BGer 1B_80/2013
 
BGer 1B_80/2013 vom 13.03.2013
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
1B_80/2013
Arrêt du 13 mars 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Juge présidant,
Karlen et Chaix
Greffière: Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Jean-Marc Courvoisier, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
Objet
Détention provisoire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 30 janvier 2013.
Faits:
A.
Le 21 novembre 2011, A.________ a été arrêté dans le cadre d'une instruction ouverte par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Ministère public) à la suite d'un brigandage commis dans une bijouterie à Lausanne et auquel ont participé B.________, C.________ et D.________. Ceux-ci sont prévenus d'avoir emporté pour plus de 110'000 fr. de bijoux et de montres après avoir molesté et entravé le bijoutier; ils se trouvent en détention provisoire pour les deux premiers et en cours d'extradition pour la dernière.
A.________ est mis en cause pour avoir reçu une partie du butin provenant du brigandage en question contre paiement de 27'500 fr., ce qu'il a reconnu. Il a été prévenu de recel et de blanchiment d'argent et placé en détention provisoire. Le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (ci-après: le Tmc) a prolongé cette détention à plusieurs reprises, la dernière fois par ordonnance du 21 novembre 2012, jusqu'au 21 février 2013. Par arrêt du 17 octobre 2012, le Tribunal fédéral a considéré que le maintien en détention provisoire était justifié dans le sens où le prévenu présentait un risque de réitération.
B.
Par ordonnance du 15 janvier 2013, le Tmc a rejeté la demande de mise en liberté présentée par A.________. Celui-ci a recouru contre cette décision auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la cour cantonale), qui a rejeté ce recours par arrêt du 30 janvier 2013.
En substance, la cour cantonale a considéré que le risque de récidive était important et que la prise d'un emploi telle que proposée n'empêcherait pas le recourant de récidiver. Vu l'avancement de l'enquête, le principe de proportionnalité demeurait en outre respecté.
C.
A.________ recourt contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral. A titre principal, il sollicite la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens qu'il est libéré avec effet immédiat. Subsidiairement, il conclut au renvoi de l'affaire à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Il sollicite en tout état l'octroi de l'assistance judiciaire.
Le Ministère public conclut au rejet du recours. La cour cantonale se réfère aux considérants de sa décision. Le recourant a répliqué.
Considérant en droit:
1.
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 220 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, l'accusé a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH). Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références).
3.
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes à son égard. En revanche, il estime que l'obligation d'avoir un travail régulier constituerait une mesure de substitution suffisante pour l'empêcher de récidiver.
3.1 Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.
Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution: la fourniture de sûretés (let. a), la saisie des documents d'identité et autres documents officiels (let. b), l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c), l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d), l'obligation d'avoir un travail régulier (let. e), l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f) et l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g). L'art. 237 al. 3 CPP précise que, pour surveiller l'exécution de ces mesures, le tribunal peut ordonner l'utilisation d'appareils techniques qui peuvent être fixés à la personne sous surveillance.
3.2 Le Tmc et, à sa suite, la cour cantonale ont examiné la question de savoir si la prise d'un emploi, telle que proposée par le recourant, était de nature à éviter un risque de réitération.
Ce risque a d'abord été qualifié d'important en raison de deux précédentes condamnations ayant conduit aux prononcés de 70 jours d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour lésions corporelles simples, rixe, menaces et infraction à la loi fédérale sur les armes (Bezirksgericht de Schwyz du 9 juin 2004) et 10 mois de peine privative de liberté avec sursis pendant quatre ans, sous déduction de 144 jours de détention préventive, pour recel et infraction à la loi fédérale sur les armes (Strafgericht de Schwyz du 20 mai 2010). Il a ainsi été relevé que le recourant n'était pas un délinquant primaire ou occasionnel, mais paraissait avoir oeuvré en tant que professionnel dans un réseau bien organisé. Par ailleurs, le montant modeste du salaire convenu, ajouté à la faiblesse de caractère du prévenu, ne serait pas de nature à le dissuader de reproduire l'activité de recel qu'il avait déjà exercée dans sa carrière. Dès lors, l'obligation de prise d'emploi ne permettait pas de prévenir efficacement le risque de réitération.
3.3 Dans un style essentiellement appellatoire, le recourant conteste l'appréciation à laquelle ont procédé les autorités inférieures. Il se prévaut des longues années pendant lesquelles il a travaillé honnêtement en Suisse; il indique que le montant net convenu pour son emploi de magasinier/barman (3'320 fr.) est situé dans la fourchette du salaire médian dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration; il fait état de sa volonté actuelle de travailler, démontrée par son activité régulière au sein de l'atelier de menuiserie de la prison; il souligne que l'occasion de trouver un emploi, à son âge et auprès du même employeur que précédemment, est exceptionnelle; enfin, il conteste avoir agi en tant que professionnel.
Ces éléments, qui ne ressortent pour la plupart pas de la décision attaquée, ne sont pas aptes à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée la cour cantonale en lien avec l'intensité du risque de réitération et les moyens de le pallier. S'agissant, comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans son dernier arrêt, d'un délinquant que de précédentes condamnations - dont la dernière remontait à moins d'un an avant les actes de la présente cause - et un précédent séjour en détention préventive n'avaient pas dissuadé de persévérer dans des agissements délictueux, le risque de réitération pouvait être qualifié d'important par la cour cantonale. Quant aux délits en cause, le Tribunal fédéral a déjà admis que la réitération est de nature à compromettre sérieusement la sécurité d'autrui: il n'y a pas lieu de revenir aujourd'hui sur cette appréciation. Dans une telle situation, on ne peut reprocher à la cour cantonale d'avoir considéré que le contrat de travail produit ne constituait pas une garantie suffisante pour parer à la commission de nouvelles infractions. Ce faisant, elle a - certes implicitement, mais néanmoins de manière suffisamment compréhensible - pris en compte les critères de l'art. 237 al. 1 et 2 CPP et sa décision ne viole pas le droit fédéral sous cet angle.
Le recours doit donc être rejeté sur ce point. Non retenus dans la décision attaquée, les risques de fuite et de collusion n'ont pas à être examinés.
4.
Le recourant s'en prend ensuite au principe de proportionnalité, qu'il estime violé en raison de la détention provisoire déjà subie.
4.1 Le principe de proportionnalité postule que toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale (art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH). Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée du droit à la liberté personnelle, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre (art. 212 al. 3 CPP). Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 et les références). A moins que celui-ci soit d'emblée évident, il n'y a pas lieu de prendre en compte un éventuel sursis (cf. ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 282).
4.2 La cour cantonale a considéré que le prévenu s'exposait à une peine privative de liberté nettement supérieure à celle de la détention subie depuis le 21 novembre 2011. Elle a rappelé que l'intéressé avait déjà été condamné à deux reprises et qu'il était mis en cause pour des infractions dont la peine maximale est de cinq ans (recel), respectivement de trois ans (blanchiment d'argent simple). S'agissant du déroulement de la procédure, les juges cantonaux ont retenu que, aux dires du Ministère public, les investigations étaient terminées, le rapport de synthèse des enquêteurs en cours de rédaction, la clôture du dossier fixée à la fin du mois de mars 2013 et le renvoi en jugement envisageable dans le courant du mois de mai 2013, sauf réquisitions complémentaires des parties.
De son côté, le recourant expose que D.________ s'opposerait actuellement à son extradition depuis la Suède, ce qui retarderait d'autant son arrivée en Suisse. En raison de l'implication de celle-ci dans la procédure, de nombreuses auditions avec les autres prévenus seraient nécessaires, de sorte qu'une clôture du dossier à la fin du mois de mars 2013 serait utopique. Au demeurant, le recourant soutient que la détention déjà exécutée risque d'excéder la durée de la peine prévisible ou, à tout le moins, d'en être très proche.
4.3 Dans l'appréciation du caractère proportionné de la détention provisoire, le juge de la détention ne doit pas empiéter sur les compétences du juge du fond (ATF 124 I 208 consid. 3 p. 210). Par ailleurs, il faut veiller à ce que la durée de détention subie avant jugement n'incite le juge de l'action pénale à prendre en considération cette durée pour fixer la peine elle-même (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170).
Pour remettre en cause l'appréciation de la cour cantonale quant à la durée de la peine à laquelle il s'expose concrètement, le recourant se prévaut d'un précédent où le Tribunal fédéral avait confirmé la condamnation à la peine de "5 mois" (recte: "15 mois") d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour blanchiment d'argent et recel portant sur une somme de 73'000 fr. en lien avec un enlèvement (ATF 127 IV 79). Une telle comparaison n'est aucunement déterminante, dans la mesure où - comme l'admet le recourant - la condamnation précitée concernait une personne au casier judiciaire vierge. Or, tel n'est pas le cas du recourant dont on a vu qu'il avait récidivé quelques mois seulement après un précédent séjour en détention préventive, notamment pour recel. Sans empiéter sur les compétences du juge du fond, on peut encore ajouter que le recourant a commis les présentes infractions pendant le délai d'épreuve d'une précédente condamnation, ce qui est susceptible d'entraîner l'exécution du solde de la peine, à savoir près de six mois de détention (cf. art. 46 ch. 1 CP).
Vu le calendrier annoncé par le Ministère public pour engager l'accusation contre le recourant, la détention de 15 mois et demi déjà subie respecte encore le principe de proportionnalité. Il incombera en tout état à l'autorité compétente d'examiner à nouveau cette question si l'extradition de D.________ tardait à intervenir; de même, il appartiendra au Ministère public de prendre les mesures nécessaires si l'audition de celle-ci venait à alourdir les charges pesant contre le recourant.
5.
Il s'ensuit que le recours est entièrement rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Jean-Marc Courvoisier en qualité d'avocat d'office et de fixer d'office ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Jean-Marc Courvoisier est désigné comme avocat d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public central et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 13 mars 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: Aemisegger
La Greffière: Tornay Schaller