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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.49/2006 /ech
Arrêt du 9 mai 2006
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.
Parties
A.________,
Assurance B.________,
défendeurs et recourants, tous deux représentés
par Me Philippe Zoelly,
contre
C.________,
D.________ GmbH,
E.________,
demandeurs et intimés, tous trois représentés par
Me Karin Etter.
Objet
responsabilité civile du détenteur de véhicule automobile; dommage,
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève du
16 décembre 2005.
Faits:
A.
E.________ est gérant et propriétaire de la société D.________ GmbH (ci-après: D.________), dont le siège est en Allemagne et qui est active dans le domaine de la sonorisation. Il dirige l'entreprise, qui emploie six collaborateurs et qui fait en outre appel à des auxiliaires temporaires. C.________ est une assurance sociale allemande qui couvre E.________ pour le risque accident. A.________ est le chauffeur d'un camion immatriculé en Italie, véhicule qui est assuré en responsabilité civile auprès de l'Assurance B.________ (ci-après: B.________).
En marge du Salon de l'automobile, D.________ a été chargée d'organiser la partie technique d'une soirée qui s'est tenue dans les locaux du Musée international de l'automobile le 3 mars 1997. Lors de sa préparation, E.________ a plusieurs fois emprunté une rampe d'accès située à l'intérieur du musée, destinée aux véhicules. Lors de l'un de ses passages, il a fait une chute après avoir glissé sur de l'huile qui s'était échappée du camion conduit par A.________, qui avait précédemment circulé sur la rampe en question. Il s'est blessé au bras et a été transféré en ambulance à l'hôpital, où il a subi un examen radiologique et s'est fait plâtrer le bras. Il est resté à Genève jusqu'à complète exécution de la mission confiée à D.________. Il est brièvement revenu sur place pour donner à ses collaborateurs les instructions nécessaires pour terminer le travail, nonobstant ses douleurs et le fait qu'il devait porter son bras en écharpe. Il n'a de ce fait pas pu être pleinement disponible.
E.________ allègue ensuite avoir été en incapacité de travail jusqu'au 11 juin 1997. Durant cette période, D.________ lui a payé son salaire intégral pendant un délai d'attente de six semaines, soit 37'500 DM, et du 14 avril au 9 juin 1997, C.________ lui a versé des indemnités pour perte de gain totalisant 13'440 DM.
Le 23 février 1998, D.________ et E.________ ont réclamé à B.________ le remboursement du dommage consécutif à l'accident du 3 mars 1997. Les négociations avec B.________ n'ont pas abouti et le 24 février 1999, celle-ci a déclaré renoncer à la prescription jusqu'au 31 décembre 2000.
B.
Le 10 août 2000, D.________ et E.________ ont assigné B.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève en paiement de 837 fr. 05 (frais exposés à l'hôpital), 1'269,15 DM (frais médicaux exposés en Allemagne et billet d'avion pour le retour), 37'500 DM (salaire versé par D.________ pendant six semaines, non remboursé par l'assurance sociale) et 5'000 DM (réparation pour tort moral), ces sommes portant intérêt à 5 % l'an dès le 3, respectivement le 24 mars 1997.
Le 17 août 2000, C.________, agissant par subrogation de son assuré E.________, a assigné A.________ et B.________ devant la même autorité en paiement de la somme de 13'525,02 DM avec intérêt à 5 % l'an dès le 13 février 1998 (85,02 DM pour des médicaments et 13'440 DM d'indemnités pour perte de gain) et de 130 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 26 août 1997 (frais d'ambulance).
Par jugement du 16 juin 2005, le Tribunal de première instance, qui avait ordonné la jonction des deux procédures, a condamné A.________ et B.________, conjointement et solidairement, à verser à E.________ 1'269,15 DM avec intérêt à 5 % l'an dès le 23 février 1998 (ch. 1), condamné ceux-là à verser à C.________ 85,02 DM avec intérêt à 5 % l'an dès le 23 février 1998 (ch. 2) ainsi que 130 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 27 juillet 1998 (ch. 3), condamné E.________ et C.________ aux dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).
Il a notamment écarté les prétentions de D.________ et C.________ en remboursement du salaire, respectivement des indemnités pour perte de gain, versés à E.________, retenant en substance que l'incapacité de travail alléguée n'était pas établie et que E.________, même s'il ne pouvait se servir de son bras, était à même de continuer à diriger sa société en déléguant au besoin certaines de ses tâches à ses collaborateurs.
Saisie par C.________, D.________ ainsi que E.________ et statuant par arrêt du 16 décembre 2005, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé les ch. 1 à 3 du dispositif du jugement du 16 juin 2005, annulé les ch. 4 et 5 et, statuant à nouveau, condamné A.________ et B.________, conjointement et solidairement, à verser à D.________ 30'000 DM avec intérêt à 5 % l'an dès le 24 mars 1997 (ch. 4), à C.________ 10'752 DM avec intérêt à 5 % l'an dès le 13 février 1998 (ch. 5) et les trois quarts des dépens de première instance et d'appel (ch. 6), enfin débouté les parties de toutes autres conclusions.
Elle a en particulier considéré que E.________ avait échoué à prouver avoir été totalement incapable de travailler pendant la période litigieuse. Une capacité de travail totale ne pouvait toutefois être retenue. ll était en effet conforme à l'expérience générale de la vie et au cours ordinaire des choses qu'une lésion importante du bras droit, consistant in casu en la distorsion de l'épaule et du coude et la lésion du nerf médian et nécessitant le port d'un plâtre et d'une écharpe, avait pour conséquence l'impossibilité de se servir du bras droit et donc d'effectuer la majeure partie des tâches usuelles dans le cadre d'une activité professionnelle, celle-ci fût-elle limitée à du travail de bureau.
Pour apprécier le taux d'incapacité de travail présenté par E.________, il fallait tenir compte de l'activité professionnelle déployée par celui-ci, soit celle d'un dirigeant d'une petite entreprise familiale active dans un secteur technique et employant peu de collaborateurs. Par ailleurs, à teneur des témoignages recueillis, E.________ ne se contentait pas de donner des instructions et/ou d'effectuer du travail de bureau, mais participait également au montage, ce qui incluait des déplacements et le transport d'objets lourds.
En définitive, la cour cantonale a retenu qu'en raison des lésions subies à son bras droit, la capacité de travail de E.________ avait été très fortement réduite, sans être totale, ce qui conduisait à admettre un taux d'incapacité de 80 % jusqu'au 11 juin 1997. Il s'ensuivait que les conclusions de D.________ en remboursement du salaire versé pendant six semaines à E.________ étaient fondées à hauteur de 30'000 DM avec intérêt à 5 % l'an dès le 24 mars 1997, alors que celles de C.________ l'étaient à concurrence de 10'752 DM avec intérêt à 5 % l'an dès le 13 février 1998, étant précisé que ni la quotité du salaire ou des indemnités versées, ni les dates de départ des intérêts moratoires ne faisaient l'objet de contestations.
C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté par arrêt séparé de ce jour, A.________ et B.________ (les défendeurs) interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent à la réforme de l'arrêt entrepris dans le sens de sa mise à néant et à la confirmation du jugement du Tribunal de première instance, avec suite de frais et dépens.
C.________, D.________ et E.________ (les demandeurs) proposent le rejet du recours, avec suite de dépens.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Interjeté par les défendeurs, qui ont été partiellement déboutés de leurs conclusions, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme soumis à l'examen du Tribunal fédéral est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. c et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas de se plaindre de la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni de la violation du droit cantonal (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ).
Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3).
1.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs développés par celles-ci (art. 63 al. 1 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique adoptée par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29).
2.
Les défendeurs reprochent à la cour cantonale d'avoir violé le droit fédéral en déduisant, sur la base de l'expérience générale de la vie et sans procéder à un examen concret, qu'une lésion importante du bras droit avait pour conséquence l'impossibilité d'effectuer la majeure partie des tâches usuelles dans le cadre d'une activité professionnelle, celle-ci fût-elle limitée à du travail de bureau.
2.1 Les suppositions de l'autorité inférieure sur le cours hypothétique des événements qui se déduisent d'indices concrets lient, en tant que résultat de l'appréciation des preuves, la juridiction de réforme. Sont réservées les conclusions qui se fondent exclusivement sur l'expérience générale de la vie (cf. ATF 126 III 10 consid. 2b p. 12; 118 II 366 consid. 1 p. 365, 421 consid. 3c/bb; 115 II 440 consid. 5b p. 448 s.).
Dans la procédure de recours en réforme, le Tribunal fédéral contrôle les conclusions tirées de l'expérience générale de la vie dans la mesure où elles ont une importance qui dépasse l'état de fait concret et où elles adoptent une fonction de norme (ATF 126 III 10 consid. 2b p. 13; 123 III 241 consid. 3a; 117 II 256 consid. 2b p. 258). Une règle tirée de l'expérience n'a cependant une fonction réglementaire que dans la mesure où le jugement hypothétique qui y est contenu, qui découle des expériences faites dans les autres cas, peut également avoir une validité générale pour les cas similaires dans le futur. Dans ces cas, la règle tirée de l'expérience a atteint un tel degré d'abstraction qu'elle acquiert un caractère normatif. Par contre, lorsque le juge de l'affaire se fonde uniquement sur l'expérience générale de la vie pour déduire un état de fait particulier de l'ensemble des faits du cas concret ou des indices établis, on est en présence d'une appréciation des preuves qui n'est pas susceptible de contrôle (ATF 126 III 10 consid. 2b p. 13; 117 II 256 consid. 2b p. 258 s.).
2.2 Bien que trouvant cette affirmation trop absolue, les défendeurs ont déclaré ne pas remettre en question le fait qu'il était conforme à l'expérience générale de la vie et au cours ordinaire des choses qu'une lésion importante du bras droit, consistant in casu en la distorsion de l'épaule et du coude et la lésion du nerf médian, nécessitant le port d'un plâtre et d'une écharpe, avait pour conséquence l'impossibilité de se servir du bras droit. Ils reprochent en revanche à la cour cantonale d'avoir pu déduire de cette règle d'expérience, sans procéder à un examen concret, qu'une telle lésion au bras avait pour conséquence une impossibilité d'effectuer la majeure partie des tâches usuelles dans le cadre d'une activité professionnelle, celle-ci fût-elle limitée à du travail de bureau. Par son caractère trop général, cette déduction serait contraire à l'expérience générale de la vie.
La critique des défendeurs tombe à faux, dans la mesure où, en l'occurrence, la cour cantonale n'a pas manqué d'examiner ce qu'il en était concrètement du cas de E.________. Elle a ainsi retenu que celui-ci oeuvrait en qualité de dirigeant d'une petite entreprise familiale active dans un domaine technique et employant peu de collaborateurs. Elle a par ailleurs établi, sur la base des témoignages, que celui-ci ne se contentait pas de donner des instructions et/ou d'effectuer du travail de bureau, mais participait également au montage. Or, ces conclusions reposent sur l'administration des preuves, qui ne peut être revue dans le cadre d'un recours en réforme. Dans ces circonstances, le recours des défendeurs ne peut qu'être déclaré irrecevable, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir si, dans l'absolu, il est correct d'affirmer que le fait qu'une lésion du type de celle subie par E.________ entraîne l'impossibilité d'effectuer la majeure partie des tâches usuelles dans le cadre d'une activité professionnelle, celle-ci fût-elle limitée à du travail de bureau, repose sur l'expérience générale de la vie.
3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge des défendeurs, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 ainsi que 159 al. 1 et 5 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des défendeurs, solidairement entre eux.
3.
Les défendeurs, débiteurs solidaires, verseront aux demandeurs, créanciers solidaires, une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 9 mai 2006
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: