BGer 1P.342/2005
 
BGer 1P.342/2005 vom 20.10.2005
Tribunale federale
{T 1/2}
1P.342/2005/col
Arrêt du 20 octobre 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
Commune de Montreux, 1820 Montreux,
recourante, représentée par Me Alain Thévenaz,
avocat, rue du Grand-Chêne 5, case postale 6852,
1002 Lausanne,
contre
TDC Switzerland AG (Sunrise), Thurgauerstrasse 60, 8050 Zurich, intimée, représentée par Me Christophe Piguet, avocat, place St-François 5, case postale 7175, 1002 Lausanne,
Association des Intérêts de Chailly-Baugy-
Les Crêtes et environs et consorts,
1816 Chailly-sur-Montreux,
parties intéressées, représentés par Me Laurent Trivelli, avocat, rue Caroline 7, case postale 7127,
1002 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
Objet
autorisation de construire une installation de téléphonie mobile en zone à bâtir,
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 2 mai 2005.
Faits:
A.
Alfred Mabillard est propriétaire de la parcelle n° 7457 de la commune de Montreux, sise au nord du bourg de Chailly. Cette parcelle de 4'624 mètres carrés, partiellement bâtie, est classée dans la zone de village dans le plan d'affectation communal approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 15 décembre 1972 et modifié à plusieurs reprises depuis lors.
Le 2 février 2004, la société TDC Switzerland AG (Sunrise) a déposé une demande de permis de construire relative à la pose d'équipements techniques de téléphonie mobile sur la partie non bâtie de la parcelle n° 7457; elle requérait l'octroi d'une dérogation à l'art. 26 du règlement communal sur le plan d'affectation et la police des constructions (RPA), qui régit la zone de village, fondée sur l'art. 98 RPA. Les installations projetées se composent d'un mât d'antennes de vingt mètres de hauteur et d'un local abritant les installations techniques entouré d'un muret et d'une haie d'arbustes. Le mât prendrait place à une quinzaine de mètres au nord du bâtiment le plus proche, à environ six mètres au sud-ouest de la paroi antibruit séparant la parcelle n° 7457 de l'autoroute A9 et à neuf mètres à l'ouest de la passerelle piétonnière qui enjambe cette voie de circulation.
Soumis à l'enquête publique du 16 mars au 5 avril 2004, ce projet a suscité 27 oppositions individuelles et une pétition collective émanant de l'Association des Intérêts de Chailly-Baugy-Les Crêtes et environs munie de 209 signatures. Les préavis et autres décisions des services cantonaux concernés par le projet ont été communiqués le 14 mai 2004 à la Municipalité de Montreux par la Centrale des autorisations du Département des infrastructures du canton de Vaud. Le Service cantonal de l'environnement et de l'énergie a notamment émis un préavis favorable, après s'être assuré que les exigences de l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 étaient respectées.
Par décision du 6 août 2004, la Municipalité de Montreux a refusé de délivrer le permis de construire sollicité au motif que l'installation projetée serait de nature à porter atteinte à la qualité du bourg historique adjacent de Chailly. Au terme d'un arrêt rendu le 2 mai 2005 sur recours de TDC Switzerland AG (Sunrise), le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) a annulé cette décision et a renvoyé le dossier à la Municipalité de Montreux pour qu'elle délivre le permis de construire sollicité. Il a estimé en substance qu'un plan partiel d'affectation aurait en principe dû être mis en oeuvre selon le règlement communal, mais qu'une dérogation fondée sur le caractère d'intérêt public de l'ouvrage en cause était envisageable. Il a considéré en outre que l'autorité communale n'était pas fondée à refuser la dérogation sollicitée en se fondant sur la clause d'esthétique.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public, la Commune de Montreux demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, qu'elle tient pour arbitraire et contraire à son autonomie.
Le Tribunal administratif et TDC Switzerland AG (Sunrise) concluent au rejet du recours. L'Association des Intérêts de Chailly-Baugy-Les Crêtes et environs et consorts adhèrent aux conclusions du recours.
C.
Par une ordonnance du 29 juin 2004, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif présentée par la Commune de Montreux.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Seul le recours de droit public est ouvert en l'occurrence dans la mesure où la commune recourante ne met pas en cause l'application du droit fédéral (ATF 124 I 223 consid. 1a/ee p. 226; 114 Ia 73 consid. 2c p. 77/78).
Une commune a qualité pour agir par la voie du recours de droit public en invoquant une violation de son autonomie garantie à l'art. 189 al. 1 let. b Cst. lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée l'atteint en tant que détentrice de la puissance publique. Savoir si elle est effectivement autonome dans le domaine en cause n'est pas une question de recevabilité, mais constitue l'objet d'une appréciation au fond (ATF 129 I 410 consid. 1.1 p. 412 et les arrêts cités).
L'arrêt attaqué, qui est une décision de renvoi à une autorité inférieure, a un caractère incident. L'affaire a cependant été renvoyée à la commune recourante, afin qu'elle délivre le permis de construire sollicité. En pareil cas, la jurisprudence admet qu'il peut en résulter un préjudice irréparable, au sens de l'art. 87 al. 2 OJ, pour la commune qui doit se soumettre aux injonctions du Tribunal administratif sans pouvoir ensuite attaquer la nouvelle décision qu'elle est tenue de rendre (ATF 129 I 313 consid. 3.3 p. 317 et les arrêts cités). Le recours de droit public est donc recevable de ce point de vue. Les autres conditions de recevabilité étant remplies, il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
L'art. 50 al. 1 Cst. garantit l'autonomie communale dans les limites du droit cantonal. Selon la jurisprudence, une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère communale, conférant par là aux autorités municipales une liberté de décision appréciable (ATF 129 I 410 consid. 2.1 p. 412 et les arrêts cités). Tel est le cas des communes vaudoises qui jouissent d'une autonomie protégée par le droit constitutionnel lorsqu'elles traitent des demandes de permis de construire pour des projets sis dans la zone à bâtir de leur territoire (cf. art. 139 let. d de la Constitution vaudoise du 14 avril 2003 (Cst. vaud.); art. 2 al. 1, 17 et 103 ss de la loi vaudoise sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC); arrêt 1P.151/2005 du 29 avril 2005 consid. 2).
3.
Lorsqu'elle est reconnue autonome dans un domaine spécifique, une commune peut dénoncer tant les excès de compétence d'une autorité cantonale de contrôle ou de recours que la violation par celle-ci des règles du droit fédéral, cantonal ou communal qui régissent la matière. Elle est aussi habilitée à se plaindre d'arbitraire, dans la mesure où ce grief est étroitement lié à celui de violation de son autonomie. Le Tribunal fédéral examine alors librement l'interprétation du droit constitutionnel; en revanche, il vérifie l'application de règles de rang inférieur à la constitution fédérale ou cantonale sous l'angle de l'arbitraire (ATF 129 I 410 consid. 2.3. p. 414 et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral n'annule ainsi la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables pour entraîner son annulation, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178), ce qu'il appartient au recourant de démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219).
4.
La Commune de Montreux reproche au Tribunal administratif d'avoir violé son autonomie en considérant, au terme d'une interprétation arbitraire de la réglementation communale, qu'une dérogation à l'obligation de planifier pour toute nouvelle construction dans la zone de village était possible pour les installations litigieuses en application de l'art. 98 RPA. Elle reproche en outre à la cour cantonale d'avoir procédé elle-même à la pondération des intérêts en présence que postule l'octroi d'une dérogation et d'avoir réformé la décision attaquée au lieu de lui renvoyer la cause pour qu'elle statue à nouveau.
4.1 La zone de village est régie par les art. 25 et 26 RPA. Selon l'art. 25 RPA, les dispositions de la zone de village ont pour but la préservation des villages existants présentant un intérêt architectural digne de protection. L'art. 26 al. 1 RPA prévoit que sous réserve des plans fixant la limite des constructions et de la loi sur les routes, les bâtiments existants peuvent être maintenus, reconstruits ou transformés, pour autant qu'il n'en résulte pas de modification de leur implantation et gabarit, sous diverses conditions évoquées à l'alinéa 2 et qui n'entrent pas en considération en l'espèce. Aux termes de l'art. 26 al. 3 RPA, tous travaux de construction, de reconstruction ou de transformation modifiant le gabarit ou l'implantation des bâtiments existants ou impliquant l'occupation de terrains nus ne peuvent être autorisés que sur la base de plans partiels d'affectation ou de quartier concernant certains secteurs ou l'ensemble de l'agglomération considérée. L'art. 26 al. 4 RPA permet exceptionnellement à la Municipalité d'autoriser, aux conditions qu'elle fixe dans chaque cas, des modifications de l'aspect ou du gabarit des bâtiments existants. Selon l'art. 98 RPA, la Municipalité peut autoriser des dérogations aux prescriptions du présent règlement pour permettre l'édification de bâtiments ou ouvrages d'intérêt public qui, par leur destination ou leur nature, exigent des dispositions particulières.
4.2 Le mât d'antennes et le local technique litigieux sont des installations nouvelles qui prendraient place sur la partie non bâtie de la parcelle n° 7457. Même si elles ne sont pas comparables par leur nature et leur dimension à des bâtiments, il était soutenable d'admettre que leur édification en zone de village répondait à la définition de travaux de construction impliquant l'occupation de terrain nu, au sens de l'art. 26 al. 3 RPA, que cette disposition leur était applicable et qu'à la rigueur du texte, elles ne pouvaient être autorisées que sur la base d'un plan partiel d'affectation ou d'un plan de quartier, inexistant en l'occurrence. Le Tribunal administratif a néanmoins estimé qu'une dérogation à la réglementation de la zone de village fondée sur l'art. 98 RPA était non seulement possible, mais encore justifiée, compte tenu de la tâche d'intérêt public poursuivie par l'intimée. La recourante conteste ce point de vue. Selon elle, l'art. 26 al. 3 RPA serait une lex specialis qui exclurait l'application de l'art. 98 RPA. En outre, l'art. 47 al. 3 LATC, dans sa nouvelle teneur en vigueur dès le 7 avril 1998, n'autoriserait plus les communes à prévoir, dans leur règlement de police des constructions, des dérogations aux prescriptions fixées à l'alinéa 1 de cette disposition, relatives à l'affectation des zones et au degré de sensibilité au bruit ainsi qu'à la mesure de l'utilisation du sol.
4.3 L'art. 23 LAT laisse aux cantons le soin de régler les conditions matérielles des exceptions à la conformité à l'affectation de la zone à bâtir. L'art. 6 al. 2 LATC autorise les communes à accorder des dérogations à des particuliers dans les limites autorisées par la loi, les règlements et les plans. L'art. 85 al. 1 LATC permet à la municipalité d'accorder des dérogations aux plans et à la réglementation y afférente dans la mesure où le règlement communal le prévoit et pour autant que des motifs d'intérêt public ou des circonstances objectives le justifient. L'octroi de dérogations ne doit pas porter atteinte à un autre intérêt public ou à des intérêts prépondérants de tiers. L'art. 47 al. 3 LATC, introduit par la novelle du 4 février 1998, dispose enfin que les plans et les règlements d'affectation peuvent prévoir qu'un projet de construction s'écarte de certaines dispositions adoptées en application de l'alinéa 2, pourvu que ces dispositions soient exhaustivement énumérées dans le règlement ou le plan lui-même, que le projet soit conforme aux prescriptions mentionnées à l'alinéa 1er et qu'il respecte en outre le plan directeur localisé approuvé par le Conseil d'Etat. Indépendamment de la portée respective de ces dispositions, l'octroi d'une dérogation est donc en tous les cas soumis à l'exigence d'une base légale fixée dans les plans d'affectation ou les règlements communaux.
4.4 L'art. 26 al. 4 RPA autorise la Municipalité à déroger à l'obligation d'établir un plan partiel d'affectation ou un plan de quartier pour les modifications de constructions existantes. Cette solution est conforme au principe de la proportionnalité. On comprendrait en effet mal qu'il faille absolument engager une procédure de planification spéciale pour modifier un bâtiment existant. L'intérêt public à la sauvegarde du bourg de Chailly, qui est à la base de l'exigence de la planification spéciale, est garanti de manière suffisante par la possibilité offerte en pareil cas à la Municipalité d'imposer les exigences qu'elle estime souhaitables pour assurer l'intégration des modifications envisagées dans le site environnant. Pour le surplus, la réglementation de la zone de village ne contient aucune disposition expresse permettant de déroger à la règle de l'art. 26 al. 3 RPA pour les constructions nouvelles. On ne saurait pour autant en déduire que le législateur communal a voulu limiter les possibilités de dérogation aux seuls cas prévus par l'art. 26 al. 4 RPA. L'art. 98 RPA autorise également la Municipalité à déroger aux prescriptions du règlement communal pour les constructions d'intérêt public qui, par leur destination ou leur nature, exigent des dispositions particulières. Cette norme se trouve dans le chapitre consacré aux dispositions applicables à toutes les zones, donc en principe aussi à la zone de village. Elle ne prévoit aucune exception ou restriction quant à son application. Il n'était dès lors pas arbitraire d'admettre qu'elle pouvait en principe également entrer en considération dans le cas particulier.
La Commune de Montreux n'a jamais allégué devant le Tribunal administratif qu'il était exclu d'accorder une dérogation à l'art. 26 al. 3 RPA sur la base de l'art. 98 RPA sous prétexte que cette disposition serait contraire à l'art. 47 al. 3 LATC. La recevabilité du recours sur ce point, au regard de la règle de l'épuisement des instances cantonales posée à l'art. 86 al. 1 OJ, peut rester indécise, car le grief est de toute manière infondé. La cour cantonale n'a pas définitivement délimité le champ d'application de l'art. 47 al. 3 LATC (cf. arrêt AC.2003.0015 du 4 novembre 2003 consid. 3a et les références citées). Peu importe car, si cette disposition devait n'avoir qu'une portée limitée aux nouveaux instruments d'aménagement du territoire également introduits avec la novelle du 4 février 1998, elle ne serait pas applicable en l'espèce dès lors que la Municipalité de Montreux n'a pas fait usage de ces nouveaux instruments dans le secteur concerné. Si elle s'étendait à l'ensemble des plans d'affectation, en précisant la règle plus générale de l'art. 85 al. 1 LATC, elle n'exclurait pas pour autant l'application de l'art. 98 RPA, car il ne s'agit pas ici de déroger à l'une ou l'autre des prescriptions impératives de l'art. 47 al. 1 LATC, mais à l'obligation faite à l'art. 26 al. 3 RPA de recourir à un plan partiel d'affectation ou à un plan de quartier pour toute nouvelle construction. Il n'était donc, en tout état de cause, pas insoutenable d'admettre que l'art. 47 al. 3 LATC ne faisait pas obstacle à l'application de l'art. 98 RPA.
Enfin, le Tribunal administratif, après avoir constaté que la Municipalité de Montreux avait tranché de manière négative la question de la possibilité d'octroyer une dérogation en vertu de l'art. 98 RPA en retenant que des considérations d'esthétique et de sauvegarde du bourg de Chailly s'opposaient à l'octroi du permis de construire, n'a pas appliqué arbitrairement l'art. 53 de la loi vaudoise sur la juridiction et la procédure administratives (LJPA) ni violé l'autonomie communale ancrée à l'art. 139 let. d Cst. vaud. en statuant lui-même à ce propos. L'art. 53 LJPA lui octroie en effet un large pouvoir de cognition en prévoyant qu'il établit d'office les faits et établit le droit sans être limité par les moyens des parties. Il reste ainsi à examiner si c'est à bon droit que la cour cantonale a estimé que les conditions posées à l'octroi d'une dérogation étaient réalisées.
5.
Le Tribunal administratif a estimé que les conditions posées à l'art. 85 al. 1 LATC devaient être satisfaites pour qu'une dérogation fondée sur l'art. 98 RPA puisse être accordée. Il a considéré que l'intérêt public à assurer le meilleur service de télécommunications possible constituait une circonstance objective propre à justifier l'octroi d'une dérogation à l'art. 26 al. 3 RPA. Il a par ailleurs exclu que des considérations d'esthétique fassent obstacle à la délivrance du permis de construire. La Commune de Montreux ne conteste pas que les installations de téléphonie mobile puissent être qualifiées de constructions d'intérêt public au sens de l'art. 98 RPA. Elle prétend en revanche que la dérogation n'aurait pas pu être accordée au regard des exigences de protection du bourg de Chailly, telles qu'elles résultent de l'inventaire fédéral des sites construits à protéger, du plan directeur communal et du règlement communal. La cour cantonale aurait par ailleurs fait une application arbitraire des art. 76 RPA et 86 LATC en considérant que les exigences d'esthétique ne s'opposaient pas à l'implantation de l'ouvrage dans la zone de village.
5.1 L'octroi d'une dérogation suppose une situation exceptionnelle et ne saurait devenir la règle, à défaut de quoi l'autorité compétente pour délivrer des permis de construire se substituerait au législateur cantonal ou communal par le biais de sa pratique dérogatoire. En revanche, les dispositions exceptionnelles ne doivent pas être nécessairement interprétées de manière restrictive, mais selon les méthodes d'interprétation ordinaires. Il se pourrait en effet qu'une dérogation importante se révèle indispensable pour atténuer ou même pour éviter les rigueurs qu'entraînerait l'application de la réglementation ordinaire. Mais, dans tous les cas, une dérogation doit servir la loi ou, à tout le moins, les objectifs recherchés par celle-ci. Elle implique une pesée entre les intérêts publics et privés au respect des dispositions dont il s'agirait de s'écarter et les intérêts du propriétaire privé requérant l'octroi d'une dérogation, étant précisé que des raisons purement économiques ou l'intention d'atteindre la meilleure solution architecturale ou encore une utilisation optimale du terrain ne suffisent pas à elles seules à conduire à l'octroi d'une dérogation (arrêt 1P.181/1997 du 23 juin 1997, consid. 4a traduit et publié in Pra 1998 n° 35 p. 248 et les arrêts cités).
5.2 La recourante peut se prévaloir d'un intérêt public important à l'obtention du permis de construire, qui découle des art. 1er al. 1 et 2 de la loi sur les télécommunications et 92 al. 2 Cst., dans la mesure où l'installation litigieuse est nécessaire pour assurer une couverture optimale du réseau de téléphonie mobile qu'elle exploite. Cet intérêt devait être mis en balance avec l'intérêt public lié à la sauvegarde du vieux bourg de Chailly. L'octroi d'une autorisation de construire une installation de téléphonie mobile constitue en effet une tâche de la Confédération au sens des art. 78 al. 2 Cst. et 2 de la loi fédérale sur la protection de la nature (LPN; RS 451), également lorsque cette installation prend place à l'intérieur de la zone à bâtir (arrêt 1A.6/2005 du 15 août 2005 consid. 2 destiné à la publication); le bourg de Chailly est mentionné à l'inventaire fédéral des sites construits à protéger en tant que village d'importance régionale, de sorte que les exigences de protection accrue posées aux art. 6 et 7 LPN ne s'appliquent pas. Les autorités compétentes ne sont pas dispensées pour autant de ménager l'aspect caractéristique du paysage et des localités et, lorsque l'intérêt général prévaut, d'en préserver l'intégrité, conformément à l'art. 3 al. 1 LPN (ATF 124 II 146 consid. 5a p. 157 et les références citées). Cette obligation existe indépendamment de l'importance de l'objet à protéger et de son inscription dans un inventaire. Elle n'est cependant pas absolue, mais doit s'exercer dans le respect du principe de la proportionnalité (art. 3 al. 3 LPN). Elle implique en outre une pesée des intérêts en présence, qui tienne compte du but assigné à la mesure de protection et de l'atteinte qui lui est portée (ATF 124 II 146 consid. 5a p. 157; Anne-Christine Favre, Commentaire LPN, Zurich 1997, nos 12 ss ad art. 3, pp. 174-178).
5.3 Le bourg de Chailly est un village-rue compact d'origine viticole, qui occupe une position importante sur une émergence rocheuse à flanc de coteau dominant une dépression plantée de vignes et de vergers encore bien conservée. Il se caractérise par sa belle silhouette très marquée depuis le sud, même si celle-ci est quelque peu effacée par la construction de bâtiments résidentiels récents survenue depuis la création de l'autoroute et la sortie principale pour Montreux qui enserre le village au nord et à l'est. Les qualités spatiales du site sont évidentes, malgré la perte de sa vocation agricole et les adjonctions du XXe siècle, par la forte cohérence et compacité presque urbaine de son tissu d'origine. Les qualités historico-architecturales sont moins manifestes, prévalant surtout par la cohérence du tissu vigneron, en raison du manque d'éléments stylistiques et de valeur dans le village d'origine. Les transformations de détails survenues dans le courant du XXe siècle lui enlèvent son authenticité de village vigneron. Le bourg n'est plus protégé de l'autoroute au nord et de la route d'accès à cette artère à l'est que par une faible bande de végétation, composée essentiellement de jardins potagers. Outre les objectifs généraux de sauvegarde, les auteurs du recensement préconisent une application stricte des consignes de sauvegarde pour les périmètres environnants non bâtis, dont fait partie la surface de la parcelle n° 7457 sur laquelle s'implanterait l'installation litigieuse, de manière à préserver la vue sur la silhouette du village qui constitue l'une des caractéristiques marquantes du site.
5.4 L'installation litigieuse se compose d'un mât métallique de vingt mètres de hauteur, muni de quatre antennes de téléphonie mobile sur ses trois derniers mètres, et d'un local technique d'environ six mètres carrés, pour une hauteur de 2,8 mètres. Selon les photos versées au dossier, le site envisagé pour son implantation est situé à proximité immédiate de l'autoroute, de la passerelle piétonnière qui l'enjambe et des parois antibruit qui la bordent, et ne présenterait aucun charme particulier, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal administratif. Le local technique, d'une hauteur inférieure aux parois antibruit et aux maisons les plus proches, serait entouré d'une haie d'arbustes qui le dissimulerait des regards et ne porterait par conséquent pas atteinte à la silhouette du village. La cour cantonale, après s'être rendue sur les lieux, a estimé que l'impact visuel du mât d'antennes serait fortement restreint, compte tenu de son implantation au nord du bourg de Chailly, dans un environnement fortement dominé par l'autoroute et ses installations annexes. Elle a constaté par ailleurs la présence dans le village de plusieurs antennes de télévision privées et de téléphonie mobile, ainsi que des mâts d'éclairage autour du stade de football. Eu égard aux installations de même nature tolérées dans le bourg de Chailly, l'édification du mât d'antennes n'entraînera ainsi qu'une modification insignifiante de la silhouette du village, qui constitue l'objet de la protection instaurée par l'inventaire (cf. arrêt 1A.231/1998 du 12 juillet 1999 publié in RDAF 2000 I p. 141 consid. 2c p. 145). Par ailleurs, la surface non bâtie de la parcelle n° 7457 ne fait pas partie des terrains ayant valeur de patrimoine ni des aires de dégagement qu'il conviendrait de maintenir libres de toute construction afin de préserver l'unité et le caractère des ensembles bâtis et leurs prolongements, suivant le plan directeur communal élaboré en septembre 1998 et approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud en février 2001.
Cela étant, et compte tenu de la retenue dont le Tribunal fédéral doit faire preuve dans les questions mettant en cause l'appréciation de circonstances locales (cf. ATF 129 I 337 consid. 4.1 p. 344 et les arrêts cités), le Tribunal administratif n'a pas versé dans l'arbitraire ni violé l'autonomie de la Commune de Montreux en considérant, au terme d'un examen minutieux, que les conditions posées à l'octroi d'une dérogation fondée sur l'art. 98 RPA étaient réunies.
5.5 Enfin, la recourante se réfère en vain aux art. 76 RPA et 86 LATC pour s'opposer à la délivrance du permis de construire. La première de ces dispositions prohibe tous travaux ou installations (antennes, etc.) de nature à nuire au bon aspect d'un site, d'un quartier, d'une rue ou d'un ensemble de bâtiments. Quant à la seconde, elle permet à la municipalité de refuser le permis pour les constructions susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue.
Selon la jurisprudence, une clause d'esthétique ne doit pas être appliquée de manière à vider pratiquement de sa substance la réglementation sur les zones en vigueur, mais dans le respect du principe de la proportionnalité à l'instar de toute restriction à la garantie de la propriété et à la liberté économique. La question de l'intégration d'une construction ou d'une installation à l'environnement bâti dans un site doit être résolue non pas en fonction du sentiment subjectif de l'autorité, mais selon des critères objectifs et systématiques; en tous les cas, l'autorité compétente doit indiquer les raisons pour lesquelles elle considère qu'une construction ou une installation serait de nature à enlaidir le site (arrêt 1P.581/1998 du 1er février 1999 consid. 3c publié à la RDAF 2000 I 288 et les arrêts cités).
En l'occurrence, la Commune de Montreux n'a nullement motivé sa décision de refus du permis de construire sous l'angle des art. 76 RPA et 86 LATC, comme il lui appartenait de faire, mais elle s'est bornée à renvoyer à ces dispositions. Elle ne saurait dès lors reprocher au Tribunal administratif d'avoir substitué son appréciation à la sienne. Dans la mesure où l'installation litigieuse ne portait pas une atteinte inadmissible à l'objectif de protection du bourg de Chailly, il était parfaitement soutenable d'admettre qu'un refus du permis de construire fondé sur ces dispositions n'entrait pas en ligne de compte.
6.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire doit être pris en charge par l'Association des Intérêts de Chailly-Baugy-Les Crêtes et environs et consorts, qui succombent. Il sera réduit étant donné que les frais de justice ne peuvent être imputés à la Commune de Montreux (art. 156 al. 2 OJ). L'intimée, qui a procédé avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens à hauteur de 2'000 fr.; il se justifie de les mettre, à parts égales, soit 1'000 fr. chacun, à la charge de la Commune de Montreux, d'une part, et de l'Association des Intérêts de Chailly-Baugy-Les Crêtes et environs et consorts, d'autre part, solidairement entre eux (art. 159 al. 1 et 5 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'Association des Intérêts de Chailly-Baugy-Les Crêtes et environs et consorts, solidairement entre eux.
3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à titre de dépens à l'intimée, à la charge de la Commune de Montreux et de l'Association des Intérêts de Chailly-Baugy-Les Crêtes et environs et consorts, solidairement entre eux.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et de l'Association des Intérêts de Chailly-Baugy-Les Crêtes et environs et consorts, ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de Vaud.
Lausanne, le 20 octobre 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: