BGer 6S.324/2003
 
BGer 6S.324/2003 vom 03.11.2003
Tribunale federale
{T 0/2}
6S.324/2003 /ajp
Arrêt du 3 novembre 2003
Cour de cassation pénale
Composition
MM. et Mme les Juges Schneider, Président, Kolly et Romy, Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.
Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Irène Wettstein Martin, avocate, rue du Simplon 18, case postale 33,
1800 Vevey 2,
contre
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.
Objet
Recel (art. 160 CP); expulsion (art. 55 CP),
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, du 29 avril 2003.
Faits:
A.
Par jugement du 5 février 2003, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné X.________, pour recel, à quinze mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, et l'a expulsée du territoire suisse pour une durée de trois ans, sans sursis. Il a par ailleurs condamné un coaccusé, Y.________, pour vol par métier, dommages à la propriété, violation de domicile et infraction à la LSEE, à la peine de cinq ans de réclusion, prononçant en outre son expulsion pour une durée de quinze ans.
Statuant le 17 avril 2003 sur le recours formé par X.________ contre ce jugement, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté.
B.
La condamnation de X.________ repose, en résumé, sur les faits suivants:
B.a Née en 1978 au Kosovo, X.________, qui est l'aînée d'une fratrie de quatre, a été élevée dans son milieu familial. Elle est titulaire d'un diplôme d'infirmière. Au printemps 1999, elle a rencontré Y.________, dont elle a un enfant, né le 6 juin 2002. Elle n'a pas d'antécédents judiciaires.
B.b A la fin de l'année 1999, X.________ a quitté le Kosovo pour venir en Suisse, où elle a déposé une requête d'asile le 6 décembre 1999. Les services sociaux ont rapidement mis à sa disposition un appartement d'une pièce à B.________, dans lequel elle a recueilli Y.________, entré clandestinement en Suisse en décembre 1999.
Entre le 20 décembre 1999 et le 3 février 2001, Y.________ a cambriolé cent nonante-cinq appartements ou villas de la Riviera et du Chablais vaudois, dérobant de l'argent, des bijoux, du matériel électronique, des vêtements et d'autres valeurs négociables. Les enquêteurs ont constaté qu'un téléphone portable, dérobé dans une villa de C.________ le 23 janvier 2001, continuait d'être utilisé après le vol, ce qui les a conduits à X.________, qui en était l'utilisatrice.
B.c Lors d'une visite domiciliaire effectuée le 6 février 2001 dans l'appartement de X.________, les enquêteurs y ont découvert Y.________ ainsi qu'une somme de 80'000 francs en espèces, des bijoux et pièces d'or à raison d'une quinzaine de kilos, du matériel électronique et des vêtements. La cave abritait en outre huit sacs de marchandises emballées, d'un poids excédant 200 kilos. Une large part du butin n'a pas été retrouvée, nonobstant une commission rogatoire au Kosovo, qui est restée sans suite.
C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 160 CP et de l'art. 41 CP en relation avec l'art. 55 CP, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitant l'assistance judiciaire.
Par lettre du 17 octobre 2003, elle a requis l'effet suspensif, faisant valoir que l'exécution de son expulsion est prévue pour le 5 novembre 2003.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 160 CP.
1.1 Elle fait valoir, en substance, qu'elle s'est bornée à tolérer que les marchandises volées soient entreposées dans son appartement, que son comportement a ainsi été purement passif et qu'on ne peut donc lui reprocher un acte de dissimulation, qui implique un comportement actif. De même, le fait de ne pas dénoncer à la police la présence clandestine de son ami constituait un comportement purement passif; de toute manière, il ne saurait être considéré comme un acte de recel, cette infraction ne pouvant porter que sur un objet et non sur une personne.
1.2 Le recel (art. 160 CP) est punissable parce qu'il a pour effet de perpétuer, au préjudice de la victime du premier délit, l'état de chose contraire au droit que cette infraction a créé (ATF 127 IV 79 consid. 2b p. 83 et les arrêts cités). Le comportement délictueux consiste à accomplir l'un des trois actes de recel énumérés limitativement par l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, à savoir l'acquisition, dont la réception en don ou en gage ne sont que des variantes, la dissimulation et l'aide à la négociation d'une chose dont l'auteur sait ou doit présumer qu'un tiers l'a obtenue au moyen d'une infraction contre la patrimoine (ATF 128 IV 23 consid. 3c p. 24 et les références citées). La dissimulation - qui seule entre en considération en l'espèce - consiste à rendre impossible ou plus difficile, au moins temporairement, la découverte de la chose (ATF 90 IV 14 consid. 2 p. 17). Selon une jurisprudence ancienne, il ne suffit pas, pour qu'il y ait dissimulation, que l'auteur adopte un comportement purement passif, qu'il taise simplement l'endroit où la chose se trouve, lorsqu'il n'a pas le devoir de parler (ATF 76 IV 188 consid. 2b p. 190/191). La cour de cassation pénale vaudoise semble avoir statué dans le même sens dans un arrêt du 21 mars 1988, résumé au JT 1989 IV 159, qu'elle évoque dans l'arrêt attaqué (cf. p. 9 al. 2), où, sans trancher la question, elle se demande toutefois si son arrêt du 21 mars 1988 n'avait pas été formulé de manière trop catégorique (cf. arrêt attaqué, p. 9 let. d). Pour les motifs exposés ci-après, la question de savoir si la jurisprudence précitée devrait être réexaminée peut cependant demeurer indécise en l'espèce.
1.3 Selon les faits retenus, la recourante, qui est arrivée en Suisse à la fin 1999, où elle a déposé une demande d'asile le 6 décembre 1999, a obtenu rapidement des services sociaux un appartement, dans lequel elle a accueilli, le même mois, son ami qui était entré clandestinement en Suisse. Dès le 20 décembre 1999 déjà et jusqu'au 3 février 2001, celui-ci a entreposé dans l'appartement, composé d'une seule pièce, et dans la cave, outre une somme de 80.000 francs en espèces, quinze kilos de bijoux, du matériel électronique et des vêtements ainsi que huit sacs de marchandise d'un poids excédant 200 kilos. Il a été retenu - et cela n'est du reste pas contesté - que la recourante connaissait la provenance délictueuse de ce butin, produit de multiples vols commis par son ami.
Dans ces conditions, on ne saurait parler d'un comportement purement passif. S'il n'est certes pas établi qu'elle ait elle-même introduit le butin dans son studio, la recourante a fait plus que de ne pas en révéler l'existence. Elle a positivement mis son studio et sa cave à la disposition de son ami pour qu'il puisse y entreposer le produit de ses vols. Un tel comportement ne peut être assimilé au simple fait de se taire, mais s'analyse comme une contribution active à la dissimulation du produit des vols préalablement consommés. Il a au demeurant clairement eu pour effet de perpétuer, au préjudice des victimes des infractions préalables, l'état de fait contraire au droit que ces infractions avaient créé, entravant la récupération par les ayants droit des choses volées.
Le comportement de la recourante pouvait dès lors être considéré, sans violation du droit fédéral, comme un acte de dissimulation au sens de l'art. 160 CP, dont, au vu des faits retenus, il n'est à juste titre pas contesté que les autres conditions sont réalisées. Le grief de violation de cette disposition doit par conséquent être rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les critiques que la recourante formule contre la motivation subsidiaire de la cour cantonale, dont il faut au reste rappeler que seul l'arrêt peut faire l'objet du pourvoi.
2.
Invoquant une violation de l'art. 41 CP en relation avec l'art. 55 CP, la recourante conteste le refus du sursis à l'expulsion. En bref et pour l'essentiel, elle reproche à la cour cantonale de n'avoir pas procédé à une appréciation d'ensemble de tous les éléments à prendre en considération, en particulier de n'avoir pas tenu compte de ceux qui avaient conduit à assortir du sursis la peine privative de liberté, notamment de son absence d'antécédents judiciaires et du fait qu'elle est une mère attentive et compétente.
2.1 Avec raison, la recourante ne prétend pas que l'octroi du sursis à l'exécution de la peine privative de liberté ferait, en soi, obstacle au refus d'assortir l'expulsion de cette mesure (ATF 114 IV 95 consid. b p. 96 s.; 104 IV 222 consid. 2b p. 225). La seule question est donc de savoir si le refus du sursis à l'expulsion prononcé à son encontre viole le droit fédéral.
2.2 L'octroi ou le refus de sursis à l'expulsion dépend exclusivement du pronostic relatif au comportement futur du condamné en Suisse; les chances de resocialisation ne jouent ici pas de rôle. Pour poser ce pronostic, le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents; outre les circonstances de l'acte, doivent être pris en compte les antécédents et la réputation de l'intéressé ainsi que tous les éléments qui permettent de tirer des conclusions pertinentes quant à son caractère et à son comportement futur; il n'est pas admissible d'accorder une importance prépondérante à certains des éléments à prendre en considération et d'en négliger d'autres, voire de ne pas en tenir compte (ATF 123 IV 107 consid. 4a p. 111 et les arrêts cités). Pour le surplus, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que sa décision ne sera annulée que si elle apparaît exagérément sévère ou clémente au point que l'on puisse lui reprocher d'en avoir abusé (ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198; 117 IV 3 consid. 2b p. 5 et la jurisprudence citée).
2.3 L'arrêt attaqué constate expressément que la recourante n'a pas d'antécédents judiciaires et le rappelle au stade de l'examen de la question du sursis à l'expulsion; il en tient donc dûment compte. Il ne s'écarte au demeurant pas de la constatation des premiers juges, selon laquelle la recourante est une mère attentive et compétente; la cour cantonale a au contraire expressément précisé qu'elle faisait sien dans son intégralité l'état de fait retenu par les premiers juges. Au reste, contrairement à ce que prétend la recourante, l'arrêt attaqué n'insiste nulle part sur son absence de repentir et, s'il relève qu'elle ne s'oppose d'ailleurs pas à son retour dans son pays, c'est à l'appui de la constatation que, vu l'évolution de la situation au Kosovo, le statut de requérante d'asile de la recourante ne fait pas obstacle à ce qu'elle y retourne. Les critiques de la recourante sont donc dépourvues de fondement.
2.4 Des faits retenus, il résulte que la recourante était titulaire d'un permis N. Au bénéfice d'un diplôme d'infirmière, elle envisageait de prendre un emploi, mais pas dans l'immédiat. Elle n'est aucunement intégrée en Suisse, où elle n'a eu d'autre attache que son ami, soit l'auteur des infractions dont elle a recelé le produit. Elle perçoit le canton où elle a été accueillie comme un organisme financier destiné à financer gratuitement son plan d'épargne-logement et n'a manifesté aucune prise de conscience. Compte tenu de l'évolution de la situation au Kosovo, son statut de requérante d'asile ne fait pas obstacle à son retour dans ce pays, auquel elle ne s'oppose d'ailleurs pas.
Au vu des faits ainsi retenus et sur la base d'une appréciation d'ensemble des éléments pertinents à prendre en considération, la possibilité d'un pronostic favorable en ce qui concerne l'expulsion pouvait être niée sans violation du droit fédéral. Il n'y avait en tout cas aucun abus du pouvoir d'appréciation à considérer qu'un tel pronostic ne pouvait être émis. Force est de constater que la recourante n'est nullement intégrée en Suisse, où elle n'a pas d'emploi et n'a créé aucun lien, si ce n'est avec son ami, qui a été condamné à une lourde peine. A peine accueillie dans le pays, elle a commencé à y développer une activité délictueuse, à laquelle seule la présente procédure a mis un terme. A cela s'ajoute l'absence de toute prise de conscience. On est dès lors sérieusement fondé à penser qu'elle ne trouvera pas en Suisse des conditions et un cadre qui la préserveraient d'une rechute dans la délinquance, qu'un retour dans son pays apparaît au contraire mieux à même d'empêcher. Que la recourante n'ait pas d'antécédents judiciaires et soit une bonne mère ne suffit pas à contrebalancer cette appréciation. Dès lors, même si un pronostic favorable pouvait être émis en ce qui concerne la peine privative de liberté, il pouvait être admis sans abus du pouvoir d'appréciation que le pronostic était défavorable dans le domaine particulier de la peine accessoire. Le refus du sursis à l'expulsion ne viole donc pas le droit fédéral.
3.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté. Comme il était d'emblée voué à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 152 al. 1 OJ) et la recourante, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 3 novembre 2003
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: