BGer 1B_121/2008
 
BGer 1B_121/2008 vom 03.06.2008
Tribunale federale
{T 0/2}
1B_121/2008/col
Arrêt du 3 juin 2008
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Donovan Tésaury, avocat,
contre
B.________, C.________ et D.________,
intimées,
représentées par Me Patricia Michellod, avocate,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.
Objet
Détention préventive,
recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 18 avril 2008.
Faits:
A.
A.________, originaire du Cap-Vert né en 1957, se trouve en détention préventive depuis le 11 janvier 2008 sous la prévention d'assassinat, subsidiairement de meurtre. Le 10 janvier 2008, au volant de sa voiture, il avait délibérément renversé sa femme; celle-ci est décédée des suites de ses blessures.
Le 12 février 2008, une expertise a été ordonnée afin de déterminer le degré de responsabilité du prévenu, l'existence d'un risque de récidive et la présence de troubles mentaux ou d'addictions pouvant nécessiter des mesures.
Par ordonnance du 25 mars 2008, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a rejeté une demande de mise en liberté, en raison du risque de fuite.
Par arrêt du 18 avril 2008, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette ordonnance: selon les déclarations à la police des enfants du prévenu, celui-ci se montrait violent, colérique et imprévisible, de sorte qu'en cas de mise en liberté, on pouvait craindre qu'il exerce des pressions sur ses enfants pour tenter d'influencer leurs déclarations au Juge d'instruction. Le risque de fuite a été confirmé: le prévenu était arrivé en Suisse en 1985, mais il conservait des contacts avec sa famille au Portugal et avec des maîtresses au Cap-Vert. Le risque de récidive ne pouvait être écarté tant que l'expert ne s'était pas encore prononcé à ce propos.
B.
A.________ forme un recours en matière pénale, avec demande d'assistance judiciaire. Il conclut à sa mise en liberté immédiate, éventuellement assortie de conditions, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal d'accusation pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours, de même que les parties civiles.
Le recourant a répliqué.
Considérant en droit:
1.
L'arrêt relatif au maintien en détention est une décision en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Rendu en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF), il peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a LTF; il a agi dans le délai de trente jours (art. 100 al. 1 LTF).
2.
Le recourant conteste le risque de collusion. Ses filles ont déclaré avoir été frappées par lui, mais ces faits seraient de toute façon prescrits. Les besoins de l'enquête ne nécessiteraient pas un maintien en détention. Le risque de fuite serait inexistant: le recourant est bien intégré depuis une vingtaine d'années en Suisse, où vivent ses enfants, en particulier son fils cadet auquel il est très attaché; le recourant s'est lui-même livré à la police. S'agissant du risque de récidive, d'ailleurs non retenu par le Juge d'instruction, les déclarations de ses filles auraient été faites sous le coup de l'émotion; les violences à leur égard ont cessé depuis plusieurs années, et les filles du recourant n'habitent plus avec lui; son fils a été confié au Service de protection de la jeunesse, ce qui limiterait d'autant le risque de récidive.
2.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours (art. 59 al. 1 ch. 3 CPP/VD). Tel est le cas par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour prendre contact avec des témoins ou d'autres prévenus, afin de tenter d'influencer leurs déclarations. Ce risque doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance (ATF 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257 consid. 4c p. 261), et l'autorité doit indiquer, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34, 116 Ia 149 consid. 5 p. 152).
En l'espèce, l'instruction ne porte pas seulement sur les faits survenus le 10 janvier 2008, voire sur des faits commis antérieurement - et qui pourraient être prescrits, selon le recourant -, mais sur tous les éléments propres à déterminer la responsabilité, la culpabilité, voire la dangerosité de l'inculpé, en vue de l'application des art. 19, 47 ss et 56 ss CP. De ce point de vue, le caractère et l'attitude du recourant, tels que relatés notamment par ses enfants, constituent des éléments importants. Il y a donc lieu de s'assurer que le recourant, décrit comme autoritaire et impulsif et qui aurait déjà menacé ses enfants, ne pourra pas tenter d'influencer leurs déclarations. Le risque de collusion apparaît dès lors suffisant pour justifier le maintien en détention.
2.2 Selon la jurisprudence, le maintien en détention préventive n'est admissible que si le pronostic de récidive est très défavorable et si les délits à craindre sont de nature grave. La simple possibilité, hypothétique, de commission de nouvelles infractions de même nature, ou la vraisemblance que soient commises des infractions mineures, sont des motifs insuffisants (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62). L'exigence de vraisemblance est toutefois moins élevée lorsqu'il s'agit de délits de violence graves, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Autant que possible, l'autorité doit tenter de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive propre à atteindre le même résultat (ATF 123 I 268 consid. 2c et e p. 270/271 et les arrêts cités).
En l'occurrence, les faits reprochés au recourant sont graves: il s'agit d'un homicide intentionnel. Le recourant aurait déjà menacé ses filles, comme il l'avait fait avec son épouse. Compte tenu de son caractère colérique, impulsif et imprévisible, il y a lieu de craindre qu'il s'en prenne aux personnes dont les déclarations l'accablent, quand bien même ces dernières n'habiteraient plus avec lui. Les appréciations favorables des témoins qui ne le connaissent qu'en tant que collègue de travail ne suffisent pas à renverser ce pronostic défavorable. Le risque de réitération est dès lors suffisamment sérieux, en tout cas tant que les conclusions de l'expert sur ce point ne sont pas connues.
2.3 Quant au risque de fuite, il ne peut non plus être écarté: le recourant est de nationalité étrangère et il a gardé des liens tant avec son pays d'origine (où il serait allé retrouver des maîtresses) qu'avec le Portugal où vit sa famille. Le recourant est certes bien intégré professionnellement en Suisse mais il n'a, selon ses propres dires, plus de contact avec ses filles majeures; son fils a été placé sous la garde du Service de protection de la jeunesse. Ses attaches familiales ne paraissent désormais plus suffisantes pour le dissuader de fuir, compte tenu de la gravité des charges retenues contre lui.
3.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies. Me Donovan Tésaury est désigné comme avocat d'office du recourant, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Le recourant est dispensé des frais judiciaires (art. 64 LTF), mais pas de l'indemnité de dépens allouée aux parties civiles intimées (art. 68 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Donovan Tésaury est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral; il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée aux intimées B.________, C.________ et D.________, à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 3 juin 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Féraud Kurz