BGer 6S.322/2005
 
BGer 6S.322/2005 vom 30.09.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
6S.322/2005 /rod
Arrêt du 30 septembre 2005
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Bendani.
Parties
Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
recourant,
contre
X.________,
intimé, représenté par Me Antoine Eigenmann, avocat,
Objet
Mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP); fixation de la peine (art. 63 CP),
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 20 juillet 2005.
Faits:
A.
Par jugement du 27 mai 2005, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________, pour lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, vol, injure, rupture de ban et contravention à la LStup, à douze mois d'emprisonnement, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 7 juillet 2000, et l'a expulsé du territoire suisse pour une durée de dix ans.
Ce jugement retient, en résumé, ce qui suit.
A.a Le 11 février 2002, X.________ s'est rendu chez Y.________, pour, selon ses dires, obtenir le remboursement d'un prêt. A un moment donné, le ton est monté. Y.________ a pris une bouteille vide pour frapper son adversaire. Ce dernier a alors empoigné son hôte par le col. Y.________ a saisi un cendrier ou une assiette - les protagonistes ne se rappelant plus de l'objet utilisé - et les deux hommes sont tombés à terre. L'objet que tenait Y.________ s'est alors brisé. X.________ a saisi une partie de cet objet et a appuyé le côté tranchant de celui-ci contre la gorge de son adversaire, lui occasionnant trois plaies superficielles au niveau du cou et des coupures aux mains, la victime ayant essayé de retenir l'objet pressé contre son cou.
A.b En raison de ces faits, X.________ a été reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées. Il a toutefois été libéré du chef d'accusation de mise en danger de la vie d'autrui, le Tribunal ayant jugé qu'un léger doute subsistait sur le point de savoir si, sur le plan objectif, la victime avait été mise en danger de mort imminent.
B.
Par arrêt du 20 juillet 2005, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours du Ministère public. Elle a considéré que le comportement de X.________ n'avait pas créé un danger concret de mort imminent, puisqu'il n'avait pas appuyé avec force sur le cou de son adversaire de manière à atteindre la carotide et que celle-ci n'aurait pas davantage été touchée si la victime avait gesticulé de manière plus importante.
C.
Invoquant une violation des art. 63 et 129 CP, le Ministère public vaudois dépose un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral et conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recourant estime que les éléments constitutifs de l'infraction visée par l'art. 129 CP sont réalisés.
1.1 Cette disposition punit de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent.
La notion de danger de mort imminent implique d'abord un danger concret, c'est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu'un degré de probabilité supérieur à 50% soit exigé. Le danger de mort imminent représente cependant plus que cela. Il est réalisé lorsque le danger de mort apparaît si probable qu'il faut être dénué de scrupule pour négliger sciemment d'en tenir compte. Quant à la notion d'imminence, elle n'est pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d'immédiateté qui est défini moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité directe unissant le danger et le comportement de l'auteur (ATF 121 IV 67 consid. 2b/aa p. 70). La notion de mise en danger de mort imminent de l'art. 129 CP doit être interprétée de manière plus large que celle qui qualifie le degré le plus grave du brigandage (art. 140 ch. 4 CP), notamment parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un élément aggravant mais d'un élément constitutif de l'infraction réprimée par cette disposition et parce que la peine menace prévue est moins lourde que celle sanctionnant le degré le plus grave du brigandage (ATF 121 IV 67 consid. 2b/bb et cc, 2c et 2d, p. 71 s.).
1.2 Selon les constatations cantonales, l'intimé a appuyé un morceau tranchant d'une assiette ou d'un cendrier brisé contre le côté gauche du cou de son adversaire, qui a subi, de ce fait, trois petites plaies superficielles, lesquelles n'ont jamais mis gravement en danger sa vie et n'ont nécessité qu'un point de suture. Comme l'a observé la Cour cantonale, l'intimé, contrairement à ce qu'il a fait, aurait dû appuyer avec force sur le cou pour atteindre la carotide et la victime n'aurait pas pu se trancher ladite artère, même si elle avait gesticulé de manière plus importante. Il aurait donc fallu une manipulation supplémentaire et intense de l'intimé pour que l'instrument pût créer un danger imminent. Enfin, contrairement aux cas cités par le recourant (ATF 117 IV 427; 114 IV 8; 102 IV 18; arrêt du Tribunal fédéral du 13 février 2004 dans la cause 6S.16/2004; arrêt de la Cour de cassation vaudoise du 21 mars 1994 publié in JdT 1997 IV 29), l'objet utilisé par l'agresseur ne représentait pas la dangerosité imminente propre au maniement de couteaux, cutters, armes acérées ou encore de verre brisé contre la gorge d'une personne. Dans ces conditions, la Cour de cassation n'a pas violé le droit fédéral en niant l'existence d'un danger concret de mort imminent. Le grief doit donc être rejeté.
2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 63 CP.
2.1 Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Un pourvoi en nullité portant sur la quotité de la peine ne peut donc être admis que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 s. et les arrêts cités).
Les éléments pertinents pour la fixation de la peine ont été exposés de manière détaillée dans les ATF 117 IV 112 consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a et rappelés récemment dans l'ATF 129 IV 6 consid. 6.1, auxquels on peut donc se référer.
2.2 Dans la mesure où le recourant conteste la quotité de la peine en raison de l'aggravation des charges, sa critique est irrecevable, le pourvoi sur la question de l'art. 129 CP ayant été rejeté (cf. supra consid. 1).
Pour le reste, la peine infligée à l'intimé a été fixée dans le cadre légal et sur la base de critères pertinents. Au vu des éléments, tant favorables que défavorables à prendre en compte dans le cas particulier et exposés sous chiffre 3 des pages 6 et 7 de l'arrêt attaqué, elle ne paraît pas à ce point clémente que la Cour de cassation doive se voir reprocher un abus de son pouvoir d'appréciation. Elle ne viole donc pas le droit fédéral.
3.
En conclusion, le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable. Il n'est pas perçu de frais (art. 278 al. 2 PPF). Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'intimé, qui n'a pas été amené à se déterminer (art. 278 al. 3 PPF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais ni alloué d'indemnité.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au Ministère public du canton de Vaud, au mandataire de l'intimé et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 30 septembre 2005
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: