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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_364/2009
Arrêt du 5 janvier 2010
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffière: Mme Mabillard.
Parties
X.________, représenté par Me Mathias Eusebio, avocat,
recourant,
contre
Juge d'instruction du Canton du Jura, 2900 Porrentruy,
Substitute de la Procureure générale du Canton
du Jura, 2900 Porrentruy.
Objet
Détention préventive,
recours contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du Jura du 11 novembre 2009.
Faits:
A.
X.________ a été inculpé le 28 avril 2009 de brigandage, éventuellement brigandage qualifié, éventuellement complicité de brigandage, infraction commise le 25 septembre 2008 à A.________. Avec trois autres coinculpés, il est soupçonné d'avoir pénétré dans l'habitation de B.________, menacé et frappé la victime assise dans son salon, lui provoquant de graves blessures à la tête, et dérobé le portemonnaie du lésé contenant 2'300 fr. environ ainsi que différentes cartes bancaires et documents officiels. Le même jour, la Juge d'instruction du canton du Jura (ci-après: la Juge d'instruction) a ordonné l'arrestation immédiate de X.________ en raison des risques de collusion et de fuite. Une première demande de mise en liberté provisoire a été rejetée par ordonnance du 12 juin 2009 et confirmée par la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du Jura (ci-après: la Chambre d'accusation) le 26 juin 2009.
B.
L'intéressé a déposé une nouvelle requête de mise en liberté provisoire le 28 octobre 2009. La Juge d'instruction a rejeté sa demande et transmis le dossier pour décision à la Chambre d'accusation.
Le 11 novembre 2009, la Chambre d'accusation a une nouvelle fois refusé la mise en liberté provisoire de X.________, considérant que le risque de fuite perdurait et que le principe de la proportionnalité était respecté.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________, par acte du 11 décembre 2009, demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité et de prononcer sa mise en liberté provisoire immédiate. Il requiert en outre l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. La Juge d'instruction se rallie aux considérants de l'arrêt attaqué.
Le recourant a répliqué le 24 décembre 2009. Il confirme les conclusions prises dans son recours.
Considérant en droit:
1.
Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 273) et incidentes causant un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 1B_114/2009 du 15 juin 2009 consid. 1). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.
2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 129 du code de procédure pénale du canton du Jura (CPP/JU). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. 129 al. 2 CPP/JU). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168; art. 129 al. 2 CPP/JU). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271; pour une définition de l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b).
3.
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes à son encontre. Il estime que les soupçons qui pèsent sur lui ne sont pas fondés et qu'il n'existe en particulier aucun indice sérieux permettant d'affirmer qu'il se trouvait à A.________ le soir du 25 septembre 2008.
3.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de maintien en détention préventive, le Tribunal fédéral n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des personnes ou des éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (arrêt 1P.405/1998 du 30 novembre 1998 consid. 7b/cc, non publié in ATF 125 I 146; ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146). L'intensité des charges permettant de justifier une mesure de détention n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si l'on admet qu'après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables la perspective d'une condamnation doive apparaître vraisemblable, des soupçons, même encore peu précis, peuvent être considérés comme suffisants dans les premiers temps de l'enquête (arrêt 1P.713/1991 du 27 novembre 1991 consid. 4b/aa).
3.2 En l'espèce, la Chambre d'accusation a relevé que le numéro de portable au nom de C.________, père du recourant, avait été localisé par l'antenne de D.________ le 25 septembre 2008, soir de l'agression de B.________. Interrogé par la police le 5 mai 2009, C.________ a précisé qu'il ne se trouvait pas à D.________ le soir en question et que le numéro était utilisé par son fils. Le recourant fait valoir qu'il avait déclaré le 28 avril 2009 que ce n'était pas lui qui avait utilisé le téléphone portable de son père; or, lors de sa première audition devant la Juge d'instruction, il a admis qu'il utilisait le téléphone de son père et cela ressort également d'une conversation téléphonique avec son père. Le prévenu fait remarquer que l'infraction ayant été commise à A.________, c'est cette antenne qui aurait dû être activée; on peut toutefois relever que D.________ se situe à 3 km du domicile de la victime et qu'il est tout à fait probable que depuis les abords du domicile de cette dernière ce soit l'antenne de D.________ qui soit mise en activité. Au demeurant, il importe peu que la durée des appels ait été de 5 et 7 secondes et qu'aucune conversation n'ait pu avoir lieu entre les protagonistes. Devant la police ainsi que lors de diverses conversations téléphoniques avec un tiers, le père du recourant a mentionné à plusieurs reprises que son fils avait eu "un problème" et qu'il s'était toujours intéressé de savoir si la personne frappée était en vie; il a même déclaré que son fils n'était pas mauvais mais que "les autres l'auraient poussé à faire ça". Le recourant est également impliqué dans le brigandage de A.________ par le témoignage d'un certain E.________. L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices suffisant pour justifier un maintien en détention du recourant, malgré les critiques de l'intéressé à propos du témoignage de E.________, étant rappelé que c'est au juge du fond et non à celui de la détention qu'il incombera d'apprécier la valeur probante des différentes déclarations.
4.
Le recourant conteste ensuite l'existence d'un danger de fuite. Il allègue qu'il souhaite s'installer en Suisse, en vivant dans un premier temps chez son père, et qu'il entreprendra dès sa sortie de prison les démarches en vue de régulariser sa situation et de trouver très rapidement un emploi.
Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que la gravité de l'infraction, le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître un tel danger non seulement possible, mais également probable (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, la Chambre d'accusation a retenu que le recourant, d'origine kosovare, ne disposait d'aucune autorisation lui permettant de séjourner en Suisse. A ce propos, elle a relevé à juste titre qu'il était extrêmement douteux que l'autorité cantonale délivre à l'intéressé une telle autorisation à sa sortie de prison, étant donné qu'il n'y avait notamment aucun droit et qu'il était entré illégalement dans ce pays. Le recourant avait par ailleurs déposé une demande d'asile en France, où il avait également des projets de mariage, et fait de fréquents séjours en Italie. Lors de son audition du 10 septembre 2009, il a en outre déclaré qu'il pensait repartir au Kosovo, où vit sa mère. Le recourant ne conteste pas qu'il n'a aucun lieu de séjour ni aucune attache en Suisse, hormis son père, qui serait prêt à l'héberger à sa sortie de prison. Il ressort toutefois des écoutes téléphoniques que le prévenu donne le minimum de renseignements à son père quant à ses faits et gestes, de telle sorte qu'on peut douter de l'influence du père sur le recourant. De plus, le recourant n'exerce pas d'activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu. A cela s'ajoute que les charges qui pèsent contre lui sont graves (cf. consid. 5.2 ci-dessous) et que s'il devait être reconnu coupable de ces chefs d'accusation, il serait exposé à une lourde peine privative de liberté. Le fait qu'il n'a pas tenté de quitter le pays lorsque son père lui a indiqué qu'il était recherché par la police ne permet pas d'exclure tout danger de fuite. Au vu des circonstances précitées, la Chambre d'accusation pouvait admettre, sans mésuser de son pouvoir d'appréciation, qu'il existait un risque concret de fuite.
5.
Le recourant se plaint finalement de la durée excessive de la détention préventive.
5.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre. Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention préventive aussi longtemps que celle-ci n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 128 I 149 consid. 2.2 p. 151; 107 Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références). Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car le juge de l'action pénale pourrait être enclin à prendre en considération, lors de la fixation de la peine, la durée de la détention préventive à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence concordante du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme, la proportionnalité de la durée de la détention doit être examinée au regard de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 s.; ATF 132 I 21 consid. 4.1 p. 28; 124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273).
5.2 En l'occurrence, le recourant a été notamment inculpé de brigandage, éventuellement de brigandage qualifié, de recel ainsi que d'infraction à la LEtr. Le brigandage est passible d'une peine pécuniaire comprise entre 180 jours-amende au moins et dix ans de peine privative de liberté au plus (art. 140 ch. 1 CP); le brigandage qualifié est puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins si son auteur s'est muni d'une arme à feu ou d'une autre arme dangereuse (art. 140 ch. 2 CP) et de deux ans au moins si son auteur l'a commis en qualité d'affilié à une bande formée pour commettre des brigandages ou des vols ou si sa façon d'agir dénote qu'il est particulièrement dangereux (art. 140 ch. 3 CP). En raison du concours d'infraction, la peine maximale serait de quinze ans (cf. art. 49 al. 1 CP). Le recourant fait valoir que la notion de brigandage qualifié ne saurait être retenue, dans la mesure où les auteurs ont utilisé une arme factice. Ce point peut rester indécis vu que le comportement des auteurs du brigandage peut également être constitutif de brigandage qualifié au sens de l'art. 140 ch. 3 CP. Le recourant soutient certes que son casier judiciaire est vierge. On peut néanmoins relever que les faits qui lui sont reprochés concrètement sont d'une gravité certaine, les auteurs étant poursuivis pour avoir commis des actes de violence physique envers le lésé, lui provoquant de graves blessures à la tête. Dans ces conditions, il apparaît que la durée de la détention préventive déjà subie par le recourant, soit huit mois à ce jour, est encore compatible avec la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation, même si le juge du fond devait retenir que le prévenu n'a agi qu'en tant que complice s'agissant du brigandage. Il s'ensuit que le principe de proportionnalité est respecté.
Par ailleurs, le recourant ne conteste pas que l'enquête progresse avec diligence. Du reste, la Juge d'instruction a communiqué aux parties son intention de prononcer la clôture de l'instruction le 29 novembre 2009. Le principe de la célérité est ainsi respecté. C'est en vain que l'intéressé se plaint que l'un des autres prévenus a demandé une expertise psychiatrique, ce qui risquerait de prolonger la durée de l'instruction de plusieurs mois. Cet éventuel allongement de la procédure n'est en effet pas imputable aux autorités mais au comportement d'un prévenu. Il n'est au demeurant pas établi en l'état.
6.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert la désignation de Me Mathias Eusebio en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu de faire droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Mathias Eusebio est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du Jura.
Lausanne, le 5 janvier 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Féraud Mabillard