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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6S.100/2003 /pai
Arrêt du 4 juillet 2003
Cour de cassation pénale
Composition
MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Pont Veuthey, Juge suppléante,
Greffière: Mme Angéloz.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Philippe Rossy, avocat,
rue de Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne,
contre
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.
Objet
Violation grave des règles de la circulation,
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, du 9 septembre 2002.
Faits:
A.
Par jugement du 14 mars 2002, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a condamné X.________, né en 1944, pour violation simple et grave des règles de la circulation, à une amende de 3000 francs, avec délai de radiation d'un an. Il a par ailleurs condamné un coaccusé, A.________, également pour violation simple et grave des règles de la circulation, à une amende de 4000 francs, avec même délai de radiation.
B.
Ce jugement retient, en résumé, ce qui suit.
B.a Le mardi 11 avril 2000, vers 22 heures 40, un accident de la circulation s'est produit sur la chaussée Jura de l'autoroute A1, sur le tronçon situé entre Morges-Ouest et Allaman.
Alors qu'elle circulait en direction de Genève sur la voie de droite, à une vitesse d'environ 110 km/h, le témoin B.________ a été dépassée par deux voitures circulant à vive allure, soit, en première position, une Opel Corsa, conduite par X.________, et, en seconde position, une Rover 420 CI, pilotée par A.________. Une fois le dépassement effectué, les deux voitures ont repris la voie de droite, dans le même ordre, contraignant le témoin B.________ à ralentir. Peu après, à environ une centaine de mètres devant la voiture du témoin, le conducteur de la Rover a entrepris de dépasser l'Opel Corsa. Lors de cette manoeuvre, la Rover s'est déplacée sur la droite. Un premier choc s'est produit, lors duquel l'avant droit de la Rover a heurté l'arrière gauche de l'Opel Corsa. Un second choc, latéral, a suivi, lequel s'est très vraisemblablement produit à droite, et non à gauche, de la ligne médiane de l'autoroute.
Nonobstant ces heurts, X.________ est parvenu à reprendre la maîtrise de son Opel Corsa. En revanche, A.________, dont la Rover était partie en dérapage vers la gauche, a heurté avec l'avant de son véhicule la glissière centrale de sécurité. La Rover s'est alors retournée sur le toit et a traversé la chaussée en glissant pour terminer son embardée dans l'herbe, toujours sur le toit, contre la bordure métallique de l'autoroute.
Il n'a pas été constaté que X.________ aurait été blessé. A.________ a en revanche souffert de coupures à la tête et de douleurs à la colonne cervicale, sans que des séquelles aient été signalées.
B.b Sur la base d'une appréciation des preuves, notamment des déclarations jugées très crédibles du témoin B.________, il a été retenu qu'A.________ et X.________ circulaient, au moment des faits, à une vitesse de l'ordre de 140 km/h et vraisemblablement de manière concurrentielle, "en duel", le premier talonnant le second, qui, en réaction, avait "fortement ralenti". Le premier choc s'était produit au début du dépassement de l'Opel Corsa par la Rover, du fait que X.________, selon la version qui lui était la plus favorable, avait ralenti inopportunément pour donner une leçon à l'autre conducteur. Quant au second choc, latéral, il s'était produit au cours du dépassement, très vraisemblablement à droite de la ligne médiane, ensuite des pertes de maîtrise dues au premier choc.
Il a été relevé que le comportement des deux conducteurs aurait pu avoir des conséquences dramatiques, dès lors qu'ils étaient suivis par une file de voitures, qui auraient pu rester immobilisées sur la chaussée de nuit.
B.c Pour avoir dépassé la vitesse maximale autorisée, de 120 km/h, sur le tronçon litigieux, les accusés ont été reconnus coupables de violation simple des règles de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 1 LCR. Tous deux ont en outre été reconnus coupables de violation grave des règles de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR, A.________ pour avoir, compte tenu des vitesses adoptées, suivi de trop près la voiture de X.________ et ce dernier pour avoir ralenti de manière inopportune alors qu'il était suivi de près par la Rover, en violation de l'art. 34 al. 4 LCR.
Compte tenu de l'absence d'antécédents des accusés, le tribunal leur a infligé une amende, celle prononcée à l'encontre d'A.________ étant plus élevée, eu égard à sa faute plus importante.
C.
Contre ce jugement, X.________ et A.________ ont recouru en nullité et en réforme auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, qui, par arrêt du 9 septembre 2002, a partiellement admis les recours. Examinant d'office la question, elle a constaté que l'infraction de violation simple des règles de la circulation était atteinte par la prescription absolue et a dès lors réformé le jugement attaqué en ce sens qu'elle a libéré les accusés de cette infraction. Pour le surplus et considérant notamment que l'abandon du chef d'accusation de violation simple des règles de la circulation ne justifiait pas une réduction du montant des amendes infligées, elle a écarté les recours et confirmé le jugement qui lui était déféré.
D.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 34 al. 4 LCR, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recourant conteste que l'art. 34 al. 4 LCR soit applicable à son comportement. Il fait valoir que le ralentissement qui lui est reproché peut tomber sous le coup de l'art. 37 al. 1 LCR, mais non de l'art. 34 al. 4 LCR retenu à sa charge, quand bien même la violation de la première comme de la seconde de ces dispositions peut être constitutive d'une violation grave des règles de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR.
1.1 S'agissant du ralentissement litigieux, le jugement de première instance condamnait le recourant pour violation grave des règles de la circulation, en application de l'art. 90 ch. 2 LCR, précisant dans sa motivation que l'infraction ainsi retenue sanctionnait le fait par le recourant d'avoir ralenti de manière inopportune, alors qu'il était suivi de près par la Rover, cela en violation de l'art. 34 al. 4 LCR.
Statuant sur le grief pris d'une violation de cette dernière disposition, la cour cantonale a relevé que le comportement reproché au recourant "n'apparaît pas tant sanctionné par l'art. 34 al. 4 LCR que par l'art. 37 al. 1 LCR". Elle a observé que cette dernière disposition réprimait le fait de créer une situation obligeant un autre conducteur à freiner brusquement, ce qui constituait une faute, surtout lorsque, comme dans le cas particulier, un tel comportement provoque un accident. Elle a ajouté qu'il en allait de même d'un ralentissement brusque visant à donner une leçon à un autre conducteur ou à le contraindre à s'arrêter par chicane ou par représailles. De tels faits étaient constitutifs d'une faute grave au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR. Dès lors, même si, dans le cas d'espèce, on retenait une violation de l'art. 37 LCR, et non de l'art. 34 LCR, le comportement du recourant constituerait une violation grave des règles de la circulation.
1.2 Autant que la cour cantonale semble ainsi avoir considéré qu'il importe peu que la violation d'une règle de la circulation ait été retenue à tort si l'on peut de toute façon reprocher au conducteur la violation d'une autre règle de la circulation, tombant également sous le coup de l'art. 90 ch. 2 LCR, elle ne peut être suivie. L'accusé a non seulement un intérêt juridique à la correcte application des dispositions qui sanctionnent son comportement, mais aussi à une qualification juridique correcte de ce comportement, donc à obtenir que non seulement la sanction prononcée mais le verdict de culpabilité soit conforme à la loi.
Reste à examiner si, comme le prétend le recourant, c'est à tort qu'une violation de l'art. 34 al. 4 LCR a été retenue à son encontre.
1.3 L'art. 34 al. 4 LCR dispose que "le conducteur observera une distance suffisante envers tous les usagers, notamment pour croiser, dépasser et circuler de front ou lorsque des véhicules se suivent". Dans la circulation à la file, cette disposition s'adresse au premier chef au conducteur qui suit un autre véhicule, auquel elle impose de maintenir une distance suffisante avec le véhicule qui est devant lui, mais non avec le véhicule qui le suit, car on ne saurait exiger d'un conducteur qui en précède un autre qu'il augmente sa vitesse de manière à allonger une distance qui serait trop courte; une telle exigence aurait pour effet de détourner l'attention que le conducteur doit porter à ce qui se passe devant son véhicule, zone qui doit être observée en priorité (ATF 115 IV 248 consid. 3a p. 250 s.).
Le conducteur qui précède est néanmoins tenu à certaines obligations envers le véhicule qui suit. Ainsi l'art. 37 al. 1 LCR prévoit que "le conducteur qui veut s'arrêter aura égard, dans la mesure du possible, aux véhicules qui le suivent" et l'art. 12 al. 2 OCR, qui concrétise l'art. 37 al. 1 LCR, précise que "sauf nécessité, les coups de frein et arrêts brusques ne sont admis que si aucun véhicule ne suit". Selon la jurisprudence, ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de la règle fondamentale de la circulation de l'art. 26 LCR, selon laquelle "chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies" et en tenant compte des conditions actuelles de circulation qui ont pour conséquence que même un ralentissement qu'on ne peut à proprement parler considérer comme "brusque" entrave la sécurité de la circulation. Aussi a-t-il été admis qu'un automobiliste qui, suivi par un autre véhicule sur l'autoroute, ralentit sa vitesse de manière sensible, freine aussi de manière brusque au sens de l'art. 12 al. 2 OCR, autant que ce comportement peut mettre en danger un autre usager de la route (ATF 117 IV 504 consid. 1b et c p. 506 s.).
1.4 Comme l'art. 37 al. 1 LCR et l'art. 12 OCR qui le concrétise, l'art. 34 al. 4 LCR doit être interprété à la lumière de la règle générale de l'art. 26 LCR, selon laquelle chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger les autres usagers qui se comportent conformément aux règles établies (ATF 115 IV 248 consid. 3a p. 250). Les deux dispositions doivent en outre être interprétées à la lumière des règles générales de circulation de l'art. 31 LCR, qui exige du conducteur qu'il reste "constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence", et de l'art. 32 LCR, selon lequel la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances. Le devoir que fait notamment l'art. 34 al. 4 LCR au conducteur qui suit un véhicule d'observer une distance suffisante par rapport à celui qui le précède et les précautions avant le ralentissement ou l'arrêt que l'art. 37 al. 1 LCR impose au conducteur qui précède un véhicule sont une concrétisation de ces règles générales de prudence, visant à assurer la sécurité et à éviter la mise en danger des autres usagers.
On peut au demeurant observer que la règle de l'art. 37 al. 1 LCR, bien qu'elle s'applique spécifiquement, dans la circulation à la file, au conducteur qui suit un véhicule, est en définitive une concrétisation de la règle plus générale de l'art. 34 al. 4 LCR en tant que cette dernière impose au conducteur d'observer une distance suffisante envers tous les autres usagers. Le devoir du conducteur qui suit un véhicule d'éviter de freiner ou de ralentir "brusquement", au sens définie par la jurisprudence (cf. ATF 117 IV 504 consid. 1b et c p. 506 s), est une composante du devoir plus général d'observer, en toutes circonstances, une distance suffisante envers tous les autres usagers.
Celui qui viole une règle de la circulation qui concrétise une règle générale de prudence, enfreint par là même cette règle. Ainsi a-t-il été jugé que le motocycliste qui exécute une manoeuvre de dépassement interdite par la loi en raison du danger qu'elle comporte, en violation de l'art. 47 al. 2 LCR, enfreint également les règles générales de prudence de l'art. 35 LCR (ATF 129 IV 155 consid. 3.2 p. 157 et consid. 3.3 p. 160). De la même manière, celui qui viole la règle de l'art. 37 al. 1 LCR enfreint aussi la règle plus générale de l'art. 34 al. 4 LCR et les règles générales de prudence des art. 26, 31 et 32 LCR.
1.5 Au vu de ce qui précède, même si le ralentissement reproché au recourant est sanctionné plus spécifiquement par l'art. 37 al. 1 LCR, dont il n'est en rien contesté qu'il serait applicable à son comportement, sa condamnation pour violation de l'art. 34 al. 4 LCR ne viole pas le droit fédéral.
Pour le surplus, le recourant, avec raison, ne conteste pas que la manoeuvre retenue à son encontre est constitutive d'une violation grave des règles de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR.
2.
L'unique grief soulevé et, partant, le pourvoi doit ainsi être rejeté et le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 4 juillet 2003
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: