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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6S.263/2003 /pai
Arrêt du 10 octobre 2003
Cour de cassation pénale
Composition
MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Bendani.
Parties
A. X.________,
B. X.________,
recourants,
tous les deux représentés par Me Minh Son Nguyen, avocat, case postale, 1800 Vevey 1,
contre
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.
Objet
Escroquerie,
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, du 13 novembre 2002.
Faits:
A.
Entre la fin 1998 et le début 1999, B. X.________ a réussi à convaincre Z.________, employé au casino de C.________, de lui transmettre le pourcentage de redistribution des gains des machines "Swiss Poker", en lui expliquant la manière de faire et en lui proposant 20% des gains qu'il obtiendrait grâce à ces informations. Jusqu'à fin août 1999, agissant d'abord toutes les une ou deux semaines, puis plusieurs fois par semaine, Z.________ a accédé, sans droit, au moyen d'une clé, au menu correspondant aux données des gains totaux (totalwins) et des crédits joués (turnover) sur les machines à sous de la salle Golden Games du casino. Il a relevé ces données, puis calculé à une décimale près le taux de redistribution des machines en divisant les gains totaux par les crédits joués. Il a transmis ces renseignements à B. X.________, entre fin 1998 et avril 1999, puis à A. X.________, beau-frère du premier, qui l'a remplacé pour les contacts et la remise de l'argent dès février ou avril 1999.
En connaissant le taux de redistribution des machines à sous, les chances de gains sont considérablement augmentées. En effet, le fonctionnement de tous ces appareils doit garantir un taux de redistribution légal, à l'époque, de 80%, contrôlé par l'autorité de surveillance compétente. Pour rendre la fréquentation de l'établissement plus attractive, le casino de C.________ a encore amélioré ce taux de redistribution en l'élevant à environ 90%. La périodicité assurant le respect de ce taux est de l'ordre d'un mois, correspondant à la fréquence des contrôles de l'autorité de surveillance. Le joueur, au bénéfice des informations décrites ci-dessus, ne peut pas escompter avec certitude des gains à court terme, le reversement du taux de redistribution pouvant s'effectuer dans un laps de temps allant jusqu'à une dizaine de jours.
A. X.________ et B. X.________, qui venaient jouer le lendemain sur les machines relevées la nuit par Z.________, ont pu, grâce aux informations obtenues, améliorer leurs chances de succès et réaliser des gains équivalents à environ 45'000 francs. Au début, les relevés n'étaient effectués que sur quelques machines, puis sont devenus systématiques sur l'ensemble des appareils. Les informations et l'argent s'échangeaient à l'abri des regards et des caméras de surveillance du casino.
B.
Par jugement du 7 août 2002, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné A. X.________ et B. X.________, pour escroquerie, à la peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.
C.
Par arrêt du 13 novembre 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté les recours de A. X.________ et de B. X.________ ainsi que le recours joint du Ministère public.
D.
Invoquant une violation du droit à la preuve et de l'art. 146 CP, A. X.________ et B. X.________ se pourvoient en nullité contre l'arrêt précité dont ils demandent l'annulation.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le pourvoi en nullité ne peut être formé que pour violation du droit fédéral à l'exclusion de la violation de droits constitutionnels (art. 269 PPF). Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il ne peut être présenté de griefs contre celles-ci, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 s.).
2.
Dans la mesure où les recourants invoquent une violation du droit à la preuve et contestent le rejet de l'expertise relative au fonctionnement des machines à sous par la cour cantonale, leur critique est irrecevable dans un pourvoi en nullité (cf. supra, consid. 1).
3.
Les recourants contestent la réalisation de l'escroquerie.
3.1 Ils nient l'existence d'une tromperie.
3.1.1 La tromperie que suppose l'escroquerie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur. Pour qu'il y ait tromperie par affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté; l'affirmation peut résulter de n'importe quel acte concluant; il n'est donc pas nécessaire que l'auteur ait fait une déclaration; il suffit qu'il ait adopté un comportement dont on déduit qu'il affirme un fait. La tromperie par dissimulation de faits vrais est réalisée lorsque l'auteur s'emploie, par ses propos ou par ses actes, à cacher la réalité; s'il se borne à se taire, à ne pas révéler un fait, une tromperie ne peut lui être reprochée que s'il se trouvait dans une position de garant, à savoir s'il avait, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation de parler. Quant au troisième comportement prévu par la loi, consistant à conforter la victime dans son erreur, il ne suffit pas que l'auteur, en restant purement passif, bénéficie de l'erreur d'autrui; il faut que, par un comportement actif, c'est-à-dire par ses paroles ou par ses actes, il ait confirmé la dupe dans son erreur; cette hypothèse se distingue des deux précédentes en ce sens que l'erreur est préexistante (cf. ATF 128 IV 255 consid. non publié 2b/aa; cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, volume I, Berne 2002, p. 300 ss et les références citées).
3.1.2 En l'espèce, la tromperie a consisté à accéder, avec l'aide d'un employé du casino, à des informations relatives au taux de redistribution des machines à sous, ce qui permettait aux recourants d'augmenter considérablement leurs chances de gain par rapport aux autres joueurs. Selon l'arrêt attaqué, ces informations se sont échangées à l'abri des regards et des caméras de surveillance du casino, soit dans les toilettes de l'établissement ou dans l'un des véhicules des recourants. Il ressort encore des constatations cantonales que ces derniers jouaient le plus souvent en groupe une journée entière mettant leurs ressources financières en commun et patientant jusqu'au paiement des machines. Ainsi, en prenant le soin de cacher le fait qu'ils connaissaient le taux de redistribution des machines et qu'ils faussaient l'égalité des chances entre joueurs, puis en monopolisant les appareils jusqu'à l'obtention des gains, les recourants, contrairement à leurs allégations, n'ont pas seulement gardé le silence, mais se sont employés, par leurs actes, à cacher la réalité. Dans cette mesure, on ne se trouve pas en présence d'une dissimulation de faits vrais commise par pure omission, mais aussi par commission. La tromperie est dès lors bien réalisée.
3.2 Les recourants soutiennent qu'il n'y a pas eu d'astuce.
3.2.1 L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène. Il y a cependant également astuce, en l'absence de tels actes, lorsque l'auteur donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 122 II 422 consid. 3a p. 426 s.; 122 IV 246 consid. 3a p. 247 s. et les références citées). Il y a également astuce si, en fonction des circonstances, une vérification ne peut être exigée de la dupe (ATF 126 IV 165 consid. 2a p. 171 s.; 122 II 422 consid. 3a p. 427; 122 IV 246 consid. 3a p. 248). Cette hypothèse vise en particulier des opérations courantes, de faible valeur, pour lesquelles une vérification entraînerait des frais ou une perte de temps disproportionnés ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, volume I, Berne 2002, p. 305, n. 20).
3.2.2 Selon l'arrêt attaqué, les recourants ont convaincu un employé du casino de leur transmettre le pourcentage de redistribution des gains des machines en lui expliquant comment faire et en lui proposant 20% des produits réalisés; après réception de ces informations, ils ont monopolisé les machines à sous et ont ainsi réalisé des gains importants. Au vu de ces constatations, les recourants ont recouru à des manoeuvres frauduleuses, puisqu'ils ont fait intervenir, à l'appui de leur tromperie, un tiers participant en corrompant un employé du casino, qu'ils ont pris connaissance du taux de redistribution des machines à sous, alors qu'il est ignoré de tout joueur, et qu'ils ont enfin monopolisé les machines jusqu'à l'obtention des gains. En outre, les autres joueurs de l'établissement ne pouvaient douter qu'ils étaient défavorisés et qu'ils ne concourraient plus à égalité de chances. Ils ne disposaient d'aucun moyen pour vérifier si les règles de jeux et de redistribution des mises s'appliquaient normalement. Dans ces conditions, l'astuce est bien réalisée et le grief des recourants doit être rejeté.
3.3 Les recourants soutiennent qu'il n'y a pas eu d'actes préjudiciables aux intérêts pécuniaires d'autrui et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la tromperie et l'acte d'appauvrissement.
3.3.1 L'escroquerie implique que l'erreur ait déterminé la dupe à disposer de son patrimoine. Il faut ainsi un acte de disposition effectué par la dupe et un lien de motivation entre cet acte et l'erreur. L'acte de disposition est constitué par tout acte ou omission qui entraîne directement un préjudice au patrimoine. L'exigence d'une telle immédiateté résulte de la définition même de l'escroquerie, qui implique notamment que le dommage soit causé par un acte de disposition du lésé lui-même. Le préjudice est occasionné directement lorsqu'il est provoqué exclusivement par le comportement de la dupe, sans qu'une intervention supplémentaire de l'auteur ne soit nécessaire. En ce sens, il n'y a pas d'acte de disposition entraînant directement un préjudice lorsque le dommage n'est réalisé qu'en vertu d'un acte subséquent, effectué par l'auteur de son propre chef. En particulier, on ne se trouve pas en présence d'une escroquerie lorsque la dupe ne fait qu'ouvrir à l'auteur la possibilité de lui causer un dommage par un acte postérieur: il s'agit alors uniquement d'une certaine mise en danger du patrimoine, qui ne suffit en principe pas à constituer un dommage (ATF 128 IV 255 consid. 2e/aa p. 256 s. et les références citées).
Le dommage est une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif, mais aussi d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 122 IV 279 consid. 2a p. 281; 121 IV 104 consid. 2c p. 107; 120 IV 122 consid. 6b/bb p. 135). Il n'est pas nécessaire que le dommage corresponde à l'enrichissement de l'auteur, ni qu'il soit chiffré; il suffit qu'il soit certain (cf. ATF 123 IV 17 consid. 3d p. 22; 122 IV 279 consid. 2a; 121 IV 104 consid. 2c p. 107). Il n'existe que lorsque la personne trompée astucieusement a un droit protégé par le droit civil à la compensation du dommage subi (ATF 126 IV 165 consid. 3b p. 174; 117 IV 139 consid. 3d/aa aa p. 148).
3.3.2 Dans la mesure où les recourants contestent avoir monopolisé les machines à sous et privé les autres joueurs de leurs chances de gains, ils critiquent les constatations de fait cantonales, ce qu'ils sont irrecevables à faire dans un pourvoi (cf. supra, consid.1).
3.3.3 Les recourants nient l'existence d'un dommage au motif qu'aucun contrat de jeu n'a été conclu avec les autres joueurs du casino qui ne disposent dès lors pas d'une créance protégée juridiquement au sens de l'art. 514 al. 2 CO.
En l'espèce, les autres joueurs du casino peuvent fonder leurs prétentions civiles sur l'art. 41 CO. En effet, la tromperie astucieuse des recourants constitue un acte illicite au sens de la disposition précitée qui, lorsqu'il cause un dommage, doit être réparé par ceux qui le cause (cf. ATF 117 IV 139 consid. 3d/dd p. 149 s.). Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'examiner si les recourants et les autres joueurs étaient liés par un contrat de jeu au sens de l'art. 513 CO et si ces derniers pourraient également se prévaloir de l'art. 514 al. 2 CO. En revanche, il est clair qu'ils ne sauraient fonder leurs prétentions civiles sur la base du nouvel art. 515a CO qui précise que les jeux de hasard dans les maisons de jeux donnent un droit de créance dans la mesure où ils se sont déroulés dans une maison de jeux autorisée par l'autorité compétente, puisque cette disposition est entrée en vigueur le 1er avril 2000, soit postérieurement aux faits de la présente cause. Infondé, le grief des recourants doit être rejeté.
3.3.4 En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que le fonctionnement de toutes les machines du casino doit garantir un taux de redistribution légal, à l'époque de 80%, contrôlé par l'autorité de surveillance compétente. Pour rendre la fréquentation de l'établissement plus attractive, le casino de C.________ a encore amélioré ce taux en l'élevant à environ 90%. La périodicité assurant le respect de ce taux est de l'ordre d'un mois, correspondant à la fréquence des contrôles de l'autorité de surveillance. Selon les constatations cantonales, les recourants, par l'exploitation des taux de redistribution, ont augmenté leurs chances de réussite et ont de ce fait réalisé des gains équivalents à environ 45'000 francs. En contrepartie, les chances de gain des autres joueurs ont diminué. Ces derniers ont ainsi pris, sans le savoir, un risque patrimonial supérieur au risque normal inhérent à tout jeu de hasard et il est évident qu'ils auraient refusé de créditer les machines à sous s'ils avaient eu connaissance des manoeuvres frauduleuses des recourants et de l'inégalité des chances en découlant. Dans ces conditions, soit en jouant - et donc en s'appauvrissant - tout en ignorant que leurs chances de gain étaient diminuées, les autres joueurs ont bien commis des actes préjudiciables à leurs intérêts pécuniaires en lien de motivation avec leur erreur. Ils ont aussi subi un dommage vu le mode de fonctionnement des machines à sous et les gains considérables réalisés par les recourants grâce à la connaissance des taux de redistribution et la monopolisation des machines.
3.4 En conclusion, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que les recourants s'étaient rendus coupables d'escroquerie.
4.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais sont mis solidairement à la charge des recourants qui succombent (art. 278 al. 1 PPF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 10 octobre 2003
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: