BGer 1C_137/2010
 
BGer 1C_137/2010 vom 24.06.2010
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
1C_137/2010
Arrêt du 24 juin 2010
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Raselli.
Greffière: Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
tous deux représentés par Me Paul Marville, avocat,
recourants,
contre
1. C.________,
2. D.________,
3. E.________,
4. F.________,
5. G.________,
6. H.________,
tous représentés par Me Laurent Trivelli, avocat,
intimés,
Municipalité de Lausanne, Secrétariat municipal, place de la Palud 2, case postale 3280, 1002 Lausanne, représentée par Me Daniel Pache, avocat.
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 29 janvier 2010.
Faits:
A.
L'hoirie formée de I.________, J.________, K.________ et L.________ était propriétaire de la parcelle n° 4'000 du registre foncier de la commune de Lausanne, sise au chemin du Réservoir 12. D'une superficie de 2'620 m2, ce bien-fonds comprend une villa avec un garage. Ce terrain est colloqué en "zone mixte de faible densité", selon le règlement du plan général d'affectation de Lausanne du 26 juin 2006 (RPGA).
Cette parcelle a été promise-vendue à B.________ et A.________ qui ont requis l'autorisation de démolir le bâtiment existant et de construire un ensemble résidentiel comprenant un bâtiment de deux unités accolées de trois logements chacune (bâtiment A), deux immeubles de trois appartements (bâtiments B et C) et un garage enterré de 14 places, situé dans le prolongement de la rampe donnant sur le chemin du Réservoir. Les plans décrivent une voie de circulation piétonne d'une largeur de 2 m longeant la façade dégagée du parking et permettant l'accès au rez-de-chaussée des bâtiments B et C; le chemin piétonnier donnerait aussi accès à deux escaliers accolés à la façade dégagée du parking, qui permettraient de rejoindre par une passerelle couvrant la voie piétonne, l'entrée du logement prévu à l'étage de chacune des constructions B et C. La façade sud dégagée du parking se prolongerait par un mur de soutènement qui longerait la rampe d'accès jusqu'au chemin du Réservoir. La façade du parking et le mur de soutènement présenteraient une longueur totale de 57 m sur une hauteur de 2,80 m.
Soumis à l'enquête publique du 25 novembre 2008 au 5 janvier 2009, ce projet a notamment suscité l'opposition de M.________, C.________ N.________ et G.________, F.________ et H.________, propriétaires voisins. Ils se sont plaints en particulier des aménagements extérieurs trop importants qui modifieraient la configuration du sol. Selon la synthèse de la Centrale des autorisations CAMAC du Département des infrastructures du canton de Vaud du 18 décembre 2008, les autorisations spéciales requises ont été délivrées. Par décision du 25 février 2009, la Municipalité de Lausanne (ci-après: la Municipalité) a levé les oppositions et octroyé le permis de construire.
B.
Les opposants ont interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Le 27 août 2009, l'instance cantonale a procédé à une inspection locale en présence des parties. Par arrêt du 29 janvier 2010, elle a admis le recours. Elle a considéré en substance que le garage souterrain projeté n'était pas conforme à l'art. 81 RPGA.
C.
Le 4 février 2010, B.________ et A.________ sont devenus propriétaires de la parcelle n° 4'000.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.________ et A.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du Tribunal cantonal en ce sens que le permis de construire délivré le 25 février 2009 soit maintenu et que les oppositions y relatives soient définitivement levées. Ils se plaignent notamment d'une application arbitraire du RPGA.
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. Les intimés concluent au rejet du recours et la Municipalité de Lausanne à son admission.
Considérant en droit:
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 lit. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 lit. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal, en qualité de promettants-acquéreurs. Ils sont devenus propriétaires en cours de procédure, soit le 4 février 2010. Ils sont donc particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui annule l'autorisation de construire que la Municipalité de Lausanne leur avait délivrée, pour des motifs qu'ils tiennent pour arbitraires et contraires à la garantie de la propriété: ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision soit annulée. Ils ont donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont remplies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Les recourants se plaignent d'une constatation arbitraire des faits. Ils prétendent qu'aucun fait quelconque résultant du dossier ne peut permettre au Tribunal cantonal de retenir qu'une modification sensible de la topographie existante surviendra après les travaux de construction du projet litigieux. Ils reprochent à l'instance précédente de confondre les notions de "topographie" et de "construction". Ils soutiennent que toute l'argumentation du Tribunal cantonal est dirigée contre la construction en elle-même, sans examiner le profil du sol avant et après les travaux. Ils reprennent cette critique sous l'angle de la violation de la garantie de la propriété ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. et de l'autonomie communale consacrée à l'art. 139 al. 1 let. d de la Constitution vaudoise, ainsi que d'une application arbitraire du règlement communal (art. 9 Cst.). Dans la mesure où ces griefs conduisent à l'examen de l'application des art. 81 RPGA et 84 de la loi sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC; RSV 700.11), ils se confondent et doivent être examinés ensemble.
La question litigieuse est donc uniquement celle de savoir si le projet litigieux peut ou non bénéficier de la dérogation communale et cantonale ancrée aux art. 81 RPGA et 84 LATC. Si la Municipalité a octroyé ladite dérogation, le Tribunal cantonal a considéré au contraire que la condition requise pour l'application de cette disposition, à savoir l'absence de modification sensible du profil ou de la nature du sol, n'était pas remplie.
2.1 Sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du droit cantonal ou communal ne constitue pas un motif de recours. Elle peut en revanche être constitutive d'une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF, telle que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Appelé à revoir l'application faite d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260), ce qu'il appartient aux recourants de démontrer en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400).
Le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'appréciation des circonstances locales. Dans ce domaine, les autorités locales disposent en effet d'un large pouvoir d'appréciation (cf. ATF 132 II 408 consid. 4.3 p. 416 et les références; arrêt 1P.678/2004 du 21 juin 2005 consid. 4, in ZBl 2006 p. 430). Il en va ainsi de l'octroi d'une dérogation en matière de construction. C'est le cas également lorsqu'il s'agit de savoir si une construction ou une installation est de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue (ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 118, 363 consid. 3b p. 367; arrêt P.265/1985 du 16 avril 1986 consid. 3 in RDAF 1987 p. 155).
2.2 A teneur de l'art. 84 al. 1 LATC, "le règlement communal peut prévoir que les constructions souterraines ou semi-enterrées ne sont pas prises en considération dans le calcul de la distance aux limites ou entre bâtiments et dans le coefficient d'occupation ou d'utilisation du sol". L'alinéa 2 de cette disposition précise que "cette réglementation n'est applicable que dans la mesure où le profil et la nature du sol ne sont pas sensiblement modifiés et s'il n'en résulte pas d'inconvénient pour le voisinage".
L'art. 81 al. 1 RPGA prévoit quant à lui que "pour des constructions souterraines ou semi-enterrées, la municipalité peut déroger aux règles sur les distances aux limites et entre bâtiments et sur le coefficient d'occupation ou d'utilisation du sol, pour autant que la topographie existante avant l'exécution de travaux ne soit pas sensiblement modifiée". A teneur de l'alinéa 2 de cette disposition, ces constructions peuvent déborder les périmètres d'implantation (let. a) et elles n'entrent pas dans le calcul des dimensions maximales des bâtiments (let. b).
2.3 En l'espèce, le Tribunal cantonal a d'abord relevé que la totalité de la façade sud du garage souterrain était entièrement dégagée sur une longueur de plus de 40 m, longueur qui se prolongerait sur un peu moins de 20 m jusqu'au chemin du Réservoir. Il a ensuite considéré que l'espace compris entre le mur du garage et les façades des bâtiments B et C comprenant deux passerelles d'accès aux deux logements prévus à l'étage supérieur présentait l'aspect d'une "fosse" partiellement ouverte au sud, de plus de 50 m de long et de 3 m de haut. Il a ajouté qu'il était impossible de descendre à pied dans cette "fosse", sinon par la rampe d'accès au garage ou par une plate-forme d'ascenseur extérieure depuis le chemin du Réservoir. L'impact visuel que provoquerait la réalisation du garage souterrain serait très importante par la conjonction de la hauteur du mur (2,8 m) et de sa longueur de plus de 50 m. Les dimensions dudit mur dépasseraient largement celles des autres murs de soutènement dans le voisinage. Ledit mur aurait en outre pour effet de créer un véritable barrage, une coupure de la parcelle en deux, et de modifier ainsi de manière déterminante la configuration des lieux, et ce même s'il était "végétalisé". Par ailleurs, le mur serait particulièrement visible depuis l'habitation sise sur la parcelle n° 3'994.
Les recourants reprochent au Tribunal cantonal de ne pas avoir exposé concrètement en quoi la configuration du terrain ne serait pas préservée. Ils prétendent que l'instance précédente n'a pas analysé cet élément et soutiennent que le projet litigieux ne compromettrait ni les altitudes supérieures et inférieures de la parcelle, ni l'inclination naturelle du terrain, ni la subdivision du bien-fonds en trois parties. S'il est vrai que le Tribunal cantonal n'a pas mentionné l'altimétrie et la déclivité du terrain, il a cependant avancé suffisamment d'éléments objectifs pour admettre que la construction en cause aurait pour effet de modifier de manière sensible la topographie existante. Dans ces conditions, les critiques des recourants ne sont pas de nature à démontrer le caractère manifestement insoutenable de l'argumentation du Tribunal cantonal. Ce d'autant moins que le relevé topographique de la parcelle litigieuse, produit par les recourants, présente une dénivellation vers le sud en pente douce, sauf très localement devant le bâtiment existant: la construction en cause crée quant à elle deux terrasses parfaitement horizontales sur l'ensemble du terrain et le coupe en deux niveaux par un mur de soutènement de 57 m de long et de 2,8 de haut, ce qui a pour conséquence de modifier le profil du sol de manière sensible.
Ainsi, en considérant que le projet litigieux ne permettait pas de respecter la topographie existante au sens de l'art. 81 RPGA - ou "le profil ou la nature du sol" pour reprendre les termes de l'art. 84 LATC -, le Tribunal cantonal n'a pas fait preuve d'arbitraire.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 LTF). Ils verseront en outre une indemnité à titre de dépens aux intimés, qui ont eu recours à un avocat (art. 68 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge des recourants.
3.
Une indemnité de 2'000 francs est allouée aux intimés à titre de dépens, à la charge des recourants.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, des intimés et de la Municipalité de Lausanne ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 24 juin 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Féraud Tornay Schaller