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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6P.215/2006
6S.481/2006 /rod
Arrêt du 18 décembre 2006
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffier: M. Vallat.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Philippe Girod, avocat,
contre
Y.________,
intimé, représenté par Me Philippe Juvet, avocat,
Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
6P.215/2006
Art. 9 Cst. (décision de classement; arbitraire)
6S.481/2006
Décision de classement (lésions corporelles graves),
recours de droit public (6P.215/2006) et pourvoi en nullité (6S.481/2006) contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, du 15 septembre 2006.
Faits :
A.
Le 16 juin 2005 vers 01h30, devant le pub "L'Artiste" à Versoix (GE), une altercation a opposé X.________, citoyen algérien en situation irrégulière né en 1977, et Z.________, d'une part, à Y.________, qui exerce la profession d'agent de police et qui est instructeur de self-défense au sein du corps de police, d'autre part. Y.________ a repoussé les deux autres protagonistes, de sorte que Z.________ est tombé sur les fesses et que X.________ a heurté le sol avec la tête. Ce dernier a subi un traumatisme crânien; selon certificat médical du 16 mai 2006, il souffre d'un syndrome psycho-organique, de troubles mentaux dus à une lésion cérébrale, d'un état hallucinatoire organique et de labilité émotionnelle organique.
En date du 5 avril 2006, le Procureur général de la République et Canton de Genève a classé la procédure instruite contre Y.________.
X.________ a recouru auprès de la Chambre d'accusation. Il a fait valoir qu'il existait des charges suffisantes pour inculper Y.________ de lésions corporelles graves par dol éventuel et pour omission de prêter secours. Car Y.________ aurait créé un climat de tension en effectuant des gestes méprisants à l'adresse de Z.________, puis en refusant de répondre aux questions de ce dernier. Y.________ aurait ensuite perdu les nerfs et repoussé Z.________, puis effectué le même geste plus violemment à son encontre alors qu'il n'avait levé le poing que sous le coup de la surprise et de la crainte provoquée par la chute de son ami. Ainsi, Y.________, champion de sports de combat, aurait à tort fait usage de techniques de self-défense en lui causant des lésions corporelles graves. En outre, Y.________ aurait quitté les lieux sans lui prêter secours.
B.
Par arrêt du 15 septembre 2006, la Chambre d'accusation a rejeté le recours et confirmé le classement de la procédure.
Se fondant sur les déclarations de plusieurs témoins de la scène, elle a retenu que Y.________ a été suivi par Z.________ et X.________ lorsqu'il est sorti du pub, qu'il a été agressivement apostrophé par Z.________ alors qu'il refusait de lui parler et tentait de s'en aller, que celui-ci, dans une attitude menaçante, s'est approché à distance de bras, que Y.________ l'a repoussé afin de rétablir une certaine distance entre eux, que Z.________ a perdu l'équilibre et est tombé sur les fesses, que X.________ a alors armé son poing en direction de Y.________, que ce dernier, dans un mouvement de défense, l'a repoussé énergiquement des deux mains en le touchant au menton, que X.________ est tombé en arrière, sans plier les jambes ni se retenir avec les mains, de sorte que sa tête a violemment heurté le bitume. Se fondant en outre sur l'avis de deux spécialistes d'auto-défense, la Chambre d'accusation a retenu que le geste de Y.________ était la forme la moins invasive et la moins dangereuse pour repousser une attaque et ne faisait généralement pas chuter l'adversaire; elle en a déduit que Y.________ ne pouvait pas prévoir la chute rigide de X.________, qui était vraisemblablement la conséquence de ce que les réflexes de celui-ci étaient perturbés par une consommation d'alcool et de médicaments.
Pour le surplus, la Chambre d'accusation a retenu que Y.________ avait immédiatement mis X.________ en position latérale de sécurité, ayant tout de suite réalisé que ce dernier avait perdu connaissance et saignait de la tête, qu'il avait ensuite quitté les lieux afin d'éviter une bagarre générale dès lors que plusieurs badauds menaçants s'approchaient de lui, qu'il s'était mis à l'abri puis avait téléphoné à la police pour s'enquérir de l'arrivée des secours et pour donner sa position.
C.
X.________ a interjeté un recours de droit public et un pourvoi en nullité auprès du Tribunal fédéral, et il a requis l'assistance judiciaire. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
I. Recours de droit public
1.
Le recourant se plaint uniquement d'une violation de la garantie d'être traité sans arbitraire par les organes étatiques (art. 9 Cst.).
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale de dernière instance pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a et art. 86 al. 1 OJ). En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir, sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 c. 4d), un exposé succinct des droits constitutionnels violés, précisant en quoi consiste la violation. Dans le cadre d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (ATF 130 I 26 c. 2.1).
En l'espèce, à défaut de toute motivation spécifique relative aux dispositions de procédure cantonales prétendument appliquées arbitrairement, il n'y a d'emblée pas lieu d'entrer en matière sur ce volet du grief faute de motivation répondant aux exigences légales.
1.2 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Une décision n'est annulée pour cause d'arbitraire que lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. Lorsque la partie recourante s'en prend plus particulièrement à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables, ou encore s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée (ATF 129 I 8 c. 2.1). Le recourant ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision repose sur une appréciation des preuves manifestement insoutenable (ATF 129 I 113 c. 2.1, 128 I 295 c. 7a).
La Chambre d'accusation s'est fondée sur les témoignages de diverses personnes présentes ainsi que sur l'avis de deux experts en auto-défense requis par le recourant. Qu'elle a finalement retenu la version de Y.________ ne signifie pas encore qu'elle soit tombée dans l'arbitraire; que Y.________ exerce la profession d'agent de police et que le recourant soit un étranger en situation irrégulière n'est pas pertinent non plus. Pour le surplus, la critique du recourant porte sur des détails, comme l'ordre dans lequel les protagonistes ont quitté le pub ou l'intention dans laquelle il a levé le bras contre Y.________, détails dont l'importance n'apparaît pas déterminante pour décider si Y.________ s'est senti menacé et s'il a réagi de manière proportionnée. En outre, contrairement à ce que soutient le recourant, la Chambre d'accusation n'a pas ignoré le fait que Y.________ était rompu aux sports de combat. En fin de compte, la critique du recourant se limite à exposer sa version des faits; il ne démontre pas que celle retenue par la Chambre d'accusation serait insoutenable.
2.
Le recours était dénué de chances de succès; l'assistance judiciaire est en conséquence refusée (art. 152 OJ). Le recourant supporte les frais de procédure (art. 156 OJ).
II. Pourvoi en nullité
3.
Le pourvoi en nullité n'est recevable que pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). Saisi d'un pourvoi, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 phr. 2 PPF). Il n'examine donc l'application du droit fédéral que sur la base de l'état de fait retenu. Il en découle que le recourant doit mener son raisonnement juridique exclusivement sur la base de l'état de fait ressortant de la décision attaquée. Il ne peut ni exposer une version des faits divergente de celle de l'autorité cantonale, ni apporter des éléments de fait supplémentaires non constatés dans la décision attaquée; il ne saurait en être tenu compte (ATF 126 IV 65 c. 1).
4.
Le recourant invoque une violation de l'art. 122 CP. Il reproche à la Chambre d'accusation d'avoir nié le dol éventuel.
Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, prévoyant la possibilité que son acte pourrait entraîner des conséquences dommageables, les veut pour le cas où elles se produiraient, les accepte ou s'en accommode, fût-ce à regret ou en les redoutant. Or selon les constatations de fait de la Chambre d'accusation qui lient le Tribunal fédéral, Y.________ n'a pas envisagé que ses adversaires tomberaient, et encore moins que la chute du recourant entraînerait le résultat qui s'est produit. Cela exclut d'emblée qu'il ait causé les lésions corporelles par dol éventuel.
5.
Le recourant invoque une violation de l'art. 125 CP. Il reproche à la Chambre d'accusation d'avoir à tort nié une négligence.
Dans la mesure où le recourant invoque des faits écartés ou non retenus dans l'arrêt attaqué, comme notamment une influence de l'alcool sur le comportement de Y.________, la critique est irrecevable. L'application du droit est examinée sur la base de l'état de fait retenu, soit en particulier que Y.________, objet d'une attaque, s'est borné à repousser ses adversaires par un geste dont le but n'était pas de les faire chuter et qu'il n'a pas envisagé que ses adversaires tomberaient.
Contrairement à ce que soutient le recourant, Y.________ n'était pas tenu de s'enfuir. Attaqué sans avoir provoqué l'attaque, il était en droit de contrer celle-ci par des moyens appropriés; la question est donc uniquement de savoir s'il a excédé les bornes de la légitime défense (art. 33 CP). Au vu des faits retenus par la Chambre d'accusation qui lient le Tribunal fédéral, tel n'est pas le cas.
6.
Le recourant invoque enfin une violation de l'art. 128 CP. Il estime que l'explication donnée par Y.________, soit qu'il craignait une bagarre, n'est pas plausible.
L'omission de prêter secours est un délit de mise en danger (ATF 121 IV 18 c. 2a); par rapport à une telle infraction, le recourant n'a pas qualité de victime et, partant, pas qualité pour se pourvoir en nullité (ATF 122 IV 71 c. 3a; Gomm / Zehntner, Kommentar zum Opferhilfegesetz, Berne 2005, art. 2 n. 40). De plus, la motivation du grief est fondée sur une mise en cause de l'état de fait retenu par la Chambre d'accusation. Le grief est irrecevable.
7.
Le pourvoi était dénué de chances de succès; l'assistance judiciaire est en conséquence refusée (art. 152 OJ). Le recourant supporte les frais de la procédure (art. 278 PPF).
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
I. Recours de droit public
1.
Le recours est irrecevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.
II. Pourvoi en nullité
4.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.
5.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
6.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.
7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation.
Lausanne, le 18 décembre 2006
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: