BGer 4A_537/2010
 
BGer 4A_537/2010 vom 25.11.2010
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_537/2010
Arrêt du 25 novembre 2010
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente,
Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Thélin.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me François Gillard,
avocat,
défendeur et recourant,
contre
Y.________ SA,
représentée par Me Damien Bender, avocat,
demanderesse et intimée.
Objet
bail à loyer; expulsion du locataire
recours contre le jugement rendu le 25 août 2010 par la IIe Cour civile (juge unique) du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Faits:
A.
X.________ pratique le commerce des épaves et des pièces usagées de véhicules. Dès janvier 2004, Y.________ SA lui a remis à bail la halle n° 20 d'un bâtiment industriel sis à A.________, moyennant un loyer mensuel fixé à 2'500 francs. Près de deux cents tonnes de ferraille sont actuellement entreposées à l'intérieur et aux abords de ce local.
X.________ a déposé plainte pénale pour violation de domicile et vol le 29 juillet 2008; il accusait l'organe de la bailleresse d'être entré sans autorisation dans la halle pour en emmener le tableau électrique.
Y.________ SA a résilié le bail le 26 septembre 2008. Le 22 janvier 2009, la commission de conciliation compétente, saisie par le locataire, a prononcé que ce congé était valable, que ses effets étaient reportés au 30 juin 2009, que la demande de prolongation du contrat était rejetée et que la bailleresse devait rétablir l'alimentation électrique de la halle.
Après réception de cette décision, les parties se sont rencontrées dans un café le 23 février 2009. Elles ont alors convenu oralement que X.________ libérerait la halle dès le 31 mai 2009 et retirerait la plainte pénale; en contrepartie, la bailleresse renonçait à toute autre prétention et, en particulier, au paiement des arriérés de loyer. Deux personnes ont assisté au début de cet entretien. Le même jour, le représentant de la bailleresse a adressé au conseil de X.________ une lettre ainsi rédigée: « Je soussigné retire toutes mes prétentions envers X.________ concernant le local litigieux. Les deux mois consignés seront libérés en faveur de X.________. Celui-ci retire sa plainte pénale contre moi. »
X.________ n'a pas évacué la halle.
B.
Le 9 septembre 2009, l'entreprise Z.________ SA a averti X.________ que l'installation électrique réalisée le 18 février 2009 était provisoire et que pour des raisons de sécurité, elle ne pouvait pas être maintenue. Il s'ensuivit un échange de correspondance entre le locataire et la bailleresse, celui-là exigeant l'installation d'un nouveau tableau électrique, celle-ci rappelant l'accord du 23 février 2009 et exigeant l'évacuation du local, celui-là répliquant qu'il bénéficiait désormais d'un nouveau bail, auquel, prétendument, celle-ci avait consenti tacitement.
Le 26 décembre 2009, usant d'une formule officielle, la bailleresse a déclaré résilier ce bail avec effet au 30 juin 2010.
C.
Le 28 avril 2010, Y.________ SA a ouvert action contre X.________ devant le Juge de district de Monthey. Le défendeur devait être condamné à évacuer la halle n° 20 dans le délai de dix jours dès l'audience de jugement, et la demanderesse devait être autorisée à requérir l'intervention de la force publique en cas d'inexécution.
Le défendeur a conclu au rejet de l'action.
Le Juge de district s'est prononcé le 15 juin 2010; il a accueilli l'action et fixé le délai d'évacuation au 15 juillet 2010 à midi.
Le défendeur ayant appelé de cette décision, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal a statué par juge unique le 25 août 2010. Elle a rejeté l'appel et fixé un nouveau délai d'évacuation au 30 septembre 2010 à midi.
D.
Agissant simultanément par la voie du recours en matière civile et, à toutes fins utiles, du recours constitutionnel, le défendeur requiert le Tribunal fédéral de réformer le jugement de la Cour civile en ce sens que l'action soit rejetée. Des conclusions subsidiaires tendent à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause au Juge de district pour complément d'instruction et nouvelle décision.
La demanderesse conclut au rejet des deux recours.
Considérant en droit:
1.
Les recours sont dirigés contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). Leur auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF).
Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre ici en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 111 II 384 consid. 1 p. 386; voir aussi ATF 119 II 147 consid. 1 p. 149). Par analogie, il se justifie d'appliquer le même mode d'évaluation dans la présente espèce où la contestation porte sur l'existence d'un contrat de bail à loyer entre les parties. Le minimum de 15'000 fr. exigé par l'art. 74 al. 1 let. a LTF est donc atteint.
Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours en matière civile est en principe recevable, de sorte que le recours constitutionnel, subsidiaire (art. 113 LTF), est exclu.
2.
Le recours en matière civile est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
3.
Il est constant que les parties se sont liées dès 2004 par un contrat de bail à loyer qui avait pour objet l'usage de la halle n° 20. La demanderesse soutient que ce contrat a pris fin et qu'elle est en droit d'obtenir la restitution de la halle conformément à l'art. 267 al. 1 CO, tandis que le défendeur prétend, lui, bénéficier actuellement encore d'un bail à loyer.
4.
Le défendeur se prévaut de l'accord intervenu le 23 février 2009 et il affirme que sa cocontractante a alors renoncé non seulement aux arriérés de loyers, en contrepartie du retrait de la plainte pénale, mais aussi à la restitution de la halle. Il reproche à la Cour civile d'avoir apprécié incorrectement la portée de cet accord, en violation de l'art. 18 al. 1 CO, d'avoir constaté arbitrairement les faits décisifs, en violation de l'art. 9 Cst., et d'avoir refusé indûment, en violation de l'art. 8 CC, d'entendre deux personnes dont il avait offert le témoignage, soit celles qui avaient assisté au commencement de la discussion des parties.
4.1 Confronté à un litige sur la conclusion ou l'interprétation d'une convention, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). S'il y parvient, le juge procède à une constatation de fait qui ne peut être contestée, en instance fédérale, que dans la mesure restreinte permise par l'art. 97 al. 1 LTF. Déterminer ce que les parties savent ou veulent au moment de conclure relève en effet de la constatation des faits. Si le juge ne parvient pas à établir la commune et réelle intention des parties, il lui incombe d'interpréter leurs déclarations et comportements selon la théorie de la confiance. Il doit rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime. L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement. Pour résoudre cette question de droit, il doit cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté concernée et sur les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, points qui relèvent du fait (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p. 681; 131 III 606 consid. 4.1 p. 611).
La Cour civile juge que la déclaration écrite faite par la demanderesse le 23 février 2009 n'est que la confirmation d'un accord passé oralement le même jour. Sur la base d'éléments qu'elle tire surtout du contexte de la discussion des parties et des événements qui l'ont précédée ou suivie, cette autorité constate que contrairement à la thèse du défendeur, les parties n'ont pas convenu de libérer celui-ci de son obligation de restituer la halle qui était consacrée par la très récente décision de la commission de conciliation. La Cour a ainsi usé de preuves par indices, ou de présomptions de fait (cf. ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 703; 128 III 390 consid. 4.3.2 p. 396; 106 III 49 p. 51), pour élucider en fait la réelle et commune intention des cocontractants. Ce procédé est pleinement compatible avec l'art. 18 al. 1 CO et le Tribunal fédéral ne peut, le cas échéant, contrôler l'appréciation de la Cour qu'au regard de la protection constitutionnelle contre l'arbitraire.
4.2 L'art. 8 CC répartit, entre les plaideurs, le fardeau de la preuve dans les contestations soumises au droit civil fédéral; l'art. 29 al. 2 Cst. garantit à toute personne le droit d'être entendue dans une procédure administrative ou judiciaire la concernant. Ces dispositions confèrent l'une et l'autre le droit à l'administration des preuves valablement offertes, à moins que, sur la base d'une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, le juge puisse sans arbitraire refuser l'administration d'une preuve supplémentaire qu'il tient pour impropre à modifier sa conviction (art. 8 CC: ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25; art. 29 al. 2 Cst.: ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2.1 p. 428). La Cour civile a jugé inutile d'interroger en qualité de témoins les deux personnes qui avaient assisté, le 23 février 2009, au commencement de la discussion des parties et qui avaient quitté les lieux avant que celles-ci ne parvinssent à un accord; cette appréciation ne peut être contrôlée, elle aussi, que sous l'angle de l'arbitraire.
4.3 A l'appui du grief d'arbitraire, le défendeur revient longuement sur l'ensemble des faits de la cause et des éléments discutés par la Cour civile, qu'il tient pour dépourvus de pertinence. Cette approche où il multiplie les protestations et dénégations, et propose une appréciation différente de l'ensemble des preuves déjà administrées, serait à la rigueur suffisante dans une instance d'appel. En revanche, devant le Tribunal fédéral, selon la jurisprudence relative aux recours formés pour violation de droits constitutionnels (art. 106 al. 2 ou 116 LTF), celui qui se plaint d'arbitraire doit indiquer de façon précise en quoi la décision qu'il attaque est entachée d'un vice grave et indiscutable; à défaut, le grief est irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p. 400). En l'occurrence, l'argumentation présentée ne satisfait pas à cette exigence et le Tribunal fédéral n'entre donc pas en matière. Pour le surplus, le grief tiré des art. 8 CC et 18 al. 1 CO est privé de fondement.
5.
En tant que la demanderesse n'a pas renoncé dès le 23 février 2009 à la restitution de la halle, le défendeur soutient que cette partie lui a tacitement consenti un nouveau bail à loyer en laissant s'écouler plus de dix mois après le 31 mai 2009, date à laquelle ce local devait censément être restitué, jusqu'à l'introduction de la demande en justice tendant à l'évacuation, cela tout en acceptant sans réserve, pendant cette période, les sommes versées à titre de loyer.
Selon l'art. 1er al. 1 et 2 CO, un contrat est conclu lorsque les parties ont manifesté leur volonté de manière réciproque et concordante (al. 1), et cette manifestation peut être tacite (al. 2). Le locataire peut éventuellement se prévaloir de la conclusion tacite d'un nouveau contrat de bail à loyer lorsque le bailleur a résilié un précédent contrat et que par la suite, durant une période assez longue après que cette résiliation eut pris effet, il s'est abstenu de faire valoir le congé et d'exiger la restitution de la chose (ATF 119 II 147 consid. 5 p. 156), et a continué d'encaisser régulièrement le loyer sans formuler aucune réserve (arrêt 4C.475/1993 du 28 mars 1995, mp 1995 p. 161, consid. 4a/cc; David Lachat, Le bail à loyer, 2e éd., 2008, n° 4.5.1 p. 184/185). Le cas échéant, au regard du principe de la confiance (consid. 4.1 ci-dessus), des circonstances indépendantes de la durée ainsi écoulée peuvent constituer des indices supplémentaires d'une volonté du bailleur ayant pour objet d'acquiescer à un nouveau contrat; dans l'appréciation à effectuer par le juge, le rôle de ces circonstances additionnelles est d'autant moins significatif que la durée de l'inaction du bailleur est plus importante (arrêt précité 4C.475/1993, consid. 4b/bb).
Par lettre du 29 septembre 2009, alors que le défendeur lui avait réclamé l'installation d'un nouveau tableau électrique, la demanderesse s'est référée à l'accord du 23 février précédent et elle a exigé que la halle fût libérée au plus vite. Le défendeur n'a donc joui paisiblement de la halle, après le 31 mai 2009, que pendant quatre mois. Cette durée n'est pas suffisante pour que l'on puisse en inférer la conclusion tacite d'un nouveau contrat entre les parties.
Le 12 octobre 2009, le défendeur a contesté que l'accord l'obligeât à restituer la halle et il a allégué la conclusion tacite d'un nouveau bail. Le 29 du même mois, la demanderesse lui a écrit qu'elle maintenait ses exigences; elle faisait allusion à un délai supplémentaire qu'il avait sollicité, à la fin du mois de mai, pour l'évacuation de la halle. Enfin, le 26 décembre, elle lui a adressé une résiliation de bail. Dans ce contexte, contrairement à l'opinion du défendeur, cette dernière démarche ne peut pas être comprise de bonne foi comme la reconnaissance, par la demanderesse, d'un nouveau bail à loyer qui aurait été conclu tacitement après le 31 mai 2009.
Pendant la durée globale de dix mois à laquelle le défendeur fait référence, la demanderesse a plusieurs fois manifesté sa volonté de recouvrer l'usage de la halle, tout en acceptant les sommes reçues à titre de loyer. Par son retard à agir en justice, elle a certes renoncé à l'exécution ponctuelle de la restitution promise par le défendeur le 23 février 2009; en revanche, son comportement ne dénote pas qu'elle ait entièrement renoncé à cette exécution et accepté tacitement la conclusion d'un nouveau bail à loyer de durée indéterminée. En conséquence, le défendeur se prévaut vainement d'un contrat qui n'est pas venu à chef.
6.
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours constitutionnel est irrecevable.
2.
Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
3.
Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 1'500 francs.
4.
Le défendeur versera une indemnité de 2'000 fr. à la demanderesse à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 25 novembre 2010
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:
Klett Thélin