BGer 1A.87/2006
 
BGer 1A.87/2006 vom 12.09.2006
Tribunale federale
{T 0/2}
1A.87/2006 /viz
Arrêt du 12 septembre 2006
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffière: Mme Truttmann.
Parties
A.A.________ et B.A.________,
recourants,
représentés par Me B.A.________, avocat,
contre
X.________ SA,
C.________,
D.________,
intimés,
tous trois représentés par D.________,
Commune de Leytron, 1912 Leytron,
Conseil d'Etat du canton du Valais, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de Justice, av. Mathieu-Schiner 1,
1950 Sion 2.
Objet
permis de construire,
recours de droit administratif et de droit public contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal
du canton du Valais du 10 mars 2006.
Faits:
A.
Le 22 décembre 2004, X.________ SA, par D.________, a déposé auprès de la commune de Leytron une demande d'autorisation de construire trois immeubles comportant en tout 18 appartements et 34 places de parc extérieures sur les parcelles nos xxx, yyy et zzz.
A.A.________ et B.A.________, copropriétaires de la parcelle n° www voisine, se sont opposés à cette requête dans le cadre de sa mise à l'enquête.
Vu le préavis favorable des services cantonaux, le conseil communal de Leytron a octroyé l'autorisation de construire le 30 mars 2005. Sa décision était assortie de l'obligation de déposer un plan des aménagements extérieurs mentionnant les 42 places de parc nécessaires (au lieu des 34 prévues), la pose de gabarits, la réunion des parcelles avant le début des travaux et la fixation du point +/- 0 lors du contrôle de l'implantation. Il a rejeté l'opposition des époux A.________.
A.A.________ et B.A.________ ont recouru contre cette décision auprès du Conseil d'Etat. L'effet suspensif a été accordé à leur recours. Par arrêt du 8 juillet 2005, le Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de D.________ et de C.________ contre le refus du Président du Conseil d'Etat de lever l'effet suspensif.
Par décision du 7 décembre 2005, le Conseil d'Etat a rejeté le recours des époux A.________ contre l'octroi de l'autorisation de construire. Par arrêt du 10 mars 2006, le Tribunal cantonal a rejeté leur recours contre cette dernière décision.
B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, subsidiairement par celle du recours de droit public, les époux A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler le permis de construire délivré par la commune de Leytron, subsidiairement de renvoyer le dossier à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Ils se plaignent de la violation de leur droit d'être entendus. Il font également valoir le principe de l'excès ou de l'abus du pouvoir d'appréciation ainsi que la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.
Le Conseil d'Etat et le Tribunal cantonal ont renoncé à déposer des observations. D.________ et C.________ ont conclu à la confirmation de l'autorisation de construire ainsi qu'à l'évaluation des pertes et frais occasionnés. La commune de Leytron a également répondu au recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité et la qualification juridique des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 67 consid. 1 et les arrêts cités).
1.1 Les recourants ont déposé un recours de droit administratif et un recours de droit public dans une même écriture, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 129 I 337 consid. 1.1 p. 339; 128 II 13 consid. 1a p. 16; 126 II 377 consid. 1 p. 381; 126 I 50 consid. 1 p. 52; 123 II 289 consid. 1a p. 290; 120 Ib 224 consid. 2a p. 228). En raison de la règle de la subsidiarité du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ), il convient de traiter en premier lieu le recours de droit administratif (ATF 129 I 337 consid. 1.1 p. 339; 128 II 259 consid. 1.1 p. 262, 13 consid. 1a p. 16; 127 II consid. 1 p. 229).
1.2 L'acte à l'origine de la procédure est une autorisation de construire dans la zone à bâtir. Or il résulte de l'art. 34 al. 3 LAT que seule la voie du recours de droit public est en principe ouverte, devant le Tribunal fédéral, contre une décision prise en dernière instance cantonale à ce sujet. La jurisprudence admet cependant qu'une décision relative à une telle autorisation de construire fasse l'objet d'un recours de droit administratif lorsque l'application de certaines prescriptions du droit fédéral - en matière de protection de l'environnement, notamment - est en jeu (ATF 129 I 337 consid. 1.1 p. 339; 125 II 10 consid. 2a p. 13; 123 II 88 consid. 1a p. 91, 231 consid. 2 p. 234; 121 II 72 consid. 1b p. 75 et les arrêts cités). En pareil cas, on est en présence d'une décision fondée non seulement sur la législation cantonale en matière d'aménagement du territoire ou de police des constructions, mais également sur le droit public fédéral au sens de l'art. 5 al. 1 PA. Par conséquent, dans cette mesure, les règles de la procédure de recours de droit administratif s'appliquent (art. 97 ss OJ). Dans la mesure en revanche où la contestation porterait sur d'autres éléments de l'autorisation de construire, sans qu'il y ait un rapport de connexité suffisamment étroit entre l'application du droit administratif fédéral et celle des normes cantonales d'aménagement du territoire ou de police des constructions, la voie du recours de droit public serait alors ouverte (ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 123 II 359 consid. 1a/aa p. 361 et les arrêts cités).
1.3 En l'espèce, les recourants soutiennent que le projet de construction est de nature à nuire à l'environnement. Ils évoquent en particulier la pollution de l'air et la pollution par le bruit. Dans ce contexte, ils se plaignent en outre confusément de la violation de leur droit d'être entendus en relation avec le refus des autorités cantonales d'ordonner une étude d'impact. Or le service cantonal de la protection de l'environnement, consulté par le Conseil d'Etat, a estimé, dans son préavis du 11 octobre 2005, que le trafic dû aux 42 places de parc projetées ne provoquerait, en moyenne, pas plus de 200 mouvements de véhicules par jour. Les conditions d'exploitation prévues (vitesse maximale de 30 km/h, largeur limitée des routes d'accès) permettraient de limiter les émissions. Le trafic respecterait donc les valeurs de planification auprès des locaux sensibles au bruit. Le service administratif et juridique du département des transports, de l'équipement et de l'environnement, dans son préavis du 1er septembre 2005, a quant à lui considéré qu'il ne fallait pas exagérer la portée du trafic lié au va-et-vient des habitants des immeubles sous l'angle de la protection de l'air.
Les critiques des recourants sont inconsistantes. Ces derniers n'apportent aucun élément de nature à mettre en doute les conclusions des services consultés. En ce qui concerne plus particulièrement l'absence d'une étude d'impact, les recourants ne démontrent pas qu'une telle mesure d'instruction s'imposerait en vertu de l'art. 9 de la loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01) et de l'ordonnance du 19 octobre 1988 relative à l'étude d'impact sur l'environnement (OEIE; RS 814.011). La simple allégation de la non-conformité d'un projet aux normes sur la protection de l'environnement ne saurait justifier de fait l'ouverture de la voie du recours de droit administratif. Vu l'absence de substance de l'argumentation des recourants, le recours de droit administratif est dès lors irrecevable.
2.
S'agissant des autres griefs soulevés par les recourants, seul le recours de droit public entre en considération.
2.1 La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est définie à l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113 consid. 1.2 p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44 et les arrêts cités). D'après la jurisprudence relative à cette disposition, celui qui conteste l'octroi d'une autorisation de construire à un autre propriétaire, en dénonçant une application arbitraire (art. 9 Cst.) de la réglementation en matière d'aménagement du territoire ou de police des constructions, doit alors invoquer la violation d'une norme de droit cantonal tendant, au moins accessoirement, à la protection de ses intérêts de propriétaire voisin. Dans cette situation, l'intérêt juridiquement protégé ne peut résulter du seul art. 9 Cst. (cf. ATF 129 I 113 consid. 1.5 p. 118; 126 I 81 consid. 2a et 3b p. 84 s.; à propos plus spécialement du recours du voisin: ATF 127 I 44 consid. 2c p. 46; 125 II 440 consid. 1c p. 442; 118 Ia 232 consid. 1a p. 234 et les arrêts cités). Cela étant, à l'instar de toute partie à une procédure administrative, les voisins peuvent - indépendamment de leurs griefs sur le fond - se plaindre d'une violation des droits formels que leur reconnaît la législation cantonale ou qui sont garantis directement par la Constitution, lorsque cela équivaut à un déni de justice formel (ATF 129 II 297 consid. 2.3 p. 301; 126 I 81 consid. 3b p. 86 et les arrêts cités). Il n'est cependant pas admissible, dans ce cadre, de se plaindre d'une motivation insuffisante de la décision attaquée ou du refus d'administrer une preuve sur la base d'une appréciation anticipée de celle-ci car ces points sont indissociables de la décision sur le fond, qui ne saurait ainsi être mise en cause (ATF 129 I 217 consid. 1.4 p. 222; 120 Ia 227 consid. 1 p. 230 et les arrêts cités).
2.2 En l'espèce, les recourants se plaignent de la violation de leur droit d'être entendus. Ils estiment que les autorités cantonales ont à tort refusé de procéder à une vision locale.
Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire. Dans tous les cas, l'autorité cantonale doit cependant respecter les garanties minimales de l'art. 29 al. 2 Cst., dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; 125 I 257 consid. 3a p. 259). En l'espèce, les dispositions cantonales invoquées par les recourants ne règlent pas plus précisément le présent point litigieux, de sorte que le grief soulevé doit être examiné exclusivement à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 119 Ia 136 consid. 2c p. 138/139 et la jurisprudence citée).
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend le droit pour le justiciable d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 127 III 576 consid. 2c p. 578). Le juge peut cependant renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, que la preuve résulte déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il parvient à la conclusion que ces preuves ne sont pas décisives pour la solution du litige, voire qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (cf. ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2.1 p. 428; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211 et les arrêts cités).
2.2.1 En l'espèce, conformément aux considérations du Tribunal cantonal, le dossier comportait les éléments suffisants (plans, photographies) pour que celui-là puisse, sans arbitraire, s'abstenir de donner suite à la demande de vision locale. Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu doit donc être rejeté à cet égard.
2.2.2 Selon les recourants, les autorités cantonales auraient également violé leur droit d'être entendus en ne faisant pas droit à leur demande de pose de gabarits conformément à l'art. 38 de l'ordonnance valaisanne sur les constructions du 2 octobre 1996 (ci-après: OC). Les recourants ont effectivement sollicité la pose de gabarits dans leur opposition à l'autorisation de construire. Ils n'ont cependant pas réitéré leur requête par la suite. A défaut d'épuisement des instances cantonales sur ce point (art. 86 OJ), le grief est irrecevable. Les recourants ne font au demeurant pas valoir que l'absence de gabarits les aurait empêchés de se faire une idée de l'envergure du projet, pas plus qu'ils ne prétendent que la hauteur des bâtiments dépasserait celle autorisée par le règlement cantonal des constructions et des zones homologué par le Conseil d'Etat en août 2004 et en juin 2005 (ci-après: RCC).
3.
3.1
Les recourants invoquent encore une application arbitraire des art. 33 et 34 OC.
3.2 On peut s'interroger sur la qualité pour recourir des recourants sur ce point. Il est en effet douteux que les art. 33 et 34 OC aient pour but - même accessoire - de protéger les intérêts des propriétaires voisins. Quoi qu'il en soit, les griefs articulés dans ce cadre doivent de toute façon être déclarés irrecevables pour un autre motif (cf. ci-dessous).
3.2.1 Les recourants font valoir que le plan signé par le géomètre officiel ne mentionne pas les places de parc projetées. Ils contestent également le dépôt hors procédure, et avant le début des travaux, d'un nouveau plan des aménagements extérieurs comprenant les 42 places utiles. Les art. 33 et 34 let. e OC prévoient certes que le plan de situation doit être établi et signé par le géomètre officiel et que les places de parc doivent y figurer. Le Tribunal cantonal, se référant à sa jurisprudence, a cependant estimé que certaines indications dont l'OC requiert la présence sur le plan de situation peuvent figurer sur d'autres plans et qu'il serait exagérément formaliste d'annuler un permis de construire du simple fait que les renseignements utiles ont été fournis par d'autres pièces approuvées par l'autorité de police des constructions. Or comme cela a été relevé par le Tribunal cantonal, les places de parc font l'objet d'un plan annexe au 1:500 approuvé par le conseil communal. Les places supplémentaires exigées lors de l'octroi de l'autorisation de construire figurent également sur un plan qui a été déposé par les intimés le 9 juin 2005.
Les recourants ne démontrent toutefois pas en quoi il serait arbitraire de se référer à l'ensemble de la documentation qui leur a été soumise, dont ils ne prétendent d'ailleurs pas qu'elle ne correspondrait pas à la réalité topographique des parcelles. Le grief n'étant en l'espèce pas motivé conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, il doit être déclaré irrecevable.
3.2.2 Les recourants se plaignent également de ce que le plan de situation ne mentionne pas le point de nivellement coté, sis en dehors des aménagements prévus pour la construction, tel qu'exigé par l'art. 34 let. k OC. A cet égard, le Tribunal cantonal a jugé suffisant que certains plans comportent des points de repères fixes cotés en dehors des aménagements prévus pour la construction (points 1300 et 1346), qui permettent de constater que le terrain naturel a correctement été reporté sur les plans de coupe. En outre, l'autorisation de construire était assortie de l'obligation de faire déterminer le point +/- 0 par le géomètre officiel lors de l'implantation sur le terrain.
Les recourants ne cherchent pas à démontrer en quoi ce raisonnement serait arbitraire. Ils ne font au demeurant pas valoir que les constructions projetées ne respecteraient pas les normes relatives à la hauteur des bâtiments. Partant, le grief est irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).
4.
Enfin, selon les recourants, le Tribunal cantonal aurait arbitrairement retenu que les nouvelles places de parc se situant devant d'autres places de parc couvertes pouvaient être comptées comme des places normales.
L'acte de recours des recourants ne répond pas davantage aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ sur ce point. Ces derniers n'expliquent en effet pas en quoi les autorités cantonales auraient arbitrairement appliqué l'art. 151 al. 3 RCC - qu'ils ne citent même pas - selon lequel les places devant les garages peuvent être incluses dans le calcul si elles ne servent pas d'accès aux garages en commun et desservent le même appartement. Il s'ensuit que le grief doit être considéré comme irrecevable.
5.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif est irrecevable. Le recours de droit public est quant à lui rejeté dans la mesure où il est recevable. Les recourants, qui succombent, doivent supporter l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 OJ). Les intimés n'ayant pas procédé par avocat n'ont pas droit à des dépens (art. 159 OJ).
6.
Dans leur réponse au recours, les intimés demandent au Tribunal fédéral d'évaluer les pertes et frais subis. Une telle demande est irrecevable hors d'une procédure conforme à l'art. 84 al. 1 PCF (applicable à titre subsidiaire par renvoi de l'art. 40 OJ; cf. ATF 91 II 143 consid. 1 p. 144 s.). Au demeurant, les recourants n'ont pas sollicité l'effet suspensif dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de céans.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est irrecevable.
2.
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Les conclusions des intimés en sus du rejet des recours sont irrecevables.
4.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge des recourants.
5.
Il n'est pas alloué de dépens.
6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la commune de Leytron, ainsi qu'au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 12 septembre 2006
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: