BGer 1C_142/2007
 
BGer 1C_142/2007 vom 13.09.2007
Tribunale federale
{T 0/2}
1C_142/2007 /col
Arrêt du 13 septembre 2007
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aeschlimann et Reeb.
Greffière: Mme Truttmann.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Jämes Dällenbach, avocat,
contre
Conseil communal de Travers, 2105 Travers, représenté par Me Simone Walder-de Montmollin, avocate,
Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
résiliation des rapports de service avec effet immédiat,
recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel du 30 avril 2007.
Faits:
A.
A.________, né en 1958, a travaillé en qualité de secrétaire-comptable au service de la Commune de Travers du 1er avril 1997 au 29 février 2000. A compter du 1er juin 2002, il a été engagé à nouveau pour occuper le même poste. A la suite d'absences injustifiées, de retards et de somnolence au travail, le prénommé s'est vu adresser, le 24 mars 2004, un blâme par le Conseil communal de Travers avec l'avertissement qu'en cas de présence au travail sous l'emprise de l'alcool ou en cas d'absences injustifiées, il serait licencié immédiatement. Par lettre du 5 avril 2004, A.________ a présenté des excuses au Conseil communal et lui a fait part de sa détermination de se soumettre à un traitement médicamenteux (Antabus) pendant au moins une année.
Le 15 septembre 2005, après de nouveaux troubles dus à une consommation immodérée d'alcool, le Conseil communal a adressé à A.________ un dernier avertissement précisant qu'en cas de nouvelle rechute, il serait mis fin immédiatement au rapport de service.
B.
Le 29 novembre 2006, A.________ a téléphoné à l'administratrice communale à 8h20 pour lui annoncer qu'il s'était oublié. Il est arrivé à son lieu de travail environ deux heures plus tard en état d'ébriété. La Présidente du Conseil communal a alors fait intervenir la police, laquelle a constaté que A.________ présentait une alcoolémie d'au moins 1,47g/kg. Il a fait l'objet d'une condamnation pour conduite en état d'ébriété.
A.________ a été entendu le 1er décembre 2006. Le 5 décembre suivant, le Conseil communal a décidé de le renvoyer avec effet immédiat.
A.________ a par la suite produit un certificat du 18 décembre 2006 de son médecin traitant, attestant qu'il était en totale incapacité de travail le 29 novembre 2006.
C.
A.________ a recouru au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision du Conseil communal du 5 décembre 2006, dont il a demandé l'annulation, en concluant à ce que la Commune de Travers soit condamnée à lui payer une indemnité de 26'000 francs.
Dans ses observations sur le recours, le Conseil communal a indiqué qu'il avait découvert, le 18 janvier 2007, que A.________ avait prélevé, sans autorisation et en contrefaisant des signatures, 15'000 fr. le 27 octobre 2006 et 28'000 fr. le 16 novembre suivant, sur le compte bancaire de la Commune de Travers.
En réplique, A.________ a admis avoir prélevé de manière indue la somme de 43'000 fr., expliquant qu'il entendait restituer ce montant très rapidement grâce à des démarches non spécifiées, mais qui auraient été selon lui mises à néant par les événements survenus dans l'intervalle.
Par arrêt du 30 avril 2007, le Tribunal administratif a rejeté le recours et la demande de A.________.
D.
Agissant par la voie du "recours constitutionnel", A.________ conclut à l'annulation de l'arrêt rendu par le Tribunal administratif le 30 avril 2007. Il invoque l'interdiction de l'arbitraire et se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.
Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. La Commune de Travers conclut au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).
2.
La voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est ouverte contre les décisions en matière de rapports de travail de droit public, lorsque la valeur litigieuse dépasse 15'000 fr. (art. 85 al. 1 let. b LTF). La valeur litigieuse se détermine selon les critères de l'art. 51 LTF. Elle est atteinte en l'occurrence, dès lors que le recourant concluait notamment, dans sa demande du 10 janvier 2007, à l'allocation d'une indemnité de 26'000 francs.
3.
A lui seul, l'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions d'une conversion en la voie de droit adéquate soient réunies (ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509 et les arrêts cités). Tel est en l'occurrence le cas, si bien qu'il y a lieu de traiter le présent recours constitutionnel subsidiaire comme recours en matière de droit public.
4.
Le recourant n'a formulé qu'une conclusion cassatoire, alors que le recours en matière de droit public, contrairement au recours de droit public (art. 84 ss OJ), n'est pas un recours en cassation mais un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF). Il en va d'ailleurs de même s'agissant du recours constitutionnel subsidiaire (arrêt 4D_21/2007 du 20 juillet 2007, consid. 3.1). Il ressort cependant clairement du mémoire que le recourant entend que son rapport de travail soit maintenu et qu'une indemnité lui soit versée. Comprise dans ce sens, sa conclusion cassatoire ne s'oppose pas à l'entrée en matière sur le recours.
5.
Dans un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.
5.1 Garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu permet au justiciable de participer à la procédure probatoire en exigeant l'administration des preuves déterminantes (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les arrêts cités; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités).
5.2 Le Tribunal administratif a jugé que la cause ayant pu être tranchée de façon sûre en fonction des seules pièces du dossier, notamment au regard des faits admis par le recourant lui-même, il n'était pas nécessaire d'administrer les preuves proposées par les parties.
5.3 Cette conclusion doit être confirmée. En effet, les éléments que le recourant aurait souhaité être instruits, à savoir la problématique liée à l'alcool, l'arrêt de son traitement, ses difficultés au travail et les circonstances des prélèvements d'argent, ne sont d'aucune pertinence pour l'issue du litige, ainsi que cela sera mis en évidence ci-après. En effet, le recourant a lui-même affirmé à de réitérées reprises que son alcoolisme ne dépendait que de sa volonté, de sorte que la situation était claire. Par ailleurs, bien plus que le caractère volontaire ou non de l'interruption du traitement à l'Antabus, c'est le devoir d'information qui aurait éventuellement été déterminant ici. De plus, les autres difficultés prétendument rencontrées par le recourant sur son lieu de travail ne font pas l'objet de la présente procédure. Enfin, il s'avère que le licenciement immédiat est justifié, même abstraction faite des prélèvements d'argent effectués sans droit, de sorte que ces actes, dont le recourant reconnaît du reste la réalité, n'ont pas besoin d'être davantage élucidés. Le grief doit dès lors être rejeté.
6.
Sur le fond, le recourant se plaint d'une application arbitraire de l'art. 13 du Statut du personnel communal de la Commune de Travers (ci-après: le Statut communal).
6.1 De jurisprudence constante, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 p. 173 consid. 3.1 p. 178).
6.2 Selon l'art. 13 du Statut communal, indépendamment des mesures disciplinaires, un employé peut, en tout temps, être licencié pour de justes motifs. Constituent de justes motifs, l'incapacité de remplir la fonction, la maladie grave et de longue durée, le fait que l'employé ne remplit plus une condition dont dépendait sa nomination ou toute autre circonstance de nature à rendre le maintien en fonction préjudiciable à la bonne marche des services communaux. Si les faits reprochés à l'employé dépendent de sa volonté, le renvoi doit être précédé d'un avertissement. Le renvoi est notifié par écrit, avec indication des motifs. Il déploie immédiatement ses effets et met fin à tous les rapports de service.
6.3 Les justes motifs de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'Etat peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute; de toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (Peter Hänni, La fin des rapports de service en droit public, RDAF 1995, p. 421 ss; Pierre Moor, Droit administratif III, Berne 1992, p. 250 ss; Blaise Knapp, Précis de droit administratif, 4ème édition, Bâle 1991, p. 645 ss). Les conditions justifiant une résiliation ne se déterminent pas de façon abstraite ou générale, mais dépendant concrètement de la position et des responsabilités de l'intéressé, de la nature et de la durée des rapports de travail, ainsi que du genre et de l'importance des griefs en cause (voir par analogie avec le droit privé Rémy Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p. 364; Jürg Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2ème édition, Berne 1996, p. 360-363 et les références citées).
6.4 La résiliation immédiate pour justes motifs est une mesure exceptionnelle. Conformément aux principes dégagés par la jurisprudence du droit privé (mais qui peuvent être appliqués par analogie en droit de la fonction publique), elle doit être admise de manière restrictive (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31, 213 consid. 3.1 p. 220 s.; 129 III 380 consid. 2.1 p. 382). D'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31, 213 consid. 3.1 p. 220 s.; 129 III 380 consid. 2.1 p. 382). Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail (ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354 et les arrêts cités), mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une résiliation immédiate lorsque ceux-ci rendent peu envisageable le maintien de la relation de service (cf. ATF 129 III 380 consid. 2.2 p. 382 s.).
6.5 Selon le recourant, le fait qu'un travailleur se présente à un poste en état d'ivresse ne serait pas un événement de nature à justifier un licenciement avec effet immédiat. L'existence d'un avertissement donné plus d'une année avant l'incident ne serait en outre pas à elle seule déterminante. L'événement du 29 novembre 2006 ne correspondrait pas à un juste motif au sens de l'art. 13 al. 2 du Statut communal. Il s'agirait bien au contraire d'une situation qui dépendrait de la volonté du travailleur (art. 13 al. 3 du Statut communal). Dans ces circonstances, la commune de Travers aurait dû se contenter de prononcer un avertissement, en lui enjoignant de mettre à nouveau en place le traitement d'Antabus qu'il avait cessé en accord avec ses médecins.
6.6 En l'espèce, les manquements reprochés au recourant, à savoir arrivées tardives, absences injustifiées et incapacité à accomplir les tâches en raison d'un état d'ébriété, constituent des manquements de gravité moyenne, voire légère, de sorte que le licenciement immédiat doit impérativement avoir été précédé d'un ou de plusieurs avertissements (Gabriel Aubert, Commentaire romand, Bâle 2003, n° 7 ad art. 337; Christiane Brunner/Jean-Michel Bühler/Jean-Bernard Waeber/ Christian Bruchez, Kommentar zum Arbeitsvertrag, 3ème édition, Bâle 2005, p. 260).
6.7 Le Tribunal administratif a rappelé que le recourant avait déjà fait l'objet, en 2004 et en 2005, de deux avertissements pour des manquements à ses devoirs en relation avec l'alcoolisme dont il était atteint. Sa conduite avait alors causé une surcharge de travail à l'administration communale et perturbé son organisation. Le recourant avait récidivé le 29 novembre 2006, en arrivant ivre et en retard au travail.
En l'espèce, il est vrai que le dernier avertissement n'est pas récent. Il s'avère cependant que la Commune a déjà fait preuve d'une patience appréciable à l'égard du recourant. De nombreuses pièces mettent en évidence les carences de ce dernier. Il ressort toutefois du dossier que la Commune a, malgré cela, fait des efforts particuliers pour venir en aide à son employé. Les avertissements prononcés n'avaient du reste d'autre objectif que de permettre au recourant de se reprendre en main. Constatant après l'incident du 29 novembre 2006 que tous ses efforts étaient demeurés vains, la Commune pouvait donc sans arbitraire mettre fin immédiatement au rapport de service (cf. arrêt 2P.149/2006 du 9 octobre 2006 consid. 5.3 et 6.5).
Le recourant prétend certes qu'il n'aurait interrompu son traitement qu'en accord avec ses médecins et qu'il aurait sans succès tenté d'obtenir un entretien avec la Commune pour l'informer de cet élément nouveau. Le licenciement immédiat prévu par l'art. 13 du Statut communal ne semble toutefois pas être subordonné à l'existence d'une faute, de sorte que ce point n'est pas pertinent. Quoi qu'il en soit, le recourant n'a aucunement fait mention de cet élément lors de son audition du 1er décembre 2006. En outre, dans son recours au Tribunal administratif, l'énumération des questions qu'il voulait aborder ne mentionne pas la fin du traitement à l'Antabus. Dans ces conditions, la Commune était d'autant plus légitimée à estimer que le rapport de confiance était irrémédiablement rompu.
6.8 Le Tribunal administratif a également pris en considération les prélèvements d'argent importants opérés par le recourant dans les comptes de la Commune.
6.8.1 Le recourant soutient que la Commune serait déchue de ses droits d'invoquer ce motif car elle n'aurait pas réagi auprès de lui après avoir eu connaissance des faits.
Par courrier du 19 janvier 2007, la Commune a pourtant fait savoir au mandataire du recourant qu'elle n'entendait en aucun cas revenir sur sa décision de licenciement, ce d'autant plus à la lumière des prélèvements découverts ultérieurement. Le 26 janvier 2007, la Commune a déposé plainte auprès du Procureur général. Dans ces conditions, il ne peut pas être soutenu que la Commune n'a pas réagi.
6.8.2 Le recourant fait encore valoir que la Cour cantonale ne pouvait pas se référer aux prélèvements en l'absence de lien avec ses difficultés liées à la consommation d'alcool.
Dans la mesure où il résulte de ce qui précède que l'événement du 29 novembre 2006, après les avertissements notifiés à l'employé, était suffisant pour entraîner un licenciement immédiat, il n'est pas nécessaire d'examiner cette question.
7.
Le recourant relève en outre qu'au moment où son licenciement immédiat lui a été notifié, il était en incapacité de travail, ainsi que cela était attesté par un certificat médical.
7.1 Le Tribunal administratif a estimé que le fait que, selon son médecin traitant, le recourant était prétendument incapable de travailler le 29 novembre 2006, n'était pas de nature à modifier son appréciation quant au caractère justifié du licenciement immédiat. En effet, le recourant n'invoquait aucun autre empêchement de travailler que son état d'alcoolisation, lequel devait lui être imputé.
Le recourant soutient quant à lui que l'art. 336c CO, qui protège l'employé contre une résiliation en temps inopportun, serait applicable, de sorte que son licenciement serait nul.
7.2 Le recourant perd cependant de vue que la Cour cantonale n'a pas nié l'application de l'art. 336c CO mais qu'elle a au contraire estimé que son empêchement de travailler était imputable à sa faute. Dans ces conditions, le grief est irrelevant. Au demeurant, devant le Tribunal fédéral, le recourant persiste à soutenir que la situation ne dépendait que de sa volonté.
8.
Au vu de ce qui précède, la critique du recourant relative au refus de l'indemnité sollicitée, qui est de toute façon de nature purement appellatoire, n'a pas besoin d'être examinée.
9.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires (art. 65 al. 4 LTF et 2 du Tarif des émoluments judiciaires du Tribunal fédéral (RS 173.110.210.1) sont mis à la charge du recourant, qui succombe. Il n'est pas alloué de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Conseil communal de Travers et au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 13 septembre 2007
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: