BGer 6S.238/2003
 
BGer 6S.238/2003 vom 12.08.2003
Tribunale federale
{T 0/2}
6S.238/2003 /rod
Arrêt du 12 août 2003
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Angéloz.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Pierre Mauron, avocat,
rue de Vevey 26, 1630 Bulle,
contre
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg.
Objet
Opposition aux actes de l'autorité; expulsion,
pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 29 avril 2003.
Faits:
A.
Le 3 novembre 2001, vers 17 heures 40, X.________ circulait sur l'autoroute A12, de Berne en direction de Fribourg, au volant d'une voiture VW Corrado, dans laquelle avaient également pris place A.________ et B.________. A la hauteur de Guin, la voiture a été prise en charge par une voiture banalisée de la gendarmerie qui surveillait le trafic. Au terme d'une poursuite de plus de 2 km, à une vitesse moyenne de 188 km/h, marge de sécurité de 6 % déduite, les gendarmes ont enclenché le feu bleu afin d'intercepter le véhicule. La voiture a alors commencé à zigzaguer entre les véhicules, avant de s'enfiler soudainement sur la voie de droite pour quitter l'autoroute à la sortie de Fribourg-Nord, afin d'échapper à un contrôle. Lors de ces manoeuvres, les gendarmes ont remarqué que le passager avant avait jeté des sachets par la fenêtre. Environ 200 m plus loin, la voiture s'est arrêtée et les gendarmes ont pu intercepter ses occupants.
Des recherches effectuées sur l'autoroute A12 ont permis de retrouver plusieurs sachets contenant, au total, environ 174 g d'héroïne, conditionnée en minigrips. Les gendarmes ont en outre trouvé 5 g d'héroïne et une somme de 2190 francs sur la personne de A.________ ainsi qu'une somme de 450 francs sur la personne de X.________. Une visite domiciliaire a encore permis de découvrir, dans la cave de X.________, une somme d'argent et divers objets, dont un bâton électrique, ainsi que des sacs en plastique contenant six kilos de poudre brune, qui s'est avérée être un mélange de produits servant à couper la drogue.
B.
Par arrêt du 29 avril 2003, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois, statuant sur appel de X.________ d'un jugement de condamnation rendu à son encontre le 23 juillet 2002 par le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine, l'a partiellement admis et a modifié le jugement qui lui était déféré en ce sens que la durée de l'expulsion a été ramenée de 10 à 5 ans, le rejetant pour le surplus. Elle a dès lors condamné X.________, pour violation grave des règles de la circulation (art. 27 et 90 ch. 2 LCR), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 CP), infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et complicité de cette infraction (art. 19 ch. 1 et 2 LStup et art. 25 CP en relation avec ces dispositions) et infraction à la loi fédérale sur les armes (art. 33 al. 1 LArm), à la peine de 24 mois d'emprisonnement, ordonnant en outre son expulsion pour une durée de 5 ans, sans sursis.
La cour cantonale a notamment écarté les griefs par lesquels l'appelant contestait sa condamnation pour opposition aux actes de l'autorité, retenue à son encontre du fait qu'il avait entravé le contrôle de police, et le refus du sursis à l'expulsion, justifié par l'impossibilité de poser un pronostic favorable quant à son comportement futur.
C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 286 CP et de l'art. 41 CP en relation avec l'art. 55 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitant l'assistance judiciaire.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269 PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de ce droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67; 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts cités).
2.
Le recourant conteste sa condamnation pour opposition aux actes de l'autorité, soutenant qu'il n'est pas établi que son comportement aurait empêché ou rendu plus difficile l'intervention des gendarmes.
2.1 La jurisprudence relative à cette infraction a été exposée dans l'ATF 120 IV 136 consid. 2a p. 139 s. et rappelée dans les ATF 124 IV 127 consid. 3a p. 129 s. et 127 IV 115 consid. 2 p. 117 s., auxquels on peut donc se référer.
2.2 Il est établi en fait que le recourant, qui était conscient de la vitesse excessive à laquelle il roulait, a vu le feu bleu de la voiture banalisée de la police au moment où les gendarmes l'ont enclenché et qu'il a alors entrepris de zigzaguer entre les véhicules, avant de couper soudainement la voie de droite pour emprunter une sortie d'autoroute, s'arrêtant finalement quelque 200 m plus loin. Il résulte par ailleurs des faits retenus que ces manoeuvres ont permis au recourant et à l'un de ses passagers de se débarrasser de la drogue qu'ils transportaient, dont une grande partie, soit quelque 174 g d'héroïne, a ainsi pu être jetée par la fenêtre de la voiture avant qu'elle ne soit interceptée par la police. Il a au demeurant été constaté que le recourant a agi de la sorte en vue d'échapper au contrôle de police ou de permettre à ses comparses d'y échapper.
2.3 Au vu des faits ainsi retenus et de la jurisprudence susrappelée, l'arrêt attaqué ne viole en rien le droit fédéral en tant qu'il admet la réalisation de l'infraction en cause. Non seulement le recourant, lorsqu'il a vu le feu bleu de la police, n'a pas réduit sa vitesse et entrepris de s'arrêter, mais a poursuivi sa route, plus est en zigzaguant entre les véhicules, puis en coupant soudainement la voie de droite, mettant ainsi en danger les autres usagers. Ce comportement visait manifestement à éviter le contrôle de police ou du moins à le retarder de manière à pouvoir se débarrasser préalablement de la drogue transportée. Que le recourant, après avoir quitté l'autoroute, se soit finalement arrêté, environ 200 m plus loin, ne l'infirme pas et peut du reste s'expliquer du fait que la quasi totalité de la drogue avait dans l'intervalle pu être évacuée. Le recourant a ainsi, activement et clairement entravé l'intervention de la police, s'efforçant d'empêcher le contrôle auquel elle voulait procéder ou, à tout le moins, de le différer.
Pour le contester, le recourant tente vainement de se prévaloir de la vitesse élevée à laquelle il circulait, dès lors qu'il n'est nullement établi qu'il aurait entrepris de la réduire lorsqu'il a vu le feu bleu de police. Au demeurant, l'assertion selon laquelle le contrôle de police n'aurait été entravé qu'en raison du temps que, compte tenu de sa vitesse, il aurait fallu au recourant pour s'immobiliser est en contradiction manifeste avec les constatations de fait cantonales relatives au comportement adopté par le recourant et, partant, irrecevable dans un pourvoi en nullité (cf. supra, consid. 1).
Le grief ne peut dès lors qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Le recourant se plaint du refus du sursis à l'expulsion. Il fait valoir que ni ses antécédents judiciaires, qui ne concernent que des infractions aux règles de la circulation, ni le fait qu'il n'a pas travaillé durant une certaine période, sans que les raisons en aient été indiquées, ne permettent d'émettre un pronostic défavorable quant à son comportement futur en Suisse.
3.1 Le sursis à l'expulsion dépend exclusivement du pronostic relatif au comportement futur du condamné en Suisse. Pour poser ce pronostic, le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents; outre les circonstances de l'acte, doivent être pris en compte les antécédents et la réputation de l'intéressé ainsi que tous les éléments qui permettent de tirer des conclusions pertinentes quant à son caractère et à son comportement futur (ATF 123 IV 107 consid. 4a p. 111 et les arrêts cités). Pour le surplus, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que sa décision ne sera annulée que si elle apparaît exagérément sévère ou clémente au point qu'on puisse lui reprocher d'en avoir abusé (ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198; 117 IV 3 consid. 2b p. 5 et la jurisprudence citée).
3.2 Le recourant laisse entendre que, dès lors qu'ils ne concernent que des infractions aux règles de la circulation, ses antécédents judiciaires ne permettent pas de conclure qu'il existe un risque qu'il commette à nouveau des infractions à la LStup, à la commission desquelles serait directement liée son expulsion.
Il doit préalablement être rappelé que, dans la présente affaire, le recourant n'a pas été condamné uniquement pour des infractions à la LStup, mais pour d'autres encore, en particulier pour infraction grave aux règles de la circulation et opposition aux actes de l'autorité commise en relation avec cette infraction. Au demeurant, auparavant, il avait été condamné à trois reprises, en février 1997, août 1997 et octobre 1999, chaque fois pour des infractions graves aux règles de la circulation, ce qui ne l'a pas détourné d'enfreindre à nouveau la loi, en commettant non seulement des infractions similaires mais d'autres plus graves. Ce comportement dénote une certaine propension à la délinquance et démontre le peu de cas que fait le recourant de la sécurité et de la vie d'autrui ainsi que l'absence d'effet dissuasif des sanctions déjà infligées. C'est dès lors à juste titre qu'il a été pris en compte dans un sens défavorable dans l'appréciation à laquelle doit procéder le juge pour poser le pronostic qu'implique l'art. 41 CP.
3.3 Contrairement à ce que prétend le recourant, la cour cantonale a indiqué ce qui la conduisait à retenir que, bien qu'il réside en Suisse depuis 1991, il n'a pas occupé de place de travail stable; elle a en effet précisé que, depuis 1997-1998, soit durant une période relativement longue, le recourant a été au chômage, sous réserve de quelques travaux temporaires. Il en découle que le recourant, même si cela ne peut lui être reproché, n'a effectivement pas de situation professionnelle stable en Suisse, comme l'admet l'arrêt attaqué.
Il résulte par ailleurs des faits retenus que le recourant est marié à une compatriote, qu'il a connue et épousée dans son pays, soit au Kosovo. Arrivée en Suisse en septembre 2001, donc deux mois seulement avant l'incarcération du recourant, celle-ci est au bénéfice d'un permis B et travaille de temps en temps comme couturière; ne parlant pas français, elle a des problèmes de communication; elle souffre en outre d'un cancer. Le couple a deux enfants et, comme l'a indiqué le recourant, entend retourner vivre au Kosovo, où habite la plus grande partie de sa famille et où il a d'ailleurs entrepris de rénover une maison.
Compte tenu de ce qui précède, et c'est ce qu'a clairement voulu relever la cour cantonale, force est de constater que le recourant, outre qu'il n'a pas de situation professionnelle stable dans le pays, n'a guère d'attaches avec la Suisse, où, quand bien même il y réside depuis une douzaine d'années, il n'a pas réellement créé de liens, qu'il n'invoque d'ailleurs pas. Dans ces conditions, on est fondé à penser que le recourant n'a pas trouvé en Suisse un cadre et des circonstances qui soient propres à le détourner de la délinquance.
3.4 Pour statuer sur le sursis à l'expulsion, les juges cantonaux, qui se sont fondés sur des critères pertinents, ont procédé à une appréciation d'ensemble des éléments à prendre en considération, conformément à la jurisprudence, et on ne saurait dire que, dans le cadre de cet examen, ils auraient abusé de leur pouvoir d'appréciation en considérant qu'un pronostic favorable ne pouvait être émis quant au comportement futur du recourant en Suisse au cas où il devrait rester dans le pays.
Le refus du sursis à l'expulsion ne viole donc pas le droit fédéral.
4.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était d'emblée voué à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Fribourg et à la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
Lausanne, le 12 août 2003
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: