BGer 2A.598/2006
 
BGer 2A.598/2006 vom 12.03.2007
Tribunale federale
{T 0/2}
2A.598/2006 - svc
Arrêt du 12 mars 2007
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurburger et Yersin.
Greffier: M. Dubey.
Parties
A.________,
recourant,
contre
Administration cantonale des impôts du
canton de Vaud, route de Berne 46, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
Objet
taxation intermédiaire,
recours de droit administratif contre l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Vaud
du 7 septembre 2006.
Faits :
A.
Durant les années 1999 et 2000, A.________, né le 15 janvier 1965 et domicilié à X.________, a exercé une activité lucrative dépendante à plein temps pour un salaire de 97'277 fr. en 1999 et de 104'273 fr. en 2000. Dès le 1er janvier 2001, pour des raisons familiales, il a réduit son taux d'activité à 80%. Son salaire s'est élevé à 88'044 fr. pour 2001 et à 95'252 fr. pour 2002. Il s'est marié le 22 mars 2002. Son épouse a commencé à travailler dès le 1er janvier 2002.
Le 10 janvier 2002, par décision de taxation définitive en matière d'impôt fédéral direct et d'impôts cantonal et communal pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002, l'Office d'impôt du district de Y.________ (ci-après: l'Office d'impôt) a fixé son revenu imposable à 80'600 fr.
Le 12 juin 2003, A.________ a déposé une demande de taxation intermédiaire au 1er janvier 2001 en raison de la réduction de son temps de travail. Par décision du 21 octobre 2003, l'Office d'impôt a refusé de procéder à la taxation intermédiaire, le revenu du contribuable n'ayant pas diminué de plus de 25%.
Par décision du 13 mai 2005, l'Administration cantonale des impôts a rejeté la réclamation déposée par A.________ contre la décision du 21 octobre 2005.
B.
Par arrêt du 7 septembre 2006, le Tribunal administratif a rejeté le recours déposé par l'intéressé contre la décision sur réclamation rendue le 13 mai 2005 par l'Administration cantonale des impôts. Il a considéré en substance que les conditions d'une taxation intermédiaire - même adoucies par la pratique cantonale mise en place spécialement pour le passage de la taxation praenumerando bisannuelle à la taxation postnumerando annuelle - n'étaient pas réunies, l'intéressé n'ayant réduit son activité que de 20% pour une diminution de revenu de moins de 10%.
C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au Tribunal fédéral, au moins implicitement, d'annuler l'arrêt rendu le 7 septembre 2006, d'accueillir la demande de taxation intermédiaire du 12 juin 2003, et subsidiairement, d'enjoindre l'Administration cantonale des impôts de lui verser une remise d'impôt forfaitaire, proportionnelle à l'impôt perçu en trop durant les années 2001 et 2002.
Le Tribunal administratif et l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud ainsi que l'Administration fédérale des contributions concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 L'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Le présent recours doit dès lors être examiné au regard des dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ; art. 132 al. 1 LTF).
1.2 Bien qu'il ne le précise pas, le présent recours ne concerne que l'impôt cantonal et communal de la période fiscale 2001/2002, à l'exclusion de l'impôt fédéral direct que le Tribunal administratif n'a d'ailleurs pas examiné dans l'arrêt attaqué.
2.
2.1 Conformément à l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (ci-après: LHID ou la loi sur l'harmonisation fiscale; RS 642.14), les décisions cantonales de dernière instance cantonale peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral, lorsqu'elles portent sur une matière réglée dans les titres deuxième à cinquième et sixième, chapitre premier de la loi sur l'harmonisation (ATF 128 II 56 consid. 1 p. 58) et concernent une période postérieure au délai de 8 ans accordé aux cantons à compter de l'entrée en vigueur de la loi fédérale d'harmonisation le 1er janvier 1993, pour adapter leur législation aux dispositions des titres deuxième à sixième de cette loi.
2.2 En l'occurrence, l'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance par le Tribunal administratif (art. 4 al. 1 de la loi vaudoise du 18 décembre 1989 sur la juridiction et la procédure administrative; LJPA; RSVD 173.36) et concerne une éventuelle taxation intermédiaire (art. 17 LHID) au cours de la période fiscale 2001/2002. Quoi qu'en pense l'Administration cantonale des impôts, il importe peu à cet égard que, dans le canton de Vaud, cette période soit en outre régie par l'art. 69 LHID en raison du passage au 1er janvier 2003 du système praenumerando bisannuel au système postnumerando annuel, car cet article s'applique dès 1999 (cf. art. 69 al. 7 LHID) et fait partie du droit harmonisé par renvoi de l'art. 16 LHID (cf. arrêt 2A.439/2002 du 16 septembre 2003 in RF 59/2004 p. 135 consid. 1.2.1). Par conséquent, déposé en temps utile dans les formes prévues par la loi, le présent recours de droit administratif est en principe recevable en vertu de l'art. 73 al. 1 LHID (ATF 123 II 588 consid. 2 p. 591 ss; 124 I 145 consid. 1a p. 148 a contrario).
2.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (arrêt 2A.705/2005 du 13 avril 2006, consid. 9), le recours de droit administratif en matière d'harmonisation fiscale ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (art. 73 al. 3 LHID; ATF 131 II 710 consid. 1.1 p. 713). Dans la mesure où le recourant demande autre chose que l'annulation de l'arrêt attaqué, soit l'admission de la demande de taxation intermédiaire du 12 juin 2003 et une remise d'impôt, ses conclusions sont irrecevables.
3.
3.1 La loi sur l'harmonisation fiscale est entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Les cantons doivent adapter leur législation aux dispositions des titres deuxième à sixième de la loi sur l'harmonisation dans les huit ans qui suivent l'entrée en vigueur de cette loi (art. 72 LHID). Toutefois, en dérogation au régime de taxation praenumerando bisannuelle prévu par l'art. 15 LHID, les cantons sont libres de fixer et de prélever les impôts sur le revenu et sur la fortune pour une période fiscale d'une année correspondant à l'année civile (système postnumerando annuel) en application des art. 62 à 70 LHID (art. 16 LHID). A part les cantons de Vaud, Valais et Tessin, tous les cantons avaient adopté au 1er janvier 2001 le système postnumerando annuel (Marco Duss/Daniel Schär, in: Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/1, 2ème éd., Bâle 2002, n° 2 ad art. 16 LHID). Pour les cantons qui ont modifié leur système de taxation et introduit la taxation postnumerando annuelle, l'art. 69 LHID impose des aménagements destinés à pallier la brèche de calcul résultant de ce passage.
3.2 En matière d'impôts directs cantonaux, le canton de Vaud a passé à la taxation annuelle des personnes physiques pour la première fois pour la période fiscale 2003 (art. 271 ss de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux [LI/VD; RSVD 642.11] dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003). Il s'ensuit que les années 2001 et 2002 tombent dans la brèche de calcul liée au changement de système. Les revenus acquis et les charges supportées durant ces années, sous réserve d'éléments extraordinaires au sens des art. 273 ss LI/VD, ne sont par conséquent jamais pris en considération dans une taxation.
En effet, la période fiscale en cause (2001/2002), antérieure au 1er janvier 2003, est encore régie par les art. 15, 17 à 19 LHID et les art. 80 ss LI (dans leur teneur en vigueur du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 [Recueil 2001, p. 332 ss]; art. 271, 2ème phrase LI/VD) qui consacrent le système de taxation praenumerando bisannuelle.
4.
4.1 Selon l'art. 15 al. 2 LHID, en règle générale, l'impôt sur le revenu est calculé sur la base du revenu moyen des deux années civiles précédant la période fiscale. Cette règle repose sur la présomption que les éléments imposables du contribuable ne se modifient pas de manière sensible pendant les périodes de calcul et de taxation. Si la situation du contribuable fait l'objet d'une modification durable et importante au cours de la période de taxation, l'art. 17 LHID permet de procéder à une nouvelle taxation (taxation intermédiaire), afin d'éviter une distorsion entre sa charge fiscale et sa capacité contributive. Ainsi, lorsque les conditions objectives énumérées par l'art. 17 LHID sont réalisées, parmi lesquelles figure notamment la modification durable et essentielle des bases de l'activité lucrative ensuite du début ou de la cessation de l'activité lucrative ou d'un changement de profession, une nouvelle taxation, dite intermédiaire, doit être faite au moment de la modification quant aux éléments du revenu et de la fortune touchés par la modification. L'énumération des motifs figurant à l'art. 17 LHID est exhaustive. Sauf le motif de la let. d, lié aux questions de répartition intercantonale et internationale, elle correspond à celle de l'art. 45 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).
4.2 Selon la jurisprudence relative à l'art. 45 LIFD, qui vaut également pour l'art. 17 LHID, un motif de taxation intermédiaire ne peut être accepté qu'avec retenue (arrêt 2A.552/1999 du 8 mars 2000, consid. 2a qui précise que la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 96 de l'arrêté fédéral sur l'impôt fédéral direct garde toute sa validité).
Une taxation intermédiaire pour changement de profession suppose une modification structurelle profonde de la situation professionnelle dans son ensemble, de sorte que le maintien de la taxation ordinaire dans le cadre d'une période de taxation bisannuelle ne pourrait plus se justifier. Tel est notamment le cas lorsque le contribuable passe d'un domaine d'activité à un autre qui ne lui permet pas de tirer profit des connaissances acquises dans son activité précédente, ou lorsque son revenu se détermine et se développe selon des critères essentiellement différents. Le passage d'une activité dépendante à une activité indépendante ou inversement constitue, lui aussi, une modification structurelle profonde. En revanche, l'acquisition d'une position supérieure, la rétrogradation à un poste inférieur ou le changement d'activité dans la même profession ne sont pas considérés comme des cas de taxation intermédiaire (voir ATF 115 Ib 8 consid. 3b p. 11 et 4b p. 12, s'agissant du passage d'un poste de directeur général à celui de chef d'un secteur de vente).
5.
5.1 L'art. 80 LI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002; [Recueil 2001, p. 368]) prévoit que le revenu et la fortune font l'objet d'une taxation intermédiaire notamment en cas de modification durable et essentielle des bases de l'activité lucrative ensuite du début ou de la cessation de l'activité lucrative ou d'un changement de profession. La teneur de cette disposition est semblable à celles des art. 17 LHID et 45 LIFD.
Il s'ensuit que la jurisprudence rendue en matière d'impôt fédéral direct garde toute sa valeur pour les impôts cantonal et communal de la période fiscale 2001/2002.
5.2 Pour la période 2001/2002 précédant immédiatement le changement de système de taxation fixé par l'art. 271 LI/VD au 1er janvier 2003, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté une directive du 7 octobre 2002 intitulée « passage à la taxation annuelle ». Cette directive prévoyait notamment d'accorder une taxation intermédiaire pour toute réduction d'au moins 25% du taux d'activité sur les deux ans (ch. III).
6.
6.1 En l'espèce, le recourant n'allègue pas avoir changé de profession ni cessé toute activité lucrative. Les modifications que son revenu d'activité dépendante a subies depuis le 1er janvier 2001 ne trouvent leur origine que dans une réduction du taux d'activité de 100% à 80% dès la même date. En l'absence de motifs objectifs autorisant l'établissement d'une taxation intermédiaire au sens des art. 17 LHID et 80 LI, il n'est pas nécessaire d'examiner si la diminution du revenu du recourant revêt un caractère essentiel ni de juger de l'exactitude du pourcentage retenu par le Tribunal administratif. En effet, lorsque les conditions objectives des art. 17 LHID et 80 LI ne sont pas réalisées, une faible diminution du taux d'activité, comme en l'espèce, n'est à elle seule pas suffisante pour qu'une taxation intermédiaire soit établie.
Il est douteux à cet égard que la pratique plus tolérante voulue par le Grand Conseil du canton de Vaud soit conforme aux art. 17 et 69 LHID. Il est toutefois inutile d'en examiner la validité, puisqu'en l'espèce, la réduction du taux d'activité du recourant ne se monte qu'à 20% de son taux d'activité antérieur et ne correspond pas aux conditions d'application de cette pratique.
6.2 Le recourant se plaint de la violation de l'art. 127 al. 2 Cst. Selon lui, les conditions restrictives exigées pour l'établissement d'une taxation intermédiaire ne permettent pas de supprimer tous les désavantages liés au système de taxation praenumerando bisannuelle, de sorte qu'il serait contraire au principe de l'imposition selon la capacité contributive.
Il est vrai que les conditions de l'art. 17 LHID sont restrictives et ne permettent pas d'éliminer toutes les distorsions entre charge fiscale et capacité contributive. Le grief du recourant apparaît toutefois d'emblée infondé, car il se heurte à l'art. 190 Cst. (auparavant art. 191 Cst.), qui interdit au Tribunal fédéral d'examiner la constitutionnalité des lois fédérales (ATF 131 II 562 consid. 3 p. 565 s.). Quoiqu'il en soit, la taxation intermédiaire peut entraîner une surimposition ou sousimposition, qui n'est pas contraire aux art. 8, 9 et 127 al. 2 Cst. (cf. ATF 128 I 240 consid. 2.3 p. 243 et la jurisprudence citée) et, contrairement à ce qu'il prétend, le recourant ne subit aucune injustice en l'espèce, puisqu'il a réalisé sur quatre ans (1999-2002) un produit du travail moyen de 96'213 fr. et qu'il a été imposé durant les mêmes années sur un salaire moyen de 94'963 fr. 50 (résultant de la moyenne de 89'152 + 89'152 + 97'277 + 104'273).
Par conséquent, en jugeant que le recourant ne pouvait pas bénéficier d'une taxation intermédiaire au 1er janvier 2001, le Tribunal administratif n'a pas violé le droit fédéral.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Le recourant demande que le Tribunal fédéral fasse preuve d'indulgence dans la fixation des frais de procédure, au motif qu'il a assumé seul la défense des intérêts de sa famille, ce qui a constitué une lourde charge en temps et en énergie. Sa requête doit être écartée. Il n'a en effet pas démontré qu'il se trouve dans le besoin au sens de l'art. 152 al. 1 OJ. Par conséquent, succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de A.________.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, à l'Administration cantonale des impôts et au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division juridique de l'impôt fédéral direct.
Lausanne, le 12 mars 2007
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: