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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5P.30/2007 /frs
Arrêt du 2 mai 2007
IIe Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat,
contre
Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
art. 9 et 29 al. 2 Cst., art. 5 par. 4 CEDH (internement),
recours de droit public contre la décision de l'Autorité
de surveillance des tutelles du canton de Genève
du 13 décembre 2006.
Faits :
A.
Par décision du 18 octobre 2006, le Tribunal tutélaire du canton de Genève a prononcé l'interdiction de X.________ et son placement à des fins d'assistance à la Clinique de Belle-Idée, invitant le tuteur à trouver un établissement approprié dans les toxicodépendances susceptible d'accueillir l'intéressé dans le cadre d'un placement non volontaire.
Les médecins qui suivaient X.________ à la Consultation de la Navigation avaient en effet attesté que celui-ci souffrait d'une schizophrénie et de dépendance tant à l'héroïne qu'à la cocaïne; sa consommation avait augmenté de manière importante, le suivi médical était ainsi de plus en plus anarchique et, compte tenu de l'anosognosie du patient (soit sa méconnaissance à l'égard de la maladie pourtant patente qui l'affectait), un traitement ambulatoire était devenu impossible.
L'expert mandaté par le Tribunal tutélaire avait confirmé que X.________ souffrait d'une schizophrénie paranoïde chronique, assimilable à une maladie mentale, qui se manifestait par des hallucinations et des idées délirantes; la toxicomanie aggravait cette pathologie et l'expertisé se mettait en danger par risque d'infections et d'overdoses; un cadre de soins spécialisés était indispensable pour qu'il cesse sa consommation et poursuive un traitement à la méthadone. L'expert avait conclu qu'en raison de cet état durable, X.________, qui avait subi trente-trois hospitalisations, tantôt volontairement, tantôt involontairement, à la Clinique de Belle-Idée, était incapable de gérer ses affaires, ne pouvait se passer de soins et de secours permanents et menaçait sa sécurité ainsi que celle d'autrui. Une hospitalisation en milieu psychiatrique était par conséquent indispensable.
B.
X.________ a recouru contre la décision du 18 octobre 2006 auprès de l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève, concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal tutélaire pour complément d'enquête. A titre provisoire, il a demandé son placement, pendant la procédure, dans le foyer "La Courte-Echelle", situé en Valais, ou dans tout autre établissement préconisé par les médecins de la Clinique de Belle-Idée.
A l'audience du 9 novembre 2006, il a confirmé son recours, admettant son placement à des fins d'assistance, provisoirement et pour une période initiale d'un mois, au foyer "La Courte-Echelle".
Le 13 novembre 2006, l'Autorité tutélaire de surveillance a ordonné, provisoirement, le transfert sans délai de l'intéressé dans le foyer en question, pour une durée initiale d'un mois, et a requis un rapport du représentant provisoire de celui-ci d'ici au 15 décembre 2006.
Le 22 novembre 2006, elle a procédé à l'audition du médecin traitant du patient, le Dr G.________, ainsi que de la Dresse S.________, chargée de son dossier à la Clinique de Belle-Idée, et a imparti au représentant provisoire un délai prorogé au 20 décembre 2006 pour qu'il lui adresse un rapport.
Le 6 décembre 2006, le foyer "La Courte-Echelle" a écrit au Service des tutelles d'adultes qu'après une première semaine consacrée à son adaptation, sans obligations particulières, le patient avait montré une faible tolérance aux refus qui lui étaient opposés, malgré un programme allégé. Pour évaluer avec justesse sa dépendance aux psychotropes, une observation d'au moins six mois était nécessaire. Or, X.________ ne semblait motivé que par le souci de voir le foyer établir à la fin du mois un rapport en sa faveur à l'attention de la justice. Dans cette perspective, il devenait de plus en plus anxieux. Outre un refus systématique de collaborer à sa prise en charge aux conditions strictes posées par le foyer, il en était venu à menacer de mettre le feu et de tout casser, de sorte que son retour en hospitalisation non volontaire à la Clinique de Belle-Idée avait été décidé, cette mesure étant toutefois laissée en suspens pour autant que l'intéressé accepte les règles du foyer.
Par lettre du 7 décembre 2006, le représentant provisoire de X.________, se référant à la prise de position du foyer, a demandé la confirmation de la décision du Tribunal tutélaire du 18 octobre 2006.
Les deux courriers susmentionnés ont été communiqués au conseil de l'intéressé par téléfax du 8 décembre 2006, avec un délai au 12 décembre 2006 à 12 heures, vu l'urgence, pour déposer d'éventuelles observations.
Par lettre du 11 décembre 2006, ledit conseil a notamment demandé à plaider et a conclu au maintien de l'ordonnance provisoire du 13 novembre 2006.
Par décision du 13 décembre 2006, communiquée le lendemain, l'Autorité de surveillance a confirmé le placement à des fins d'assistance de X.________ ordonné par le Tribunal tutélaire dans son ordonnance du 18 octobre 2006, dit que ce placement s'effectuerait au foyer "La Courte-Echelle" et que si, pour quelque raison que ce soit, ledit placement ne pouvait se poursuivre, le patient devrait alors être à nouveau interné, selon le régime de privation de liberté à des fins d'assistance, à la Clinique de Belle-Idée, enfin, qu'il serait statué séparément sur le recours concernant la mesure d'interdiction.
C.
Parallèlement à un recours en réforme, X.________ forme un recours de droit public contre la décision du 13 décembre 2006, concluant principalement à son annulation.
Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
L'Autorité de surveillance s'est référée aux considérants de sa décision.
D.
Par ordonnance du 30 janvier 2007, le président de la cour de céans a rejeté les demandes d'effet suspensif et de mesures provisoires présentées par le recourant.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1242). La décision attaquée ayant été rendue avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF).
2.
Conformément à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient de traiter le recours de droit public avant le recours en réforme.
3.
Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292 et la jurisprudence citée).
3.1 Déposé en temps utile - compte tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. c OJ - contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ.
3.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 131 III 164 consid. 2.2.2 p. 172; 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1c p. 53/54). Dans un recours de droit public pour arbitraire, les faits et moyens de preuve nouveaux sont prohibés (ATF 129 I 49 consid. 3 p. 57 et les références). Le Tribunal fédéral s'en tient dès lors aux faits constatés par l'autorité cantonale, à moins que le recourant ne démontre que ces constatations sont fausses ou lacunaires (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). Les compléments, modifications ou précisions que le recourant entend apporter au déroulement des faits sont par conséquent irrecevables, sous réserve des moyens qui seraient motivés conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
4.
Invoquant les art. 29 al. 2 Cst. et 5 par. 4 CEDH, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas examiné ses griefs concernant l'expertise ordonnée en première instance, d'avoir refusé de l'entendre après l'audition des médecins comme témoins, de n'avoir pas autorisé son avocat à plaider et d'avoir octroyé à celui-ci un délai trop court pour le défendre. L'arrêt attaqué serait en outre insuffisamment motivé.
4.1 Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 122 II 464 consid. 4a p. 469). Il se justifie, en conséquence, de traiter ce grief en premier (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50) et librement (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; 125 I 257 consid. 3a p. 259).
4.2 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend en particulier le droit pour l'intéressé de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 127 III 576 consid. 2c p. 578; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16). La jurisprudence a aussi déduit de cette disposition l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse la comprendre ainsi que l'attaquer utilement s'il y a lieu, et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge n'est certes pas tenu de se prononcer sur tous les arguments soulevés par les parties, et peut s'en tenir aux questions décisives; il faut toutefois qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il s'est fondé (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540, 473 consid. 4.1 p. 477; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236). Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 125 III 440 consid. 2a p. 441; 117 Ia 116 consid. 3a p. 117 et les arrêts cités).
Aux termes de l'art. 5 par. 4 CEDH, applicable à la privation de liberté à des fins d'assistance selon les art. 397a ss CC (ATF 114 Ia 182 consid. 3a p. 183), toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin que celui-ci statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération immédiate si cette mesure est illégale. Cette demande doit être examinée selon une procédure contradictoire qui garantisse le droit d'être entendu (ATF 116 Ia 295 consid. 4a p. 299 et la jurisprudence citée). Les art. 397a à 397f CC visant à concrétiser, pour les cas de privation de liberté à des fins d'assistance, les principes de l'art. 5 CEDH, il n'y a pas place pour un examen sous l'angle de cette garantie conventionnelle dans le cadre du recours subsidiaire de droit public: la violation de l'art. 5 CEDH représente en premier lieu une violation des dispositions du Code civil, qu'il convient d'invoquer par la voie du recours en réforme (art. 44 let. f et 84 al. 2 OJ; cf. notamment: ATF 121 III 204 consid. 2a p. 207; 115 II 129 consid. 5 p. 130; 107 II 314 consid. 1 p. 315/316; Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et tutelles, 4e éd., n. 1159 p. 434 et les références citées à la note 4).
4.3 En l'espèce, l'autorité cantonale a estimé que, comme le recourant avait été entendu devant elle le 9 novembre 2006 et avait en outre pu s'exprimer sur les courriers subséquents, il ne se justifiait pas de retourner le dossier en première instance en vue de l'audition de l'intéressé, ni de remettre la cause à plaider. Quant aux contestations du recourant concernant la motivation et les conclusions de l'expert, ainsi que la mesure de mise sous tutelle, elles seraient traitées dans une procédure distincte appropriée.
Le mandataire du recourant était présent lors de l'audience du 22 novembre 2006, durant laquelle les médecins S.________ et G.________ ont été entendus. Cet avocat a en outre bénéficié d'un délai de quatre jours pour se prononcer sur les courriers précités des 6 et 7 décembre 2006, ce qui, vu l'urgence de la situation, n'apparaît pas contraire au droit d'être entendu de son client. Enfin, celui-ci ayant pu s'exprimer devant la cour cantonale le 9 novembre 2006, son droit d'être entendu n'apparaît pas violé sur ces points.
Le recourant n'établit pas non plus en quoi la décision attaquée serait insuffisamment motivée. Contrairement à ce qu'il prétend, l'autorité cantonale ne s'est pas seulement fondée sur des pièces datant de 2005 pour prendre sa décision, mais, comme mentionné ci-dessus, sur des courriers, audition et événements intervenus à fin 2006. Le recourant était en outre en mesure de saisir les motifs pour lesquels la cour cantonale estimait nécessaire de maintenir son hospitalisation pour une durée indéterminée, à savoir jusqu'à ce que le traitement ait pu être effectué et la sortie de l'intéressé préparée.
En revanche, l'autorité cantonale a violé l'art. 29 al. 2 Cst. en ne traitant pas les griefs relatifs à l'expertise ordonnée par le Tribunal tutélaire. Selon l'art. 397e ch. 5 CC, une décision touchant un malade psychique ne peut être prise qu'avec le concours d'experts; si ce concours a déjà été demandé dans une première procédure judiciaire, les tribunaux supérieurs peuvent y renoncer. L'expert doit être un spécialiste et être exempt de prévention (ATF 128 III 12 consid. 4a p. 15 et les arrêts cités). Selon la décision attaquée, le recourant souffre, de manière durable, non seulement de toxicomanie, mais aussi de schizophrénie paranoïde. Conformément à l'art. 397e ch. 5 CC, une expertise a donc été ordonnée en première instance, expertise à laquelle l'Autorité de surveillance s'est, entre autres preuves, référée. Dans ces conditions, celle-ci ne pouvait, sans violer le droit d'être entendu du recourant, se dispenser d'examiner les critiques concernant la motivation et les conclusions de cette expertise et décider de les traiter dans une procédure "appropriée", "distincte de la présente".
L'admission du recours pour violation du droit d'être entendu rend superflu l'examen des autres griefs soulevés par le recourant.
5.
En conclusion, le recours apparaît bien fondé et doit par conséquent être admis dans la mesure où il est recevable, ce qui entraîne l'annulation de la décision attaquée. Vu l'issue de la procédure, il n'y a pas lieu de percevoir d'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). Le canton de Genève versera toutefois des dépens au recourant (art. 159 OJ), dont la requête d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision attaquée est annulée.
2.
Il n'est pas perçu d'émolument de justice.
3.
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève.
Lausanne, le 2 mai 2007
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: