BGer 6B_497/2008
 
BGer 6B_497/2008 vom 13.12.2008
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
6B_497/2008 /rod
Arrêt du 13 décembre 2008
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Zünd.
Greffière: Mme Bendani
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat,
contre
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.
Objet
Fixation de la peine; sursis; sursis partiel; assistance judiciaire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 10 janvier 2008.
Faits:
A.
Par jugement du 11 octobre 2007, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné notamment X.________, pour usure par métier, exercice illicite de la prostitution, infraction à la LSEE et contravention à la LStup, à une peine privative de liberté de 14 mois, dont 7 avec sursis pendant 4 ans, et à une amende de 3000 fr.; il a de plus révoqué un sursis accordé le 2 mai 2005 et ordonné l'exécution d'une peine d'un mois d'emprisonnement.
Cette condamnation repose, en substance, sur les éléments suivants:
A.a Né en 1963, X.________ a travaillé comme chauffeur avant d'être mis au bénéfice d'une rente AI à 100 % en mai 2003. Il perçoit à ce titre 3200 fr. de l'AI et de son « 2ème pilier ». En outre, depuis plusieurs années il complète ses rentes par les revenus tirés de l'exploitation de salons de massage érotique, lui procurant des montants indéterminés, « mais d'au moins l'équivalent de la moitié de ses rentes ». Sa condamnation du 2 mai 2005 sanctionnait une infraction à la LSEE, et était partiellement complémentaire à une condamnation du Préfet de Lausanne du 25 novembre 2002.
A.b Depuis 2002, X.________ a exploité des salons de massage. Au début juin 2005 il a pris en charge la gestion d'un tel salon à Renens. Il a ainsi sous-loué les locaux à un nombre indéterminé de prostitué(e)s, pour un loyer de 500 fr. par semaine et par personne, étant précisé que deux prostitué(e)s occupaient les lieux en même temps. Il a accepté des personnes sans autorisation de séjour ou de travail et n'a pas tenu à jour régulièrement le registre du salon. De fin septembre 2005 au début janvier 2006 il a laissé la gestion du salon à un tiers avant de la reprendre jusqu'au 20 juillet 2006, avec une associée, dans les mêmes conditions que précédemment, sous réserve que pendant cette deuxième période le taux d'occupation était de deux à trois personnes. X.________ encaissait les loyers et versait la moitié du bénéfice à son associée.
D'août 2004 à août 2006, il a exploité avec Y.________, un, puis deux salons de massages à Villeneuve en sous-louant à raison de 100 fr. par jour les deux appartements à de nombreuses prostitué(e)s dépourvu(e)s d'autorisations de séjour et de travail, les locaux étant occupés en permanence par deux ou trois d'entre elles. Au début 2006, les deux accusés se sont associés avec une autre personne et ont réalisé ainsi chacun « des revenus complémentaires moyens dépassant 1000 fr. » par mois.
B.
Par arrêt du 10 janvier 2008, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________.
C.
Ce dernier dépose un recours en matière pénale. Invoquant la violation des art. 42 et 43 CP, il conclut à ce que l'arrêt de la Cour cantonale soit réformé en ce sens qu'il est mis au bénéfice d'un sursis total pour la peine privative de liberté de 14 mois, « pour telle durée que justice dira ». Invoquant l'art. 29 al. 3 Cst., il demande que l'indemnité de son avocat, défenseur d'office, fixée en première instance à 4702 fr.15 et en seconde instance à 387 fr.35, ne soit pas mise à sa charge, mais laissée à celle de l'Etat. Il requiert de plus l'assistance judiciaire « dans la mesure la plus étendue ».
Le Tribunal cantonal n'a pas déposé d'observations et le Ministère public a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
La nouvelle partie générale du CP introduit pour les peines de un à trois ans la possibilité de l'octroi du sursis partiel, ce que l'ancien droit ne connaissait pas. La nouvelle loi est ainsi plus favorable et c'est donc à juste titre que la Cour cantonale, qui a statué en réforme, l'a appliquée (cf. art. 2 CP; ATF 117 IV 361 consid. 15 p. 386).
2.
Se plaignant d'une violation des art. 42 et 43 CP, le recourant soutient que l'autorité cantonale aurait dû poser un pronostic favorable sur sa conduite future et que les conditions du sursis total sont réalisées.
2.1 Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2). L'octroi du sursis peut également être refusé lorsque l'auteur a omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l'attendre de lui (al. 3). Le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 (al. 4).
2.1.1 Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (cf. art. 50 CP); sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 53, consid. 3.3.1 non publié; ATF 128 IV 193 consid. 3a; 118 IV 97 consid. 2b).
Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable; désormais, il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 53, consid. 3.3.2 non publié).
2.1.2 Sur le plan objectif, seules les peines de six mois à deux ans peuvent être assorties du sursis (cf. art. 42 al. 1 CP). Une peine de 12 à 24 mois peut l'être du sursis total ou partiel, ce qui est le cas présentement, vu la condamnation à 14 mois de peine privative de liberté.
2.2 Selon l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi à la libération conditionnelle (art. 86) ne lui sont pas applicables (al. 3).
Le sursis partiel permet au juge d'infliger une peine privative de liberté, dont une partie ferme et l'autre avec sursis. L'autorité ne se trouve ainsi plus confrontée au choix du "tout ou rien", mais dispose au contraire d'une marge d'appréciation plus étendue et d'une plus grande possibilité d'individualisation de la peine.
2.2.1 Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis partiel prévu à l'art. 43 CP dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis partiel. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (cf. ATF 134 IV 53, consid. 4.3.1 non publié).
2.2.2 Pour statuer sur la suspension partielle de l'exécution d'une peine, le juge doit tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Or, cette notion de faute, définie à l'art. 47 al. 2 CP, constitue avant tout un critère d'appréciation pour la fixation de la peine. Pour savoir si un sursis partiel paraît nécessaire en raison de la faute de l'auteur et de ses perspectives d'amendement, on ne peut faire référence de la même manière au critère de la culpabilité tel que prévu à l'art. 47 al. 2 CP. En effet, lorsque le juge statue sur la question du sursis, il a déjà fixé la quotité de la peine et il ne s'agit plus que de définir sa forme d'exécution appropriée. Reste que la loi lie la question de la peine, qui doit être mesurée à la faute commise, et celle du sursis en ce sens que ce dernier est exclu pour les peines supérieures à deux ans. La nécessité d'une peine privative de liberté assortie d'un sursis partiel résulte alors de la gravité de la faute, lorsque cette peine se situe entre deux et trois ans. Dans ce cas, la notion de faute trouve pleinement sa place (cf. ATF 134 IV 53, consid. 4.3.3 non publié).
2.2.3 Dans le cas des peines privatives de liberté qui entrent dans le champ d'application commun des art. 42 et 43 CP (soit entre un et deux ans), le sursis ordinaire (art. 42 CP) constitue la règle et le sursis partiel (art. 43 CP) l'exception. Celle-ci ne peut être admise que si l'octroi du sursis à l'exécution d'au moins une partie de la peine nécessite, à des fins de prévention spéciale, que l'autre partie de la peine soit exécutée. La situation est similaire à celle de l'examen des perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis (ATF 116 IV 97). S'il existe des doutes très importants au sujet du comportement futur de l'auteur, notamment au vu de condamnations antérieures, le juge peut prononcer une peine assortie du sursis partiel au lieu d'un sursis total, et ceci même si les doutes mentionnés ne suffisent pas, après appréciation globale de tous les éléments pertinents, pour poser un prognostic défavorable. Le juge peut ainsi éviter le dilemme du "tout ou rien" en cas de pronostic fortement incertain. L'importance de l'art. 43 CP réside dans le fait que l'effet dissuasif du sursis partiel est renforcé par l'exécution de l'autre partie de la peine, ce qui permet d'envisager un meilleur pronostic. Toutefois, l'exécution partielle de la peine privative de liberté doit être indispensable pour l'amélioration des perspectives d'amendement, ce qui n'est pas le cas si l'octroi du sursis combiné avec une peine pécuniaire ou une amende (art. 42 al. 4 CP) s'avère suffisant sous l'aspect de la prévention spéciale. Le juge est tenu d'examiner cette possibilité préalablement (cf. ATF 134 IV 53, consid. 4.5.1 non publié).
2.3 Dans l'hypothèse où un sursis précédent est révoqué, le juge doit également tenir compte des effets prévisibles de l'exécution de cette peine lorsqu'il se prononce sur l'octroi ou le refus du sursis à la nouvelle peine (cf. ATF 134 IV 140 consid. 4.5 p. 144; 116 IV 97 et 177).
2.4 Le recourant reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir tenu compte qu'il allait devoir exécuter la peine d'un mois d'emprisonnement dont le sursis a été révoqué.
2.4.1 Les autorités précédentes ont retenu que l'intéressé avait été averti du fait que son activité était au moins partiellement illicite, qu'il n'y avait pas renoncé pour autant, qu'il complétait d'ailleurs sa rente d'invalidité par ses locations et qu'il agissait ainsi par métier. Au vu de ces éléments, elles ont considéré que le recourant présentait un risque non négligeable de commission de nouvelles infractions et que le sursis ordinaire était donc exclu en raison du pronostic défavorable. Cependant, le recourant ayant fait quelques efforts pour rendre son activité licite, les juges vaudois ont admis que l'effet d'une peine partiellement exécutée serait suffisant pour pouvoir s'attendre à ce que l'intéressé se conformât désormais au droit et ne se laissât plus entraîner par l'appât du gain facile.
2.4.2 Le jugement rendu le 11 octobre 2007 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a notamment ordonné la révocation du sursis accordé au recourant par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne le 2 mai 2005 et ordonné l'exécution de la peine d'un mois d'emprisonnement.
Selon la jurisprudence précitée (cf. supra consid. 2.3), le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'exécution de la peine dont le sursis précédent a été révoqué. Or, en l'occurrence, les juges vaudois n'ont pas examiné cette question. Ils ne se sont pas prononcés sur le fait de savoir si l'exécution de cette peine d'un mois d'emprisonnement serait suffisante pour détourner le recourant de la commission de nouvelles infractions et ainsi améliorer le pronostic. Dans ces conditions, le grief doit être admis.
3.
En conclusion, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant.
Il n'est pas perçu de frais (art. 66 al. 4 LTF). Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF), le soin de fixer les dépens de l'instance cantonale étant laissé à l'autorité cantonale (art. 68 al. 5 LTF). La demande d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais.
3.
Le canton de Vaud versera au mandataire du recourant une indemnité de dépens de 2000 francs.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 13 décembre 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Schneider Bendani