BGer 4A_556/2011
 
BGer 4A_556/2011 vom 20.01.2012
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_556/2011
Arrêt du 20 janvier 2012
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________, représentée par
Me Fidèle Joye,
recourante,
contre
Y.________ SA, représentée par Me Manuel Isler,
intimée.
Objet
contrat de sous-traitance,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 13 juillet 2011.
Faits:
A.
Pour la construction de l'autoroute A16 dite "Transjurane", le canton du Jura a adjugé, en janvier 2004, la réalisation du lot 0.8.10 à Y.________ SA (ci-après: Y.________), société anonyme ayant son siège à (Genève), qui exploite une entreprise de travaux publics, active notamment dans le domaine des applications industrielles de l'électronique et de l'informatique. Les travaux confiés à Y.________ comprenaient la fourniture et l'installation des équipements de télésurveillance pour certains tronçons de l'ouvrage, plus particulièrement les tunnels.
Par contrat de sous-traitance du 18 juin 2004, Y.________ a chargé X.________, société française opérant dans le domaine de la sécurité électronique et plus particulièrement de la vidéosurveillance, de fournir les équipements nécessaires à l'installation d'un système de vidéosurveillance. Les parties sont convenues de soumettre le contrat de sous-traitance au droit suisse et ont désigné les tribunaux de Genève comme compétents pour connaître de tout litige pouvant survenir. Selon le contrat, X.________ devait fournir les caméras ainsi que des logiciels informatiques, installer le matériel et configurer les logiciels. Le contrat comportait différentes annexes, notamment une annexe n° 2 qui contenait le calendrier de l'exécution. La réception de l'ouvrage était fixée au 31 mai 2005 et l'article 9 du contrat précisait que le respect des délais constitue une obligation essentielle du cocontractant, celui-ci étant tenu de respecter le calendrier d'exécution joint en annexe n° 2. Le prix forfaitaire des prestations du sous-traitant était fixé à 404'635 fr.83 hors taxes, payable pour 60% à la livraison du matériel et pour le solde de 40% à la réception de l'ouvrage. Il était précisé que la réception et l'acceptation des prestations du sous-traitant coïncidaient avec la réception et l'acceptation de l'ouvrage principal par le canton du Jura. Le contrat contenait par ailleurs un art. 20 libellé de la manière suivante:
"Sans préjudice de toute autre disposition du présent accord, Y.________ peut, de plein droit, lorsque le sous-traitant n'exécute pas ses prestations ou ne les exécute pas correctement ou les exécute avec retard, les exécuter ou les faire exécuter en tout ou partie par un tiers aux frais et risques du sous-traitant, 15 jours après une mise en demeure restée infructueuse.
L'intégralité des coûts et dépenses avancés par Y.________ et de la réparation des préjudices subis par Y.________ sera supportée par le sous-traitant, soit par compensation avec les sommes lui restant dues, soit par règlement dans les 30 jours de l'envoi de la note de débit correspondante."
Par courrier électronique du 6 octobre 2004 adressé à X.________, Y.________ a constaté que les équipements commandés ne lui avaient pas été livrés à la date prévue. Le 2 novembre 2004, elle demandait d'urgence une réunion pour remédier à certaines insuffisances du système livré. Lors de réunions de chantier des 24 et 25 janvier 2005, Y.________ constata que X.________ n'avait pas procédé aux corrections demandées lors de la réunion du 20 décembre 2004. Par courriel du 2 février 2005, Y.________ a exigé que X.________ rende la gestion d'alarme conforme aux demandes du canton du Jura. A la suite de réunions de chantier, Y.________ a fait suivre à X.________ des listes d'anomalies, notamment les 24 février, 28 février, 3 mars, 10 mars, 16 mars, 18 avril, 9 mai et 23 mai 2005. Le 16 mars 2005, Y.________ a exigé de X.________ qu'elle termine les corrections qui lui incombait avant le 1er avril 2005. Par la suite, divers courriels ont encore été envoyés à X.________ pour lui réclamer des interventions. Dans un courriel du 30 mai 2005, Y.________ réclamait à nouveau la résolution de problèmes, indiquant qu'elle avait dû engager des actions correctives palliatives et d'importants frais pour assurer un fonctionnement tout juste acceptable pour le client final. La surveillance des travaux a exigé des différents intervenants qu'ils corrigent les problèmes avant le 8 juillet 2005. Le 28 juillet 2005, Y.________ a adressé à X.________ une nouvelle liste d'anomalies et de dysfonctionnements. A l'issue d'une réunion de chantier le 8 août 2005, le responsable du Service des Ponts et Chaussées du canton du Jura a adressé directement à X.________ un courriel, le 12 août 2005, pour se plaindre de la gestion des anomalies et exiger de X.________ qu'elle mette à disposition sur le site les ressources nécessaires.
Y.________ a livré l'ouvrage principal au canton du Jura le 9 décembre 2005. L'ouvrage a été accepté, sous réserve de défauts mineurs qui ne concernent pas le présent litige.
Le 9 février 2006, X.________ a adressé à Y.________ une facture s'élevant à 161'854 fr.33 hors taxes, correspondant aux 40% du prix convenu payables à la réception des travaux.
Y.________ a retenu sur cette somme un montant de 74'400 fr. en invoquant la compensation. Se référant aux articles 16 (non reproduit dans la décision attaquée) et 20 du contrat de sous-traitance, elle a soutenu qu'elle avait encouru des frais pour pallier les carences de X.________ et qu'il en résultait pour elle une créance compensatoire.
X.________ a contesté entièrement l'existence de cette créance compensatoire.
Y.________ lui a fait notifier, en date du 8 février 2008, un commandement de payer, auquel X.________ a formé opposition.
B.
Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance du canton de Genève le 22 août 2008, X.________ a assigné sa partie adverse en paiement de 74'400 fr. avec intérêts à 5% dès le 9 février 2006, concluant par ailleurs au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition faite au commandement de payer.
Y.________ s'est opposée à la demande en totalité, en faisant valoir la compensation avec les frais résultant pour elle des travaux qu'elle avait effectués alors que ces prestations incombaient à X.________.
Par jugement du 25 mars 2010, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné Y.________ à verser à X.________ la somme de 74'400 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2006, prononçant la mainlevée à due concurrence et statuant sur les dépens. En substance, le juge de première instance a estimé que Y.________ n'était pas parvenue à prouver les faits permettant de constater l'existence de sa créance compensatoire.
Saisie d'un appel, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 13 juillet 2011, a annulé ce jugement et débouté X.________ de sa demande en paiement, précisant que la poursuite n'irait pas sa voie et statuant sur les dépens. A l'inverse du premier juge, la cour cantonale a estimé que X.________ devait à Y.________ le montant de 74'400 fr. pour les travaux que celle-ci avait effectués en se substituant à X.________.
C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 13 juillet 2011. Invoquant l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, une violation du droit d'être entendu et une transgression de l'art. 366 CO, elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée et à un jugement conforme à celui rendu en première instance, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale.
L'intimée conclut au rejet du recours avec suite de frais et dépens.
Les parties ont répliqué et dupliqué.
Considérant en droit:
1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité supérieure statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. b, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc aussi être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).
Le Tribunal fédéral applique d'office le droit dont il peut contrôler le respect (106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 137 II 313 consid. 4 p. 317 s.; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 I 184 consid. 1.2 p. 187).
Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF). S'il admet le recours, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le fond ou renvoyer l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision (art. 107 al. 2 LTF).
2.
2.1 En raison du siège en France de la recourante, la cause revêt un caractère international et le Tribunal fédéral doit déterminer d'office quel est le droit applicable (ATF 136 III 142 consid. 3.2.1 p. 144; 132 III 609 consid. 4 p. 614, 626 consid. 2 p. 629).
La question doit être tranchée selon le droit international privé du for (ATF 136 III 142 consid. 3.2.1 p. 144; 132 III 661 consid. 2 p. 663). La qualification du rapport juridique litigieux doit être effectuée selon le droit interne du for (ATF 136 III 143 consid. 3.2.1 p. 144; 132 III 609 consid. 4 p. 615). Il ressort des constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que la recourante s'est engagée envers l'intimée à lui fournir, moyennant rémunération, une prestation qui, par la combinaison de travail et de matériel, devait permettre d'atteindre un certain résultat. Selon le droit interne du for, il n'est donc pas douteux que les parties ont conclu un contrat d'entreprise au sens de l'art. 363 CO. Il a été constaté que les parties ont expressément choisi, dans leur accord, de soumettre le contrat au droit suisse, de sorte que celui-ci est applicable en vertu de cette élection de droit (art. 116 al. 1 et 2 LDIP).
La créance en paiement du prix de l'ouvrage, invoquée par la recourante, relève donc du droit suisse. Quant à la créance en compensation (cf. art. 120 CO) invoquée par l'intimée, elle relève également du droit suisse puisqu'elle tire son origine du même contrat; les conditions de la compensation, en tant que motif d'extinction de la créance principale, relèvent également du droit suisse (art. 148 al. 1 LDIP; BERNARD DUTOIT, Droit international privé suisse, 2005, n° 6 ad art. 148 LDIP; l'art. 148 al. 2 LDIP concerne l'hypothèse où les deux créances relèvent de contrats différents).
2.2 La recourante invoque l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits.
Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Le Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). L'art. 97 al. 1 LTF précise d'ailleurs qu'une correction de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause.
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves, la décision attaquée n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait une déduction insoutenable (ATF 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
La partie recourante qui invoque l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits doit démontrer par une argumentation précise, en se référant si possible à des pièces indiscutables du dossier, que la cour cantonale a retenu ou omis un fait pertinent d'une manière insoutenable (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246).
La recourante fait valoir qu'elle a allégué, lors de la comparution personnelle, que les difficultés étaient nées du fait que l'intimée et un autre sous-traitant avaient modifié les équipements posés sur le chantier. Elle estime en avoir apporté la preuve par les déclarations de trois de ses employés. Il faut tout d'abord observer que les déclarations des propres employés de la recourante ne peuvent être prises en considération qu'avec circonspection, parce qu'il faut compter avec l'éventualité qu'ils soient tentés de dissimuler leurs propres manquements. On constate ensuite que ces trois déclarations ne sont nullement convergentes. Le premier témoin parle de modifications apportées par l'intimée, le deuxième de modifications apportées par l'autre sous-traitant et le troisième de fournitures non conformes à ce qui était prévu de la part de l'autre sous-traitant. Ces déclarations ne font pas apparaître comme arbitraire la conviction de la cour cantonale, tirée des nombreuses réclamations écrites de l'intimée auxquelles il n'a pas été répondu, que des reproches pouvaient être adressés à la recourante.
La recourante invoque aussi la déclaration d'un employé de l'intimée qui admet que celle-ci a fait perdre un jour de travail et les propos tenus par un employé de l'autre sous-traitant qui admet qu'il aurait dû informer la recourante d'une modification. Ces déclarations ne sont cependant pas de nature à modifier la décision rendue (art. 97 al. 1 LTF). En effet, la question n'est pas de savoir si la recourante est la seule entreprise à avoir commis des erreurs sur ce chantier ou si la totalité du retard dans la livraison de l'ouvrage final lui est entièrement imputable. La seule question pertinente est de savoir si, en raison de carences de la recourante, l'intimée a dû fournir à sa place des prestations dont elle peut lui réclamer le paiement.
La recourante, se référant de manière précise à différents moyens de preuve, conteste que l'intimée se soit substituée à elle dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles. Ces objections seront examinées en relation avec le grief de violation de l'art. 366 CO, puisqu'elles lui sont étroitement liées.
2.3 La recourante invoque également une violation de son droit à la preuve, en tant que composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
Il est vrai que l'on déduit du droit d'être entendu notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à des offres de preuve portant sur des mesures probatoires utiles à la manifestation de la vérité (ATF 137 I 279 consid. 2.3 p. 382; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 135 V 465 consid. 4.3.2 p. 469).
Cependant, pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral - comme celle qui est litigieuse en l'espèce -, le droit à la preuve est régi par l'art. 8 CC - dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (art. 106 al. 1 LTF) - et cette disposition prime l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt 5A_726/2009 du 30 avril 2010 consid. 3.1 non publié in ATF 136 III 365; arrêt 5A_620/2007 du 7 janvier 2010 consid. 6.1 publié in SJ 2010 I p. 568).
Il a été déduit de l'art. 8 CC un droit à la preuve et à la contre-preuve, à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent qui n'est pas déjà prouvé, par une mesure probatoire adéquate, laquelle a été régulièrement offerte selon les règles de la loi de procédure applicable; il n'y a pas de violation de l'art. 8 CC si une mesure probatoire est refusée à la suite d'une appréciation anticipée des preuves (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24 s.).
En l'espèce, la recourante ne soutient pas qu'elle aurait été empêchée d'apporter un moyen de preuve. Elle soutient seulement que les preuves versées au dossier n'ont pas été correctement examinées et appréciées. Il s'agit là d'une pure question d'appréciation des preuves, que le Tribunal fédéral ne peut examiner qu'en présence d'un grief d'arbitraire que la recourante a d'ailleurs soulevé. Dès le moment où le juge - comme c'est le cas en l'espèce - est parvenu à une conviction sur la base de l'appréciation des preuves, l'art. 8 CC cesse d'être applicable et ne peut donc avoir été violé (ATF 132 III 626 consid. 3.4 p. 634; 131 III 646 consid. 2.1 p. 649).
2.4 La recourante invoque une violation de l'art. 366 CO.
Cette disposition régit les possibilités pour le maître de l'ouvrage d'intervenir avant la livraison s'il apparaît que l'entrepreneur est en retard ou qu'il va fournir un ouvrage défectueux. Il prévoit notamment la possibilité d'une exécution par substitution (sur cette notion: cf. ATF 126 III 230 consid. 7a p. 232 ss). Lorsqu'il est en droit de procéder par substitution, le maître de l'ouvrage peut exécuter lui-même les travaux qui incombaient à l'entrepreneur (ATF 126 III 230 consid. 7a/aa p. 233). L'obligation de faire qui incombait à l'entrepreneur se transforme alors en une obligation de payer les frais (ATF 126 III 230 consid. 7a/aa p. 233). Il s'agit d'une obligation de nature contractuelle, et non pas de dommages-intérêts (PETER GAUCH, Der Werkvertrag, 5e éd., 2011, p. 685 n° 1825; FRANÇOIS CHAIX, in Commentaire romand, CO I, 2003, n° 38 ad art. 366 CO; ZINDEL/PULVER, in Basler Kommentar, OR I, 5e éd. 2011, n° 39 ad art. 366 CO; THEODOR BÜHLER, in Zürcher Kommentar, 1998, n° 73 ad art. 366 CO).
Dès lors que la prétention en paiement des frais n'est pas une créance en dommages-intérêts, l'art. 42 al. 2 CO, abondamment cité par la cour cantonale, n'est en principe pas applicable. Il est vrai cependant que la jurisprudence s'y réfère par analogie en matière contractuelle lorsque la preuve apparaît impossible à apporter (cf. ATF 136 III 306 consid. 4.1.2 p. 309; 128 III 271 consid. 2b p. 275 s.). Il ne semble cependant pas en l'espèce qu'il eût été impossible d'apporter les preuves requises par des documents précis confirmés par des témoignages.
Il faut cependant préciser que l'art. 366 CO, que la cour cantonale cite constamment, est de droit dispositif (CHAIX, op. cit., n° 40 ad art. 366 CO; BÜHLER, op. cit., n° 57 ad art. 366 CO). Il résulte des constatations cantonales qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) que les parties ont adopté dans leur contrat un art. 20 qui régit de façon manifestement exhaustive l'hypothèse d'une intervention durant le contrat pour cause de retard ou de prestations défectueuses et, notamment, la possibilité d'agir par substitution.
2.5 L'art. 366 CO, auquel la cour cantonale s'est constamment référée, n'est donc pas applicable en l'espèce et la question de droit se circonscrit à l'application de l'article 20 du contrat, dont le texte est reproduit ci-dessus.
Cette clause contenue dans un contrat soumis au droit suisse doit être interprétée selon les règles tirées du droit fédéral (sur les règles d'interprétation: cf. ATF 135 II 410 consid. 3.2 p. 412 s.; 131 III 606 consid. 4.1 p. 611 s.). Il ne s'élève d'ailleurs aucune contestation entre les parties au sujet de l'interprétation de cette clause.
Il faut toutefois signaler que l'intimée avait aussi invoqué initialement l'article 16 du contrat. Il n'y a toutefois pas lieu de réfléchir sur l'application d'une autre clause contractuelle que l'art. 20 du contrat; en particulier, on observera qu'il ne ressort pas des constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que les parties seraient convenues de livraisons partielles; la cour cantonale a constaté qu'aucun défaut de l'ouvrage n'a apparemment été signalé après la livraison, ni d'ailleurs pendant le délai de garantie ou même après l'expiration de celui-ci (arrêt attaqué p. 9). On peut certes imaginer qu'une livraison tardive ou défectueuse ait entraîné des complications et causé un préjudice; les parties se placent cependant exclusivement sur le terrain des prestations par substitution et il n'y a pas lieu de s'en écarter, puisque le Tribunal fédéral est lié par les constatations contenues dans l'arrêt cantonal et que l'objet du litige ne saurait être modifié à ce stade.
Il ressort clairement de l'article 20 du contrat que le retard dans l'exécution et la mauvaise exécution sont placées sur le même pied. Par ailleurs, ces carences permettent au maître de l'ouvrage aussi bien de faire appel à un tiers que d'exécuter lui-même les prestations qui incombaient à l'entrepreneur. L'intégralité des coûts et des dépenses et la réparation des préjudices sont à la charge de l'entrepreneur défaillant.
La seule exigence formelle est d'attendre quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse. Il n'est pas imposé de fixer un quelconque délai dans la mise en demeure. La cour cantonale a examiné soigneusement cette exigence au considérant 7.5 de l'arrêt attaqué. Elle a constaté, dans plusieurs cas, qu'il y avait eu une interpellation et qu'il avait été prouvé que la recourante n'avait pas agi dans les quinze jours. Sur ces points, qui relèvent de l'établissement des faits, l'arbitraire n'est pas invoqué et le Tribunal fédéral se trouve donc lié (art. 105 al. 1 et 2 et art. 106 al. 2 LTF).
Le montant facturé (800 fr. par jour de travail) n'a pas donné lieu à discussion. En l'absence d'un grief d'arbitraire régulièrement formulé (art. 106 al. 2 LTF), il n'y a pas à revenir sur cette question de fait.
Il résulte aussi de l'article 20 du contrat une exigence matérielle, sur laquelle se concentre maintenant le litige. Les frais que l'intimée peut mettre à la charge du recourant doivent correspondre à des prestations qu'elle a effectuées elle-même en remplacement des prestations que l'entrepreneur n'a pas exécutées correctement ou n'a pas exécutées à temps.
La cour cantonale ne traite pas vraiment cette question et il semble qu'elle ait perdu de vue cette exigence matérielle qui résulte pourtant clairement de l'article 20 du contrat. Si tel est le cas, on peut y voir une violation du droit fédéral, puisque les clauses contractuelles, dans un contrat relevant du droit suisse, doivent être correctement interprétées et appliquées.
2.6 En relation avec cette question, la recourante se plaint, avec une argumentation précise, d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits.
Il faut tout d'abord observer que le juge de première instance a écarté la créance compensatoire avec l'argumentation suivante: "la défenderesse a ainsi échoué à apporter la preuve, qui lui incombait, d'avoir effectué des travaux dont la réalisation revenait à la demanderesse" (jugement de première instance p. 9).
La cour cantonale a conclu dans un sens diamétralement opposé, mais on ne parvient pas à discerner pourquoi elle a apprécié les preuves de manière différente.
Le seul élément nouveau en deuxième instance semble avoir été la production par l'intimée d'un tableau récapitulatif, établi par elle-même et pour les besoins de la cause. La cour cantonale semble consciente de la faible valeur probante de ce document, puisqu'elle observe peu après que "font défaut à la procédure des documents qui auraient été à même d'attester de manière plus probante l'exactitude ces (sic) décomptes d'heures allégués". Pour déterminer les sommes mises à la charge de la recourante, la cour cantonale relève que les employés de l'intimée "ont confirmé qu'ils avaient dû effectuer de nombreux essais sur le site, procéder aux réglages eux-mêmes, recommencer des tests afin de configurer le produit de manière à ce qu'il soit utilisable". Se référant de manière précise au procès-verbal de comparution personnelle de l'intimée, la recourante observe toutefois qu'elle a allégué: "La défenderesse ne nous a commandé aucune heure pour la mise en oeuvre sur le site des installations mises à disposition. Nous-mêmes nous avions suggéré un minimum de dix jours pour effectuer ces réglages et ces mises au point sur le site. Des sociétés comme la défenderesse ne sont pas spécialistes de ce type d'actions". A cela l'intimée a répondu: "S'agissant de la question des réglages et de la mise en oeuvre du système sur le site, cette question ne fait pas partie de ce que nous avons acheté à la demanderesse" (procès-verbal de comparution personnelle du 1er avril 2009 p. 2). Le témoin A.________, employée de X.________, a affirmé: "En principe nous n'avions pas de prestation sur le site. (...) Dans la mesure où Y.________ ne parvenait pas à s'en sortir pour le faire fonctionner à satisfaction, elle a requis de notre part l'aide que nous lui avons apportée sur le site". Le témoin B.________, chef de projet au sein de X.________, a déclaré: "A partir de novembre 2004 nous nous sommes rendus sur le site. Cela n'était pas prévu. (...) Nous nous sommes rendus sur place malgré le fait que ce n'était pas convenu initialement à la demande de Y.________ qui nous faisait miroiter des affaires futures en Suisse. Nous avons considéré ces déplacements comme un investissement". Ainsi, il apparaît, de l'aveu même de l'intimée (en comparution personnelle), que cette dernière devait se charger elle-même des travaux de tests et de réglages sur place, contrairement à ce que l'on pouvait penser à première vue à la lecture de l'article 6.7 du contrat. Dès lors que ces travaux n'incombaient pas à la recourante, le temps qui y a été consacré ne peut pas être mis à sa charge. Par ailleurs, l'intimée, en tant que maître de l'ouvrage, devait vérifier les prestations reçues et ne pouvait pas facturer à son cocontractant le temps passé à ces vérifications (cf. art. 367 CO). Il semble enfin que les possibilités pour l'intimée de se substituer à la recourante aient été limitées par le fait qu'elle n'avait pas les compétences pour modifier le logiciel, ce qui a été affirmé aussi bien par un employé de la recourante (témoin C.________) que par un employé de l'intimée (témoin D.________).
Les travaux dont le coût peut être mis à la charge de la recourante se limitent à ceux qui ont été exécutés par substitution, c'est-à-dire ceux qui ont pour objet une prestation que la recourante devait fournir selon le contrat ou une réparation qu'elle devait fournir en raison d'une mauvaise exécution de son obligation. Le juge de première instance a considéré que l'on ne pouvait pas faire le départ entre les travaux facturés qui incombaient contractuellement à la recourante et ceux qui ne lui incombaient pas. Il a donc écarté la créance compensatoire pour le motif que la créancière n'avait pas apporté la preuve qui lui incombait (art. 8 CC). La cour cantonale est parvenue à une conclusion inverse, mais on ne peut pas comprendre comment elle a pu se convaincre que tous les travaux facturés correspondaient à des prestations qui incombaient à la recourante. La motivation contenue dans l'arrêt attaqué ne permet pas de répondre aux objections de la recourante. La manière dont les preuves ont été appréciées n'est pas compréhensible, ce qui est constitutif d'arbitraire.
Comme il n'appartient pas au Tribunal fédéral, en tant que juge du droit, d'apprécier lui-même les preuves et d'établir les faits, l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour apprécier les preuves et déterminer clairement quels sont les travaux facturés par l'intimée qui correspondaient à des prestations que la recourante aurait dû fournir sur la base du contrat.
3.
Comme la recourante avait conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué et que l'intimée avait conclu à sa confirmation, il faut constater que l'intimée succombe et les frais judiciaires seront mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF).
Il faut cependant relever que la recourante n'obtient pas, par le présent arrêt, la somme qu'elle réclamait, qu'elle succombe sur plusieurs griefs et que l'issue de la cause est encore incertaine. En pareilles circonstances, il se justifie de compenser les dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.
2.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle prenne une nouvelle décision.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
4.
Les dépens sont compensés.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 20 janvier 2012
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
Le Greffier: Piaget