BGer C 312/2000
 
BGer C 312/2000 vom 04.05.2001
[AZA 7]
C 312/00 Mh
IIe Chambre
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Addy, Greffier
Arrêt du 4 mai 2001
dans la cause
A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Jacques Wicky, avocat, rue Marignac 9, 1211 Genève 12,
contre
Office cantonal de l'emploi, rue des Glacis-de-Rive 4-6, 1207 Genève, intimé,
et
Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève
Considérant :
que A.________ s'est annoncé à l'assurance-chômage le 13 janvier 1998 après avoir perdu, le 31 décembre 1997, son emploi auprès de X.________;
qu'il a indiqué être disposé et capable de travailler à plein temps et a certifié être apte au placement et ne percevoir aucun revenu provenant d'une activité dépendante ou indépendante (demande d'indemnité de chômage du 13 janvier 1998);
qu'il a ensuite régulièrement fait contrôler son chômage, en confirmant tous les mois son aptitude au placement et le fait qu'il n'exerçait pas d'activité lucrative dépendante ou indépendante (cf. les cartes de contrôles de janvier à décembre 1998);
que par décision du 8 mai 1998, la Caisse cantonale genevoise de chômage a prononcé à son encontre la suspension du droit aux indemnités de chômage pour une durée de trente-cinq jours, au motif qu'il s'était trouvé sans emploi par sa propre faute;
que son droit aux indemnités a également été suspendu à trois autres reprises pour des durées de trois, six et un jours (décisions respectivement des 13 février, 14 octobre et 10 novembre 1998 du Service de placement professionnel);
que ces trois suspensions ont été prononcées, les deux premières en raison de recherches personnelles d'emploi insuffisantes, et la troisième au motif que l'assuré ne s'était pas présenté à un entretien de conseil (le 14 octobre 1998);
qu'en janvier 1999, A.________ a fait part à son conseiller en placement de son désir de s'installer à son compte en relançant un salon de jeux tombé en faillite quelque six mois plus tôt;
qu'à cette fin, il a requis l'octroi d'indemnités journalières spécifiques durant la phase d'élaboration de son projet d'indépendant;
que ces indemnités lui ont été accordées pour la période allant du 1er février au 23 avril 1999 (décision du 28 janvier 1999 de l'autorité cantonale);
qu'ayant des doutes sur l'aptitude au placement de l'assuré, la caisse de chômage a demandé, le 29 janvier 1999, à la Section assurance-chômage de l'Office cantonal genevois de l'emploi (ci-après : le SACH) de statuer sur cette question;
que par décision du 9 juin 1999, la SACH a déclaré A.________ inapte au placement depuis le 13 janvier 1998, motif pris que, depuis son premier jour de chômage contrôlé, sa réelle volonté n'était pas de prendre une activité salariée, mais de s'établir comme indépendant en exploitant une salle de jeux et un snack-bar;
que par décision du 16 décembre 1999, le Groupe réclamations de l'Office cantonal genevois de l'emploi a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision précitée de la SACH;
que saisie d'un recours du prénommé, la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance- chômage l'a rejeté, par jugement du 23 mars 2000;
que A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en concluant à la reconnaissance de sa pleine aptitude au placement dès le 13 janvier 1998;
que le Groupe réclamations a déclaré persister dans les termes de sa décision du 16 décembre 1999, tandis que le Secrétariat d'Etat à l'économie ne s'est pas déterminé;
qu'aux termes de l'art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et est en mesure et en droit de le faire;
que l'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail, d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et d'autre part la disposition à accepter un travail convenable, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi la disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 58 consid. 6a, 123 V 216 consid. 3 et la référence);
qu'est notamment réputé inapte au placement l'assuré qui n'a pas l'intention ou qui n'est pas à même d'exercer une activité salariée, parce qu'il a entrepris - ou envisage d'entreprendre - une activité lucrative indépendante, cela pour autant qu'il ne puisse plus être placé comme salarié ou qu'il ne désire pas ou ne puisse pas offrir à l'employeur toute la disponibilité normalement exigible (ATF 112 V 327 consid. 1a et les références; DTA 1998 no 32 p. 176 consid. 2);
qu'en l'espèce, sous réserve d'une action cédée à la société chargée de tenir la comptabilité de Y.________ SA, le recourant était, depuis 1995 déjà, actionnaire unique de cette société qui avait pour but l'exploitation de salles de jeux, cafés, restaurants et pubs;
que le 18 janvier 1998, il s'est fait inscrire au registre du commerce comme directeur de cette société, avec signature individuelle;
qu'à la suite de faillite et de la dissolution, le 11 juin 1998, de la société Y.________ SA, le recourant a requis et obtenu, le 3 septembre 1998, son inscription au registre du commerce pour l'exploitation en raison individuelle de l'établissement à l'enseigne "Z.________", devenu le 18 novembre 1998 "B.________" (anciennement "C.________", établissement qui était la propriété de Y.________ SA);
que le 17 juillet 1998, A.________ a conclu au nom de la société Y.________ SA un contrat avec la société D.________ SA, aux termes duquel celle-ci accordait à celle-là un prêt sans intérêts de 45 000 fr., contre l'engagement de l'emprunteur de s'approvisionner auprès du prêteur en boissons (bières) pour les besoins du pub "C.________";
que le même jour, A.________ a signé, également pour le compte de la société Y.________ SA, une cession de créance en faveur de la société D.________ SA jusqu'à concurrence du prix de vente du pub "C.________" pour le cas où cet établissement serait remis à un tiers;
que le 20 août 1998, il a par ailleurs signé, toujours pour le compte de la société Y.________ SA, un contrat par lequel le Sieur E.________, possesseur d'un CFC de cafetier-restaurateur, était engagé en qualité de gérant du pub "C.________" à raison de quatre heures par jour;
que le 8 février 1999, il a encore conclu, mais à son propre nom cette fois, un contrat de bail d'une durée de neuf ans pour les locaux de sa salle de jeux;
qu'au vu de ces circonstances, l'aptitude au placement du recourant doit être niée;
que certes, celui-ci prétend qu'il n'a déployé aucune activité dans l'entreprise et qu'il n'a pas perçu de rémunération;
que malgré plusieurs sommations, le recourant n'a toutefois pas été capable de dire précisément quelles personnes ont travaillé dans son établissement depuis qu'il l'a repris, et à quelles périodes;
qu'il a même donné des réponses contradictoires, affirmant par exemple le 27 janvier 1999 qu'il exploitait l'établissement en compagnie de son épouse et d'autres employés avant de déclarer, le 24 mars 1999, que c'était en réalité sa belle-soeur, et non son épouse, qui y travaillait, puis d'ajouter encore, lors de son audition le 7 décembre 1999 devant le Groupe réclamations qu'il n'avait jamais exercé d'activité à l'intérieur de la société;
qu'à cet égard, le seul document écrit qu'il a fourni se résume au contrat précité, daté du 20 août 1998, par lequel le Sieur E.________ a été engagé en qualité de gérant de l'établissement à raison de quatre heures par jour, alors que, selon une note manuscrite au dossier, la salle de jeux était ouverte de 14h à 01h00;
que ses déclarations au sujet des éventuels revenus qu'il a pu tirer de son établissement sont tout aussi confuses puisque, tandis qu'il dit n'avoir jamais touché de rémunération, il déclarait le 27 janvier 1999 que le bénéfice, de 1200 fr. par mois, avait été réinvesti dans la rénovation de la salle de jeux;
qu'en tout état de cause, il n'est pas décisif de connaître l'activité concrète du recourant dans son établissement et les revenus qu'il en a, le cas échéant, retirés;
qu'en effet, au vu des nombreuses démarches qu'il a entreprises - singulièrement son inscription au RC, cinq jours avant son annonce au chômage, en qualité de directeur de Y.________ SA avec signature individuelle - et des engagements de toute nature qu'il a pris - à son nom propre ou au nom de Y.________ SA -, force est d'admettre, avec l'intimée et les premiers juges, que sa réelle volonté a été, dès le mois de janvier 1998, de s'installer économiquement comme indépendant et non de prendre une activité salariée;
que cette conclusion se trouve renforcée par le fait que le recourant a limité ses recherches d'emploi, ce qui lui a d'ailleurs valu à deux reprises une suspension de son droit aux indemnités (sans compter la mesure de suspension prononcée en raison du fait qu'il ne s'est pas présenté, sans excuse valable, à un entretien avec son conseiller en placement);
qu'à cela s'ajoute que les offres de service du recourant, outre qu'elles étaient souvent insuffisantes en nombre, se sont pour la plupart limitées, surtout d'octobre 1997 à mai 1998, à des visites personnelles faites dans des commerces - parfois les mêmes d'un mois à l'autre - de la rue dans laquelle il habite et dans laquelle se trouve également sa salle de jeux;
qu'il n'a par ailleurs pas hésité, entre octobre 1997 et juillet 1997, d'apposer régulièrement le timbre de son entreprise (Y.________ SA) ou de l'établissement propriété de celle-ci (C.________) comme preuve de ses recherches d'emploi (par cinq fois pour Y.________ SA et par quatre fois pour C.________);
que cette attitude ne fait que confirmer, si besoin est encore, que dès son inscription au chômage, le recourant n'avait en réalité pas l'intention de prendre une activité salariée;
que par conséquent, c'est à juste raison que l'intimée et les premiers juges ont nié son aptitude au placement dès le 13 janvier 1998;
que le recours est mal fondé,
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce :
I. Le recours est rejeté.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lucerne, le 4 mai 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Président de la IIe Chambre :
Le Greffier :