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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.185/2006 /ech
Arrêt du 19 octobre 2006
Ire Cour civile
Composition
MM. les Juges Corboz, Président, Favre et Chaix, Juge suppléant.
Greffier: M. Ramelet.
Parties
A.________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Bernard Katz,
contre
Clinique X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre-Dominique Schupp,
Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue Caroline 9, 1014 Lausanne,
intervenante,
Objet
contrat de travail; licenciement immédiat,
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du
19 avril 2006.
Faits:
A.
A.a A.________ a travaillé au service de la Clinique X.________ SA depuis le mois d'avril 1986 en qualité d'infirmière diplômée. Très compétente professionnellement, elle a toujours fourni un travail d'excellente qualité, même si elle se montrait réfractaire à tout changement dans l'organisation de son activité. Depuis de nombreuses années, elle travaillait exclusivement la nuit au 3ème étage de la clinique, où elle tenait le rôle de "leader" de l'équipe et était particulièrement appréciée des patients qu'elle savait écouter et réconforter.
A partir de 2002, pendant plus d'une année, des vols ont été commis à la clinique au préjudice des patients et du personnel; ces vols ont en particulier eu lieu au 3ème étage du bâtiment et, dans la plupart des cas, portaient sur du numéraire. Les soupçons se sont portés sur A.________, souvent présente sur les lieux lors de la commission des délits. En collaboration avec le service de sécurité de la clinique, la police judiciaire a posé un piège dans la nuit du mardi 4 au mercredi 5 mars 2003: un porte-monnaie contenant 100 fr. en diverses coupures (1X 50 fr., 2X 20 fr. et 1X 10 fr.), toutes imprégnées de produits chimiques, a été placé bien en évidence sur la tablette du lavabo de la chambre 317 du 3ème étage de la clinique, pièce occupée par un patient incapable de se déplacer seul. Le lendemain matin, le billet de 50 fr. avait disparu. Un contrôle technique effectué sur les mains de A.________ a révélé la présence des produits chimiques déposés sur les coupures.
A.________ a contesté être l'auteur du vol commis dans la chambre dont elle avait la charge. Questionnée sur les traces laissées sur ses mains, elle a expliqué que, durant la nuit, B.________, employée intérimaire également habilitée à s'occuper de la chambre 317, lui avait remis deux coupures de 50 fr. contre une de 100 fr. B.________, sur les mains de laquelle aucune trace suspecte n'a été trouvée, a contesté cette version des faits; la prénommée a uniquement admis être entrée dans la chambre en question pour changer la perfusion du patient et lui donner à boire.
A.b Par lettre du lundi 10 mars 2003, la clinique a signifié à A.________ la résiliation abrupte des rapports de travail avec effet au lendemain. A titre de salaire pour la période du 1er au 11 mars 2003, la clinique a versé à son employée la somme de 4'094 fr. 70 brut.
Le 17 mars 2003, A.________ a contesté le licenciement avec effet immédiat et indiqué qu'elle se tenait à disposition pour reprendre son travail. En réponse à ce courrier, la clinique a maintenu sa décision et précisé que le licenciement était fondé sur la suspicion de vol et des propos diffamatoires tenus à l'encontre d'un membre de la direction.
A.c Une enquête pénale a été ouverte à la suite du vol commis dans la chambre 317 de la clinique dans la nuit du 4 au 5 mars 2003. Par ordonnance du 6 octobre 2004, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a renvoyé A.________ devant le Tribunal de police pour vol (art. 139 al. 1 CP) et a prononcé un non-lieu à l'endroit de B.________.
Par arrêt du 30 novembre 2004, le Tribunal d'accusation a admis le recours exercé par A.________ contre son renvoi en jugement, annulé l'ordonnance du 6 octobre 2004, s'agissant du renvoi de la précitée, et dit que les frais d'enquête et d'arrêt étaient laissés à la charge de l'Etat. Dans sa décision, cette autorité a confirmé le non-lieu concernant B.________ et, s'agissant de A.________, a constaté que cette dernière - pour n'avoir dérobé qu'une somme de 50 fr. dans un porte-monnaie contenant 100 fr. - pouvait uniquement être poursuivie pour vol d'importance mineure (art. 139 et 172ter CP). Comme cette infraction supposait le dépôt d'une plainte au sens de l'art. 28 CP, qui n'avait pas été déposée en l'espèce, il y avait lieu de prononcer, pour ce motif, un non-lieu à l'endroit de A.________.
B.
Le 16 avril 2003, A.________ a ouvert action devant les autorités vaudoises contre Clinique X.________ SA. La demanderesse a conclu au paiement de la somme totale de 69'108 fr. 30 avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 avril 2003, représentant l'entier de ses salaires et accessoires durant le délai de résiliation de trois mois ainsi qu'une indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO correspondant à six mois de salaire. La défenderesse a conclu à sa libération.
Par jugement du 11 octobre 2005, le Tribunal d'arrondissement de Lausanne a entièrement débouté la demanderesse. En résumé, le Tribunal d'arrondissement a écarté le motif de résiliation invoqué par la défenderesse et consistant pour l'employée à avoir tenu des propos diffamatoires. En revanche, il a retenu que la commission d'un vol par A.________ constituait un juste motif de licenciement immédiat, car le lien de confiance était irrémédiablement rompu entre les parties. Pour forger leur conviction, les premiers juges ont constaté que seule la prénommée avait les mains couvertes des produits chimiques déposés sur le billet de banque dérobé. Ils ont ensuite écarté les explications de l'intéressée relatives à la remise par B.________ de deux coupures de 50 fr. contre une de 100 fr. pour les deux motifs suivants: d'abord, on discernait mal l'intérêt de cette dernière employée à faire échanger deux petites coupures contre une grande, ce au milieu de la nuit; ensuite, B.________ n'avait pas de produit révélateur sur les mains. Enfin, les magistrats précités ont constaté que, depuis le licenciement de la demanderesse, seul un vol de téléphone mobile avait été signalé au 3ème étage de la clinique. Concernant la durée du délai de réflexion utilisé par la défenderesse pour signifier le congé immédiat, ils ont constaté que l'employeur avait respecté un délai de trois jours ouvrables, ce qui était conforme à la jurisprudence en la matière.
Par arrêt du 19 avril 2006, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours interjeté par la demanderesse et confirmé le jugement entrepris. La cour cantonale a entièrement adopté les motifs du Tribunal d'arrondissement, en particulier celui selon lequel seule A.________ pouvait être l'auteur du vol.
C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt de ce jour, A.________ interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 19 avril 2006. Elle conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la défenderesse doit lui verser la somme de 69'108 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an dès le 15 avril 2003 à titre de salaires et d'indemnité pour résiliation injustifiée de son contrat de travail.
L'intimée propose le rejet du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires et dirigé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ). ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 130 III 136 consid. 1.4). II ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
1.3 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Le Tribunal fédéral peut ainsi rejeter un recours, tout en adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 130 III 297 consid. 3.1).
2.
Invoquant une violation de l'art. 337 CO, la recourante prétend que le vol d'une somme extrêmement minime, soit 50 fr., ne saurait justifier un licenciement immédiat, sans avertissement préalable lorsque sont en cause de très longs rapports de travail, à savoir 17 ans de bons et loyaux services. Elle fait ensuite valoir que l'intimée aurait tardé à signifier le congé litigieux.
2.1 Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (cf. art. 337 al. 2 CO).
Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31, 213 consid. 3.1 p. 221; 129 III 380 consid. 2.1). Par manquement du travailleur, on entend la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, comme l'obligation de loyauté ou de discrétion ou celle d'offrir sa prestation de travail (ATF 127 III 351 consid. 4a), mais d'autres incidents peuvent aussi justifier un congé sans délai (cf. ATF 129 III 380 consid. 2.2). Une infraction pénale commise au détriment de l'employeur constitue, en principe, un motif justifiant le licenciement immédiat du travailleur (ATF 117 II 560 consid. 3b). Il en va de même pour une infraction commise au détriment de tiers, notamment lorsqu'elle est susceptible de porter atteinte à la réputation de l'entreprise (arrêt 4C.271/1995 du 22 février 1996, consid. 3b, in JAR 1997 p. 201/202).
Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 in initio CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et les responsabilités du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p. 354. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32, 213 consid. 3.1 p. 220; 129 III 380 consid. 2 p. 382).
2.2 En l'occurrence, la cour cantonale a retenu que, nonobstant la longue durée des rapports de travail, un vol au détriment d'un patient est d'autant plus inacceptable pour l'employeur que la recourante assumait un rôle important en tant que veilleuse de nuit, garante du bien-être et de la sécurité des patients, lesquels, compte tenu de la situation, sont dans un état de dépendance particulière.
Une telle motivation ne souffre d'aucune critique et s'inscrit parfaitement dans la jurisprudence du Tribunal fédéral sanctionnant les travailleurs auteurs de délits pénaux. Il est au demeurant certain que le vol commis par la recourante dans le cadre de son activité professionnelle avait nécessairement pour conséquence de ruiner le rapport de confiance que suppose une relation de travail. Ce rapport de confiance était en l'espèce d'autant plus important que la demanderesse exerçait son activité de garde la nuit, de manière indépendante, et tenait un rôle de "leader" dans l'équipe en charge du 3ème étage de la clinique. En d'autres termes, elle jouissait d'une large liberté d'action que l'intimée ne lui avait conférée qu'en raison de la grande confiance qu'elle lui témoignait. A cet égard, la recourante ne peut tirer aucun argument du fait que le vol a porté sur une somme d'argent peu élevée. Le montant dérobé dépendait ici avant tout du contenu du porte-monnaie piégé. On peut encore ajouter que la décision de la demanderesse de ne pas s'emparer de tout l'argent du porte-monnaie avait vraisemblablement pour but de ne pas attirer l'attention sur le vol, ce qui ne constitue nullement un élément à décharge de l'intéressée.
Au vu de ces circonstances, la longue durée des rapports de travail - à laquelle la cour cantonale a expressément fait référence - ne pouvait excuser le comportement de l'employée. On ne discerne pas non plus pourquoi ce grave manquement aux obligations de fidélité du travailleur (art. 321a al. 1 CO) aurait mérité un simple avertissement, comme le suggère la recourante sans développer sur ce point une argumentation juridique véritable.
2.3 La partie qui résilie un contrat de travail en invoquant de justes motifs ne dispose que d'un court délai de réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations, à défaut de quoi on peut admettre que la continuation des rapports de travail est possible jusqu'au terme ordinaire du contrat (ATF 130 III 28 consid. 4.4; 123 III 86 consid. 2a). Un délai général de réflexion d'une durée de deux à trois jours ouvrables est présumé approprié. Une prolongation de quelques jours n'est admissible qu'à titre exceptionnel, selon les circonstances particulières du cas concret (ATF 130 III 28 ibidem). Dans un contexte spécial, ce délai peut même être porté à une semaine, par exemple pour recueillir l'approbation des organes d'une personne morale (arrêt 4C.291/2005 du 13 décembre 2005, consid. 3.2 et les références doctrinales).
En l'espèce, c'est le mercredi 5 mars 2003 que la recourante a été confondue par le produit révélateur qui se trouvait sur ses mains. Au vu de ses dénégations et des accusations qu'elle a portées à l'encontre d'une autre employée, celle-ci a été soumise à un examen de ses mains le jeudi 6 mars. Dès lors, le licenciement du lundi 10 mars 2003 est intervenu à l'intérieur du délai de trois jours ouvrables que prescrit la jurisprudence.
Le recours, d'une indéniable témérité, doit être rejeté.
3.
Bien qu'elle ait trait à un différend relevant du contrat de travail, la procédure fédérale n'est pas gratuite en l'occurrence, puisque la valeur litigieuse déterminante, calculée au moment du dépôt de la demande (ATF 115 Il 30 consid. 5b), dépasse le plafond de 30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO.
Compte tenu de l'issue du litige, la recourante supportera l'émolument de justice et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 3'500 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 19 octobre 2006
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: