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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_694/2011
Arrêt du 12 janvier 2012
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Raselli et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
toutes les trois représentées par Me Christian Tamisier, avocat,
recourantes,
contre
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.
Objet
procédure pénale, séquestre,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 3 novembre 2011.
Faits:
A.
Dans le cadre d'une instruction pénale dirigée contre D.________, pour abus de confiance et gestion déloyale, le Ministère public du canton de Genève a ordonné, le 29 novembre 2010, le blocage de deux comptes détenus par la société A.________, société appartenant au prévenu et qui aurait été constituée au moyen de fonds détournés. Du 22 au 24 novembre 2010, 500'000 USD étaient parvenus sur l'un de ces comptes; 400'000 fr. avaient ensuite été versés sur l'autre compte, d'où 300'000 fr. avaient été transférés pour la constitution de deux sociétés, B.________ et C.________. Le 24 mai 2011, le Ministère public a décidé d'étendre le séquestre prononcé le 29 novembre 2010 aux deux comptes de consignation ouverts auprès du Crédit Suisse pour la création de ces deux sociétés.
B.
Par arrêt du 3 novembre 2011, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a, sur recours de A.________, B.________ et C.________, confirmé cette décision. L'argument tiré du droit d'être entendu a été écarté, les sociétés recourantes connaissant suffisamment les raisons du séquestre. Les recourantes prétendaient que les fonds séquestrés appartenaient exclusivement à un homme d'affaires nigérien qui les auraient remis à A.________ pour la création de deux sociétés actives dans le domaine du pétrole. Toutefois, ni l'identité de l'homme d'affaires, ni l'existence des sociétés parties à la transaction n'avaient pu être vérifiées; aucun document original n'avait été versé à la procédure et le prévenu, qui avait déjà reconnu avoir fabriqué un faux, n'avait jamais distingué les deux comptes de consignation dans ses demandes de libération partielle.
C.
Par acte du 7 décembre 2011, A.________, B.________ et C.________ forment un recours en matière pénale par lequel elles demandent l'annulation de l'arrêt de la Chambre pénale de recours et de la décision du Ministère public du 24 mai 2011, et la levée du séquestre des deux comptes de consignation; subsidiairement, elles demandent le renvoi de la cause pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le Chambre pénale de recours se réfère à son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre une décision de séquestre prise au cours de la procédure pénale, et confirmée en dernière instance cantonale (art. 80 LTF).
1.1 La décision par laquelle le juge ordonne ou maintient un séquestre pénal constitue une décision incidente (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Selon la jurisprudence (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les références), le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, car le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 89 I 185 consid. 4 p. 187 et les références).
1.2 Les sociétés recourantes, à tout le moins les titulaires des deux comptes séquestrés, ont qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF.
1.3 Le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation et l'application des conditions posées par le droit fédéral pour les atteintes aux droits fondamentaux (art. 95 let. a LTF; cf. ATF 128 II 259 consid. 3.3 p. 269). La décision relative aux mesures de contrainte ne constitue pas une décision sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF. La limitation des griefs prévue par cette disposition, de même que le principe d'allégation au sens de l'art. 106 al. 2 LTF (qui va au-delà de l'obligation de motiver posée à l'art. 42 al. 2 LTF), ne s'appliquent donc pas. Cela vaut également pour le séquestre d'objets ou de valeurs patrimoniales (ATF 129 I 103 consid. 2 p. 105 ss). Dès lors que le sort des biens saisis n'est décidé définitivement qu'à l'issue de la procédure pénale, et dans la mesure où les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF sont réunies pour statuer à propos d'une décision incidente, le Tribunal fédéral examine librement l'admissibilité de la mesure malgré son caractère provisoire compte tenu de la gravité de l'atteinte et afin d'assurer le respect des garanties de la CEDH (art. 36 et 190 Cst.; cf. ATF 131 I 333 consid. 4 p. 339; 425 consid. 6.1 p. 434 et les références). S'agissant en revanche de l'application de notions juridiques indéterminées, le Tribunal fédéral respecte la marge d'appréciation qui appartient aux autorités compétentes (cf. ATF 136 IV 97 consid. 4 p. 100 et les références).
2.
Pour l'essentiel, les recourantes critiquent l'appréciation des preuves opérée par la cour cantonale et se plaignent d'établissement inexact des faits. Elles estiment avoir produit, à l'appui de leur recours cantonal, suffisamment de pièces pour démontrer que les deux comptes de consignation n'ont été alimentés que par les fonds en provenance de l'homme d'affaires nigérien, soit notamment un contrat portant sur la création des deux sociétés, des attestations de transferts, une déclaration selon laquelle l'homme d'affaires serait l'ayant droit des deux sociétés constituées et des trois sociétés d'où proviennent les fonds, ainsi qu'un décompte bancaire. La cour cantonale aurait écarté ces documents sans procéder à l'administration des preuves, en mettant en doute l'identité et les déclarations de l'homme d'affaires et en considérant, sur la base d'une simple recherche internet, que l'existence des sociétés impliquées n'était pas établie. Les recourantes produisent des pièces nouvelles censées démontrer l'existence des sociétés chinoises et nigériennes. Elles estiment en définitive que les conditions d'un séquestre, et notamment la connexité entre les fonds et l'infraction poursuivie, ne seraient pas réunies.
2.1 Le séquestre pénal ordonné par une autorité d'instruction est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. En l'espèce, le séquestre est fondé sur l'art. 263 CPP, disposition selon laquelle les objets et les valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être séquestrés notamment lorsqu'il est probable qu'ils devront être confisqués (let. d). Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107 et les références citées). Tant que l'instruction n'est pas achevée, une simple probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'il résolve des questions juridiques complexes ou qu'il attende d'être renseigné de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 99). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de confiscation (SJ 1994 p. 90 et 102).
2.2 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente, sauf si ceux-ci ont été retenus de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire: ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 63 - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 1 et 2 LTF) et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Lorsque le recourant entend s'en prendre aux faits ressortant de l'arrêt attaqué, il doit établir de manière précise la réalisation de ces conditions. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 137 II 353 consid. 5.1 et la jurisprudence citée).
Par ailleurs, à teneur de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ou preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente; cette dernière précision a pour but de permettre au recourant de répondre à des arguments exposés pour la première fois dans la décision attaquée, et non de remettre en cause l'appréciation des preuves faite sur la base des pièces figurant au dossier cantonal. Les pièces nouvelles produites par les recourantes sont dès lors irrecevables.
2.3 La décision d'extension du séquestre aux deux comptes des recourantes est initialement fondée sur le fait que les fonds proviennent des deux comptes de A.________, dont ils avaient été débités quelques jours avant la première décision de blocage, du 29 novembre 2010. Cette décision, confirmée par la Chambre d'accusation genevoise, n'est pas critiquée en tant que telle par les recourantes. On ne saurait dès lors reprocher à l'autorité de poursuite de vouloir s'assurer, d'une part, que les fonds n'ont pas la même origine potentiellement délictueuse que ceux qui se trouvent encore sur les comptes de A.________ et, d'autre part, que le prononcé d'une créance compensatrice est exclu à leur égard. A ce sujet, le Ministère public a relevé que le prévenu n'avait pas, lors des demandes de libération partielle des fonds pour ses besoins personnels, fait de distinction entre les deux comptes jusqu'au mois d'avril 2011. Les recourantes estiment avoir démontré par pièces la véracité de leurs affirmations. Toutefois, comme le relève la cour cantonale, les documents produits ne sont pas des documents officiels certifiés, s'agissant en particulier de l'existence des sociétés impliquées et de l'identité de l'homme d'affaires nigérien. Le prévenu ayant apparemment déjà recouru à de faux documents, la prudence de l'autorité de poursuite apparaît légitime. Dès lors, sur le vu du dossier qui lui était soumis, la cour cantonale pouvait retenir que l'origine des fonds bloqués n'était pas encore clairement et définitivement établie. Les recourantes ont encore la possibilité de produire, en premier lieu devant l'autorité d'instruction, les documents officiels originaux propres à prouver leur version des faits.
3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, aux frais des recourantes (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourantes.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 12 janvier 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Kurz