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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_886/2010
Arrêt du 12 avril 2011
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Escher et Herrmann.
Greffier: M. Richard.
Participants à la procédure
dame A.________, (épouse),
représentée par Me Mireille Loroch, avocate,
recourante,
contre
A.________, (époux),
représenté par Me Rémi Bonnard, avocat,
intimé.
Objet
mesures provisionnelles,
recours contre le jugement d'appel du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte du 10 novembre 2010.
Faits:
A.
Dame A.________ née en 1959, et A.________, né en 1955, se sont mariés le 14 janvier 1989 en France.
Deux enfants sont issus de cette union, B.________, né en 1989, et C.________, née en 1992.
B.
B.a Par demande unilatérale du 13 décembre 2003, A.________ a ouvert une action en divorce.
S'agissant des mesures provisionnelles, le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a arrêté la contribution due par l'époux pour l'entretien de la famille à 6'000 fr., allocations familiales en sus, dans son jugement d'appel du 20 avril 2007.
B.b Par requête du 5 mars 2010, A.________ a requis la modification des mesures provisionnelles concluant à la réduction de la contribution d'entretien à 3'000 fr. dès le 1er janvier 2010. Le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a rejeté la requête par ordonnance du 26 mai 2010.
B.c Statuant sur appel le 10 novembre 2010, le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a réformé l'ordonnance attaquée en ce sens que l'époux doit contribuer à l'entretien de ses deux enfants par le versement d'une pension mensuelle de 3'000 fr., allocations familiales en sus, en mains de ceux-ci dès le 1er mars 2010.
C.
Le 13 décembre 2010, l'épouse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à ce que son époux soit astreint à contribuer à l'entretien des siens par le versement d'une pension mensuelle de 6'000 fr., allocations familiales en sus, à compter du 1er mars 2010. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à l'instance inférieure pour nouvelle instruction et décision. Elle se plaint d'arbitraire dans l'application de l'art. 176 CC en relation avec l'art. 125 CC en tant que le Tribunal a supprimé toute contribution à son entretien. Son recours est doublé d'une requête d'effet suspensif.
Par ordonnance présidentielle du 16 décembre 2010, la Présidente de la cour de céans a rejeté cette dernière requête.
D.
Parallèlement, la recourante a déposé un recours en nullité auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Par ordonnance du 3 janvier 2011, la Présidente de la cour de céans a suspendu la procédure de recours fédérale jusqu'à droit connu sur le recours en nullité cantonal. La Chambre des recours a rejeté le recours interjeté devant elle dans son arrêt du 17 janvier 2011.
E.
Invité à se déterminer sur le recours en matière civile du 13 décembre 2010, l'intimé propose son rejet. Le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit:
1.
1.1 L'arrêt d'appel du Tribunal d'arrondissement ayant été rendu et expédié aux parties en 2010, il n'est pas soumis au code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC, RS 272), entré en vigueur le 1er janvier 2011 (arrêt 4A_80/2011 du 31 mars 2011 consid. 2, destiné à la publication). Le droit transitoire relatif aux art. 75 al. 2 et 111 al. 3 LTF, tel que prévu par l'art. 130 al. 2 LTF, demeure donc applicable, de sorte que le recours dirigé contre l'arrêt du Tribunal d'arrondissement, tribunal inférieur, est ouvert.
1.2 La décision de modification de mesures provisoires selon l'art. 137 al. 2 aCC est une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF. Bien qu'elle soit prise alors qu'une procédure (principale) de divorce est pendante, elle est finale selon l'art. 90 LTF, car son objet est différent de celui de la procédure au fond et elle met fin à l'instance sous l'angle procédural (ATF 134 III 426 consid. 2.2 et les références citées). Le recours a pour objet une décision rendue dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b et 51 al. 4 LTF). Il a par ailleurs été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à la modification de l'arrêt attaqué (art. 76 al. 1 LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable.
1.3 Selon l'art. 75 al. 1 LTF, le recours n'est recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale, ce qui signifie que les griefs soulevés devant le Tribunal fédéral ne doivent plus pouvoir faire l'objet d'un recours ordinaire ou extraordinaire de droit cantonal (ATF 134 III 524 consid. 1.3). Dans le canton de Vaud, l'arrêt sur appel en matière de mesures provisionnelles peut faire l'objet d'un recours en nullité au Tribunal cantonal pour les motifs prévus par l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD, à savoir pour déni de justice formel, ainsi que pour arbitraire dans l'appréciation des preuves (ATF 126 I 257 consid. 1b; arrêt 5A_533/2010 du 24 novembre 2010 consid. 1.2). Le présent recours n'est donc recevable au sens de l'art. 75 al. 1 LTF qu'en tant qu'il est interjeté pour arbitraire dans l'application du droit fédéral. Les critiques se référant aux montants des charges retenus par la cour cantonale sont en revanche irrecevables.
1.4 Comme l'arrêt attaqué porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 393 consid. 5 in fine), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés (art. 106 al. 2 LTF), à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 133 IV 286 consid. 1.4). Il n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 133 III 589 consid. 2).
2.
En l'espèce, le premier juge avait considéré que la modification de la situation professionnelle de l'époux lui était exclusivement imputable et n'avait pas à être supportée par sa famille. En outre, il avait jugé que la situation financière des parties était si peu différente de celle de 2007 qu'une modification de la pension ne se justifiait pas.
Sur la base d'un certificat médical produit en appel - dont il ressort que la réduction du temps de travail de l'époux est due à son état psychique et que sa capacité de travail ne dépasse pas 80 % depuis le 1er janvier 2009 -, le tribunal a considéré qu'il y avait lieu d'admettre que son taux d'activité avait baissé de 20 % impliquant une diminution de revenu dans la même proportion. Il a dès lors arrêté ses revenus à 10'083 fr. 15 et constaté que ses charges étaient quasiment inchangées depuis 2007. S'agissant de la situation de la recourante, l'autorité d'appel a relevé que, travaillant toujours à temps partiel, elle réalisait désormais un revenu mensuel de 4'445 fr. au lieu de 2'905 fr. en 2007, ses charges s'élevant à 3'713 fr. 90. Elle a en outre estimé qu'elle pouvait exercer une activité à plein temps, les enfants étant désormais majeurs. Appliquant le principe de la rupture nette du lien conjugal, le tribunal a jugé que l'époux n'avait plus à contribuer à l'entretien de l'épouse qui parvenait à couvrir ses charges incompressibles avec son salaire. Concernant les enfants, pour lesquels les parties sont convenues que la contribution soit fixée malgré leur majorité, la pension mensuelle a été arrêtée à 3'000 fr. pour les deux, ce qui représente un peu plus du quart des revenus du père (2'520 fr.).
3.
La recourante reproche tout d'abord au tribunal d'avoir appliqué le seul principe du "clean break", méconnaissant les principes jurisprudentiels tirés de l'art. 176 en relation avec l'art. 125 CC. Elle fait en particulier valoir que le principe de solidarité préconise qu'une contribution soit allouée à l'époux créancier si l'on ne peut raisonnablement attendre de lui qu'il pourvoie à son entretien convenable. Elle se plaint en outre d'application arbitraire du droit fédéral en tant que le tribunal n'a pas instruit sa réelle capacité de gain en tenant compte de son âge, de sa formation, de son état de santé, de la durée du mariage et de la répartition des tâches dans le couple. Elle précise à cet égard avoir allégué que son employeur avait refusé qu'elle augmentât son taux d'activité.
3.1
3.1.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1; 132 III 209 consid. 2.1 et les références citées).
3.1.2 Une modification des mesures provisoires ordonnées pendant la procédure de divorce sur la base de l'art. 137 al. 2 aCC peut être demandée en tout temps si, depuis l'entrée en vigueur de celles-ci, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus, ou si le juge, lorsqu'il a ordonné les mesures provisoires dont la modification est sollicitée, a ignoré des éléments essentiels ou a mal apprécié les circonstances (ATF 129 III 60 consid. 2; arrêt 5A_27/2009 du 2 octobre 2009 consid. 4.1).
3.1.3 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, applicable par analogie aux mesures provisoires (art. 137 al. 2 CC), se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux (ATF 121 I 97 consid. 3b; 118 II 376 consid. 20b et les références citées). Toutefois, quand on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, les critères applicables à l'entretien après le divorce de l'art. 125 CC gagnent en importance et doivent être pris en considération pour évaluer l'entretien. Cela signifie que le droit à l'entretien doit être apprécié au regard des critères de l'art. 125 al. 1 CC, que le montant de la contribution doit être fixé en tenant compte, par analogie, des éléments indiqués de façon non exhaustive par l'art. 125 al. 2 CC et qu'il y a lieu d'apprécier la prise ou l'augmentation de l'activité lucrative d'un époux à la lumière du principe de l'indépendance économique des époux (ATF 130 III 537 consid. 3.2; 128 III 65 consid. 4a). Il n'en demeure pas moins que, tant que dure le mariage, l'art. 163 al. 1 CC constitue la cause de l'obligation d'entretien.
3.1.4 Ainsi, l'absence de perspectives de réconciliation ne justifie pas à elle seule la suppression de toute contribution d'entretien. L'art. 125 al. 1 CC concrétise en effet deux principes: d'une part, celui de l'indépendance économique des époux après le divorce, qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir à ses propres besoins; d'autre part, celui de la solidarité, qui implique que les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage (art. 163 al. 2 CC), mais également les désavantages qui ont été occasionnés à l'un d'eux par l'union et qui l'empêchent de pourvoir à son entretien (ATF 132 III 598 consid. 9.1 et les références citées). Selon la jurisprudence, une contribution est due si le mariage a concrètement influencé la situation financière de l'époux créancier ("lebensprägend"). En particulier, si le mariage a duré au moins dix ans - période à calculer jusqu'à la date de la séparation des parties (ATF 132 III 598 consid. 9.2) - il a eu, en règle générale, une influence concrète. De même, indépendamment de sa durée, un mariage influence concrètement la situation des conjoints lorsque ceux-ci ont des enfants communs (ATF 135 III 59 consid. 4.1). Dans de tels cas, le principe est que le standard de vie choisi d'un commun accord doit être maintenu pour les deux parties dans la mesure où leur situation financière le permet (ATF 132 III 593 consid. 3.2). Il s'agit alors de la limite supérieure de l'entretien convenable auquel l'époux créancier a droit. Quand il n'est pas possible, en raison de l'augmentation des frais qu'entraîne l'existence de deux ménages distincts, de conserver le niveau de vie antérieur, le créancier d'entretien peut prétendre au même train de vie que le débiteur d'entretien (ATF 129 III 7 consid. 3.1.1)
3.1.5 Conformément au principe de l'indépendance économique des époux, qui se déduit également de l'art. 125 al. 1 CC, l'époux demandeur ne peut prétendre à une pension que s'il n'est pas en mesure de pourvoir lui-même à son entretien convenable tel qu'établi conformément aux principes sus-mentionnés (ATF 134 III 145 consid. 4). Selon les circonstances, il pourra être ainsi contraint d'exercer une activité lucrative ou d'augmenter son taux de travail (ATF 130 III 537 consid. 3.2; 128 III 65 consid. 4a) et se voir imputer un revenu hypothétique, pour autant qu'il puisse gagner plus que son revenu effectif en faisant preuve de bonne volonté et en accomplissant l'effort que l'on peut raisonnablement exiger de lui (ATF 127 III 136 consid. 2c). L'obtention d'un tel revenu doit donc être effectivement possible (ATF 128 III 4 consid. 4a). Les critères permettant de déterminer le montant du revenu hypothétique sont, en particulier, la qualification professionnelle, l'âge, l'état de santé et la situation du marché du travail. Savoir si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne une augmentation de son revenu est une question de droit; en revanche, déterminer quel revenu la personne a la possibilité effective de réaliser est une question de fait (ATF 128 III 4 consid. 4c/bb).
3.2 En l'espèce, il ressort de l'arrêt cantonal que, après paiement des contributions en faveur des enfants (de 3'000 fr. au total), l'intimé dispose de 7'083 fr. alors que la recourante réalise un revenu de 4'445 fr., leurs charges incompressibles s'élevant à respectivement 3'961 fr. et 4'098 fr. 90 (3'713 fr. 90 auxquels il convient d'ajouter, selon l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal, 245 fr. pour les frais de chauffage et 140 fr. pour les frais d'assurance-maladie supplémentaires). Le tribunal civil a cependant estimé que l'épouse pouvait désormais augmenter son taux d'activité et semble ainsi lui avoir imputé un revenu hypothétique sans l'avoir chiffré.
Or, si l'on applique les critères de l'art. 125 CC, force est de constater que le mariage des parties, qui a duré plus de quinze ans et dont sont issus deux enfants, a manifestement influencé la situation de la recourante. Le standard de vie choisi d'un commun accord devrait donc être maintenu pour les deux parties dans la mesure où leur situation financière le permet; la recourante peut en tous les cas prétendre au même train de vie que l'intimé. Par conséquent, la cour cantonale est tombée dans l'arbitraire en retenant exclusivement le principe de l'indépendance économique des époux pour refuser toute contribution d'entretien à la recourante. Elle s'est en outre arbitrairement écartée des principes jurisprudentiels quant au revenu hypothétique en tant qu'elle s'est dispensée d'examiner si l'on pouvait raisonnablement exiger de la recourante une augmentation de son taux d'activité et, cas échéant, si elle avait la possibilité effective de réaliser un revenu plus élevé. L'arrêt entrepris ne comprend en effet aucune considération quant à sa qualification professionnelle, son âge, son état de santé et la situation du marché du travail.
Il s'ensuit que le tribunal a appliqué de manière arbitraire l'art. 176 CC en lien avec les art. 163 et 125 CC. Il convient en conséquence d'admettre le recours et d'annuler l'arrêt querellé. Comme le CPC est entré en vigueur le 1er janvier 2011 et qu'il y aura lieu, cas échéant, de procéder à des instructions complémentaires, il est expédient de renvoyer la cause au Président du Tribunal de l'arrondissement de La Côte pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants (art. 107 al. 2 2e phr. LTF); d'ailleurs, un éventuel appel contre sa nouvelle décision devrait être adressé à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal, un membre de celle-ci étant compétent pour statuer sur appel (art. 84 al. 2 de la Loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 (LOJV; RS 173.01).
4.
En définitive, le recours doit être admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée au Président du Tribunal de l'arrondissement de La Côte pour nouvelle décision dans le sens des considérants. L'intimé, qui succombe supportera les frais de justice, arrêtés à 2'000 fr. (art. 66 al. 1 LTF) et versera à la recourante une indemnité de dépens à hauteur de 2'000 fr. (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au Président du Tribunal d'arrondissement de La Côte pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal d'arrondissement de La Côte et au Président du Tribunal d'arrondissement de La Côte.
Lausanne, le 12 avril 2011
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Hohl Richard