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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
4A_77/2013
Arrêt du 3 juin 2013
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente,
Corboz et Kolly.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
1. A.X.________,
2. B.X.________,
tous deux représentés par Me Olivier Carrard, avocat,
recourants,
contre
C.________,
représentée par Me Pierre Bayenet, avocat,
intimée.
Objet
contrat de travail; décision incidente,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le
21 décembre 2012 par la Chambre des prud'hommes
de la Cour de justice du canton de Genève.
Faits:
A.
C.________ a été engagée comme employée de maison à plein temps au service des époux A.X.________ et B.X.________ et de leurs deux filles. La famille habitait une villa de quatre étages dans le canton de Genève; le couple était absent environ six mois par an.
Le 31 juillet 2008, l'employée a signé une convention dans laquelle elle déclarait mettre un terme au contrat de travail pour le 31 août 2008, d'un commun accord avec A.X.________. L'employée était libérée le jour même de son obligation de travailler. Elle reconnaissait avoir reçu la somme forfaitaire de 20'400 fr. comme solde de salaire, vacances et heures supplémentaires éventuelles, et pour "toutes autres prestations hypothétiques liées au contrat de travail". Il était précisé que le document valait quittance; l'employée déclarait renoncer à faire valoir d'autres prétentions à quelque titre que ce soit.
B.
B.a. Le 17 novembre 2008, l'employée a ouvert action contre A.X.________ et B.X.________ devant la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
Un litige de nature incidente a tout d'abord divisé les parties. Il portait en substance sur l'aptitude d'un certain syndicat à représenter l'employée devant les instances prud'homales, au regard des exigences du droit cantonal. Le Tribunal fédéral a été amené à rendre une décision le 21 octobre 2010 (4A_268/2010).
B.b. Le Tribunal des prud'hommes a ensuite statué sur l'action, qui tendait notamment à la délivrance d'un certificat de travail, à la remise de fiches de salaire et au paiement de 532'576 fr. 45 bruts, sous déduction de 159'000 fr. nets. L'employée revendiquait ainsi un solde salarial, une indemnité pour vacances non prises et le paiement d'heures supplémentaires effectuées les jours ouvrables, les dimanches et les jours fériés.
Les défendeurs ont plaidé le défaut de légitimation passive de B.X.________ et ont conclu au rejet de la demande sur le fond.
Statuant par jugement du 8 juin 2012, le tribunal a admis la légitimation passive de la défenderesse et condamné les deux époux à transmettre à l'employée un certificat de travail définitif et complet, respectivement des fiches de salaire pour toute la durée des rapports de travail, soit du 1 er avril 2003 au 31 août 2008. Le tribunal a par ailleurs rejeté les conclusions pécuniaires au motif que l'employée avait valablement renoncé à toute prétention en vertu de la convention du 31 juillet 2008.
B.c. L'employée a fait appel auprès de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice. Statuant par arrêt du 21 décembre 2012, ladite autorité a annulé le jugement en tant qu'il rejetait les conclusions pécuniaires de l'employée. Elle a considéré que la convention précitée était nulle, parce que contraire à l'art. 341 al. 1 CO. En conséquence, la cause a été renvoyée au tribunal "pour éventuel complément d'instruction et nouveau jugement sur ce point". La cour d'appel a en revanche confirmé l'obligation de délivrer un certificat de travail, en apportant une précision quant à son contenu; elle a également confirmé l'obligation de transmettre les fiches de salaire pour la période précitée.
C.
Les époux employeurs interjettent un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. A titre principal, ils requièrent la réforme de l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que l'employée est déboutée de toutes ses conclusions en paiement.
L'employée intimée conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Elle demande l'assistance judiciaire.
L'autorité précédente se réfère à son arrêt.
Considérant en droit:
1.
1.1. Le recours vise un arrêt sur appel ordonnant le renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour éventuel complément d'instruction et nouvelle décision sur les prétentions pécuniaires formées par la partie demanderesse. Il s'agit-là d'une décision incidente, qui n'est susceptible d'un recours immédiat qu'aux conditions restrictives de l'art. 93 al. 1 LTF (cf. ATF 135 III 212 consid. 1.2 p. 216; 134 II 124 consid. 1.3 p. 127). Les recourants ne prétendent à juste titre pas que la décision les exposerait à un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Le recours est donc ouvert pour autant que son admission puisse conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
1.2. Si le Tribunal fédéral devait conclure, à l'instar du premier juge et des recourants, que la convention du 31 juillet 2008 est valable et fait obstacle aux conclusions pécuniaires de l'employée intimée, il serait en mesure de rendre une décision finale (cf. art. 90 LTF), étant précisé que les autres points de la décision cantonale, en particulier l'obligation de délivrer un certificat de travail et des fiches de salaire, ne sont pas contestés.
1.3. Selon la jurisprudence, la procédure probatoire peut être qualifiée de longue et coûteuse lorsqu'elle implique une administration de preuves qui, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels. S'il s'agit d'entendre les parties, de leur permettre de produire des pièces et de procéder à l'interrogatoire de quelques témoins, un recours immédiat n'est pas justifié; il en va différemment s'il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins, ou encore l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (arrêts 2C_111/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1.1.3, in SJ 2012 I 97; 4A_23/2008 du 28 mars 2008 consid. 1.3, in SJ 2008 I 389).
Il incombe au recourant d'indiquer de manière détaillée quelles questions de fait sont encore litigieuses et quelles preuves longues et coûteuses devraient être administrées, sauf si ce point découle manifestement de la décision attaquée ou de la nature de la cause (ATF 138 III 46 consid. 1.2 p. 47; 133 IV 288 consid. 3.2). La possibilité de recourir immédiatement pour des motifs d'économie de procédure doit être interprétée de façon restrictive, car il s'agit d'une exception (ATF 134 III 426 consid. 1.3.2 p. 430).
1.4. En l'occurrence, les recourants plaident qu'il reste à entendre neuf témoins, dont sept sont d'anciens employés vraisemblablement retournés en Amérique du Sud; il conviendrait donc de procéder à des commissions rogatoires. Par ailleurs, les recourants seraient en droit de demander une prorogation d'enquête, conformément à l'ancienne procédure cantonale gouvernant la présente cause; ils entendent ainsi faire citer "différents témoins" pour réfuter les extrapolations de la Cour de justice, qui aurait eu le tort de se fonder sur les témoignages de personnes n'ayant travaillé que quelques mois au service des recourants.
1.5. Selon l'arrêt attaqué, l'employée a offert de prouver ses allégations - notamment la date de son engagement - par le témoignage d'anciens collègues employés, dont sept n'étaient plus au service des défendeurs. Elle a invité ces derniers à communiquer les coordonnées des témoins; or, les défendeurs ont déclaré ignorer les personnes citées, ou ignorer les adresses des personnes identifiées comme anciens employés. La Cour de justice a constaté que la demanderesse n'avait elle-même pu donner aucune information sur les témoins proposés et qu'elle échouait à prouver que son engagement était antérieur au 1 er avril 2003, date admise par les défendeurs (arrêt, p. 5 s. et 13).
La cour d'appel a par ailleurs cherché à déterminer l'horaire pratiqué par l'employée, afin de mesurer l'ampleur des concessions faites dans la convention litigieuse du 31 juillet 2008 (arrêt, p. 11 s.). Elle a constaté l'existence de deux témoignages portant sur des périodes supérieures à trois mois, respectivement deux mois; considérant qu'il s'agissait d'une durée suffisamment représentative de l'activité exercée par l'employée, la cour a retenu que celle-ci travaillait sept jours sur sept, à raison d'environ 112 heures par semaine lorsque ses employeurs étant présents, soit environ six mois par an; or, le contrat-type de travail exigeait 48 heures hebdomadaires, puis 46 heures. La cour a concédé qu'une partie de ces heures supplémentaires avaient "peut-être été compensées par du temps libre durant les six mois d'absence des intimés [réd.: employeurs], ce qui pourra être éclairci" (arrêt, p. 12 § 2). La cour a conclu que la convention litigieuse était nulle, compte tenu de la disproportion flagrante des concessions faites de part et d'autre. Elle a renvoyé la cause au tribunal pour qu'il procède "à un éventuel complément d'instruction" et rende un nouveau jugement.
1.6. Ces considérations ne permettent pas de retenir que les parties seraient exposées à une procédure probatoire anormalement longue et coûteuse. Il apparaît que les sept témoins mentionnés dans le recours ont été proposés par l'employée, et que leurs coordonnées sont inconnues. Les recourants n'apportent pas d'élément nouveau à ce sujet. Les prétendues commissions rogatoires n'ont donc pas lieu d'être. La Cour de justice réserve certes un éventuel complément d'instruction, en mentionnant expressément la question de savoir si l'employée a partiellement pu compenser ses heures supplémentaires pendant les périodes où ses employeurs étaient absents. Toutefois, rien dans la décision n'indique que ce complément prendrait un temps particulier et occasionnerait des coûts importants; les recourants eux-mêmes ne s'attachent pas à le démontrer. Sans préjuger de leur droit à faire citer de nouveaux témoins, il faut constater que l'audition de "différents témoins" n'est pas nécessairement synonyme d'une administration des preuves longue et coûteuse.
1.7. Il s'ensuit l'irrecevabilité du recours.
2.
Les recourants, qui succombent, sont solidairement débiteurs des frais judiciaires et des dépens dus à l'intimée (art. 66 al. 1 et 5 et art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).
L'intimée a demandé l'assistance judiciaire. Elle plaide que son indigence "ne saurait être contestée" dès lors qu'elle a été mise au bénéfice de l'assistance juridique cantonale par décision du 1 er février 2013.
L'intimée n'a produit aucune pièce destinée à établir le défaut de ressources suffisantes alors qu'elle procédait avec l'aide d'un avocat (cf. art. 64 al. 1 LTF; cf. ATF 125 IV 161 consid. 4a). Elle ne saurait dès lors prétendre à ce que la Caisse du Tribunal fédéral lui verse une indemnité dans l'hypothèse où elle ne pourrait pas recouvrer les dépens qui lui sont alloués.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 juin 2013
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
La Greffière: Monti