BGer B 90/2004
 
BGer B 90/2004 vom 27.04.2005
Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
B 90/04
Arrêt du 27 avril 2005
IVe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Geiser, suppléant. Greffière : Mme Berset
Parties
R.________, 1961, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,
contre
Caisse de retraite en faveur du personnel de X.________ S.A., intimée, représentée par Me Pierre Martin-Achard, avocat, rue du Rhône 100, 1204 Genève
Instance précédente
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève
(Jugement du 5 août 2004)
Faits:
A.
A.a
R.________, né le 29 avril 1961, qui est atteint d'une forte myopie depuis l'enfance, a subi divers traitements ophtalmologiques importants depuis l'âge de sept ans et a été régulièrement suivi médicalement pour ses affections oculaires depuis lors. Le 1er septembre 1994, il est entré au service de X.________ SA. A ce titre, il était affilié à la caisse de retraite en faveur du personnel de cette entreprise (ci-après: la caisse de retraite), réassurée auprès de la Rentenanstalt Swiss Life (ci-après: la Rentenanstalt). Le 19 décembre 1994, R.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité, tendant à des mesures d'ordre professionnel et à l'obtention de moyens auxiliaires, au motif que les troubles de la vision dont il était atteint depuis son enfance s'étaient sérieusement aggravés en 1994. Le 19 décembre 1994 également, X.________ SA a résilié ses rapports de travail avec le prénommé pour le 30 décembre suivant.
Le 6 février 1995, R.________ a adressé à la Rentenanstalt un avis d'incapacité de gain en indiquant que celle-ci avait débuté en août 1993 «sans atteinte directe sur la capacité de travail», «aggravation depuis fin septembre 95» (recte: 1994). Dans le rapport qu'il a communiqué à la Rentenanstalt le 27 février 1995, le professeur G.________ de l'Hôpital Y.________, médecin traitant de l'assuré, a relevé que ce dernier avait perdu pratiquement la possibilité de lire, qu'il ne pouvait plus conduire une voiture et qu'il n'y avait aucun espoir pour lui de récupérer de la vision centrale à droite. Au sujet de l'aptitude de son patient à exercer une activité, le médecin prénommé a indiqué: «L'incapacité de travail telle que celle qu'il avait à la Maison X.________ est totale, tout au moins avec la correction optique que supporte son oeil gauche. Il semble cependant qu'avec des moyens auxiliaires optiques et informatiques, tels que ceux qui seront mis à sa disposition par l'assurance-invalidité, cette capacité pourrait se transformer en une excellente capacité de travail qui pourrait même être de 100 %». Sur la base de ces renseignements, la Rentenanstalt a estimé que l'assuré n'avait pas subi d'incapacité de gain (lettre du 13 avril 1995).
A.b Après avoir mis l'intéressé au bénéfice de diverses mesures de réadaptation entre le 28 août 1995 et le 31 octobre 2000, l'office cantonal AI a fixé le degré de son invalidité à 60 % et lui a octroyé une demi-rente de l'assurance-invalidité, avec des rentes complémentaires pour son épouse et ses enfants, à compter du 1er novembre 2000 (décision du 25 avril 2002). La caisse de retraite a, de son côté, refusé d'intervenir en faveur de R.________.
B.
Par jugement du 5 août 2004, le Tribunal administratif du canton de Genève - saisi le 15 mai 2003, soit avant l'instauration le 1er août 2003 du Tribunal cantonal des assurances sociales - a rejeté l'action ouverte par R.________ contre la caisse de retraite tendant à une rente d'invalidité dès le 1er novembre 2000.
C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement le 13 septembre 2004, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au tribunal cantonal pour qu'il ordonne une expertise médicale.
La caisse de retraite et l'office fédéral des assurances sociales proposent le rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et réglementaires, ainsi que les principes jurisprudentiels applicables en matière de droit aux prestations d'invalidité et de survenance du cas d'assurance (art. 23 et ss LPP), de sorte qu'il peut y être renvoyé (consid. 2 et 3).
2.
2.1 Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la LAI (art. 29 LAI) s'appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations d'invalidité. Si une institution de prévoyance reprend - explicitement ou par renvoi - la définition de l'invalidité dans l'assurance-invalidité, elle est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de l'invalidité des organes de l'assurance-invalidité, sauf lorsque cette estimation apparaît d'emblée insoutenable (ATF 126 V 311 consid. 1 in fine). Cette force contraignante vaut non seulement pour la fixation du degré d'invalidité (ATF 115 V 208), mais également pour la détermination du moment à partir duquel la capacité de travail de l'assuré s'est détériorée de manière sensible et durable (ATF 123 V 271 consid. 2a et les références citées).
Cependant, dans un arrêt récent (ATF 129 V 73), le Tribunal fédéral des assurances a précisé que l'office AI est tenu de notifier d'office une décision de rente à toutes les institutions de prévoyance entrant en considération. Lorsqu'il n'est pas intégré à la procédure, l'assureur LPP - qui dispose d'un droit de recours propre dans les procédures régies par la LAI - n'est pas lié par l'évaluation de l'invalidité (principe, taux et début du droit) à laquelle ont procédé les organes de l'assurance-invalidité (cf. sur ces questions Piegai, Nouveautés concernant l'invalidité dans la prévoyance professionnelle, in PJA 2003 no 3 p. 294-302).
2.2 En l'espèce, la caisse de retraite intimée n'a pris pris part à la procédure AI. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont admis que l'institution de prévoyance était liée par les constats de fait et de droit de l'assurance-invalidité.
3.
Cela étant, le juge des assurances sociales doit, quoi qu'il en soit, examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle que soit leur provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Pour apprécier la valeur probante d'un rapport médical, il doit vérifier que les points litigieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prend également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il a été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale sont claires et les conclusions de l'expert sont dûment motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références).
4.
4.1 En l'occurrence, les premiers juges ont rappelé que, pour que la caisse de retraite intimée puisse être tenue à fournir au recourant des prestations pour invalidité, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à une époque où ce dernier lui était affilié, mais encore qu'il existe entre cette incapacité de travail et l'invalidité une étroite connexité à la fois matérielle et temporelle. Ils ont retenu que le droit à la rente de l'assurance-invalidité s'étant ouvert le 1er novembre 2000 alors que l'assuré avait quitté l'employeur en cause à fin 1994, il s'était écoulé près de six années durant lesquelles l'intéressé avait notamment perçu des indemnités de l'assurance-chômage et bénéficié de mesures d'ordre professionnel. Le tribunal cantonal a encore admis que les premières manifestations du handicap du recourant remontent à 1993, qu'une aggravation entre le 1er septembre et le 31 décembre 1994 n'est pas attestée et que l'acuité visuelle de l'intéressé est restée la même entre le mois de janvier 1995 et le mois d'août 2001. La cour cantonale a, par conséquent, nié que la condition de connexité temporelle soit remplie. Elle a, de plus, retenu que les troubles oculaires en question n'avaient pas provoqué d'incapacité de travail pour R.________ durant son engagement chez X.________, de sorte que l'exigence de connexité matérielle n'était pas non plus satisfaite.
4.2 Le recourant reproche aux premiers juges de n'avoir pas élucidé, par une expertise médicale, la question de savoir à quand remonte l'incapacité de travail qui est à l'origine de son invalidité de 60 % reconnue par l'assurance-invalidité.
4.3 Dans son rapport d'expertise du 26 septembre 1997 à l'intention de l'administration de l'AI, le docteur A.________, spécialiste en ophtalmologie, a indiqué: «les modifications de capacité de travail de 25 % au moins sont médicalement justifiées depuis la dégénérescence maculaire myopique de l'oeil droit, dont les premières manifestations remontent à 1993» et d'évaluer l'incapacité de travail causée par cette affection à 50 %, au moment de l'expertise. Ces constatations, qui ne sont pas remises en cause par le recourant et auxquelles il y a lieu de reconnaître pleine force probante, établissent déjà que la survenance d'une incapacité de travail d'une certaine importance, dont la cause est à l'origine de l'invalidité, remonte à une période antérieure à celle pendant laquelle le recourant était assuré auprès de la caisse de retraite intimée.
Cependant, R.________ impute à l'accident de la circulation dont il a été victime le 30 octobre 1994 une aggravation durable des troubles de la vision dont il est affecté. Dans un tel cas, pour que l'institution de prévoyance intimée soit tenue à prestations, il faudrait que cette supposée augmentation de l'incapacité de travail soit le fait d'une atteinte à la santé indépendante de celle qui est à l'origine de la première invalidité partielle. La simple aggravation d'une atteinte préexistante ne suffit pas (ATF 123 V 268 consid. 3b, c).
Or, les pièces du dossier ne contiennent pas suffisamment d'indices pour que l'hypothèse d'une nouvelle atteinte à la santé puisse être envisagée et pour que des mesures d'instruction se justifient sur ce point. En effet, à la suite de l'accident susmentionné, le chef du personnel de X.________ s'est inquiété des chances d'engagement définitif de R.________ auprès du médecin traitant de ce dernier, précisant que l'intéressé était amené professionnellement à utiliser fréquemment des documents écrits et un ordinateur, ajoutant aussi que les trajets devaient se faire en voiture. Dans sa lettre du 15 décembre 1994, le professeur G.________ a répondu qu'en raison de la forte myopie de l'oeil droit il se produisait depuis environ une année des altérations dégénératives localisées au centre de la rétine qui faisaient perdre progressivement à cet oeil sa fonction centrale et son acuité visuelle. Ce spécialiste en ophtalmologie ajoutait: «Dans ces conditions, Monsieur R.________ éprouve des difficultés à lire de petits caractères. Par ailleurs, il ne nous est plus possible de renouveler son autorisation de conduire une voiture automobile légère». Lors de son audition par la cour cantonale, le professeur G.________, qui avait procédé à un examen des deux yeux du recourant le 2 novembre 1994, a déclaré n'avoir pas pu trouver d'explications objectives aux troubles visuels dont se plaignait alors son patient - que lui-même ne mettait pas en doute - et avoir constaté à cette occasion que l'acuité visuelle des deux yeux était identique à celle qui prévalait antérieurement. Ce témoin a encore indiqué qu'en décembre 1994, R.________ était capable de travailler et qu'il n'avait pas rédigé de certificat d'incapacité de travail pour lui entre le 1er septembre 1994 et le 31 janvier 1995. Ainsi, bien plutôt que la cause, l'accident de la circulation en question apparaît comme le révélateur d'une vision qui avait progressivement baissé depuis 1993 au point de priver le prénommé de l'autorisation de conduire un véhicule automobile à l'avenir. Sur la base du dossier, il est donc possible de retenir que la survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité remonte à une période antérieure à l'affiliation du recourant auprès de l'intimée et que celle-ci n'est pas tenue à prestations.
Ainsi, la cause a été suffisamment instruite par la cour cantonale. Partant, l'autorité cantonale de recours était en droit de renoncer à un complément d'instruction sous forme d'une expertise. En effet, le juge ne viole pas le droit d'être entendu des parties découlant de l'art. 29 Cst., s'il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles il doit procéder d'office, que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p. 117, n° 320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119 V 344 consid. 3c et la référence).
4.4 Le dossier médical étant complet, une expertise complémentaire ne se justifie pas. Cela conduit au rejet du recours.
5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par ailleurs, le recourant, qui succombe, ne peut prétendre de dépens (art. 159 al. 1 OJ a contrario).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 27 avril 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: