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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_644/2011
Arrêt du 10 février 2012
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________, représenté par
Me Karin Grobet Thorens,
recourant,
contre
1. Y.________,
2. Z.________ SA,
tous les 2 représentés par Me Pierre Daudin,
intimés.
Objet
résiliation de bail,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre des baux et loyers, du 19 septembre 2011.
Faits:
A.
A.a A.________ (ci-après: la Fondation A.________), en tant que bailleresse, et Y.________, comme locataire, sont liés par un contrat de bail du 23 septembre 1996, conclu initialement pour une période de cinq ans, et prolongé par avenant jusqu'au 31 octobre 2007. Le contrat, qui prévoit ensuite un renouvellement tacite d'année en année, porte sur une arcade commerciale de 106 m2, un entrepôt de 55 m2 et quatre places de parking, situés rue ... à Genève. En dernier lieu, le loyer mensuel pour l'ensemble des objets a été fixé à 4'650 fr., charges comprises.
Y.________ a exploité, dans les locaux loués, le café-restaurant V.________, avec un fonds de commerce acquis pour 400'000 fr. auprès d'une tierce personne.
Le 26 mars 2002, Y.________ a créé la société Z.________ SA qui a repris l'entreprise qu'il exploitait jusqu'alors en raison individuelle, en particulier le fonds de commerce du restaurant V.________.
A.b Par contrat du 30 juin 2005, Z.________ SA et Y.________ ont remis en gérance à X.________ le fonds de commerce à l'enseigne V.________, l'arcade commerciale, l'entrepôt et deux places de parking. Le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans du 1er juillet 2005 au 30 juin 2010, renouvelable tacitement de deux ans en deux ans. Le montant de la gérance a été fixé à 17'000 fr. par mois.
Selon l'art. V al. 3 du contrat de "gérance libre", le gérant s'engageait à maintenir le chiffre d'affaires mensuel à un minimum de 90'000 fr. Si ce chiffre d'affaires n'était pas atteint durant trois mois d'affilée, le contrat pouvait être dénoncé par le bailleur, moyennant un délai de résiliation de trois mois signifié par lettre recommandée. Le gérant s'engageait également à communiquer ces chiffres chaque mois au bailleur et à faire tenir sa comptabilité, à la requête du bailleur, auprès de la fiduciaire W.________ SA.
Dans un avenant du 7 décembre 2005, il a été précisé que le montant de 17'000 fr. se décomposait comme suit: 5'000 fr. de location, 4'500 fr. de mise à disposition des installations fixes, 3'500 fr. de mise à disposition des installations mobiles et 4'000 fr. de goodwill.
A.c Le 6 mars 2007, la Fondation A.________ a résilié le bail principal (la liant à Y.________), pour le 31 octobre 2007. Le 8 juin 2007, après des pourparlers entre les parties, de nouveaux baux portant sur les mêmes objets ont été conclus. Le nouveau loyer de l'arcade commercial, a été porté à 5'360 fr. par mois, charges comprises, et le loyer des parkings à 160 fr. par mois, par unité.
Par requête du 29 août 2007, Y.________ a contesté le loyer initial; il a finalement renoncé à sa contestation le 26 mars 2009.
Par lettre recommandée du 10 avril 2008, le mandataire de la Fondation A.________, après un échange de courriers, a pris acte du fait que Y.________ n'avait pas sollicité l'autorisation de sous-louer, que la Fondation n'avait jamais donné son accord et que les conditions de la sous-location étaient abusives; par avis officiels de résiliation, elle a déclaré résilier tous les baux conclus le 8 juin 2007.
Y.________ a ouvert action en contestation de ces congés à l'encontre de la Fondation A.________. Le litige est toujours pendant.
A.d Par courrier recommandé du 9 janvier 2009, Z.________ SA a attiré l'attention de X.________ sur le fait que le chiffre d'affaires, hors taxe, qu'il avait réalisé pour les mois de mars à novembre 2008 n'atteignait pas le seuil minimal requis par l'art. V du contrat de gérance, les recettes se situant entre un plancher de 67'603 fr. en avril 2008 et un maximum de 86'826 fr. en mars 2008 (la moyenne de la période se situant à 80'180 fr. par mois). Z.________ SA a constaté que la situation ne s'était guère améliorée depuis son précédent courrier d'avertissement du 2 avril 2008 (mentionnant des chiffres d'affaires de l'ordre de 71'000 fr. en octobre et novembre 2007, de 47'000 fr. en décembre 2007 et de 71'000 fr. en janvier et février 2008), ce qui était préoccupant. Elle pria donc instamment X.________ de faire le nécessaire pour remédier sans délai à cet état de choses afin de respecter son engagement; à défaut, elle l'avisa qu'elle devrait appliquer les dispositions du contrat prévues dans ce cas.
Selon les constatations cantonales, le chiffre d'affaires de X.________ s'est élevé à 83'778 fr. en janvier 2009 et à quelque 43'000 fr. en février 2009.
Par avis du 19 mars 2009, Z.________ SA et Y.________ ont résilié le contrat de gérance, pour l'ensemble des objets, avec effet au 30 juin 2009 en raison de l'insuffisance du chiffre d'affaires au regard de l'art. V du contrat. Sur le même avis, il était encore mentionné que si la résiliation anticipée devait être contestée avec succès, les bailleurs notifiaient d'ores et déjà simultanément la résiliation pour l'échéance prévue par le contrat au 30 juin 2010, car ils entendaient exploiter eux-mêmes leur fonds de commerce, ce qu'ils feraient aussi en cas d'admission de la résiliation anticipée.
B.
Par requête du 8 avril 2009, X.________ a contesté la résiliation de son contrat et sollicité une pleine prolongation de bail.
Par décision du 7 décembre 2009, la Commission de conciliation en matière de baux et loyers a reconnu la validité du congé notifié le 19 mars 2009 avec effet au 30 juin 2010, et a refusé toute prolongation de bail. La commission ne s'est toutefois pas formellement prononcée sur la validité du congé anticipé.
Sur requête de X.________, le Tribunal des baux et loyers, par jugement du 3 février 2011, a déclaré inefficaces "les congés donnés le 19 mars 2009 pour le 30 juin 2010", méconnaissant que la résiliation donnée pour insuffisance du chiffre d'affaires était un congé anticipé.
Sur appel de Z.________ SA et Y.________, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 19 septembre 2011, a annulé le jugement attaqué, constaté la validité du congé anticipé notifié le 19 mars 2009, avec effet au 30 juin 2009, et débouté X.________ de ses conclusions tendant à l'octroi d'une prolongation de bail. S'agissant des conclusions nouvelles formulées par les appelants et tendant au prononcé de l'évacuation de X.________, la cour cantonale les a déclarées irrecevables.
En substance, l'autorité précédente, après avoir qualifié le contrat de "gérance libre" de bail à ferme non agricole, a retenu que le fermier n'a pas atteint, entre mars et novembre 2008, le chiffre d'affaires prévus à l'art. V du contrat, que le bailleur lui a notifié une protestation écrite, que le fermier n'est pas parvenu à remédier à la situation entre janvier et février 2009 et qu'il en découle que le congé notifié sur formule officielle le 19 mars 2009 était efficace. Examinant globalement les deux résiliations notifiées au fermier, la cour cantonale a ensuite considéré que ni le congé anticipé, ni le congé ordinaire n'étaient abusifs. Statuant sur la demande de prolongation de bail, l'autorité précédente a rejeté celle-ci, rappelant qu'aucune prolongation ne peut être octroyée lorsque le congé est donné pour violation grave du devoir de diligence du locataire.
C.
Le fermier exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 19 septembre 2011. Sous suite de frais et dépens, il conclut, principalement, à son annulation et à ce que la cour cantonale constate l'inefficacité de la résiliation de bail notifiée pour le 30 juin 2009 et annule la résiliation notifiée pour le 30 juin 2010; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction et, très subsidiairement, à ce qu'une prolongation de bail de six ans lui soit accordée. Le recourant invoque une violation de l'interdiction de l'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves (art. 9 Cst.), un déni de justice formel (art. 29 al. 2 Cst.), la transgression des art. 271, 272, 274d al. 3 et 285 al. 1 CO, la violation de l'art. 8 CC, ainsi que l'application arbitraire de l'art. 211 de la loi de procédure civile genevoise (LPC; RS/GE 3 05).
Les intimés concluent au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.
Considérant en droit:
1.
1.1 Compte tenu des prestations convenues en l'espèce, il n'est pas douteux que le contrat conclu entre les parties doit être qualifié de bail à ferme non agricole (art. 275 CO). Les parties ne le contestent d'ailleurs pas. Contrairement à ce que laissent entendre la cour cantonale et le recourant, la règle de l'art. 74 al. 1 let. a LTF ne vise que le contrat de bail à loyer (art. 253 CO); elle ne s'applique pas dans le cas d'un bail à ferme (ATF 136 III 196 consid. 1.1 p. 197 et les références). Le recours n'est donc recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF).
Pour un bail de durée indéterminée, elle est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné. En principe, la durée déterminante pour le calcul de la valeur litigieuse ne saurait être inférieure à la période de trois ans pendant laquelle l'art. 271a al. 1 let. e CO (auquel renvoie l'art. 300 al. 1 CO) consacre l'annulabilité d'une résiliation (ATF 136 III 196 consid. 1.1 p. 197 et les arrêts cités).
La limite de 30'000 fr. fixée par l'art. 74 al. 1 let. b LTF est donc largement atteinte, le fermage mensuel convenu entre les parties s'élevant déjà à 17'000 fr.
1.2 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions principales en annulation du congé et, subsidiaires, en prolongation du bail (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 306 consid. 2.4 p. 313).
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
1.4 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62, 136 II 304 consid. 2.4 p. 314) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 136 I 184 consid. 1.2 p. 187; 133 IV 286 consid. 1.4 et 6.2). Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau, ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
En l'espèce, le recourant présente un bref résumé de l'état de fait (mémoire de recours p. 5 s.). Dès lors qu'il n'invoque pas l'arbitraire (art. 9 Cst.) et qu'il ne démontre pas, de manière précise, avec référence à des pièces du dossier, qu'un fait aurait été constaté ou omis de manière insoutenable, il n'y a pas lieu d'en tenir compte et le raisonnement doit être mené sur la base de l'état de fait contenu dans la décision attaquée.
1.5 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
2.
En lien avec le raisonnement juridique de la cour cantonale relatif au congé anticipé, dont la validité a été constatée, le recourant conteste avoir réalisé, en février 2009, un chiffre d'affaires inférieur à 90'000 fr.
2.1 Il soutient que l'autorité précédente a apprécié les pièces versées au dossier de manière arbitraire en retenant que le chiffre d'affaires du mois de février 2009 était de 43'000 fr. environ. Selon lui, il résulte d'une part des deux relevés produits (le premier, daté du 16 février 2009, fait état d'un montant de 43'844 fr., l'autre, daté du 28 février 2009, indique un montant de 46'218 fr.) que le chiffre de 43'000 fr. ne correspond à rien; d'autre part, il soutient que, pour déterminer le chiffre d'affaires du mois de février 2009, il convenait d'additionner ces deux montants, la somme totale des recettes étant alors supérieure à 90'000 fr.
La question de fait déterminante est de savoir si les deux relevés doivent être additionnés. La cour cantonale s'est prononcée sans ambiguïté à cet égard, expliquant que les deux copies de caisse enregistreuse ne permettent pas de conclure que les totaux devraient être additionnés; au contraire, ces relevés indiquent simplement le montant total de la recette mensuelle du restaurant à une date déterminée (le 16 février 2009), puis à une date ultérieure (le 28 février 2009). L'autorité précédente souligne que le chiffre d'affaires du mois de février, de l'ordre de 43'000 fr., qui ressort d'une pièce comptable fournie par les bailleurs, a d'ailleurs été confirmé sous serment par le comptable investi du contrôle des chiffres mensuels. On ne voit donc pas en quoi l'appréciation de la cour cantonale serait insoutenable, ce d'autant plus que le montant retenu par les magistrats cantonaux n'est pas improbable puisqu'il correspond à un chiffre semblable déjà réalisé par le fermier en décembre 2007. Le recourant, qui se borne à affirmer que les montants des deux relevés doivent être additionnés, ne fournit aucun autre argument propre à démontrer l'arbitraire.
A l'évidence, la cour cantonale, qui a retenu le montant de "43'000 fr. environ", a procédé ainsi par simplification. Les montants précis présentés préalablement par l'autorité précédente (43'844 fr. le 16 février 2009 ou 46'218 fr. le 28 février 2009), correspondent, dans l'ordre de grandeur, au montant de 43'000 fr. repris dans son raisonnement juridique; la critique du recourant n'est en l'occurrence pas susceptible d'avoir une incidence sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; cf. infra consid. 3.4.2).
2.2 Le recourant revient à la charge, reprochant à la cour cantonale une violation de l'art. 274d al. 3 CO (maxime inquisitoire sociale), applicable par le renvoi de l'art. 301 CO.
Contrairement à ce que pensent les intimés, ces dispositions étaient encore en vigueur, le procès ayant débuté avant le 1er janvier 2011, date de l'entrée en vigueur du Code de procédure civile unifié (CPC; RS 272) (art. 404 al. 1 CPC).
Invoquant la violation de la maxime inquisitoire sociale, le recourant soutient que la cour cantonale aurait dû l'interpeller sur la question du montant des relevés de février 2009. Il avait toutefois déjà laissé entendre qu'il était d'avis que ces chiffres devaient être additionnés et il n'indique pas quelle autre précision la cour cantonale aurait dû demander, ni quelle preuve elle aurait dû administrer. Ce grief, faute de motivation, est dépourvu de toute consistance (cf. art. 42 al. 2 LTF; arrêt 4A_132/2011 du 1er juin 2011 consid. 2.3).
3.
Sur la base de l'état de fait contenu dans l'arrêt attaqué, il convient d'examiner si la cour cantonale a transgressé l'art. 285 al. 1 CO en confirmant la validité de la résiliation anticipée notifiée au fermier le 19 mars 2009, avec effet au 30 juin 2009.
3.1 Compte tenu des prestations convenues en l'espèce, le contrat conclu entre les parties doit être qualifié de bail à ferme non agricole (art. 275 CO). Les parties ne le contestent d'ailleurs pas.
En vertu de l'art. 285 al. 1 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le fermier, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence, à manquer d'égards envers les voisins ou à négliger son devoir d'entretien, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux à ferme portant sur des habitations ou des locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois.
L'art. 285 CO prévoit, pour les conséquences juridiques de la violation de l'obligation de diligence et d'égards (art. 283 CO) et de l'obligation d'entretien (art. 284 CO) du fermier, une réglementation analogue à celle pour les baux à loyer (art. 257f al. 3 et 4 CO) (GIACOMO RONCORONI, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2003, no 1 ad art. 285 CO; BENNO STUDER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5e éd. 2011, no 1 ad art. 285 CO; SCHMID/STÖCKLI, Schweizerisches Obligationenrecht, BT, 2010, p. 173 n. 1246); les enseignements déjà tirés de l'art. 257f al. 3 CO valent donc, mutatis mutandis, pour l'art. 285 al. 1 CO.
3.2 Il est de jurisprudence que le libellé de l'art. 257f al. 3 CO est trop étroit; le Tribunal fédéral a indiqué que cette disposition impose un usage de la chose louée non seulement empreint de diligence et d'égards mais, de manière générale, conforme au contrat (ATF 132 III 109 consid. 2 p. 111; 123 III 124 consid. 2a p. 126; arrêt 4A_456/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.1). La résiliation anticipée de l'art. 257f al. 3 CO est réservée aux violations du contrat en rapport avec l'usage de la chose louée, et non pas à n'importe quelle violation contractuelle (ATF 123 III 124 consid. 2 et 3 p. 126 ss). Selon l'art. 257f al. 3 CO, un usage peut être contraire au contrat de bail, quand bien même la violation ne se manifeste pas par un manque de diligence ou d'égards (ATF 123 III 124 consid. 2a p. 126; PIERRE WESSNER, in Droit du bail à loyer, commentaire pratique, 2010, no 6 ad art. 257f CO; Commentaire SVIT, adaptation française, 2011, no 7 ad art. 257f CO; cf. MARIE-NOËLLE VENTURI-ZEN-RUFFINEN, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, thèse Fribourg 2007, p. 192 n. 504).
La jurisprudence a précisé la portée de l'art. 257f al. 3 CO lorsqu'est en jeu le non-respect des stipulations contractuelles concernant l'utilisation de la chose. Le Tribunal fédéral a jugé qu'en cas de violation persistante des stipulations concernant l'affectation des locaux loués, le bailleur pouvait résilier le contrat sur la base de l'art. 257f al. 3 CO, même si l'activité du locataire n'engendrait pas une situation insupportable selon cette disposition (ATF 132 III 109 consid. 5 p. 113 ss; arrêts 4A_429/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.3; 4A_38/2010 du 1er avril 2004 consid. 3.1).
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat conclu par les parties comporte une clause obligeant le fermier à maintenir le rendement de la chose affermée au-dessus d'un certain seuil (celui-ci correspondant, selon les constatations cantonales, aux recettes obtenues précédemment par les bailleurs). La clause contractuelle impose donc au fermier d'user de la chose affermée en vue d'un certain résultat, de façon à maintenir la productivité, déterminée par les parties, à long terme (cf. art. 283 al. 1 CO); il n'est donc pas douteux que la violation qui est reprochée au fermier consiste en une violation du contrat en rapport avec l'usage de la chose affermée.
3.3 La résiliation anticipée présuppose une violation grave (cf. art. 271a al. 3 let. c et 272a al. 1 let. b CO; ATF 132 III 109 consid. 2 p. 111; TERCIER/FAVRE, Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, p. 345 n. 2380; WESSNER, op. cit., Droit du bail, no 31 ad art. 257f CO; ROGER WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5e éd. 2011, no 6 ad art. 257f CO; Commentaire SVIT, op. cit., no 33 ad art. 257f CO; MARIE-NOËLLE VENTURI-ZEN-RUFFINEN, La résiliation pour juste motifs des contrats de durée, thèse Fribourg 2007, p. 147 ss n. 405 ss). L'usage non conforme à des modalités d'utilisation, prévues contractuellement, qui constituent des points essentiels du bail, remplit cette exigence (cf. PIERRE WESSNER, Le devoir de diligence du locataire dans les baux d'habitations et de locaux commerciaux, in 14e Séminaire sur le droit du bail, 2006, p. 8 n. 22; ANDREAS MAAG, Die Bundesgerichtspraxis zur ausserordentlichen Kündigung nach Art. 257f OR bei Vertragsverletzungen, MRA 4/06 p. 135 s.; a contrario: DAVID LACHAT, Le bail à loyer, nouvelle éd. 2008, p. 679 n. 3.1.9).
Pour les parties, l'art. V du contrat tend à maintenir le rendement de l'objet affermé, obligation essentielle du fermier (cf. supra consid. 3.2; CLAUDE REYMOND, Le bail à loyer, le bail à ferme, le prêt à usage, TDPS VII/1, 1978, p. 256); force est ainsi de constater que la disposition contractuelle vise un point essentiel du contrat, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas.
3.4 Le recourant considère que la cour cantonale a violé l'art. 285 al. 1 CO lorsqu'elle a validé le congé anticipé en constatant que le chiffre d'affaires n'avait pas été réalisé trois mois d'affilée avant la protestation écrite du 9 janvier 2009. Selon lui, le texte de cette disposition légale imposait pourtant d'examiner s'il avait persisté dans son comportement - soit s'il avait ou non violé l'art. V du contrat qui subordonne la dénonciation du contrat à l'insuffisance du chiffre d'affaires pendant trois mois consécutifs - après la réception de cette protestation. Il soutient dès lors qu'il ne pouvait réaliser la prétendue violation puisque le délai de trois mois prévu par l'art. V du contrat n'était pas échu le 19 mars 2009 (date à laquelle il s'est vu résilier son contrat), la protestation écrite datant du 9 janvier 2009.
Ainsi, à bien comprendre la thèse du recourant, le fermier aurait dû violer à deux reprises l'art. V du contrat, soit à chaque fois pendant trois mois, pour que les intimés puissent valablement résilier le contrat de façon anticipée.
3.4.1 La résiliation anticipée selon l'art. 285 al. 1 CO est notifiée valablement par le bailleur si le fermier a effectué un usage non conforme au contrat (cf. supra consid. 3.2). Le bailleur doit toutefois signifier une protestation écrite au fermier afin que celui-ci sache ce qu'on lui reproche et qu'il puisse corriger dans le futur son comportement (Commentaire SVIT, op. cit., no 45 ad art. 257f CO; VENTURI-ZEN-RUFFINEN, op. cit., p. 179 s. n. 473, p. 182 n. 479 et les références). Partant, c'est avant l'envoi de l'avertissement qu'il s'agit d'observer si le fermier n'a pas respecté son engagement (le fait de maintenir le chiffre d'affaires mensuel à un minimum de 90'000 fr.) pendant trois mois (condition, selon l'art. V du contrat, pour que la dénonciation du bail soit possible).
En l'occurrence, la protestation écrite a été envoyée le 9 janvier 2009. Certes, le montant du chiffre d'affaires du mois qui précède cet envoi (décembre 2008) ne résulte pas de l'arrêt cantonal. Peu importe en l'espèce. Même à considérer qu'il aurait dépassé le montant de 90'000 fr. en décembre 2008 (comme le prétend le recourant), il n'en demeure pas moins que les recettes se sont révélées insuffisantes de mars à novembre 2008, voire déjà avant vu que l'arrêt cantonal indique que les bailleurs se sont déjà plaints d'une situation insatisfaisante entre octobre 2007 et février 2008. Il est ainsi incontestable que la condition de l'insuffisance du chiffre d'affaires pendant trois mois d'affilée était réalisée au moment de l'envoi de la protestation écrite.
3.4.2 Il s'agit ensuite d'examiner si, nonobstant la protestation écrite, le fermier a persisté dans son usage non conforme au contrat. Selon la thèse défendue par le recourant, la persistance du comportement ne peut être démontrée que par une (nouvelle) violation de l'art. V du contrat (soit l'insuffisance des recettes pendant au moins trois mois).
Ce raisonnement ne peut être suivi. Il est constant que, selon l'art. V du contrat de bail à ferme, le fermier ne s'est pas engagé à réaliser un chiffre d'affaires déterminé sur une période de trois mois; il s'est engagé contractuellement à réaliser, chaque mois, un chiffre d'affaires de 90'000 fr. Partant, le fermier ne respecte pas son engagement contractuel dès qu'il n'atteint pas, pour un mois déterminé, les recettes convenues. Ce n'est que pour la mise en ?uvre de la résiliation anticipée (cf. supra consid. 3.4.1) que les parties ont prévu que le contrat ne peut être dénoncé par les bailleurs qu'à la condition que le fermier adopte le même comportement contraire à ses engagements contractuels pendant trois mois d'affilée.
En l'espèce, de mars à novembre 2008, le fermier n'a pas réalisé le chiffre d'affaires convenu entre les parties. Le 9 janvier 2009, l'un des bailleurs lui a envoyé une protestation écrite. Il a observé que la situation ne s'était guère améliorée depuis son précédent courrier d'avertissement d'avril 2008, ce qu'il estimait préoccupant, et il a prié instamment le fermier "de faire le nécessaire pour remédier sans délai à cet état de choses afin de respecter son engagement". En l'occurrence, la cour cantonale a constaté, sans tomber dans l'arbitraire (cf. supra consid. 2.1), que le fermier n'a alors respecté son engagement ni en janvier 2009, ni en février 2009.
S'agissant du délai dans lequel le fermier devait remédier à l'insuffisance du chiffre d'affaires, la protestation du 9 janvier 2009 lui a ordonné expressément d'agir "sans délai". Il lui incombait donc de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour donner suite à l'avertissement des bailleurs (cf. HIGI, op. cit., no 51 ad art. 257f CO). Il faut rappeler ici que cet avertissement revient pratiquement à une mise en demeure de respecter le contrat (cf. art. 107 CO; TERCIER/FAVRE, op. cit., p. 345 n. 2382; HIGI, op. cit., no 51 ad art. 257f CO). Ainsi, si le fermier était d'avis qu'il ne pouvait, objectivement, pas prendre tout de suite les mesures requises, il n'avait pas le droit de l'ignorer purement et simplement; il devait protester auprès des bailleurs et exécuter les mesures dans un délai jugé convenable ou, en tout cas, offrir sérieusement de le faire dans un laps de temps pouvant être considéré comme convenable (cf. ATF 116 II 436 consid. 2a; 105 II 34 consid. 3b p. 34).
Or, le fermier n'a pas protesté et il n'allègue pas qu'il aurait pris des mesures susceptibles de remédier à l'insuffisance du chiffre d'affaires dans les meilleurs délais. Il ne démontre pas non plus que les mesures propres à redresser la situation impliquaient de lui accorder un délai plus long que celui de deux mois dont il a finalement pu bénéficier. Il résulte des constatations cantonales que les chiffres d'affaires réalisés suite à la protestation n'étaient pas conformes au contrat. La situation allait même en se dégradant puisque si un chiffre d'affaires de 83'778 fr. a été atteint en janvier 2009, il est descendu en-dessous de 50'000 fr. (cf. supra consid. 2.1) en février 2009.
Cela étant, le bailleur a établi à satisfaction que la protestation est restée, sinon "lettre morte", du moins dénuée des effets escomptés (cf. WESSNER, op. cit., 14e Séminaire, p. 20 n. 74; HIGI, op. cit., no 56 s. ad 257f CO) et c'est donc à bon droit que la cour cantonale a considéré que la résiliation anticipée était valable. Le grief se révèle dès lors infondé.
La validité de la résiliation anticipée étant confirmée, il n'y a pas lieu d'examiner celle de la résiliation ordinaire, notifiée le même jour au fermier, ni la problématique de l'abus de droit soulevée en rapport avec cette résiliation. De même, il est inutile d'examiner les autres moyens (art. 9 et 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 211 LPC/GE) soulevés également en rapport avec la question de la validité du congé ordinaire.
Il n'est pas non plus nécessaire d'étudier la possibilité d'une prolongation de bail, le recourant laissant lui-même entendre que la violation de l'art. 272 CO ne peut se poser que si le bail est résilié par un congé ordinaire (cf. art. 272a al. let. b CO).
4.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.
Les frais et dépens sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1, art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.
Lausanne, le 10 février 2012
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
Le Greffier: Piaget