BGer 1A.132/2002
 
BGer 1A.132/2002 vom 03.04.2003
Tribunale federale
{T 0/2}
1A.132/2002 /col
Arrêt du 3 avril 2003
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Fonjallaz.
Greffier: M. Jomini.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Claire-Lise Oswald-Binggeli, avocate, rue de l'Evole 15, case postale 1107, 2001 Neuchâtel 1,
contre
Département de la gestion du territoire de la République et canton de Neuchâtel, Château,
2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1,
Commune de Fenin-Vilars-Saules, 2063 Vilars.
Objet
Plan d'affectation cantonal, constatation de la nature forestière
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel
du 22 mai 2002.
Faits:
A.
A.________ est propriétaire de la parcelle (article) n° 1481 du cadastre de la commune de Fenin-Vilars-Saules, dans la région de Chaumont. Cette région, qui s'étend sur le territoire de plusieurs communes, fait partie des "sites naturels" recensés par le Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel dans le Décret du 14 février 1966 concernant la protection des sites naturels du canton (ci-après: le Décret). Ce Décret, qui comporte un plan, délimite notamment des "zones de crêtes et de forêts", en principe inconstructibles (art. 2 du Décret), et des "zones de constructions basses", destinées en premier lieu à la construction de résidences secondaires ou de logements de vacances (art. 3 ss du Décret). Selon ce plan, une grande partie de la région de Chaumont est soumise au régime de la zone de crêtes et de forêts. La parcelle de A.________, d'une surface d'environ un hectare et non bâtie, se trouve dans l'une des deux zones de constructions basses de cette région.
B.
Le Département de la gestion du territoire de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Département cantonal) a mis à l'enquête publique en 1997 un projet de plan de nouvelle délimitation des zones de constructions basses à Chaumont. Ce projet prévoit une réduction de ces zones et l'affectation des terrains déclassés à la zone de crêtes et de forêts. Le plan mis à l'enquête publique comporte également la délimitation des secteurs forestiers dans le périmètre des anciennes zones de constructions basses (constatation de la nature forestière - cf. art. 10 de la loi fédérale sur les forêts [LFo, RS 921.0]).
Selon ce projet, la parcelle n° 1481 n'est plus incluse dans la nouvelle zone de constructions basses, mais dans la zone de crêtes et de forêts. Des parcelles situées à proximité - notamment un autre bien-fonds, bâti, appartenant également à A.________ (n° 1351) - demeurent en revanche constructibles. Le plan indique par ailleurs les limites d'un massif forestier, qui s'étend sur des terrains voisins au sud de la parcelle n° 1481 et qui empiète sur cette dernière parcelle.
A.________ a formé opposition lors de l'enquête publique, en demandant que sa parcelle n° 1481 soit maintenue dans la zone à bâtir et en critiquant la constatation de la nature forestière, qui ne tiendrait compte selon lui ni de la situation réelle ni des critères appliqués sur d'autres terrains de Chaumont. Le Département cantonal a statué le 25 novembre 1999; il a levé l'opposition au plan réduisant la zone de constructions basses et admis partiellement l'opposition au plan délimitant les secteurs forestiers. Il a d'abord confirmé la nature forestière du peuplement empiétant sur la parcelle n° 1481 (peuplement d'une surface d'environ 10'000 m2 et d'une largeur de 50 m, composé d'épicéas, de hêtres, d'érables, de sapins et de divers buissons, avec une hauteur dominante de 20 à 30 m, un degré de couverture de l'étage dominant de 100 % et par endroit des groupes de rajeunissement) puis, pour fixer le tracé de la lisière sur cette parcelle, il s'est fondé sur un plan établi le 23 avril 1998 par le géomètre cantonal et l'ingénieur forestier (du service cantonal des forêts), après une visite des lieux; il a considéré que ce nouveau plan était "plus favorable à l'opposant que le premier tracé figurant sur le plan de délimitation, puisque la lisière s'avance moins à l'intérieur de sa parcelle, sauf sur environ 25 m". En conséquence, il a décidé de reporter la mensuration du plan du 23 avril 1998 sur le plan de délimitation des secteurs forestiers de Chaumont.
C.
Reprenant les griefs de son opposition, A.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif cantonal. Par un arrêt rendu le 22 mai 2002, celui-ci a rejeté le recours.
D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif puis de dire d'une part que sa parcelle n° 1481 n'est pas de nature forestière, et d'autre part qu'elle doit être incluse en tout ou en partie dans la zone de constructions basses.
A titre de mesures d'instruction, le recourant demande une inspection locale ou subsidiairement une expertise neutre de la nature du boisement sur sa parcelle; il propose aussi l'audition d'un témoin.
Le Département cantonal et le Tribunal administratif concluent au rejet du recours de droit administratif. La commune de Fenin-Vilars-Saules (partie intéressée) conclut à son admission.
Les Offices fédéraux du développement territorial (ODT) et de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) ont été invités à faire part de leur avis au sujet du recours. Le premier de ces offices a renoncé à se déterminer, tandis que le second a exposé que la constatation de la nature forestière, sur le terrain litigieux, était conforme au droit fédéral.
E.
L'acte de recours contient une demande d'effet suspensif. Par ordonnance du 4 juillet 2002, le recourant a été invité à préciser l'objet de cette requête. Il n'a pas donné suite à cette invitation.
F.
A.________ agit par ailleurs par la voie du recours de droit public pour demander l'annulation du même arrêt du Tribunal administratif. Ce recours est traité séparément (cause 1P.352/2002).
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le présent jugement rend sans objet la demande d'effet suspensif. Au demeurant, à défaut de précisions sur l'objet de cette requête et en l'absence d'un projet concret de construction sur son terrain, on ne voit pas quel intérêt le recourant aurait eu à empêcher le jugement cantonal de déployer ses effets durant la procédure de recours au Tribunal fédéral.
2.
Les décisions prises en dernière instance cantonale en vertu de la loi fédérale sur les forêts peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 97 ss OJ, notamment art. 98 let. g OJ, auxquels renvoie l'art. 46 al. 1 LFo).
Le projet du Département cantonal consiste d'une part à revoir la délimitation des zones d'un plan d'affectation cantonal (zone de crêtes et de forêts, zone de constructions basses), et d'autre part à délimiter des secteurs forestiers. La décision sur les oppositions ainsi que l'arrêt attaqué font la distinction entre ces deux objets. La délimitation des secteurs forestiers, ou constatation de la nature forestière dans les zones concernées, est une décision prise en application de la loi fédérale sur les forêts, mais qui doit être coordonnée avec la révision du plan d'affectation; une telle procédure de constatation est en effet exigée, en pareil cas, par l'art. 10 al. 2 LFo, "là où les zones à bâtir confinent et confineront à la forêt" (cf. aussi art. 13 LFo).
Le recourant conteste, précisément, le tracé d'une lisière délimitant un secteur forestier sur sa parcelle, en prétendant que la constatation de la nature forestière serait contraire au droit fédéral. La décision attaquée peut, dans cette mesure, faire l'objet d'un recours de droit administratif, dont les conditions de recevabilité sont manifestement remplies (cf. notamment art. 103 let. a, 104 let. a et b et 106 al. 1 OJ).
En tant que le recourant se plaint d'une violation des règles du droit de l'aménagement du territoire sur la révision des plans d'affectation et la délimitation des zones à bâtir, ses griefs, relevant de la procédure du recours de droit public, sont traités dans la cause connexe 1P.352/ 2002.
3.
Le recourant prétend que les arbres isolés sur sa parcelle ne font pas partie d'une forêt. La décision cantonale à ce sujet procéderait d'une interprétation rigoureuse de la législation forestière fédérale, interprétation qui n'aurait pas prévalu dans l'ensemble de la région du Petit-Chaumont. Le recourant se réfère à un dossier photographique produit lors de la procédure d'opposition, démontrant selon lui que de nombreux terrains du voisinage plantés d'arbres épars avaient été qualifiés de pâturages boisés ou de parcs arborisés, sans être inclus dans la forêt. Il reproche au Tribunal administratif d'avoir refusé d'examiner ses griefs relatifs au tracé de la lisière et il se plaint d'une inégalité de traitement.
3.1 Aux termes de l'arrêt attaqué, le recourant n'aurait pas mis en cause, devant le Tribunal administratif, le tracé précis de la limite forestière sur sa parcelle, tel qu'il résultait du plan du 23 avril 1998 du géomètre cantonal (tracé remplaçant celui du plan de délimitation des secteurs forestiers mis à l'enquête publique). Il n'aurait pas non plus contesté la nature forestière du peuplement d'un hectare environ empiétant sur son terrain. Ce résumé des griefs du recourant n'est pas critiquable car, dans son recours contre la décision du Département cantonal - comme du reste actuellement dans son recours de droit administratif -, il n'expliquait pas en quoi les critères du droit fédéral sur la définition de la forêt (art. 2 LFo) auraient été mal appliqués sur son terrain et sur les terrains directement voisins au sud; la décision sur opposition contenait pourtant une analyse relativement détaillée du peuplement. De même, le recourant ne commentait pas le nouveau tracé de la lisière, réexaminé en détail par les services cantonaux lors du traitement de l'opposition. Ses critiques étaient d'ordre plus général: puisque l'inclusion d'un terrain dans le périmètre des secteurs forestiers excluait un classement dans la zone à bâtir, le principe de l'égalité de traitement exigeait que la procédure de constatation de la nature forestière aboutisse au même résultat pour tous les terrains boisés comparables; or plusieurs terrains de Chaumont, quoique comparables au sien, étaient restés constructibles, la législation forestière n'ayant pas été appliquée de manière uniforme. Le Tribunal administratif a pris position sur cette argumentation. Il l'a considérée comme non décisive car l'exclusion de la parcelle n° 1481 de la zone de constructions basses se justifiait pour d'autres motifs, tirés du droit de l'aménagement du territoire; la nature forestière d'une petite partie de cette parcelle n'était pas déterminante.
3.2 Le recourant déplore une application "rigoureuse" de la législation forestière fédérale. Il est toutefois clair que, pour rigoureuse qu'elle soit, la constatation de la nature forestière des surfaces concernées - quelques ares au total -, effectuée sur la base d'une analyse soigneuse par l'administration cantonale, ne viole pas l'art. 2 LFo ni les dispositions d'exécution précisant la définition de la forêt. L'Office fédéral spécialisé a du reste confirmé cette appréciation, après un examen des lieux. La contestation ne porte donc plus que sur le respect du principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.) dans la procédure de constatation de la nature forestière ordonnée dans la région de Chaumont en relation avec la révision du plan d'affectation cantonal (cf. art. 10 al. 2 LFo).
En raison de la configuration des lieux, la nouvelle délimitation des zones de constructions basses a nécessité, à de nombreux endroits, des constatations de la nature forestière. En laissant entendre que les critères du droit fédéral n'auraient pas toujours été appliqués avec la même rigueur que sur son terrain, le recourant invoque le droit à l'égalité de traitement pour obtenir l'annulation de la constatation en dépit de la légalité de cette mesure. La jurisprudence n'exclut pas, dans des circonstances très particulières, de faire prévaloir le principe d'égalité sur le respect des prescriptions légales, mais il faut alors, notamment, que la dérogation repose sur une pratique administrative ferme et durable (cf. ATF 127 I 1 consid. 3a p. 2; 123 II 248 consid. 3c p. 254; 122 II 446 consid. 4a p. 451). Or rien n'indique que les autorités cantonales auraient de façon générale, à Chaumont, décidé d'appliquer des critères plus souples ou dérogatoires pour la constatation de la nature forestière. Le grief de violation du droit fédéral est dès lors manifestement mal fondé et il n'y a pas lieu de compléter l'instruction à ce sujet.
3.3 L'inclusion d'une petite partie de la parcelle litigieuse dans un secteur forestier ne signifiait pas que l'autorité cantonale de planification était tenue, en vertu de la législation fédérale sur les forêts, de renoncer à en classer le solde dans la zone à bâtir.
L'art. 17 LFo dispose que les constructions et installations à proximité de la forêt peuvent être autorisées uniquement si elles n'en compromettent ni la conservation, ni le traitement, ni l'exploitation (al. 1). Il appartient aux cantons de fixer la distance minimale appropriée qui doit séparer les constructions et les installations de la lisière de la forêt (al. 2). Aux termes de l'art. 16 de la loi cantonale neuchâteloise sur les forêts, cette distance est de 30 m, sauf dérogations ou exceptions. A l'évidence, le régime de l'art. 17 LFo n'impose pas non plus une affectation en zone non constructible (zone agricole, zone à protéger ou autre zone: cf. art. 16, 17 ou 18 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire [LAT; RS 700]) pour les terrains situés à proximité de la forêt, à l'extérieur de celle-ci. En d'autres termes, leur affectation n'est pas régie par les normes du droit forestier fédéral (cf. aussi art. 18 al. 3 LAT a contrario). Ces normes se bornent à fixer les exigences nécessaires à la protection et à la conservation de la forêt, exigences qui ne sont pas, en elles-mêmes, incompatibles avec un classement en zone à bâtir, nonobstant ces restrictions.
C'est une autre question de déterminer, sur la base d'une pesée globale des intérêts, pouvant tenir compte des caractéristiques naturelles ou paysagères de l'endroit en fonction de la présence d'une forêt à proximité, si les conditions pour un tel classement sont réunies (cf. art. 15 LAT); ce sont alors les règles du droit de l'aménagement du territoire qui s'appliquent. Comme cela a déjà été exposé, les griefs du recourant à ce sujet sont traités dans la procédure du recours de droit public (cause 1P.352/2002).
4.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté.
Le recourant, qui succombe, doit payer l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Les autorités cantonales et communales n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant, au Département de la gestion du territoire et au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, à la Commune de Fenin-Vilars-Saules, à l'Office fédéral du développement territorial et à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage.
Lausanne, le 3 avril 2003
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: