BGer 6B_511/2013
 
BGer 6B_511/2013 vom 17.09.2013
{T 0/2}
6B_511/2013
 
Arrêt du 17 septembre 2013
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, Schneider et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Kistler Vianin
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Raphaël Brochellaz, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
intimé.
Objet
Refus du report pour raisons médicales de l'exécution d'une peine privative de liberté (art. 92 CP),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 17 avril 2013.
 
Faits:
A. Par jugement du 14 octobre 2008, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________ pour escroquerie à une peine privative de liberté d'ensemble de quinze mois, dont neuf mois avec sursis pendant trois ans.
L'intéressé a requis et obtenu par décision du 30 décembre 2010 de l'Office d'exécution des peines (ci-après: OEP) le report de l'exécution de la peine en raison de son état de santé.
B. Par lettre du 30 août 2011, la Dresse A.________, du Service de la santé publique, interpellée par l'OEP, a indiqué que l'intéressé était apte à subir sa peine privative de liberté, sous réserve d'une prise en charge par le Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires (ci-après: SMPP) pour le suivi de son traitement médical.
Par décision du 4 janvier 2012, I'OEP a refusé de reporter une nouvelle fois l'exécution de la peine à laquelle X.________ a été condamné.
C. Saisi d'un recours interjeté par X.________ contre cette décision, le Juge d'application des peines a ordonné une expertise psychiatrique de l'intéressé.
L'experte a conclu que X.________ souffrait d'un grave trouble de la personnalité à traits narcissiques et d'une dysthymie qui altérait notablement ses compétences relationnelles et sociales et était source de beaucoup de souffrance. Il s'agissait d'une pathologie chronique et peu susceptible d'évolution favorable. Elle a indiqué en substance que l'expertisé ne présentait pas les critères diagnostiques d'un trouble dépressif sévère comme il le soutenait. Il n'était notamment pas sous traitement antidépresseur, ni en arrêt de travail et avait les possibilités psychiques de partir en vacances. Il n'avait au surplus jamais nécessité une hospitalisation pour un état dépressif et n'avait jamais fait de tentatives de suicide. Il existait ainsi un décalage entre la manière qu'avait l'expertisé de présenter ses souffrances et les éléments objectifs en sa possession. Le trouble de la personnalité de l'expertisé n'était en soi pas une contre-indication à l'exécution d'une peine privative de liberté. L'évaluation de son potentiel suicidaire montrait que le risque de suicide était moyen, l'urgence faible et la dangerosité moyenne. Il n'y avait donc pas d'urgence à une prise en charge d'un risque de passage à l'acte. Le médecin a ajouté qu'il n'était cependant pas exclu que l'intéressé décide de se faire du mal ou de se suicider pour échapper à la sanction pénale. L'experte a encore indiqué que les entretiens thérapeutiques, suivi psychiatrique dont l'expertisé bénéficiait en liberté, pouvaient être poursuivis en prison par le SMPP. Les menaces de suicide de l'intéressé s'il était emprisonné résultaient d'un choix délibéré en réponse à son sentiment d'injustice d'être condamné et pour échapper à la sanction pénale.
Par prononcé du 25 mars 2013, le Juge d'application des peines a rejeté le recours interjeté par X.________ contre la décision du 4 janvier 2012.
D. Par arrêt du 17 avril 2013, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par X.________ contre le prononcé du Juge d'application des peines.
E. X.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt du 17 avril 2013 dont il demande la réforme en ce sens que l'exécution de la peine privative de liberté de six mois prononcée à son encontre le 14 octobre 2008 soit reportée pour une durée indéterminée, à tout le moins, aussi longtemps que l'OEP n'aura pas apporté toutes les garanties qu'en cas d'incarcération, il pourra recevoir les soins appropriés à sa problématique psychiatrique. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour complément d'instruction. Plus subsidiairement, il conclut à être autorisé à exécuter la peine de six mois sous le régime de la semi-détention.
 
Considérant en droit:
1. Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 II 101 consid. 1 p. 103).
1.1. Le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions d'exécution des peines et des mesures (art. 78 al. 2 let. b LTF).
1.2. Autorité de recours, le Tribunal fédéral a pour mission d'examiner si l'autorité précédente a, au regard des faits qu'elle a constatés sans arbitraire (art. 97 et 105 LTF), statué conformément au droit (art. 95 et 96 LTF) sur les conclusions dont elle était saisie. Devant le Tribunal fédéral, toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
L'arrêt attaqué statue exclusivement sur un recours dirigé contre un refus d'ajournement d'exécution de peine (art. 92 CP). En instance cantonale, le recourant n'a pas conclu à l'exécution de sa peine sous la forme de la semi-détention (art. 77b CP). Il s'ensuit que sa conclusion prise à titre plus subsidiaire dans ce sens est irrecevable, ce qui entraîne également l'irrecevabilité du grief de violation de l'art. 77b CP présenté à l'appui. Au demeurant, il incombera à l'OEP de déterminer si le recourant remplit les conditions de la semi-détention.
2. Le recourant invoque une violation de l'art. 92 CP qui prévoit que l'exécution des peines et mesures peut être interrompue pour un motif grave.
2.1. L'art. 92 CP correspond à l'art. 40 al. 1 aCP, de sorte que la jurisprudence relative à cette dernière disposition conserve sa valeur (ATF 136 IV 97 consid. 4 p. 100). L'ajournement de l'exécution d'une peine s'assimile dans ses motifs à l'interruption de son exécution prévue par l'art. 92 CP (arrêt 6B_249/2009 du 26 mai 2009 consid. 2.1; DUPUIS ET AL., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n° 2 ad art. 92 CP, p. 532).
L'exécution de la peine ne peut être différée pour une durée indéterminée que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Le pouvoir d'appréciation de l'autorité d'exécution est limité par l'intérêt de la société à l'exécution des peines et par le principe de l'égalité dans la répression (ATF 108 Ia 69 consid. 2c p. 71). L'exécution de la peine ne peut en principe être interrompue que si le condamné se trouve, pour une période indéterminée, ou à tout le moins pour une certaine durée, incapable de subir l'exécution de sa peine pour des motifs très sérieux de santé (ATF 136 IV 97 consid. 5.1 p. 101 et les références). Le motif médical invoqué est toujours grave si la poursuite de l'exécution met concrètement en danger la vie du condamné. Dans les autres cas, la gravité requise peut être atteinte si la poursuite de l'exécution, sans menacer directement la vie du condamné, fait néanmoins courir un risque sérieux pour sa santé (ATF 136 IV 97 consid. 5.1 p. 102). Le report de l'exécution de la peine pour une durée indéterminée ne doit être admis qu'avec une grande retenue. La simple éventualité d'un danger pour la vie ou la santé ne suffit manifestement pas à le justifier. Il faut qu'il apparaisse hautement probable que l'exécution de la peine mettra en danger la vie ou la santé de l'intéressé (ATF 108 Ia 69 consid. 2c p. 71/72).
Le traitement et la guérison d'un détenu doivent en principe être assurés dans le cadre de l'exécution de la peine, au besoin adaptée dans la mesure nécessaire. Même en cas de maladie grave, il ne se justifie pas d'interrompre, respectivement d'ajourner l'exécution de la peine, lorsqu'un traitement médical approprié reste compatible avec l'incarcération (ATF 136 IV 97 consid. 5.2.1 p. 103, 106 IV 321 consid. 7a p. 324; 103 Ib 184 consid. 3 p. 186). Les tendances suicidaires d'un condamné ne peuvent en principe pas motiver une interruption de l'exécution de la peine, en tout cas aussi longtemps que l'administration parvient à réduire fortement le risque de suicide, immanent à tout régime pénitentiaire, par des mesures appropriées en détention, en limitant efficacement l'accès des détenus aux moyens qui leur permettraient de se donner la mort (ATF 108 Ia 69 consid. 2d p. 72; 136 IV 97 consid. 5.1 p. 101 et les arrêts cités). Vu les difficultés de preuve, il y a lieu, dans ces cas, d'observer une grande retenue. Le risque de suicide ne saurait ainsi devenir un ultime moyen de droit pour faire échec à un jugement exécutoire et être utilisé pour pallier l'absence de chances de succès d'une demande de grâce (ATF 108 Ia 69 consid. 2d p. 72; 6B_249/2009 du 26 mai 2009 consid. 2.1 i. f.).
2.2. Se fondant sur l'expertise, la chambre des recours pénale a considéré que si le recourant présente un risque de suicide qualifié de moyen, qui n'exclut pas qu'il se fasse du mal en cas d'incarcération en raison des difficultés à supporter les contraintes liées à son enfermement, ce risque, à lui seul, ne suffit pas à justifier un report de peine, s'il peut être contenu par des mesures appropriées. Tel est le cas en l'occurrence, puisqu'il pourra poursuivre des entretiens thérapeutiques en prison auprès du SMPP selon les modalités de fréquence et de soins que ce service jugera utiles et nécessaires. Ces soins pourront lui être procurés dans une mesure équivalente à ceux dont il bénéficie en liberté.
2.3. Autant que le recourant argue du fait qu'une fois incarcéré il ne pourra plus avoir accès aux soins qui lui sont prodigués en extérieur, voire très difficilement, sa critique est purement appellatoire et donc irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). Il en va de même quand il se plaint sans autre développement, sous couvert d'arbitraire et de violation du droit d'être entendu, que l'autorité cantonale n'a pas pris en considération un rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil, rapport du comité des visiteurs de prison et des lieux de privation, d'août 2011. Il n'expose pas en quoi ce rapport serait pertinent au cas d'espèce et rendrait insoutenables les constatations qui ont amené l'autorité cantonale à considérer qu'il pouvait suivre un traitement thérapeutique approprié en détention sous la responsabilité du SMPP en sorte qu'il était apte à subir sa peine, nonobstant le risque de suicide. Enfin, le recourant procède par pure affirmation quand il soutient que l'appréciation à laquelle doit procéder l'autorité en cas d'examen d'une demande d'ajournement de peine doit être beaucoup plus souple qu'en cas d'interruption de peine, une telle distinction ne trouvant aucun appui dans la doctrine ou la jurisprudence.
Ces considérations amènent à la conclusion que le risque de suicide que présente le recourant n'exclut pas son incarcération dans la mesure où il peut être contenu par un traitement approprié en détention. Dans ces conditions l'autorité cantonale n'a pas violé l'art. 92 CP en refusant d'ajourner l'exécution de la peine (consid. 2.1). Le grief est rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
3. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
La cause étant jugée, la requête d'effet suspensif est sans objet. Elle l'était de toute manière en vertu de l'art. 103 al. 2 let. b LTF.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 17 septembre 2013
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Mathys
La Greffière: Kistler Vianin