BGer 2A.452/2000
 
BGer 2A.452/2000 vom 25.06.2001
[AZA 0/2]
2A.452/2000
IIe COUR DE DROIT PUBLIC
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25 juin 2001
Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Müller, Yersin et Zappelli, Juge
suppléant. Greffier: M. Dubey.
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Statuant sur le recours de droit administratif,
subsidiairement le recours de droit public
formé par
X.________ , représentée par Me Olivier Subilia, avocat à Lausanne,
contre
l'arrêté rendu le 29 mai 2000 par le Conseil d'Etat du canton de Vaud à fin de mise en vigueur de l'extension du champ d'application de la convention collective de travail de la construction métallique et de l'isolation et du calorifugeage du canton de Vaud, adopté à la suite de la demande présentée par la Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE), à Lausanne, représentée par Me Denis Bettems, avocat à Lausanne, et le Syndicat de l'industrie, de la constructionet des services (FTMH), à Lausanne;
(extension d'une convention collective de travail)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- X.________ est une entreprise active dans le domaine de l'isolation et du calorifugeage. Elle est membre de l'Association suisse des entreprises de l'isolation, qui a conclu avec le Syndicat de l'industrie, de la construction et des services (ci-après: FTMH) la convention collective de travail du 1er janvier 1999 pour le secteur suisse de l'isolation (ci-après: la convention nationale ou CCNT), étendue par arrêté du Conseil fédéral du 19 janvier 1999 à toute la Suisse, à l'exception des cantons de Genève, Vaud et Valais.
X.________ appartient au groupe Y.________ dont toutes les entreprises sont soumises à la convention nationale.
Le 14 décembre 1998, la Fédération vaudoise des entrepreneurs (ci-après: la Fédération des entrepreneurs) et la FTMH ont conclu une convention collective de travail de la construction métallique, de l'isolation et du calorifugeage du canton de Vaud (ci-après: la convention vaudoise). Par courrier du 26 mars 1999 adressé au Conseil d'Etat du canton de Vaud, les partenaires conventionnés ont demandé l'extension du champ d'application de la convention vaudoise à l'ensemble du territoire du canton de Vaud. Cette requête ainsi que le contenu de la convention vaudoise ont été publiés dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud du 21 décembre 1999.
B.- Le 20 janvier 2000, X.________, agissant par la voie de l'opposition, a demandé au Conseil d'Etat de prononcer l'extension requise, mais en excluant du champ d'application toute entreprise soumise à la convention nationale, subsidiairement, de prononcer l'extension requise, mais en excluant du champ d'application les articles 10 à 13 et 46 de la convention vaudoise et plus subsidiairement, de refuser l'extension requise, essentiellement au motif que dite extension entraînerait pour elle l'obligation d'être soumise à plusieurs conventions collectives de travail.
Par arrêté du 29 mai 2000, le Conseil d'Etat a rejeté l'opposition de X.________ et prononcé l'extension du champ d'application de la convention vaudoise, dans le canton de Vaud, aux rapports de travail entre les employeurs qui vouent leur activité principale au travail des métaux, à l'isolation technique et au calorifugeage et les travailleurs d'exploitation des entreprises soumises à ladite convention.
Le 3 août 2000, le Département fédéral de l'économie a approuvé l'arrêté du Conseil d'Etat, qui a été notifié à X.________ le 24 août 2000 et publié dans la Feuille des avis officiels le 8 septembre 2000.
C.- Le 25 septembre 2000, agissant par la voie du recours de droit administratif, subsidiairement de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, en conclusion de son recours de droit administratif, de prononcer l'extension requise, mais en excluant du champ d'application toute entreprise soumise à la convention nationale, subsidiairement, de prononcer l'extension requise, mais en excluant du champ d'application les articles 10 à 13 et 46 de la convention vaudoise et plus subsidiairement, de refuser l'extension requise et, en conclusion de son recours de droit public, d'annuler la décision entreprise. A l'appui de son recours de droit public, elle invoque la violation du droit d'être entendu, du droit à la liberté économique, du principe de la proportionnalité et du principe de la primauté du droit fédéral.
Dans son recours de droit administratif, elle invoque, en sus des droits constitutionnels précités, la violation de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail (LECCT; RS 221. 215.311; ci-après: loi d'extension des conventions collectives), de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943. 02; ci-après: loi sur le marché intérieur) et de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP; RS 172. 056.1; ci-après: loi sur les marchés publics).
La Fédération des entrepreneurs et le Conseil d'Etat ont conclu au rejet du recours dans la mesure où il est recevable, avec suite de frais et dépens.
A l'issue d'un second échange d'écriture, les parties ont maintenu leurs conclusions.
Le Département fédéral de l'économie a déclaré se rallier aux observations du Conseil d'Etat.
D.- Le 1er novembre 2000, le Président de la IIe Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par la recourante.
Considérant en droit :
1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93; 126 I 257 consid. 1a p. 258 et 81 consid. 1 p. 83 et les arrêts cités). La recourante a déposé dans une même écriture un recours de droit administratif et, à titre subsidiaire, un recours de droit public. Cette manière de procéder est admise par la jurisprudence (ATF 126 II 377 consid. 1 p. 381; 126 I 50 consid. 1 p. 52 et les arrêts cités). Toutefois, selon l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est recevable que si la prétendue violation ne peut pas être soumise par une action ou par un autre moyen de droit quelconque au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale. Il convient dès lors d'examiner en priorité si le recours de droit administratif est recevable.
b) Selon l'art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 PA (RS 172. 021), la voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit public fédéral - ou qui auraient dû l'être - à condition qu'elles émanent des autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune exception prévue aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée (ATF 127 II 1 consid. 2b/aa p. 3; 126 II 171 consid. 1a p. 173, 300 consid. 1a p.
301, 506 consid. 1b p. 508 et les arrêts cités). L'arrêté attaqué a été promulgué en application de l'art. 1 al. 1 LECCT qui autorise l'autorité compétente, par une "décision spéciale" dite "d'extension", à étendre le champ d'application d'une convention collective de travail conclue par des associations aux employeurs et aux travailleurs qui appartiennent à la branche économique ou à la profession visée et ne sont pas liés par cette convention.
c) Les art. 99 à 102 OJ ne contiennent aucune exception expresse (cf. Heinz Hausheer, Die Allgemeinverbindlicherklärung von Kollektivverträgen als gesetzgeberisches Gestaltungsmittel, in RDS 95/1976 II p. 225 ss, p. 333 n. 280).
d) aa) Dans un arrêt du 15 juin 1990 (DTA 1990 p. 69 ss), le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si la décision d'extension est une décision au sens de l'art. 5 PA. En l'espèce, puisque la recourante invoque la violation des dispositions contenues dans les lois d'extension, sur le marché intérieur et sur les marchés publics et que ces griefs, hormis la violation de la force dérogatoire du droit fédéral, ne pourraient en principe être examinés, dans un recours de droit public que sous l'angle de l'arbitraire (Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd., Berne 1994, p. 164 s.), il convient de préciser la nature de la décision d'extension, dans la mesure où elle concerne l'intéressée, soit à l'endroit des tiers à la convention vaudoise.
bb) L'extension d'une convention collective de travail consiste en une déclaration de l'autorité compétente (Conseil fédéral ou autorité cantonale) qui rend applicable aux employeurs et aux travailleurs de la branche économique ou de la profession visée ne faisant pas partie des associations contractantes les clauses qui lient les employeurs et travailleurs conformément aux art. 341 et 357 CO ou qui obligent les employeurs et travailleurs envers la communauté conventionnelle conformément à l'art. 357b CO (art. 1 al. 2 et art. 4 LECCT). La décision prise au sujet de l'extension doit être motivée et notifiée par écrit aux parties et, dans la mesure où elle les touche, aux opposants (art. 12 al. 3 LECCT). La loi ne prévoit aucune voie de recours. La déclaration d'extension ne modifie pas le contenu de la convention collective de travail; la nature juridique du contrat collectif subsiste: il s'agit toujours de droit objectif né de l'accord entre deux sujets de droit investis à cet effet par le législateur (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la convention collective de travail et l'extension de son champ d'application, in FF 1954 I 125 ss, p. 149; Frank Vischer, Le contrat de travail, in Traité de droit privé suisse, vol. II, t. I, 2, Fribourg 1982, p. 223 et les références citées).
Dans un arrêt du 3 octobre 1972, le Tribunal fédéral a jugé que la déclaration d'extension est un acte administratif qui appartient au droit public et qu'elle est, en quelque sorte, "une manière particulière de légiférer" (ATF 98 II 205 consid. 1 p. 208 s.). La doctrine est divisée. De l'avis de Häfelin/Haller (Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 5ème éd., Zurich 2001, p. 549 s. n. 1880), il s'agit d'une décision.
Pour Manfred Rehbinder (Schweizerisches Arbeitsrecht, 13ème éd., Berne 1997, p. 211; le même, Droit suisse du travail, Berne 1979, p. 177; le même, Basler Kommentar, Bâle 1996, n. 9 ad art. 357 CO, p. 1885 s.) et Frank Vischer (Der Gesamtarbeitsvertrag, Zürcher Kommentar, t. V, 2c, n. 92 ad art. 356b CO, p. B 122, Le même, Le contrat de travail, in Traité de droit privé suisse, vol. VII, t. I, 2, Fribourg 1982, p. 223), c'est un arrêté de portée générale à l'endroit des tiers à la convention. Ces auteurs ne se prononcent en revanche pas sur la recevabilité du recours de droit administratif.
Selon Schweingruber/Bigler (Kommentar zum Gesamtarbeitsvertrag, Berne 1985, p. 130 et la référence citée), Heinz Hausheer (op. cit. , p. 333, n. 280) et J.-F. Stöckli (Gesamtarbeitsvertrag und Normalarbeitsvertrag, Berner Kommentar, Berne 1999, n. 52 ad art. 356b CO, p. 200 ss), la déclaration d'extension est un acte administratif, mais qui ne saurait être qualifié d'individuel et de concret au sens strict, en sorte qu'elle ne revêt pas la qualité de décision susceptible de recours de droit administratif.
cc) L'opinion de la doctrine majoritaire précitée est fondée. En effet, il y a décision et non pas norme, lorsque, par l'objet même du régime juridique sur lequel porte l'acte, le nombre de destinataires ou le nombre de situations ou les deux à la fois, sont déterminés ou déterminables(P. Moor, Droit administratif, Berne 1991, vol. II, p. 116).
Or, tel n'est pas le cas de la déclaration d'extension à l'endroit des tiers à la convention, puisque par définition, elle étend la validité de la convention collective de travail à un nombre indéterminé d'employeurs et de travailleurs.
Cette conclusion est au demeurant en harmonie avec l'art. 99 al. 1 let. abis OJ qui ferme la voie du recours de droit administratif aux décisions relatives à la déclaration de force obligatoire générale de contrats-cadres de baux à loyer dont le régime juridique est comparable à celui de la déclaration d'extension d'une convention collective de travail (cf. sur ce point, Message du Conseil fédéral du 27 septembre 1993 concernant la loi fédérale sur les contrats-cadres de baux à loyer et leur déclaration de force obligatoire, in FF 1993 III 912 ss, p. 921 s.). Par conséquent, le recours de droit administratif n'est pas ouvert contre une décision d'extension d'une convention collective de travail. Seule subsiste la possibilité d'un recours de droit public au sens de l'art. 84 OJ.
2.- a) Le recours de droit public est recevable lorsqu'il est formé contre un arrêté cantonal de portée générale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).
b) De l'avis de la Fédération des entrepreneurs, le recours est mal dirigé; la recourante aurait dû attaquer la décision du Conseil fédéral approuvant l'arrêté cantonal qui étend la convention vaudoise. A l'appui de son objection, elle allègue que la décision cantonale d'extension n'est valable qu'après approbation par la Confédération. Elle n'aurait pas d'effet aussi longtemps que l'approbation n'a pas été délivrée. Dès lors elle ne saurait être qualifiée de finale, puisqu'elle peut être revue par l'autorité fédérale et que les opposants ont la possibilité de s'exprimer à ce stade aussi.
Ce point de vue est erroné. En effet, à l'égard d'un arrêté de portée générale, la qualification de "final" ne joue aucun rôle, à la différence d'une décision (art. 87 OJ).
De manière générale en revanche, l'approbation d'un arrêté cantonal par le Conseil fédéral n'exclut pas un nouvel examen de l'autorité fédérale compétente dans le cadre du contrôle abstrait des normes (ATF 114 II 40 consid. 3 p. 43 s.; 103 Ia 130 consid. 3a/3b p. 133 s. ainsiq que les arrêts et références cités). En l'occurrence, la décision d'approbation prise par le Conseil fédéral en application de l'art. 13 LECCT permet de valider et de promulguer l'arrêté cantonal, mais "l'autorité doit la rapporter si elle constate d'office ou sur dénonciation que les conditions d'extension ne sont pas ou plus réunies" (art. 13 al. 4 et 18 al. 2 LECCT). Au surplus, l'opposant à l'extension d'une convention collective de travail n'est pas partie à la procédure d'approbation de l'acte cantonal par la Confédération (cf. ordonnance du 30 janvier 1991 relative à l'approbation d'actes législatifs des cantons par la Confédération; RS 172. 068). Cette décision ne lui est d'ailleurs pas communiquée, contrairement à la décision d'extension (art. 12 al. 2 et 13 al. 3 LECCT) et n'est pas soumise à recours (Stöckli, op. cit. , n. 107 ad art. 356b, p. 225 et les références citées). Par conséquent, le recours de droit public doit être dirigé contre la décision cantonale.
c) L'exigence de l'épuisement des voies cantonales prévue par l'art. 86 al. 1 OJ vaut également pour les recours de droit public formés contre les arrêtés cantonaux de portée générale (ATF 124 I 11 consid. 1a p. 13, 159 consid. 1b p. 161; 119 Ia 321 consid. 2a p. 324). Le droit vaudois ne prévoyant aucune procédure de contrôle abstrait des règlements cantonaux (cf. art. 4 et 29 de la loi cantonale vaudoise du 18 décembre 1989 sur la juridiction et la procédure administrative), le présent recours interjeté directement auprès du Tribunal fédéral est recevable.
d) Le délai de trente jours prévu par l'art. 89 al. 1 OJ pour déposer un recours de droit public contre un arrêté de portée générale commence en règle générale à courir avec la publication dans la feuille des avis officiels. Lorsque l'arrêté est porté à la connaissance d'une partie par voie de notification spéciale avant sa publication, le délai commence à courir à la date de cette notification (WalterKälin, op. cit. , p. 348 et les références citées). En l'espèce, l'arrêté litigieux a été porté à la connaissance de la recourante le 25 août 2000, soit avant sa publication dans la feuille des avis officiels du canton de Vaud le 8 septembre 2000. Posté le 25 septembre 2000, le présent recours a été déposé en temps utile.
e) Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre un arrêté de portée générale, la qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ appartient à toute personne dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourraient l'être un jour (ATF 125 I 474 consid. 1d p. 477 s.; 125 II 440 consid. 1c p. 442; 123 I 112 consid. 1b p. 115; 122 I 90 consid. 2a p. 92 et la jurisprudence citée). Par conséquent, contrairement à l'avis de la Fédération des entrepreneurs, la recourante a qualité pour agir dès l'instant où elle se voit appliquer la convention vaudoise par l'effet de l'arrêté litigieux dont elle estime les dispositions inconstitutionnelles.
f) En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318).
C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les moyens soulevés par la recourante.
3.- La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue. Comme elle n'invoque aucune disposition du droit cantonal régissant le droit d'être entendu, c'est à la lumière de la garantie minimale de procédure découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. qu'il convient d'examiner son grief (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités).
a) Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu impose notamment à l'autorité cantonale de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui sans arbitraire peuvent être tenus pour pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 125 II 369 consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a p. 149 et les arrêts cités).
b) La recourante reproche au Conseil d'Etat d'avoir implicitement admis que les champ d'application des conventions collectives vaudoise et fédérale ne se recoupaient pas, s'abstenant de répondre aux argument développés à cet égard.
Ce moyen, au demeurant formulé de manière sommaire, doit être rejeté. En effet, dans le considérant 2 de l'arrêté litigieux, le Conseil d'Etat a examiné les champs d'application des conventions collectives en cause et a conclu qu'ils ne se recoupent en aucune façon. L'autorité cantonale a ainsi répondu à l'argumentation de l'opposante sur ce point et l'a rejetée. Elle a également rejeté les autres arguments développés dans l'opposition. Savoir en revanche s'il l'a fait à bon droit est une autre question qui sera examinée ci-dessous.
4.- a) Invoquant les art. 27, 49 et 94 Cst. , la recourante se plaint de ce que l'extension de la convention vaudoise au canton de Vaud porte atteinte à sa liberté économique et à la primauté du droit fédéral. Elle souligne qu'elle peut être soumise aux deux conventions collectives en cause, soit la convention vaudoise et la convention nationale, parce qu'elle exerce son activité dans le canton de Vaud et sur le territoire d'autres cantons. Elle serait injustement pénalisée et désavantagée par rapport à des entreprises concurrentes dont l'activité se limite au territoire du canton de Vaud. Enfin, elle expose être soumise à des conditions d'accès au marché suisse plus restrictives que les autres entreprises en violation des lois fédérales sur le marché intérieur et sur les marchés publics.
b) aa) Selon l'art. 27 Cst. , la liberté économique est garantie (al. 1). Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Selon l'art. 36 Cst. , toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi [...] (al. 1). Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et doit être proportionnée au but visé (al. 3). L'essence des droits fondamentaux est inviolable (al. 4).
bb) Sous le titre "Principes de l'ordre économique", l'art. 94 Cst. prévoit que la Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté économique (al. 1).
L'al. 4 de l'art. 97 Cst. précise que les dérogations au principe de la liberté économique, en particulier les mesures menaçant la concurrence, ne sont admises que si elles sont prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliens des cantons (al. 4).
cc) En vertu du principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.), le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral. Dans d'autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit qui ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas la réalisation.
Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes fondé sur l'art. 49 Cst. , le Tribunal fédéral examine librement la conformité de la règle de droit cantonal avec le droit fédéral (ATF 125 I 474 consid. 2a p. 480; 125 II 440 consid. 1d p. 443 et les références citées; cf. également Walter Kälin, op.
cit. , p. 167 et 174 et les références citées).
5.- a) Aux termes de l'art. 110 Cst. (art. 34ter aCst.), la Confédération peut légiférer sur l'extension du champ d'application des conventions collectives de travail (al. 1). Le champ d'application d'une convention collective de travail ne peut être étendu que si cette convention tient compte équitablement des intérêts légitimes des minorités et des particularités régionales et qu'elle respecte le principe de l'égalité devant la loi et la liberté syndicale (al. 2).
Le législateur a fait usage de cette faculté en édictant la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail.
L'art. 2 LECCT précise les conditions d'extension d'une convention collective contenues à l'art. 110 al. 2Cst.
b) La recourante ne conteste pas au Conseil d'Etat le droit de promulguer l'arrêté attaqué en application de la loi d'extension des conventions collectives. Elle prétend en revanche qu'il viole certains principes de la loi d'extension des conventions collectives, la loi sur le marché intérieur et la loi sur les marchés publics. A la lecture de son mémoire de recours, elle semble, sous cet angle, ne pas accorder au droit qu'elle tire de sa liberté économique une portée indépendante du principe de la primauté du droit fédéral. Selon elle, la violation de la primauté du droit fédéral entraînerait celle de sa liberté économique. En l'espèce, les rapports entre ces droits constitutionnels n'ont pas besoin d'être examinés, les deux griefs devant de toute façon être rejetés.
aa) Tout en admettant que le seul fait d'être soumise à la convention vaudoise ne serait pas en soi une source de difficultés et en reconnaissant que sur de nombreux points la convention nationale est plus contraignante que la convention vaudoise, elle prétend être défavorisée par rapport à d'autres entreprises concurrentes exclusivement vaudoises en raison de la soumission aux deux conventions à laquelle elle serait inévitablement exposée.
Ce point de vue est erroné. En effet, la recourante n'est pas soumise simultanément à deux conventions collectives.
Pour les travaux qu'elle exécute dans le canton de Vaud, elle n'est soumise, comme toutes les entreprises vaudoises, qu'à la convention vaudoise. Pour les travaux qu'elle exécute dans d'autres cantons - hormis les cantons de Genève et Valais -, elle est soumise, comme toutes les autres entreprises étrangères, vaudoises, genevoises ou valaisannes exerçant une activité dans ces cantons, à certaines dispositions de la convention nationale garantissant une protection minimale. Il n'y a donc, pour les mêmes travaux, qu'une seule convention collective applicable. L'intéressée n'est donc pas défavorisée par l'arrêté d'extension.
bb) Selon la recourante, le fait d'être soumise à un double système de convention collective dont elle devrait satisfaire l'ensemble des conditions les plus favorables aux travailleurs fait d'elle une entreprise moins compétitive que celles ne pratiquant que sur le territoire du canton de Vaud ou celles ayant leur siège ailleurs en Suisse. Elle serait ainsi soumise à des conditions d'accès au marché suisse plus restrictives que les autres entreprises. Ces restrictions constitueraient une violation de la loi sur le marché intérieur et de la loi sur les marchés publics. Dans la mesure où la loi d'extension des conventions collectives et l'arrêté litigieux permettent cette extension, ils seraient contraires aux lois précitées de rang fédéral, pourtant postérieures.
Cette opinion ne peut pas être suivie. En effet, ni la loi sur le marché intérieur ni la loi sur les marchés publics n'excluent l'application de la loi d'extension des conventions collectives. La loi sur le marché intérieur vise à assurer le libre accès au marché à l'intérieur de la Suisse, à supprimer les mesures protectionnistes de droit public fédéral, cantonal et communal à la concurrence ainsi qu'à éliminer les barrières à la mobilité, comme les prescriptions techniques non harmonisées, le protectionnisme en matière de marchés publics et la non-reconnaissance des diplômes qui entravent les relations économiques à l'intérieur de la Suisse (art. 1 et 2 LMI; cf. Evelyne Clerc, L'ouverture des marchés publics: Effectivité et protection juridique, Fribourg 1997, p. 15 et 392 et les références citées). La loi sur les marchés publics vise à accroître la concurrence entre les soumissionnaires (art. 1 al. 1 let. b LMP) tout en améliorant les conditions sociopolitiques par une meilleure protection des consommateurs, des travailleurs et des femmes (art. 8 LMP; cf. Evelyne Clerc, op. cit. , p. 12 s.). A l'instar de la loi d'extension des conventions collectives, ces deux lois tendent notamment à garantir l'égalité de traitement (art. 1 al. 1, 2 al. 1 et 3 al. 1 let. a LMI; art. 1 al. 2 LMP). A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que la proposition de subordonner l'aide de l'Etat aux entreprises à la conclusion par celles-ci d'une convention collective de travail est contraire au droit fédéral. Disproportionnée, elle viole en particulier la loi d'extension des conventions collectives, la loi sur le marché intérieur ainsi que la liberté d'association (ATF 124 I 107 ss). En revanche, compte tenu des objectifs assignés à ces lois, il n'y a pas lieu de considérer a priori que l'extension d'une convention collective en application de la loi d'extension des conventions collectives soit contraire à la loi sur le marché intérieur et à la loi sur les marchés publics. Il apparaît au contraire que les restrictions à la liberté d'accès au marché intérieur sont compatibles avec la loi sur le marché intérieur si elles s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux et sont indispensables à la préservation d'intérêts publics prépondérants, tels que la poursuite d'objectifs de politique sociale (art. 3 al. 1 let. a et b et al. 2 let. d LMI). L'extension d'une convention collective de travail est précisément soumise à de telles conditions (art. 2 LECCT). Enfin, conformément à l'art. 3 al. 1 let. c LMI, l'extension d'une convention collective respecte aussi le principe de proportionnalité, puisqu'elle constitue la seule façon d'assurer aux travailleurs de la branche visée dans une région donnée les avantages sociaux qu'elle prévoit. Par conséquent, l'arrêté litigieux n'est contraire ni aux dispositions de la loi sur le marché intérieur ni à celles de la loi sur les marchés publics. Au demeurant, il a déjà été constaté que, pour les mêmes travaux, une seule convention collective était applicable à la recourante.
c) Invoquant les art. 5 et 36 Cst. , la recourante est d'avis que l'arrêté litigieux viole le principe constitutionnel de proportionnalité. Elle devrait en effet conclure des contrats exagérément astreignants, en particulier en matière de cotisations de prévoyance professionnelle. Les restrictions qui lui sont imposées ne seraient dès lors pas justifiées par des motifs de politique sociale proportionnés à l'ensemble des intérêts en jeu.
aa) L'intéressée soutient d'abord que la convention vaudoise, qui prévoit un taux unique de cotisation, entraînerait pour elle une difficulté particulière, disproportionnée en regard du but poursuivi. Cette difficulté découlerait de l'application concurrente pour ses travailleurs de deux systèmes de calcul des cotisations de prévoyance professionnelle, dès lors qu'elle est soumise, par l'effet de la convention nationale, à un système de cotisations échelonnées selon l'âge des assurés.
La loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831. 40) est obligatoire pour tous les salariés en Suisse (art. 2 LPP). L'art. 61 CCNT qui prévoit que les travailleurs doivent être assurés conformément à la loi sur la prévoyance professionnelle en est un rappel. L'art. 66 LPP ne fixe pas le montant des cotisations que doivent verser les salariés et les employeurs à l'institution de prévoyance. Il est donc licite de prévoir, à l'instar de la convention vaudoise, que les cotisations sont au minimum et pour tous les salariés, sans distinction d'âge, de 9% des salaires AVS, soit 4,5% à la charge de l'employeur et 4,5% à la charge de l'assuré. Ce taux unique, qui évite de pénaliser les travailleurs âgés, pourrait, certes, entraîner des inconvénients pour la recourante qui dit employer principalement de jeunes travailleurs.
Elle avance à cet égard le fait que cela provoquerait "une explosion des coûts (...) disproportionnée au regard des avantages offerts aux travailleurs". Cette affirmation n'est toutefois nullement démontrée (art. 90 al. 1 let. b OJ). Au demeurant, même si selon ses dires elle doit procéder à certains aménagements dans la gestion de son personnel, force est de constater que la recourante se voit imposer le même régime de cotisations que toutes les autres entreprises du canton de Vaud, par ailleurs également conforme à l'art. 61 CCNT.
bb) La recourante fait encore valoir que nombre de dispositions de la convention nationale offrent aux travailleurs une meilleure protection que celles de la convention vaudoise. Selon elle, la protection offerte par les deux conventions serait globalement équivalente au sens où l'entend la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'équivalence des prestations salariales dérogeant par contrat-type de travail ou convention collective aux dispositions de l'art. 324a CO. L'obliger à appliquer à ses travailleurs un double régime de prestations serait dès lors contraire au principe de proportionnalité.
Cet argument se heurte une nouvelle fois à la constatation que l'intéressée n'est contrainte d'appliquer la convention vaudoise que pour les travaux exécutés sur le territoire du canton de Vaud, à l'exclusion de la convention nationale.
Aussi n'est-elle en principe pas soumise à un double régime conventionnel. Pour le surplus, elle se borne à affirmer l'existence d'une équivalence globale sans la démontrer ni exposer en quoi consiste la violation du principe de proportionnalité (art. 90 al. 1 let. b OJ). Au demeurant, force est de constater que les dispositions de l'art. 324a CO règlent la question du salaire dû au travailleur empêché de travailler; en particulier, elles précisent qu'un accord écrit, un contrat-type de travail ou une convention collective de travail peut déroger à ces dispositions, à condition d'accorder au travailleur des prestations au moins équivalentes.
Pour juger s'il y a prestations au moins équivalentes au sens de l'art. 324a CO, le Tribunal fédéral applique, il est vrai, la théorie de l'équivalence abstraite (arrêt du 4 février 1982 in SJ 1982 p. 574 s. et arrêt du 17 novembre 1994 in SJ 1995 p. 784 consid. 4 non publié). Cet article toutefois ne traite que de la question du salaire durant l'empêchement de travailler et rien n'indique qu'il faille lui accorder une portée générale, d'autant moins que les conventions règlent d'autres questions que celle du salaire en cas d'empêchement de travailler.
6.- Le présent recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). Elle versera en outre une indemnité de dépens à la Fédération des entrepreneurs qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours, traité comme recours de droit public, dans la mesure où il est recevable.
2. Met un émolument judiciaire de 4'000 fr. à la charge de la recourante.
3. Met à la charge de la recourante une indemnité de 6'000 fr. à verser à la Fédération vaudoise des entrepreneurs à titre de dépens.
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante, à la Fédération vaudoise des entrepreneurs, par son mandataire, au Syndicat de l'industrie, de la construction et des services, à Lausanne, au Conseil d'Etat du canton de Vaud et au Département fédéral de l'économie.
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Lausanne, le 25 juin 2001 DCE/vlc
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,