BGer 4A_268/2007
 
BGer 4A_268/2007 vom 14.11.2007
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_268/2007
Arrêt du 14 novembre 2007
Ire Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Carruzzo.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Pascal Maurer,
contre
Y.________,
intimée, représentée par Me Marc Delacroix.
Objet
arbitrage international; ordre public,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 1er juin 2007 par Me Z.________, arbitre unique.
Faits:
A.
Y.________ et X.________ se sont mariés le 28 mai 1988 en Belgique. De cette union sont issus les enfants A.________, né le 1er octobre 1992, et B.________, née le 7 octobre 1996.
Le divorce des époux X.Y.________ a été prononcé le 5 octobre 1999 par un tribunal belge.
En date du 28 janvier 2000, les parties ont conclu une convention dans laquelle X.________ s'est notamment engagé à verser à Y.________, le 1er jour ouvrable suivant le 31 décembre 2006, la somme de dix millions de francs belges ainsi que les intérêts au taux annuel de 7% à compter de la date de la signature de la convention. En vertu de la clause topique figurant à l'article 3 de cette convention, la dette en capital et intérêts était soumise à une double condition ainsi formulée:
"1°) que le temps d'hébergement des enfants par leur père ne soit pas réduit à moins d'une semaine sur deux du mercredi à la sortie de l'école à midi jusqu'au lundi matin, retour à l'école, plus une soirée de l'autre semaine, ainsi que la moitié des vacances, tout ceci étant défini dans l'annexe II. Cette condition ne sera toutefois pas applicable si la réduction résulte:
- du fait que le soussigné de première part [i.e. X.________] se domicilie et réside effectivement hors de Belgique,
- d'une décision judiciaire passée en force de chose jugée, motivée par des considérations liées à l'intérêt supérieur des enfants et rendue dans une procédure commencée avant le 31 décembre 2006.
2°) que la soussignée de seconde part [i.e. Y.________] exécute intégralement et parfaitement les obligations mises à sa charge dans le cadre de l'accord global intervenu.
..."
En vertu de son article 5, ladite convention était soumise au droit suisse et les contestations qui pourraient en découler devaient être tranchées par un arbitre unique - l'avocat genevois Z.________ - siégeant à Genève.
B.
Le 26 mai 2006, Y.________ a intenté une action devant l'arbitre unique en vue d'obtenir le paiement de dix millions de francs belges avec intérêts à 7% l'an sur le principal.
De son côté, X.________ a pris des conclusions tendant notamment à la résolution de la susdite convention aux torts de la demanderesse. Selon lui, l'une des deux conditions résolutoires mentionnées à l'article 3 de la convention du 28 janvier 2000 s'était accomplie, étant donné qu'à partir de Noël 2005, il n'avait plus pu héberger son fils conformément à ce qui avait été arrêté par les parties.
L'arbitre unique a rendu sa sentence le 1er juin 2007. Il a condamné le défendeur à payer à la demanderesse la contre-valeur en euros de dix millions de francs belges, soit 247'894 euros avec intérêts à 7% dès le 28 janvier 2000, et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions. Examinant les circonstances du cas concret, l'arbitre unique a estimé, en substance, que le défendeur n'avait pas établi à satisfaction de droit la violation, par la demanderesse, des obligations stipulées à l'art. 3 ch. 1 de la convention du 28 janvier 2000. De fait, si le droit d'hébergement du défendeur à l'égard de son fils A.________ avait incontestablement subi des restrictions, l'origine de celles-ci était à rechercher dans la réticence du mineur à se rendre chez son père, sans que l'on pût reprocher à la demanderesse une quelconque passivité face au comportement oppositionnel de l'adolescent vis-à-vis de son père. L'arbitre a encore indiqué les raisons pour lesquelles il n'eût pas été raisonnable d'exiger de la demanderesse, comme le proposait le défendeur, qu'elle introduisît, avant le 31 décembre 2006, une action visant à remédier aux atteintes portées au droit d'hébergement de son ex-mari.
C.
Le 6 juillet 2007, X.________ a déposé un recours en matière civile au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence précitée.
L'intimée conclut au rejet du recours. L'arbitre unique en fait de même.
Par lettre du 2 novembre 2007, le conseil du recourant a demandé à pouvoir se déterminer sur les observations formulées par l'arbitre unique et sur la réponse de l'intimée.
Considérant en droit:
1.
Comme la sentence attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).
2.
2.1 Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).
En l'espèce, le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en l'occurrence, les deux) n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
Le recourant est directement touché par la sentence finale attaquée, qui le condamne à verser une somme d'argent à l'intimée. Il a ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette sentence n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant de l'art. 190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), dans la forme prévue par la loi (art. 42 al. 1 LTF), le recours est, en principe, recevable.
2.2 A la suite du dépôt des observations de l'arbitre unique et de la réponse de l'intimée, le recourant a requis un nouvel échange d'écritures.
Selon l'art. 102 al. 3 LTF, il n'y a pas d'échange ultérieur d'écritures en règle générale. Appliquant la disposition, comparable, de la loi fédérale d'organisation judiciaire (art. 93 al. 3), le Tribunal fédéral s'en est tenu strictement à la règle, n'ordonnant une réplique et une duplique que si celles-ci lui paraissaient vraiment indispensables pour résoudre le cas en respectant le droit d'être entendu (consid. 1.4, non publié, de l'ATF 130 III 755). Cette position est liée au fait que les griefs soulevés doivent être présentés au Tribunal fédéral dans le délai de recours de 30 jours; un complément ultérieur au recours n'est ainsi admissible que si les observations du tribunal arbitral ou de la partie intimée le justifient (cf. arrêt 4P.226/2004 du 9 mars 2005, consid. 1.1; ATF 122 I 70 consid. 1c p. 74).
Il n'y a pas de raison de s'écarter de la règle en l'espèce. Le recourant, qui n'a pas motivé sa requête, n'invoque aucun élément qui révélerait la nécessité d'ordonner un second échange d'écritures sous peine de violer son droit d'être entendu. Au demeurant, à la lecture des observations de l'arbitre unique et de la réponse de l'intimée, il n'apparaît pas que ces écritures contiendraient des éléments nouveaux ou inattendus au sujet desquels il se justifierait d'interpeller le recourant afin de sauvegarder ce droit. Il ne sera donc pas donné suite à la requête de l'intéressé.
2.3 Le recourant soulève lui-même la question de savoir si les parties n'ont pas renoncé à entreprendre la sentence attaquée. Il y répond par la négative au motif que les conditions d'application de l'art. 192 LDIP, qui prévoit une telle possibilité, ne seraient pas réalisées dans le cas particulier. L'arbitre unique lui emboîte le pas, tandis que l'intimée soutient, quant à elle, que les parties ont bel et bien renoncé à tout recours contre la sentence du 1er juin 2007.
La question peut demeurer indécise dès lors que, pour les motifs indiqués ci-après, le recours soumis à l'examen de la Cour de céans apparaît de toute façon manifestement mal fondé.
3.
Invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le recourant reproche à l'arbitre unique d'avoir rendu une sentence incompatible avec l'ordre public. Plus précisément, il lui fait grief d'avoir violé le principe pacta sunt servanda.
3.1 Selon la jurisprudence, la fidélité contractuelle, rendue par cet adage latin, compte au nombre des principes qui constituent l'ordre public matériel (ATF 128 III 191 consid. 6b p. 198; 120 II 155 consid. 6a p. 166 et les références). Le principe pacta sunt servanda, au sens restrictif que lui donne la jurisprudence relative à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est violé que si le tribunal arbitral refuse d'appliquer une clause contractuelle tout en admettant qu'elle lie les parties ou, à l'inverse, s'il leur impose le respect d'une clause dont il considère qu'elle ne les lie pas. En d'autres termes, le tribunal arbitral doit avoir appliqué ou refusé d'appliquer une disposition contractuelle en se mettant en contradiction avec le résultat de son interprétation à propos de l'existence ou du contenu de l'acte juridique litigieux. En revanche, le processus d'interprétation lui-même et les conséquences juridiques qui en sont logiquement tirées ne sont pas régis par le principe de la fidélité contractuelle, de sorte qu'ils ne sauraient prêter le flanc au grief de violation de l'ordre public. La Cour de céans a souligné à maintes reprises que la quasi-totalité du contentieux dérivé de la violation du contrat est exclue du champ de protection du principe pacta sunt servanda. Il convient d'ajouter que, dans le cadre de l'examen d'une violation de l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le Tribunal fédéral n'a pas à rechercher si l'arbitre a interprété correctement une clause contractuelle.
3.2 Dans le cas particulier, sous le couvert du grief de violation du principe pacta sunt servanda, le recourant ne fait, en réalité, que substituer sa propre appréciation juridique des faits pertinents à celle qui a été retenue par l'arbitre unique et qui échappe à l'examen du Tribunal fédéral, qu'elle soit soutenable ou non.
Il ressort, en effet, de ses explications que le recourant interprète la clause topique de la convention du 28 janvier 2000 en ce sens que l'intimée était déchue de ses droits pécuniaires, indépendamment de toute faute de sa part, du seul fait que le droit d'hébergement avait subi des restrictions et qu'elle n'avait pas introduit une procédure avant le 31 décembre 2006 pour faire respecter ce droit. L'interprétation que l'arbitre unique a faite de la même clause se distingue de celle du recourant dans la mesure où elle met l'accent sur le caractère potestatif, et non casuel, de la condition résolutoire, en ce sens que cette condition ne peut s'accomplir que si la restriction apportée aux droits d'hébergement du recourant peut être imputée à l'intimée. On est donc en présence de deux interprétations antagonistes de la même manifestation de volonté. Aussi le recourant essaie-t-il en vain de transformer l'interprétation faite par l'arbitre unique en un autre procédé, à savoir l'introduction d'une condition nouvelle dans une clause que l'arbitre aurait interprétée de la même manière que lui.
Pour le reste, il saute aux yeux que la condamnation pécuniaire prononcée à l'encontre du recourant est en parfait accord avec le résultat de l'interprétation de la clause litigieuse, telle qu'elle a été faite par l'arbitre.
Le grief examiné est ainsi dénué de tout fondement.
4.
Cela étant, le présent recours doit être rejeté avec suite de frais et dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
La requête du recourant tendant à ce que soit ordonné un second échange d'écritures est rejetée.
2.
Le recours est rejeté.
3.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge du recourant.
4.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre unique.
Lausanne, le 14 novembre 2007
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Corboz Carruzzo