BGer 2C_117/2014
 
BGer 2C_117/2014 vom 27.06.2014
{T 0/2}
2C_117/2014
 
Arrêt du 27 juin 2014
 
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin et Berthoud, Juge suppléant.
Greffier : M. Tissot-Daguette.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Pierre Mauron, avocat,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations.
Objet
Refus d'approbation à la prolongation d'une autorisation de séjour et renvoi de Suisse,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 10 décembre 2013.
 
Faits :
A. 
A.a. A.________, ressortissant serbe né le 6 avril 1982, a contracté mariage, dans son pays d'origine, avec sa compatriote B.________, titulaire d'une autorisation d'établissement en Suisse, en date du 30 juillet 2003. Le 13 septembre 2004, le Service de la population et des migrants du canton de Fribourg (ci-après: le Service de la population) a habilité la Représentation suisse à Belgrade à délivrer à l'intéressé un visa afin de permettre à celui-ci de rejoindre son épouse en Suisse. L'intéressé est entré en Suisse le 22 septembre 2004 et a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.
A.b. Le 2 octobre 2004, l'épouse de A.________ a donné naissance à leur enfant commun, prénommé C.________. Les époux se sont séparés en date du 31 octobre 2006. Par jugement du 28 février 2007, le Président du Tribunal civil de la Veveyse a notamment attribué la garde de l'enfant à sa mère, fixé la contribution du père pour l'entretien de son fils et réglé les modalités du droit de visite du père. Par jugement du 11 janvier 2010, définitif et exécutoire à la date du 22 février 2010, le Président du Tribunal civil de la Veveyse a prononcé le divorce des époux A.________ B.________. Après avoir procédé au réexamen de ses conditions de séjour, le Service de la population a indiqué à A.________, par courrier du 27 juillet 2010, qu'il était favorable au renouvellement de son autorisation de séjour, précédemment prolongée à plusieurs reprises, tout en réservant l'approbation de l'Office fédéral des migrations.
A.c. Au plan professionnel, A.________ a exercé, dès le 1er février 2010, une activité indépendante dans le domaine de la plâtrerie et de la peinture. Son entreprise individuelle a été radiée du registre du commerce le ** ** ** suite à la faillite prononcée le 4 juin 2012. L'intéressé a poursuivi son activité sous une nouvelle raison sociale. Selon un extrait de l'Office des poursuites de la Sarine du 28 octobre 2013, A.________ faisait l'objet à cette date de poursuites pour un montant de 112'179 fr. 30 et des actes de défaut de biens avaient été délivrés à ses créanciers pour un montant de 8'282 fr. 35. L'intéressé n'a jamais émargé à l'aide sociale.
B. Après lui avoir donné l'occasion de s'exprimer, l'Office fédéral des migrations, par décision du 14 février 2011, a refusé son approbation à la prolongation de l'autorisation de séjour de A.________ et a prononcé son renvoi de Suisse. De l'avis de cet office, l'intéressé ne pouvait pas se prévaloir de l'art. 50 al. 1 let. a de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) compte tenu de la durée de son union conjugale avec B.________, il ne pouvait pas invoquer des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEtr et on pouvait attendre de lui qu'il exerce son droit de visite sur son fils C.________ depuis l'étranger.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 10 décembre 2013 et de révoquer la décision de l'Office fédéral des migrations du 14 février 2011. Il requiert également l'effet suspensif au recours. A.________ se plaint de la violation de l'art. 50 al. 1 let. a LEtr en lien avec la durée de l'union conjugale et de la violation des art. 50 al. 1 let. b LEtr et 8 CEDH.
 
Considérant en droit :
1. 
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (art. 29 al. 1 LTF; ATF 138 I 475 consid. 1 p. 476 et les arrêts cités).
1.2. Le litige porte sur le refus d'approuver la prolongation de l'autorisation de séjour du recourant.
1.3. D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions relatives à une autorisation de droit des étrangers à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Le recourant, qui est entré en Suisse le 22 septembre 2004 et n'a fait ménage commun avec son épouse étrangère, titulaire d'une autorisation d'établissement, que jusqu'au 31 octobre 2006, n'a a priori pas droit à une autorisation de séjour pour regroupement familial (art. 43 al. 1 LEtr). Toutefois, il s'est vainement prévalu, devant l'autorité précédente, des art. 50 al. 1 let. a et b LEtr et 8 CEDH, pour obtenir la prolongation de son autorisation de séjour. En pareilles circonstances, il convient d'admettre un droit, sous l'angle de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, lui permettant de former un recours en matière de droit public, étant précisé que le point de savoir si le recourant peut effectivement se prévaloir d'un tel droit relève du fond et non de la recevabilité (ATF 139 I 330 consid. 1.1 p. 332; 137 I 284 consid. 1.3 p. 287).
1.4. Au surplus, déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours, dirigé contre une décision du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF), est en principe recevable.
1.5. Compte tenu de l'effet dévolutif du recours formé auprès du Tribunal administratif fédéral, les conclusions relatives à la modification de la décision de l'autorité fédérale de première instance sont irrecevables devant le Tribunal fédéral. Tel est le cas de la conclusion du recourant tendant à la révocation de la décision de l'Office fédéral des migrations du 14 février 2011.
2. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constations de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Sinon, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322 s.; 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288). En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 II 101 consid. 3 p. 104).
3. 
3.1. Selon l'art. 50 al. 1 let. a LEtr, après dissolution de la famille, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEtr subsiste si l'union conjugale a duré au moins trois ans et que l'intégration est réussie. Il s'agit de deux conditions cumulatives (ATF 136 II 113 consid. 3.3.3 p. 119).
3.2. La notion d'union conjugale au sens de l'art. 50 al. 1 let. a LEtr ne se confond pas avec celle du mariage. Alors que le mariage peut être purement formel, l'union conjugale implique une réelle vie commune des époux (ATF 136 II 113 consid. 3.2 p. 115 ss). Selon la jurisprudence, le moment déterminant pour fixer le terme de la durée de trois ans requise par l'art. 50 al. 1 let. a LEtr est celui où les époux ont cessé de vivre ensemble sous le même toit; en outre, la cohabitation doit avoir lieu en Suisse, et non pas à l'étranger (ATF 138 II 229 consid. 2 p. 231; 137 II 345 consid. 3.1.3 p. 347; 136 II 113 consid. 3.2 in fine p. 117).
3.3. Dans le cas particulier, le recourant ne conteste pas que la vie commune avec sa première épouse ait débuté à son arrivée en Suisse, le 22 septembre 2004, pour prendre fin le 31 octobre 2006 et qu'elle ait ainsi duré un peu plus de deux ans. Il soutient toutefois que sa venue en Suisse, plus d'un an après sa demande d'autorisation d'entrée, a été retardée indûment par des lenteurs administratives qui ne lui étaient pas imputables et que celles-ci doivent être assimilées à des raisons majeures justifiant l'existence de domiciles séparés au sens de l'art. 49 LEtr.
3.4. L'art. 49 LEtr est donc inapplicable au cas d'espèce et le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit fédéral en considérant que l'union conjugale avait duré moins de trois ans au sens de l'art. 50 al. 1 let. a LEtr. C'est donc à juste titre qu'il ne s'est pas prononcé sur la réussite de l'intégration du recourant au sens de cette disposition.
4. Le recourant invoque également, sous l'angle des art. 50 al. 1 let. b LEtr et 8 CEDH, son droit à maintenir la relation qu'il entretient avec son fils C.________, titulaire d'une autorisation d'établissement en Suisse.
4.1. Il convient donc d'examiner dans quelle mesure la poursuite du séjour du recourant en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEtr. En effet, de telles raisons peuvent en particulier découler d'une relation digne de protection avec un enfant disposant d'un droit de séjour en Suisse (ATF 139 I 315 consid. 2.1 p. 318 s.; arrêt 2C_318/2013 du 5 septembre 2013 consid. 3.3).
4.1.1. Le parent qui n'a pas l'autorité parentale ni la garde de l'enfant ne peut d'emblée entretenir une relation familiale avec celui-ci que de manière limitée, en exerçant le droit de visite dont il bénéficie. Or, il n'est en principe pas nécessaire que, dans l'optique de pouvoir exercer son droit de visite, le parent étranger soit habilité à résider durablement dans le même pays que son enfant. Sous l'angle du droit à une vie familiale (cf. art. 8 par. 1 CEDH et art. 13 al. 1 Cst.), il suffit en règle générale que le parent vivant à l'étranger exerce son droit de visite dans le cadre de séjours de courte durée, au besoin en aménageant ses modalités quant à la fréquence et à la durée (ATF 139 I 315 consid. 2.2 p. 319). Le droit de visite d'un parent sur son enfant ne doit en effet pas nécessairement s'exercer à un rythme bimensuel et peut également être organisé de manière à être compatible avec des séjours dans des pays différents (cf. arrêt 2C_1031/2011 du 22 mars 2012 consid. 4.2.3). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un droit plus étendu ne peut, le cas échéant, exister qu'en présence de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif et économique, lorsque cette relation ne pourrait pratiquement pas être maintenue en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent, et que l'étranger a fait preuve en Suisse d'un comportement irréprochable (ATF 139 I 315 consid. 2.2 p. 319 et les arrêts cités).
4.1.2. Jusqu'à présent, il était admis qu'un lien affectif particulièrement fort existait lorsque le droit de visite était organisé de manière large et qu'il était exercé de façon régulière, spontanée et sans encombre (cf. arrêts 2C_461/2013 du 29 mai 2013 consid. 6.4; 2C_972/2011 du 8 mai 2012 consid. 3.2.2). Dans ce contexte, force est cependant de relever que l'aménagement du droit de visite du parent qui ne dispose pas de l'autorité parentale ou de la garde de l'enfant a subi une évolution considérable au cours de ces dernières années. Des droits de visite généreux se sont en effet largement imposés dans la pratique, ce tant en Suisse romande (droit de visite d'un week-end toutes les deux semaines et durant la moitié des vacances) qu'en Suisse alémanique (cf., pour une présentation détaillée, ATF 139 I 315 consid. 2.5 p. 321 s.). On ajoutera cependant que le droit de visite n'est déterminant que dans la mesure où il est effectivement exercé, ce que les autorités compétentes doivent dûment vérifier. En outre, les autres conditions d'une prolongation de l'autorisation doivent être remplies également. Le parent étranger doit ainsi en particulier entretenir une relation économique particulièrement forte avec son enfant et avoir fait preuve en Suisse d'un comportement irréprochable (ATF 139 I 315 consid. 2.5 p. 321 s.).
4.1.3. Cette précision de la jurisprudence ne s'applique toutefois qu'à l'hypothèse où l'étranger, en raison d'une communauté conjugale avec un ressortissant suisse ou une personne disposant d'une autorisation d'établissement, détient déjà une autorisation de séjour pour la Suisse. Dans un tel cas, il pourra en effet, lorsque cette communauté prend fin, invoquer non seulement l'art. 8 CEDH mais également la disposition plus favorable prévue à l'art. 50 al. 1 let. b LEtr; en d'autres termes, sa situation particulière lui confère un droit (conditionnel) à la prolongation d'une autorisation de droit des étrangers pour autant que les conditions fixées par l'une de ces dispositions soient réunies. Grâce à son séjour légal en Suisse, le parent étranger qui dispose d'ores et déjà d'une autorisation de séjour en Suisse a en effet eu l'occasion de s'y intégrer et de nouer des relations approfondies avec ce pays. Il se distingue de la sorte des étrangers qui, en raison d'un lien familial avec un enfant disposant du droit de résider en Suisse, sollicitent pour la première fois une autorisation de séjour. En l'absence de liens antérieurs prononcés avec la Suisse, ceux-ci ne peuvent fonder leur requête sur l'art. 50 al. 1 let. b LEtr, mais exclusivement sur l'art. 8 CEDH. En raison de ces différences, il se justifie partant d'être moins exigeant en ce qui concerne le conjoint ou ex-conjoint étranger qui réside déjà en Suisse et qui bénéficie d'un droit de visite sur son enfant (ATF 139 I 315 consid. 2.4 p. 320 s.).
4.2. Il convient d'appliquer ces principes au cas du recourant sous l'angle de l'intensité des liens affectifs et économiques qu'il entretient avec son fils C.________ et sous l'angle de son comportement en Suisse.
4.2.1. Selon le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale du Président du Tribunal civil de la Veveyse du 28 février 2007, le droit de visite du recourant devait s'exercer d'entente entre les parents. A défaut, le père pouvait avoir son fils auprès de lui un week-end sur deux, le samedi et le dimanche, l'enfant passant ses nuits chez sa mère. Le jugement de divorce du 11 janvier 2010 reprend ces modalités, en précisant que les parties feraient tout d'abord un essai concernant la présence de l'enfant auprès de son père pendant des week-ends entiers et que le droit de visite pendant les vacances serait introduit progressivement, selon entente entre les parents. Sous réserve de son extension - dont la concrétisation n'a pas été alléguée par le recourant - un tel droit de visite est plus restrictif que le droit de visite usuel, impliquant que l'enfant passe sans réserve des week-ends entiers et des vacances auprès du parent concerné (cf. arrêt 2C_996/2011 du 28 juin 2012 consid. 2.4). Dans les faits, le recourant a tout d'abord exercé son droit de visite de manière irrégulière; puis, il s'est conformé à la réglementation minimale prévue, sans recevoir son fils la nuit ou pour des vacances. Une telle limitation du droit de visite, si elle est compréhensible pour un très jeune enfant, ne l'est plus guère pour un enfant aujourd'hui âgé de plus de neuf ans.
4.2.2. Selon la jurisprudence, on ne saurait parler de comportement irréprochable lorsqu'il existe, à l'encontre de l'étranger qui se prévaut de l'art. 8 CEDH, des motifs d'éloignement, en particulier si l'on peut lui reprocher un comportement répréhensible sur le plan pénal ou en regard de la législation sur les étrangers (arrêt 2C_762/2013 du 31 janvier 2014 consid. 5.1 in fine).
4.2.3. Par conséquent, outre la qualité des relations affectives et économiques du recourant avec son enfant, il apparaît dans la pesée globale, qui doit être effectuée au titre des art. 8 par. 2 CEDH et 96 al. 1 LEtr, qu'en l'espèce, les atteintes à l'ordre public qui lui sont imputables l'emportent sur son intérêt privé à demeurer en Suisse.
4.3. La décision attaquée étant conforme au droit, le renvoi prononcé à l'encontre du recourant est manifestement justifié. Il permettra d'ailleurs au recourant de rejoindre son épouse en Serbie et de nouer des liens affectifs avec son fils E.________, dont l'intérêt de pouvoir vivre avec son père peut également être pris en considération.
5. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office fédéral des migrations, au Tribunal administratif fédéral, Cour III, ainsi qu'au Service de la population et des migrants du canton de Fribourg.
Lausanne, le 27 juin 2014
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président :  Le Greffier :
Zünd  Tissot-Daguette