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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_475/2009
Arrêt du 5 mars 2010
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Shahram Dini,
recourante,
contre
Y.________ SA, représentée par Me Jean Patry,
intimée.
Objet
dissolution d'une société,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 16 octobre 2009.
Faits:
A.
La société anonyme Y.________ SA, ayant son siège à Genève, a pour but notamment la location et la gérance d'immeubles, l'exploitation de meublés et d'hôtels. A Genève, elle est propriétaire d'un immeuble sis rue ... et d'autres situés à la rue ..., dont l'un d'eux abrite une résidence hôtelière. Y.________ SA est également propriétaire de biens-fonds sis dans les cantons de Neuchâtel et du Valais.
Le capital-actions de la société se compose de 100 actions nominatives de 1'000 fr. Par un contrat du 13 janvier 1996, X.________ et son neveu par alliance, A.________, sont devenus titulaires de la totalité du capital-actions. Par une convention du 11 juillet 1997, B.________ a acquis une partie des actions. Actuellement, le capital-actions est réparti de la manière suivante: 32% à X.________, 32% à A.________ et 36% à B.________.
X.________ et A.________ ont été administrateurs de la société avec signature collective à deux, puis la première est devenue administratrice unique, avant que A.________ ne la remplace comme seul administrateur depuis le 9 février 2005.
La situation économique de la société est saine. Elle paye régulièrement ses intérêts et amortissements hypothécaires et, selon les comptes des exercices 2005 à 2007, elle réalise chaque année un bénéfice et le montant total des fonds propres augmente constamment.
Depuis plusieurs années, il existe une vive animosité entre X.________ et A.________, ce qui a donné lieu à de nombreuses procédures.
X.________ a reproché à A.________ de manipuler le troisième actionnaire B.________ de manière à la mettre systématiquement en minorité. Il a été constaté que B.________ ne fait actuellement l'objet d'aucune mesure tutélaire; lorsque de telles mesures avaient été prises à son égard, il avait participé à l'assemblée générale en étant assisté de son conseil légal et avait également voté dans le même sens que A.________. Il n'a pas été établi que son vote ne résulterait pas d'une volonté valablement formée et encore moins qu'il conduirait à des décisions contraires aux intérêts de la société.
X.________ a obtenu l'annulation de certaines décisions prises lors de l'assemblée générale tenue le 29 novembre 2002 et le constat de la nullité d'autres décisions prises lors de l'assemblée générale du 14 novembre 2003. En revanche, ses actions dirigées contre d'autres décisions des assemblées générales des 14 novembre 2003 et 22 novembre 2004 ont été rejetées. Son action dirigée contre l'assemblée du 26 août 2005 a été déclarée irrecevable. X.________ n'a attaqué aucune des décisions des assemblées 2006 et 2007.
X.________ s'est plainte de ne pas recevoir les renseignements auxquels elle avait droit en sa qualité d'actionnaire. Elle n'a cependant pas intenté d'action en justice pour les obtenir et une violation de ses droits n'a pas été constatée.
X.________ a requis des poursuites à l'encontre de Y.________ SA en vue d'obtenir le remboursement de son compte courant d'actionnaire; après un ajournement de faillite et un paiement, l'affaire a été liquidée et la société agit actuellement en répétition de l'indu.
Plusieurs différends civils ont opposé Y.________ SA à la société W.________ SA, dont X.________ est l'unique actionnaire et administratrice.
Plusieurs plaintes pénales ont été déposées entre les différents protagonistes de cette affaire, mais aucune d'elles n'a conduit, jusqu'à présent, à une condamnation pénale.
B.
Par demande déposée au Tribunal de première instance du canton de Genève le 8 mai 2007, X.________ a sollicité la dissolution de la société Y.________ SA pour de justes motifs au sens de l'art. 736 ch. 4 CO.
Par jugement du 19 février 2009, le Tribunal de première instance a ordonné la dissolution de la société.
Saisie d'un appel de Y.________ SA, la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 16 octobre 2009, a annulé ce jugement et débouté X.________ de toutes ses conclusions avec suite de dépens. En substance, la cour cantonale a considéré que la situation n'était pas d'une gravité telle qu'elle doive entraîner la dissolution de la société. En particulier, l'autorité précédente a relevé que les deux autres actionnaires, A.________ et B.________, souhaitaient le maintien de la société. Quant à l'argument fondé sur l'absence de distribution de dividende, la cour cantonale a retenu que le fait avait été allégué tardivement selon les règles de la procédure cantonale.
C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 16 octobre 2009. Invoquant une application arbitraire du droit cantonal et une violation de l'art. 736 ch. 4 CO, elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à une décision conforme au jugement de première instance; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
L'intimée a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Considérant en droit:
1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à la dissolution de la société (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (les deux actionnaires antagonistes se sont offerts mutuellement de reprendre leurs actions pour 38'000 fr. par action) (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il en résulte que le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal, mais la partie recourante peut invoquer une violation de son droit de ne pas être traitée arbitrairement par le juge suisse - garanti par l'art. 9 Cst. - et provoquer sous cet angle restreint un examen de l'application du droit cantonal (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382 s.; 133 I 201 consid. 1 p. 203; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 et 6.2). Encore faut-il que la correction demandée soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau, ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
En l'espèce la recourante, sans se prévaloir avec précision d'aucune des hypothèses de l'art. 105 al. 2 LTF, présente sur une quinzaine de pages sa propre version des faits, ce qui n'est évidemment pas admissible. Le raisonnement juridique doit donc être conduit exclusivement sur la base de l'état de fait contenu dans l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF).
1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
2.
2.1 La recourante invoque une violation arbitraire (art. 9 Cst.) de l'art. 126 de la Loi genevoise de procédure civile du 10 avril 1987 (LPC/GE; E 3 05).
Ce grief est peu compréhensible.
La recourante signale que le troisième actionnaire reçoit des intérêts sur sa créance à l'encontre de la société. Elle explique cependant elle-même, dans son état de fait, qu'il est entré dans la société pour y apporter de l'argent frais provenant d'un héritage. S'il a prêté de l'argent à la société, on ne voit pas pourquoi il ne devrait pas recevoir un intérêt sur les fonds mis à disposition. La recourante ne dit rien du taux d'intérêt et on ne voit pas en quoi cette situation serait choquante et viendrait à l'appui de sa demande. Elle indique aussi que l'autre actionnaire reçoit une rémunération pour son activité d'administrateur; elle ne dit toutefois rien du montant de cette rémunération et on ne voit pas non plus en quoi cette situation serait anormale et pourrait être invoquée à l'appui de sa demande.
En réalité, la recourante se plaint du fait que la société ne distribue pas de dividende depuis plusieurs années. En soi, la non-distribution d'un dividende ne lèse pas nécessairement la recourante, puisque les fonds accumulés accroissent en principe la valeur des actions. La doctrine admet cependant que des actionnaires minoritaires peuvent se plaindre d'un refus répété de distribuer des dividendes et que le juge, dans une telle situation, peut adresser une injonction à la société en lieu et place de prononcer la dissolution (Peter Böckli, Schweizer Aktienrecht, 4e éd. 2009, § 16 n° 207; François Rayroux, Commentaire romand, CO II, 2008, n° 21 ad art. 736 CO). La cour cantonale n'a pas eu à approfondir la question, puisqu'elle a retenu que le fait (l'absence de dividende) n'avait pas été allégué en temps utile selon les règles de la procédure cantonale.
La recourante savait nécessairement, dès le début de la procédure, que la société ne distribuait pas de dividende depuis plusieurs années, puisque cette décision la touchait personnellement. Il ne s'agit donc pas - contrairement à ce qu'elle semble soutenir - d'un fait qu'elle ignorait, ce qui l'aurait mise dans l'impossibilité de l'alléguer en temps utile.
En vertu de l'art. 126 LPC/GE, les parties doivent alléguer et contester les faits lors de l'échange d'écritures préalable à l'administration des preuves devant le premier juge; cette disposition exprime le principe de la maxime éventuelle qui commande que les parties doivent articuler leurs moyens d'attaque et de défense en une seule fois jusqu'à un certain stade du procès sous peine de déchéance (cf. sur ce principe: Fabienne Hohl, Procédure civile, I, Berne 2001, n° 807); dans le canton de Genève toute allégation doit ainsi être formulée en première instance avant l'ordonnance de mesures probatoires, à défaut de quoi elle est sans portée (arrêt 5A_220/2009 du 30 juin 2009 consid. 7.1.2; Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987, n° 3 ad art. 126 LPC/GE).
La recourante ne conteste pas qu'elle n'a pas allégué l'absence de dividende dans son écriture avant l'ouverture des mesures probatoires. Ainsi, en écartant cet allégué pour cause de tardiveté, la cour cantonale n'a en rien violé arbitrairement l'art. 126 LPC/GE. En alléguant l'absence de dividende après l'administration des preuves, la recourante plaçait sa partie adverse dans l'impossibilité d'alléguer et prouver des faits en vue de justifier sa politique en matière de dividende.
2.2 La recourante invoque également une violation de l'art. 736 ch. 4 CO.
2.2.1 Selon cette disposition, la société anonyme est dissoute par un jugement lorsque des actionnaires représentant ensemble 10% au moins du capital-actions requièrent la dissolution pour de justes motifs; en lieu et place, le juge peut adopter une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable pour les intéressés (art. 736 ch. 4 CO).
Lorsque la loi charge le juge de prononcer en tenant compte de justes motifs, il doit appliquer les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 126 III 266 consid. 2b p. 273; 105 II 114 consid. 6a p. 124).
La référence aux règles de l'équité signifie que le juge dispose en cette matière d'un large pouvoir d'appréciation. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral ne doit pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité cantonale (ATF 132 III 97 consid. 1 p. 99, 109 consid. 2 p. 111; 130 III 504 consid. 4.1 p. 508). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance; il n'intervient que lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionne en outre les décisions rendues en vertu du pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32, 213 consid. 3.1 p. 220, 571 consid. 4.3 p. 576; 128 III 428 consid. 4 p. 432; 126 III 266 consid. 2b p. 273).
2.2.2 Dans une société anonyme, les décisions les plus importantes sont prises par l'assemblée générale selon le principe majoritaire (ATF 67 II 162 consid. d p. 166). Lorsque des divergences ou des conflits apparaissent entre les actionnaires, les décisions doivent être prises selon la volonté de la majorité; que les conflits entre actionnaires subsistent ou soient susceptibles de se répéter ne suffit en principe pas pour justifier une dissolution de la société, puisqu'il appartient à la majorité de trancher et que la minorité doit en principe se soumettre à la décision valablement prise (cf. ATF 104 II 32 consid. 3 p. 43; 67 II 162 consid. d p. 166; arrêt 4C.185/1998 du 28 août 1998 consid. 3a).
La possibilité, pour une minorité qualifiée, de demander la dissolution de la société pour justes motifs est conçue pour tempérer la rigueur du principe majoritaire (ATF 109 II 140 consid. 4 p. 142). La dissolution est cependant une mesure de dernier recours, lorsque l'application du principe majoritaire aboutit à une situation intolérable, essentiellement parce que la majorité agit systématiquement à l'encontre des intérêts de la société ou à l'encontre des droits et intérêts légitimes des actionnaires minoritaires. La possibilité d'une dissolution ne doit pas conduire à battre en brèche le principe majoritaire; il ne saurait être question de dissoudre une société du seul fait qu'une minorité n'accepte pas la décision prise par la majorité (ATF 126 III 266 consid. 1a et 2a; 109 II 140 consid. 4 p. 142; 105 II 114 consid. 6c p. 125; 104 II 32 consid. 1a p. 35).
La dissolution est une mesure subsidiaire; elle ne sera pas prononcée s'il apparaît, à la suite d'un examen concret en fonction des circonstances du cas d'espèce, que l'actionnaire minoritaire peut défendre ses intérêts légitimes par une voie moins lourde de conséquences, par exemple en demandant l'annulation d'une décision de l'assemblée générale ou en s'adressant au juge pour obtenir des renseignements (cf. ATF 126 III 266 consid. 1a et 2a; 109 II 140 consid. 4 p. 142; 105 II 114 consid. 6c p. 125 et consid. 6d p. 126 s.; 104 II 32 consid. 1a p. 35; 84 II 44 consid. 1 p. 47; 67 II 162 consid. d p. 166).
En cas de conflit personnel entre deux actionnaires, on ne doit pas perdre de vue que la société anonyme est une société de capitaux et non une société de personnes, de sorte que les intérêts financiers sont déterminants (ATF 67 II 162 consid. b p. 164), même s'il est vrai que l'on peut, dans les petites sociétés de familles, tenir compte également dans une certaine mesure des relations personnelles (ATF 126 III 266 consid. 1a p. 268; 105 II 114 consid. 7b; 84 II 44 consid. 2 p. 50).
La dissolution ne peut être prononcée qu'en respectant le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire en procédant à une pesée des intérêts en présence (ATF 105 II 114 consid. 7 p. 127). Il ne faut donc pas prendre en considération seulement l'intérêt de l'actionnaire demandeur, mais tenir compte aussi de l'intérêt que peuvent avoir les autres actionnaires au maintien de la société (ATF 105 II 114 consid. 7 p. 128). A l'issue de l'appréciation, la situation doit apparaître tellement grave qu'il en résulte que la société a perdu son droit à l'existence et doit disparaître (ATF 67 II 162 consid. c p. 165).
Parmi les circonstances qui peuvent conduire typiquement à une dissolution pour justes motifs, il faut citer tout d'abord l'abus de la position dominante qui amène une majorité à décider systématiquement à l'encontre des intérêts de la société ou des droits ou intérêts légitimes des actionnaires minoritaires (ATF 126 III 266 consid. 1a p. 268; 109 II 140 consid. 4 p. 142; 105 II 114 consid. 6b p. 125; 67 II 162 consid. c p. 165). Mais d'autres cas de figure sont aussi concevables, par exemple une mauvaise gestion constante de nature à entraîner la ruine de la société (ATF 126 III 266 consid. 1b et c; 84 II 44 consid. 2 p. 50), une violation persistante des droits des actionnaires minoritaires, une attitude qui rend impossible l'atteinte du but social, des décisions poursuivant un but étranger au but social, une situation de blocage des organes, des décisions qui vident la société de sa substance économique etc. (arrêt 4C.185/1998 du 28 août 1998 consid. 3a).
2.2.3 En l'espèce, la recourante ne conteste pas les principes juridiques rappelés par la cour cantonale, dont on ne voit pas en quoi ils violeraient le droit fédéral. Elle ne pose aucune question de droit. Elle se borne, en présentant sa propre version des faits, à opposer son appréciation de la situation à celle de la cour cantonale dans l'espoir de faire admettre l'existence de justes motifs. Un tel recours est purement appellatoire.
2.2.4 La recourante a certes obtenu par deux fois que des décisions de l'assemblée générale soient déclarées nulles. Elle a cependant succombé dans ses actions ultérieures et elle n'a pas attaqué les décisions des dernières assemblées générales. On ne peut donc pas déduire de ces circonstances que la majorité aurait la volonté persistante de violer ses droits d'actionnaire lors de l'assemblée générale. Bien que se plaignant du non-respect de son droit aux renseignements, la recourante n'a jamais agi en justice pour cela, de sorte qu'il n'est pas établi, à la lecture de l'état de fait cantonal qui lie le Tribunal fédéral, que ses droits aient été bafoués. Quant aux nombreuses procédures civiles et pénales qui opposent diverses personnes physiques et morales, on ne peut rien en déduire quant à une éventuelle atteinte aux droits d'actionnaire de la recourante à l'égard de l'intimée. L'argument selon lequel le troisième actionnaire serait manipulé est inconsistant; non seulement il n'a pas été établi en fait qu'il serait incapable de former valablement une volonté, mais la recourante admet elle-même qu'il vote logiquement conformément à son propre intérêt.
L'absence de dividende est un argument qui ne peut pas être invoqué, puisque le point de fait n'a pas été correctement apporté dans la procédure. S'agissant d'une société de capitaux, l'aspect financier est prépondérant. Or, il n'a pas été établi que la société intimée serait mal gérée. Il apparaît au contraire qu'elle réalise chaque année des bénéfices et que son capital s'accroît. Elle paye régulièrement ses intérêts et amortissements hypothécaires, de sorte qu'on ne voit pas qu'elle soit menacée de déconfiture. En conséquence, les intérêts pécuniaires de la recourante, en sa qualité d'actionnaire, ne paraissent pas mis en péril par le maintien de la société. Si une violation ponctuelle de ses droits devait intervenir, elle dispose des voies de droit ouvertes pour y remédier. Certes, il faut s'attendre, si la demande en dissolution est rejetée, que l'animosité entre les deux actionnaires perdure et suscite de nouveaux conflits. Il résulte cependant des principes qui ont été rappelés que cette situation ne suffit en principe pas à elle seule pour justifier une dissolution. On ne se trouve pas dans l'hypothèse où deux actionnaires se partageraient chacun le 50% des actions, de telle sorte que leur conflit conduirait à une paralysie dans la gestion de la société. La recourante a déjà reçu une offre de rachat de ses actions; il n'est ainsi pas exclu, si elle le souhaite, qu'elle puisse sortir de la situation actuelle dans des conditions acceptables. Quoi qu'il en soit, il faut aussi tenir compte de l'intérêt des autres actionnaires et, en l'occurrence, deux actionnaires sur trois souhaitent le maintien de la société.
Compte tenu du large pouvoir d'appréciation reconnu à la cour cantonale, celle-ci n'a pas violé le droit fédéral en considérant, dans les circonstances d'espèce, qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la dissolution de la société pour de justes motifs.
Le recours doit donc être rejeté.
3.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 17'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 5 mars 2010
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Klett Piaget