BGer 5C.11/2001
 
BGer 5C.11/2001 vom 30.05.2001
[AZA 1/2]
5C.11/2001
IIe COUR CIVILE
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30 mai 2001
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Raselli et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Braconi.
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Dans la cause civile pendante
entre
Aymon L u l l i n , à Genève, représenté par Me Bruno Mégevand, avocat à Genève,
et
1. Euram Commercial SA, à Luxembourg,
2. Robert A n d e r s , à Stuttgart (Allemagne),
3. Horst B e n e s c h , à Wendlingen (Allemagne),
4. Klaus L a c h n e r , à Nürnberg (Allemagne), tous représentés par Me Roger Dagon, avocat à Genève;
(action selon l'art. 85a LP)
Considérant en fait et en droit:
1.- a) Le 10 juin 1999, Euram Commercial SA, Robert Anders, Horst Benesch et Klaus Lachner ont fait notifier à Aymon Lullin un commandement de payer la somme de 46'165 fr., plus intérêts à 5% dès le 30 septembre 1995; le poursuivi n'a pas formé opposition. Le 2 septembre suivant, l'Office des poursuites de Genève a délivré aux poursuivants un acte de défaut de biens définitif pour la somme de 55'376 fr.50.
b) Le 26 août 1999, Aymon Lullin a introduit une action en annulation de la poursuite fondée sur l'art. 85a LP; le 27 octobre suivant, il a retiré, en raison de la délivrance de l'acte de défaut de biens, sa requête tendant à la suspension provisoire de la poursuite.
Par jugement du 11 mai 2000, le Tribunal de première instance de Genève a rejeté l'action. La Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision le 10 novembre 2000.
c) Aymon Lullin exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants, subsidiairement à la constatation qu'il n'est pas débiteur de la somme en poursuite et à l'annulation de l'acte de défaut de biens.
Les intimés proposent en substance le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt entrepris.
2.- Le recourant reproche à la Cour de justice d'avoir considéré que l'action en annulation de la poursuite ouverte en temps utile devient sans objet une fois que la poursuite s'est achevée dans l'intervalle.
a) Bien qu'elle ressortisse au droit matériel, l'action prévue par l'art. 85a LP a pour but principal l'annulation ou la suspension de la poursuite (ATF 127 III 41 consid. 4a et b p. 43; Reeb, La suspension provisoire de la poursuite selon l'art. 85a al. 2 LP, in: Festschrift 75 Jahre Konferenz der Betreibungs- und Konkursbeamten der Schweiz, p. 276 n. 21); aussi n'est-elle ouverte que si la poursuite est pendante, à savoir jusqu'à la distribution des deniers ou l'ouverture de la faillite (ATF 125 III 149 consid. 2c p. 153; Bodmer, in:
Kommentar zum SchKG, vol. I, N 14; Gilliéron, Commentaire de la LP, vol. I, N 33 ad art. 85a LP; Spühler/Pfister, SchKG I, 2e éd., § 38 III; Gasser, Revidiertes SchKG - Hinweise auf kritische Punkte, ZBJV 132/1996 p. 641). Il s'agit là d'une condition de recevabilité qui doit encore exister au moment du jugement et dont l'absence fait obstacle à l'examen du fondement matériel de la demande (ATF 127 III 41 consid. 4c et d p. 43 ss et les références). En refusant de statuer au fond, vu la délivrance de l'acte de défaut de biens après le dépôt de l'action, l'autorité inférieure n'a, dès lors, pas violé le droit fédéral.
b) D'après la jurisprudence constante, l'acte de défaut de biens après saisie (art. 149 LP) n'est qu'une déclaration officielle attestant que la procédure d'exécution forcée n'a pas conduit, totalement ou partiellement, au paiement de la créance; il n'emporte par lui-même ni novation de la dette, au sens de l'art. 116 CO, ni création d'un rapport de droit nouveau qui viendrait doubler l'ancien et d'où pourrait naître un droit d'action distinct; il ne constitue pas non plus une reconnaissance de dette dans son acception technique, car le poursuivi n'intervient en rien dans son établissement et ne fait aucune déclaration de volonté concernant le fond du droit (ATF 116 III 66 consid. 4a p. 68; 102 Ia 363 consid. 2a p. 364/365; 98 Ia 353 consid. 2 p. 355; Gilliéron, op. cit. , vol. II, N 17 ss ad art. 149 LP). Un tel acte ne prouvant pas l'existence de la créance (ATF 98 Ia 353 consid. 2 p. 356), le poursuivi conserve la faculté de discuter cette prétention lors d'une poursuite ultérieure, que ce soit par la voie de l'action en libération de dette (ATF 82 III 94, spéc. 95/96; p. ex.: ATF 69 III 89 ss) ou celle de l'action en annulation de la poursuite (Gilliéron, ibidem, N 53/54). Sur ce point également, les motifs de la cour cantonale échappent donc à toute critique.
3.- Comme le relève avec raison le recourant, l'intérêt à la constatation ayant pris fin postérieurement au dépôt de l'action, celle-ci devait être déclarée sans objet (ATF 116 II 351 consid. 3c p. 355/356; 109 II 165 consid. 2 p. 167; 104 II 122 consid. 1 p. 125). La Cour de justice en convient aussi; elle a, néanmoins, maintenu le jugement de première instance, "car l'action n'avait d'effet que pendant la durée de la poursuite". Cette opinion apparaît erronée. L'action en annulation de la poursuite selon l'art. 85a LP aboutit, au contraire, à "un jugement en force sur une question de droit matériel" (FF 1991 III 80; notamment: Amonn/Gasser, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., § 4 N 47 ss et § 20 N 15). Il s'ensuit que les juges d'appel ne pouvaient confirmer une décision ayant "débouté le demandeur pour des raisons de fond"; le recours doit, partant, être admis dans cette mesure.
4.- En conclusion, le recours doit être partiellement admis et l'arrêt entrepris réformé en ce sens que l'action est déclarée sans objet. Vu l'issue de la procédure, il se justifie de répartir l'émolument judiciaire par moitié entre les parties - solidairement entre les intimés pour la part qui leur incombe (art. 156 al. 7 OJ) - et de compenser les dépens (art. 156 al. 3 et 159 al. 3 OJ). Il y a lieu, enfin, de renvoyer la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision sur les frais et dépens des instances cantonales.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet partiellement le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce sens que l'action est déclarée sans objet.
2. Met un émolument judiciaire de 4'000 fr. par moitié à la charge des parties.
3. Compense les dépens.
4. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens des instances cantonales.
5. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 30 mai 2001 BRA/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,