéré que toutes les surfaces avaient été correctement prises en considération dans le calcul du coefficient d'utilisation du sol (CUS).
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, AA.________ et BA.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que la décision communale est annulée et le permis de construire refusé, subsidiairement d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer le dossier de la cause à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. La cour cantonale ne se détermine pas. La commune conclut au rejet du recours. L'intimée B.________ Sàrl conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Les propriétaires des parcelles litigieuses ne se déterminent pas. Les recourants répliquent personnellement: ils persistent dans leurs conclusions et déposent deux pièces nouvelles.
 
Considérant en droit :
1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours en matière de droit public est en principe recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme l'octroi d'une autorisation de construire sur des parcelles qui se trouvent à proximité immédiate des leurs. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision soit annulée. Ils ont donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
 
Erwägung 2
2.1. Dans leur recours, les recourants présentent leur propre état de fait, sans toutefois exposer en quoi celui de l'arrêt attaqué aurait été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, ni en quoi la correction du vice serait susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral ne prend dès lors pas en considération la version présentée par les recourants et s'en tient à l'état de fait de l'arrêt cantonal.
2.2. Les recourants ont déposé, avec leur seconde écriture, deux pièces nouvelles: un article de presse du 23 juin 2009 et un e-mail du 13 mars 2014. Conformément à l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Ces pièces sont ainsi irrecevables.
3. Le Tribunal fédéral applique le droit fédéral d'office (art. 106 al. 1 LTF). En revanche, il ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal et communal que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.
4. Les recourants critiquent la manière dont la cour cantonale a interprété le règlement communal sur le plan général d'affectation et la police des constructions (RC) s'agissant de la mesure de la hauteur des corniches.
4.1. L'art. 21 RC renvoie, pour la mesure de la hauteur à la corniche, à l'art. 72 RC, qui prescrit que "la hauteur à la sablière ou au faîte est mesurée sur la plus haute façade [et] est calculée sur la façade avale par rapport à l'altitude moyenne du terrain naturel".
4.2. L'arrêt attaqué retient que seul le terrain naturel situé sous une façade comprenant une corniche doit être pris en considération, dès lors qu'il est question de calculer une hauteur maximale à la corniche. Le règlement communal exclurait ainsi de prendre comme référence un point qui est au droit d'une façade pignon. Dans ses déterminations, la commune précise que le constructeur avait à l'origine calculé la hauteur à la corniche par rapport à la moyenne des quatre angles de chaque bâtiment. La commune a alors jugé nécessaire de procéder à une correction en tenant compte de la moyenne du terrain naturel le long de la façade latérale la moins favorable au constructeur (soit la façade à corniche la plus en aval).
4.3. Les recourants considèrent que la seule lecture possible de l'art. 72 RC consiste à mesurer l'altitude moyenne du terrain naturel au droit de la façade la plus en aval de toutes les façades d'un bâtiment. Cela s'imposerait sans ambiguïté compte tenu de la lettre de la loi. Quoi qu'en disent les recourants, le sens de l'art. 72 RC n'est pas clair. Il prescrit de Les recourants qui, en réalité, ne font qu'opposer leur propre interprétation du règlement à celle des autorités communale et cantonale, affirment s'appuyer sur la définition du terme "corniche" dans ce règlement. Or, dite définition ("niveau supérieur du chéneau"), ne donne aucune indication sur la façade déterminante pour la mesure de la corniche et ne permet pas d'affirmer qu'il s'agit plus d'une "référence altimétrique" que d'un "objet physique". Il apparaît au contraire raisonnable, s'agissant de la mesure d'une hauteur de corniche, de la prendre en un endroit où se trouve effectivement une corniche. Les corniches sont certes également visibles sur les façades pignon. Cela ne signifie toutefois pas qu'une interprétation de la règle de mesure des hauteurs de corniches se référant aux seules façades à corniche doive être exclue.
Contrairement à l'opinion des recourants, le fait que la règle soit destinée à limiter la volumétrie du bâtiment ne rend pas arbitraire une interprétation qui n'aboutirait pas au plus petit volume de bâtiment possible: la mesure dans laquelle le législateur communal entendait limiter dit volume n'est en effet pas définie. L'interprétation choisie par la commune va également dans ce sens - bien que dans une mesure moindre - puisqu'elle se réfère à la façade la plus en aval des deux façades à corniche. Cela étant, le but premier d'une règle de hauteur à la corniche est de limiter la hauteur à la corniche, la limitation générale de la volumétrie d'un bâtiment découlant bien plus de la combinaison des différentes règles de police des constructions, comme celles relatives à la hauteur du faîte ou de la sablière (cf. art. 72 RC) ou de celles relatives au nombre d'étages, aux toitures, aux combles, etc. Les intentions que les recourants prêtent au législateur communal, si elles sont plausibles, demeurent en tout état des présomptions qui ne suffisent pas à exclure l'interprétation des autorités intimées.
Enfin, de façon purement appellatoire, les recourants affirment que la hauteur à la corniche du groupe de trois bâtiments accolés aurait dû être déterminée à partir du terrain naturel de la façade la plus basse (une façade pignon en l'occurrence) et par rapport à la corniche de l'élément le plus élevé. Ils n'indiquent toutefois pas pour quels motifs les corniches des trois bâtiments en ordre contigu, aux toitures distinctes les unes des autres et dont les étages ne sont manifestement pas alignés, devraient être évaluées comme s'il ne formaient qu'un bâtiment.
En définitive, les recourants ne démontrent pas que l'application du droit communal relatif à la hauteur à la corniche serait entachée d'arbitraire dans l'arrêt cantonal.
5. Dans une argumentation succincte, les recourants s'en prennent au calcul du coefficient d'utilisation du sol qui, selon eux, omettrait à tort de tenir compte d'une surface de 308,48 m2 située dans les combles du bâtiment ECA n° 37.
5.1. Les art. 12 et 20 RC prévoient notamment que le CUS, fixé à 0,5, s'établit conformément à la norme ORL 514.420 (norme de l'Institut für Orts-, Regional-, und Landesplanung de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich), et peut exceptionnellement, en cas d'affectation mixte habitation/travail, être augmenté de 20 %, pour autant que la surface de plancher supplémentaire soit affectée à une activité lucrative. La norme ORL 514.420, qui définit le CUS comme le rapport entre la surface brute de plancher utile (SBPU) et la surface constructible du terrain, précise notamment ce qui suit:
"La surface brute de plancher utile se compose de la somme de toutes les surfaces d'étages en dessous et en dessus du sol, y compris les surfaces des murs et des parois dans leur section horizontale.
N'entrent toutefois pas en considération: toutes les surfaces non utilisées ou non utilisables pour l'habitation ou le travail, telles que par exemple les caves, les greniers, les séchoirs et les buanderies des logements; les locaux pour le chauffage, les soutes à charbon ou à mazout; les locaux pour la machinerie des ascenseurs, des installations de ventilation et de climatisation; les locaux communs de bricolage dans les immeubles à logements multiples; les garages pour véhicules à moteur, vélos et voitures d'enfants, non utilisés pour le travail; les couloirs, escaliers et ascenseurs desservant exclusivement des surfaces non directement utiles; les portiques d'entrée ouverts; les terrasses d'attique, couvertes et ouvertes; les balcons et les loggias ouverts pour autant qu'ils ne servent pas de coursives."
5.2. La cour cantonale a confirmé que la surface de 308,48 m
5.3. Les recourants se contentent d'alléguer que la surface en question est très importante, qu'elle sera isolée, qu'elle présente une bonne hauteur sous plafond et pourra être desservie par un large escalier ou par un ascenseur. Ils n'exposent pas en quoi le critère retenu par la cour cantonale, soit une condition légale à la possibilité d'utiliser un local pour le travail, serait dénué de pertinence pour déterminer l'affectation possible de la surface litigieuse. Ils se bornent à exposer une description générale du local en question, sans pour autant mettre les normes appliquées (le RC et la norme ORL), pourtant précises, en relation avec les caractéristiques de cette surface. En résumé, les recourants ne dirigent pas leur critique contre le raisonnement tenu dans l'arrêt attaqué. A supposer que leur grief soit suffisamment motivé au sens de l'art. 106 al. 2 LTF, il est ainsi mal fondé, les recourants ne parvenant pas à démontrer en quoi la solution des premiers juges serait arbitraire.
6. Dans leur deuxième écriture, les recourants reviennent sur des griefs qu'ils n'ont pas invoqués dans leur recours (impossibilité pour la cour cantonale de se faire une idée de la volumétrie en l'absence de gabarits; absence de prise en considération d'un photomontage dans l'arrêt attaqué; irrégularités formelles relatives aux plans; défaut d'intégration du projet; mesure inexacte du terrain naturel). De jurisprudence constante, il est exclu que la partie recourante présente après la fin du délai de recours des conclusions et des griefs qu'elle pouvait déjà faire valoir dans son acte de recours (ATF 135 I 19 consid. 2.2; 134 IV 156 consid. 1.7; 132 I 42 consid. 3.3.4). Ces moyens sont donc irrecevables.
7. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, et l'arrêt cantonal confirmé. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF) et verseront des dépens à l'intimée B.________ Sàrl qui obtient gain de cause avec l'aide d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). La commune de Valeyres-sous-Montagny, qui a agi dans l'exercice de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais de justice, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3. Une indemnité de dépens de 2'500 francs est accordée à l'intimée B.________ Sàrl, à la charge des recourants.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Municipalité de Valeyres-sous-Montagny et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public.
Lausanne, le 5 août 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant :  La Greffière :
Merkli  Sidi-Ali