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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_105/2011
Arrêt du 14 septembre 2011
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Reeb et Raselli.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Pierre Bayenet, avocat,
recourant,
contre
1. B.________,
2. C.________,
tous deux représentés par Me Alain Berger, avocat,
intimés,
Procureur général du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
procédure pénale; décision de classement,
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 4 février 2011.
Faits:
A.
Le 10 mai 2005, A.________ a porté plainte contre les gendarmes genevois B.________ et C.________. Lors d'une interpellation du 2 mai 2005 sur le site d'Artamis, ceux-ci l'auraient tutoyé et en termes impolis, enjoint de se coucher au sol alors même qu'il se soumettait au contrôle en leur présentant son permis B, puis lui auraient tenu des propos racistes et l'auraient frappé à coups de pieds, de poings et de matraque. L'un des gendarmes l'aurait jeté à terre. A.________ l'avait mordu à l'avant-bras afin de pouvoir respirer. Immobilisé et maintenu à terre, il affirmait avoir reçu des coups. Il alléguait aussi avoir été frappé et insulté dans la voiture de police pendant son transport au poste, puis à l'hôpital. Il avait ensuite été constaté qu'il avait la clavicule cassée.
Les deux gendarmes mis en cause ont également porté plainte contre A.________. Contrôlé alors qu'il portait un sac à dos et faisait les cent pas dans un endroit connu pour être propice au trafic de drogue, il aurait contesté la légalité du contrôle et refusé de coopérer. Ils auraient d'abord dû lui faire lâcher de force la cigarette allumée qu'il tenait à la main. Devant son refus de montrer ses papiers, ils l'auraient invité à les suivre vers le véhicule de service et l'un d'eux l'aurait saisi au bras gauche dans le but d'effectuer une prise de transport. L'interpellé se serait dégagé, aurait refusé de se coucher au sol et se serait déplacé vers un mur. L'un des gendarmes aurait tenté en vain une clef de coude, et s'était alors servi de sa matraque, mais celle-ci s'était cassée à l'emploi. Au cours de la lutte qui s'ensuivit, l'interpellé avait mordu l'un des policiers à l'avant-bras. L'interpellé avait fini par être maîtrisé et emmené au poste.
Le Procureur général du canton de Genève a ouvert deux procédures pénales. Après avoir suspendu la plainte de A.________, il l'a classée le 27 août 2007 faute de preuves suffisantes. Cette décision a été confirmée par la Chambre d'accusation genevoise le 9 janvier 2008. Par arrêt du 27 novembre 2008 (6B_110/2008), le Tribunal fédéral a annulé cette dernière ordonnance: l'instruction exigée par l'art. 3 CEDH n'était pas suffisamment approfondie, les affirmations du recourant n'ayant pas été vérifiées. Il y avait notamment lieu de contrôler si les médecins ayant constaté la blessure à l'épaule avaient aussi examiné les autres parties du corps.
B.
Le Juge d'instruction a procédé à des compléments d'enquête en entendant des médecins et infirmiers des HUG, l'épouse du plaignant et un ami de celui-ci. Il a communiqué la procédure sans inculpation le 28 juillet 2010. Par décision du 22 novembre 2010, le Procureur général a à nouveau classé la plainte: l'instruction complémentaire n'avait pas permis d'établir d'autres lésions subies que celle à la clavicule. Si l'intéressé avait été tabassé, il en aurait parlé aux médecins, à sa femme ou à son ami. L'expertise de la matraque cassée au cours de l'intervention n'était pas nécessaire.
Par ordonnance du 4 février 2011, la Chambre d'accusation - statuant selon l'ancien droit - a confirmé les décisions précitées. Le refus de l'intéressé de jeter sa cigarette, puis d'être fouillé et de se coucher au sol, justifiait le recours à la force et la conduite au poste. La fracture de la clavicule était due à une chute du recourant, dans la mêlée. Le personnel de l'hôpital avait mis en doute l'existence d'autres blessures. Le passage en cellule et la fouille complète étaient également justifiés. Les insultes et mauvais traitements étaient démentis par un gendarme stagiaire. Depuis l'arrêt du Tribunal fédéral, les actes d'enquête avaient été effectués avec diligence. Les actes d'instruction sollicités (une expertise relative à la rupture de la matraque, la production des antécédents judiciaires des deux gendarmes) n'étaient pas pertinents.
C.
Par acte du 7 mars 2011, A.________ forme un recours en matière de droit public et en matière pénale, ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire, avec une demande d'assistance judiciaire. Il conclut à l'annulation de l'ordonnance de la Chambre d'accusation et à la constatation d'une violation des principes de célérité et d'efficacité. Il requiert aussi le renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'elle établisse les faits pertinents de manière complète et précise, qu'elle constate que le recourant a fait l'objet de traitements inhumains cruels ou dégradants, qu'elle lui accorde une indemnité équitable et qu'elle ordonne le renvoi en jugement des deux gendarmes.
La cour cantonale ne s'est pas déterminée. Le Ministère public conclut au rejet du recours. C.________ et B.________ proposent le rejet des recours dans la mesure où ils seraient recevables. Les parties ont répliqué, puis dupliqué.
Considérant en droit:
1.
1.1
La décision attaquée confirme le classement de la procédure pénale prononcé par le Ministère public, ainsi que l'ordonnance de soit-communiqué - sans inculpation - rendue précédemment par le juge d'instruction. Il s'agit là de décisions rendues en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF. L'arrêt attaqué, qui les confirme, a un caractère final (art. 90 LTF) et émane de l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). Le recourant a agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF).
1.1.1 Quand bien même il est fondé sur l'ancien code de procédure pénale genevois (CPP/GE), l'arrêt attaqué a été rendu le 4 février 2011. La qualité pour agir du recourant doit donc s'examiner au regard de l'art. 81 LTF dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2011 (art. 132 al. 1 LTF).
1.1.2 Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe notamment au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir lorsque ces faits ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier de la cause (cf. ATF 133 II 353 consid. 1 p. 356, 249 consid. 1.1 p. 251).
1.1.3 Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une décision de classement de l'action pénale, il n'est pas nécessaire que la partie plaignante ait déjà pris des conclusions civiles. En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé à moins que, compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée, l'on puisse déduire directement et sans ambiguïté quelles prétentions civiles pourraient être élevées et en quoi la décision attaquée pourrait influencer négativement leur jugement (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187). Tel est le cas en l'occurrence: le recourant se plaint de mauvais traitements infligés par des agents de la police, et il conclut à l'allocation d'une indemnité équitable de ce chef, quand bien même il n'en précise pas le montant. Une telle indication peut être considérée comme suffisante à ce stade, ce qui justifie d'entrer en matière.
1.2
Le recourant prétend également agir sur la base des art. 114A ss CPP/GE, dispositions qui confèrent à toute personne touchée par une mesure de contrainte ou une intervention de la police, le droit de s'en plaindre auprès du Procureur général. Ce dernier peut constater une violation de la loi, ordonner des mesures propres à assurer le respect de la loi ou allouer une indemnité équitable (art. 114B CPP/GE). Il s'agit d'une procédure administrative spécifique assimilable d'une part à une dénonciation et d'autre part à une action en responsabilité de l'Etat. Dans la mesure où il peut notamment conclure à une indemnisation (sous réserve de la question de la valeur litigieuse, cf. art. 85 al. 1 let. a LTF) ou à une constatation d'illicéité, le dénonciateur pourrait prétendre être "particulièrement atteint" et disposer d'un intérêt digne de protection, au sens de l'art. 89 al. 1 lettre b LTF (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43; 133 II 468; 120 Ib 351 consid. 3a p. 355). Le recours en matière de droit public paraît donc également ouvert.
1.3
La recevabilité des recours ordinaires entraîne l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 Cst.)
2.
Le recourant se plaint en premier lieu d'une violation de l'art. 112 al. 1 et 3 LTF. Il reproche à la cour cantonale d'avoir mélangé les faits et le droit, sans préciser son appréciation des preuves ni établir l'ensemble des faits pertinents, s'agissant de savoir si le recourant a ou non refusé de se légitimer auprès des policiers, quelle est la cause de la fracture de la clavicule et s'il a reçu des coups. Sur ces derniers points, le recourant se plaint aussi d'établissement arbitraire des faits.
2.1 Selon l'art. 112 al. 1 let. b LTF, les décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral doivent indiquer "les motifs déterminants de fait et de droit" sur lesquels l'autorité s'est fondée. Si la décision attaquée ne satisfait pas à ces exigences, le Tribunal fédéral peut soit la renvoyer à l'autorité cantonale en invitant celle-ci à la parfaire, soit l'annuler (art. 112 al. 3 LTF). Cette disposition concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 3 Cst.), lequel oblige notamment l'autorité à motiver sa décision, afin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu (ATF 133 I 270 consid. 3.1 p. 277; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445). Le juge n'a cependant pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445).
2.2 Ces garanties formelles sont respectées dans le cas particulier. Dans sa partie en fait, l'arrêt attaqué relate les différentes déclarations et versions des parties, considérées à juste titre comme des faits, mais sans se prononcer sur leur véracité. Il expose ensuite le résultat des mesures d'instruction complémentaires effectuées après le premier arrêt du Tribunal fédéral. Dans sa partie en droit, l'arrêt attaqué retient les faits qui peuvent être considéré comme établis, soit parce qu'ils découlent du dossier soit parce qu'ils ne sont pas contestés. Il précise qu'il subsiste un doute quant au fait de savoir si le recourant a ou non refusé de se légitimer. La cour cantonale s'est enfin livrée à une évaluation des différents témoignages recueillis, s'agissant des mauvais traitements allégués. L'arrêt attaqué ne mélange donc nullement le fait et le droit, et sa motivation permet au recourant de faire valoir ses arguments en connaissance de cause. Le grief doit dès lors être écarté.
2.3 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314, 101 consid. 3 p. 104) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 136 I 184 consid. 1.2 p. 187; 133 IV 286 consid. 1.4 et 6.2). Une correction de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
2.3.1 La cour cantonale a laissé indécise la question de savoir si le recourant, comme il le soutient, a bien présenté ses papiers aux gendarmes. Le recourant se fonde pour sa part sur le témoignage d'un ami qui, après les faits, avait retrouvé son permis B sur les lieux de l'interpellation. La Chambre d'accusation a tenu compte de ce témoignage, puisqu'elle a considéré qu'en dépit des déclarations des policiers, un doute subsistait sur ce point. Contrairement à ce que soutient le recourant, la découverte ultérieure de son permis sur les lieux ne constitue pas une preuve formelle que celui-ci aurait été présenté par le recourant aux policiers qui l'interpellaient; celui-ci aurait également pu tomber au sol lors de l'altercation.
2.3.2 Le recourant reprend les déclarations du médecin selon lequel une fracture de la clavicule proviendrait le plus souvent "d'un coup donné perpendiculairement". Le recourant en déduit que la probabilité d'un coup sur la clavicule serait plus importante que celle d'une chute, ce d'autant qu'une plaie aurait été constatée sur la face postérieur de son épaule droite. Dans son témoignage, le médecin orthopédiste indique certes que la fracture de la clavicule provient le plus souvent d'un coup. Il précise toutefois que ce genre de fractures est fréquent lors d'une chute en avant à bicyclette, et n'a dès lors nullement voulu exprimer que la probabilité d'un coup serait plus importante que celle d'une chute. Quant à la plaie constatée, elle est compatible avec la chute et l'immobilisation de force subie par le recourant. L'ordonnance attaquée n'a rien d'insoutenable sur ce point également.
2.3.3 Le recourant conteste l'affirmation de la cour cantonale selon laquelle il n'aurait pas eu d'autres blessures, ni éprouvé de douleur ou subi de mauvais traitement. Les policiers eux-mêmes auraient admis l'avoir frappé aux jambes avec leurs bâtons, l'un d'eux s'étant même cassé. Le certificat médical ferait par ailleurs mention de la plaie précitée à l'épaule. L'appréciation de la Chambre d'accusation se fonde sur le fait, attesté par le personnel de l'hôpital, que le recourant ne s'est pas plaint d'autres blessures, et que de telles blessures auraient été mentionnées dans le dossier médical. Il n'est dès lors pas contraire au dossier de retenir que les coups portés aux jambes du recourant - et admis par les intimés - n'ont pas occasionné de blessures, et que la plaie à l'épaule était en rapport avec la chute au sol.
Les griefs en relation avec l'établissement des faits doivent par conséquent être écartés.
3.
Le recourant se plaint ensuite de violations de règles de procédure tel le droit à une enquête immédiate (art. 12 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conclue à New York le 10 décembre 1984 - ci-après: la convention de New York; RS 0.105), le droit à une procédure menée avec célérité et le droit à une enquête effective et approfondie (art. 3, 6 et 13 CEDH, art. 13 de la Convention contre la torture).
3.1 La Convention de New York, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 juin 1987, oblige les Etats parties à se doter d'une loi qui punisse de manière appropriée les actes de torture, ainsi que les actes constitutifs de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à instituer des tribunaux compétents pour appliquer cette loi (cf. art. 4, 5 et 16). Son art. 12 oblige les Etats parties à veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un tel acte a été commis sur un territoire soumis à leur juridiction.
Les faits dénoncés par le recourant se sont déroulés le 2 mai 2005. Le recourant a été immédiatement amené à l'hôpital où les médecins ont pu faire les constatations nécessaires. Un rapport d'arrestation a été dressé le même jour, et le recourant a fourni sa version des faits. La version des policiers a elle aussi été immédiatement recueillie puisque ceux-ci ont déposé plainte le même jour contre le recourant. Celui-ci a été entendu par le juge d'instruction le 3 mai 2005, puis le 6 juin 2005 à propos de la plainte de C.________. Il a déposé plainte le 10 mai 2005. Le Juge d'instruction a demandé, le 7 juin 2005, la communication de l'identité du stagiaire intervenu en renfort. Il apparaît ainsi que les déclarations des personnes impliquées ont été immédiatement recueillies, ainsi que les renseignements d'ordre médical. Les preuves essentielles ont dès lors été administrées sans retard, de sorte que l'on ne saurait reprocher aux autorités de poursuite d'avoir tardé à instruire et d'avoir ainsi couru le risque d'une altération ou disparition des preuves déterminantes.
3.2 Sur le vu de ce qui précède, le recourant se plaint également en vain d'une violation du principe de célérité. Le Juge d'instruction était en effet parallèlement chargé de l'enquête sur plainte des deux agents de police, et a recueilli dans ce cadre des informations nécessaires au traitement de la plainte du recourant. Par ailleurs, si l'instruction a connu quelques périodes d'inactivité (du 6 juin au 5 octobre 2006, puis du 6 novembre 2006 au 27 août 2007), il n'en est résulté aucune disparition ou altération des preuves essentielles. Le personnel médical a en effet clairement indiqué que si le recourant s'était plaint, lors de l'examen survenu immédiatement après les faits, de lésions autres que la fracture de la clavicule, mention en aurait été faite au dossier. Le recourant ne soutient pas, par ailleurs, que l'enquête reprise après l'arrêt du Tribunal fédéral du 27 novembre 2008 aurait connu des retards inadmissibles.
3.3 Enfin, le droit du recourant à une enquête effective et approfondie n'a pas été violé.
3.3.1 Une violation de ce doit avait été constatée dans l'arrêt du 27 novembre 2008, le Tribunal fédéral ayant estimé que les preuves envisageables pour vérifier les affirmations du recourant n'avaient pas été administrées, et qu'il y avait lieu en particulier d'entendre les auteurs du certificat médical du 2 mai 2005 afin de déterminer si d'autres lésions avaient - ou auraient - pu être constatées. Ces investigations complémentaires ont été effectuées: les dossiers médicaux ont été produits et le personnel de l'hôpital a été entendu. Il en ressort clairement que le recourant ne s'est pas plaint d'autres lésions que la fracture de la clavicule, sans quoi mention en aurait été faite au dossier. Contrairement à ce que soutient le recourant, le droit à une enquête approfondie n'imposait pas à l'autorité de rechercher spontanément si l'intéressé pouvait souffrir d'autres blessures que celle dont il se plaignait expressément. Dans ces conditions, un examen médical ordonné immédiatement par le juge n'apparaissait pas nécessaire, pas plus qu'une expertise médico-légale. Il en va de même des différents actes d'instruction évoqués par le recourant: une expertise de la matraque (l'usage de celle-ci, sa rupture et la présence d'un défaut de fabrication ont déjà été établis), une analyse des habits portés par le recourant et les diverses auditions requises n'auraient pas permis de parvenir à des conclusions différentes de celles retenues dans l'ordonnance de classement.
3.3.2 Comme le relève l'ordonnance de la Chambre d'accusation, si le recourant n'a pas pu participer aux auditions des 2 et 12 mars 2010 de l'ami et de l'épouse du recourant, cela tient à l'absence d'inculpation. Le recourant a de toute façon eu accès au dossier après la décision de classement, et a pu faire valoir ses objections dans le cadre de la procédure de recours, ce qui satisfait à son droit d'être entendu. Le recourant n'indique pas, au demeurant, qu'il aurait été privé du droit de poser des questions complémentaires aux témoins qui ont été entendus.
3.3.3 Quant aux objections du recourant à propos de l'appréciation des preuves, elles ne remettent pas en cause le caractère effectif de l'enquête qui a été menée. Les doutes à propos de l'impartialité du juge d'instruction et de l'auteur du rapport concernant la matraque apparaissent à tout le moins tardif à ce stade: il appartenait au recourant de requérir en temps utile la récusation du magistrat, sans attendre l'issue de la procédure. Le juge d'instruction a clairement expliqué pour quelle raison il avait renoncé à une expertise concernant la rupture du bâton: un défaut de fabrication (bulle d'air) avait été constaté, et une expertise ne pourrait établir ni l'intensité des coups ni les endroits où ils auraient été portés. Quant aux antécédents des gendarmes, ils ont été produits et le magistrat a pu constater qu'il n'existait à leur encontre aucune plainte pour violences ou injures. Les actes du juge d'instruction ne dénotent donc aucune prévention à l'égard du recourant.
4.
Le recourant invoque enfin les droits découlant de l'art. 3 CEDH et 7 Pacte ONU II, ainsi que le droit d'obtenir réparation en cas de mauvais traitements. Ses arguments se rapportent toutefois là aussi à l'appréciation des preuves, et doivent donc être écartés dans la même mesure que ceux qui précèdent.
5.
Les recours en matière pénale et en matière de droit public doivent par conséquent être rejetés, et le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire, et les conditions en paraissent réunies. Me Pierre Bayenet est désigné comme défenseur d'office du recourant, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. Les intimés B.________ et C.________, qui obtiennent gain de cause devant le Tribunal fédéral avec l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens à la charge du recourant (art. 68 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours constitutionnel est irrecevable.
2.
Les recours en matière pénale et en matière de droit public sont rejetés.
3.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Pierre Bayenet est désigné comme défenseur d'office du recourant et une indemnité de 2'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée aux intimés B.________ et C.________, à la charge du recourant.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 14 septembre 2011
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Kurz