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Original
 
[AZA 0/2]
6A.31/2001/ROD
COUR DE CASSATION PENALE
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30 avril 2001
Composition de la Cour: MM. Schubarth, Président,
Schneider et Wiprächtiger, Juges.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
___________
Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
X.________, représenté par Me Doris Leuenberger, avocate à Genève,
contre
l'arrêt rendu le 13 février 2001 par le Tribunal administratif du canton de Genève;
(refus de la libération conditionnelle)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- En 1991, X.________, ressortissant tunisien né en 1961, a été condamné par la Cour d'assises du canton de Genève à la réclusion à vie et à l'expulsion à vie également. La Cour d'assises l'a reconnu coupable d'avoir commis, entre septembre 1981 et avril 1987, cinq assassinats, un délit manqué d'assassinat, sept brigandages aggravés, trois vols et une mise en danger de la vie d'autrui. La culpabilité de l'auteur a été jugée extrêmement grave. La cour et le jury ont en effet estimé que X.________ avait tué trois de ses victimes dans des circonstances particulièrement sordides, que la manière dont il avait commis les crimes qui lui étaient reprochés révélait un total manque de scrupules à l'égard de valeurs aussi fondamentales que la vie et l'intégrité corporelle d'autrui et qu'à aucun moment il n'avait manifesté de regrets ou de remords, même s'agissant de deux assassinats et d'une tentative achevée d'assassinat à propos desquels il ne pouvait ni nier la matérialité des faits ni minimiser le rôle qu'il y avait joué.
B.- Le 24 novembre 1997, X.________ a déposé une demande de libération conditionnelle, qui a été rejetée par décision du 13 janvier 1998 de la Commission genevoise de libération conditionnelle (ci-après: la Commission).
Ce refus a été confirmé successivement par le Tribunal administratif genevois, le 21 avril 1998, puis par le Tribunal fédéral en date du 10 juillet 1998. A cette occasion, le Tribunal fédéral a estimé qu'un délai d'attente d'une année entre le refus de la Commission et le réexamen du cas en vue d'une nouvelle décision paraissait raisonnable.
C.- Le 16 novembre 1998, X.________ a présenté une deuxième demande de libération conditionnelle, qui a été rejetée par la Commission par décision du 12 janvier 1999, confirmée par le Tribunal administratif le 20 avril 1999 puis par le Tribunal fédéral le 26 juillet 1999.
Cette dernière juridiction a précisé qu'une prochaine décision relative à la libération conditionnelle de X.________ devait reposer sur une nouvelle expertise psychiatrique, émanant d'un expert neutre et disposant d'une expérience ou de connaissances spécifiques relatives aux délinquants ayant commis plusieurs crimes graves, l'expert pressenti devant pouvoir cerner avec le plus de précision possible la personnalité du recourant et, partant, évaluer avec un maximum d'exactitude les éventuels risques de récidive.
D.- Le 27 octobre 1999, le Service genevois d'application des peines et mesures (SAPEM) a confié au Dr Y.________, médecin-chef du service de psychiatrie médico-légale d'une Université suisse, l'expertise préconisée par le Tribunal fédéral.
E.- Le 15 mai 2000, X.________, qui était emprisonné depuis plus de 17 ans, a présenté une nouvelle demande de mise en liberté conditionnelle.
F.- Le préavis des Etablissements de la Plaine de l'Orbe, où est détenu X.________, est favorable à la libération conditionnelle de l'intéressé à une double condition: que soient maintenus la mesure d'expulsion d'une part et le délai d'épreuve de cinq ans d'autre part.
G.- Par décision du 12 décembre 2000, la Commission a refusé d'ordonner la libération conditionnelle de X.________.
H.- Par arrêt du 13 février 2001, le Tribunal administratif genevois rejette le recours formé par X.________ contre cette décision. Se fondant sur le rapport du Dr Y.________ et relevant que celui-ciest par ailleurs compatible avec les observations des deux autres médecins-psychiatres qui ont vu l'intéressé en 1999 et 2000, le Tribunal administratif considèreque le pronostic quant au comportement futur de X.________ est défavorable, l'expert n'excluant pas que se produisent de nouveaux actes de violence, de sorte que c'est sans arbitraire que la Commission a refusé d'ordonner sa libération conditionnelle.
I.- X.________ a déposé un recours de droit administratif contre cet arrêt. Soutenant que la libération conditionnelle lui a été refusée pour le motif que l'expert ne pouvait exclure expressément tout risque, même très hypothétique, de violence dans le futur, le recourant estime que la décision attaquée est arbitraire.
Partant, il conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal fédéral annule l'arrêt attaqué et ordonne sa mise en liberté conditionnelle. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.- Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). En outre, lorsque le recours est, comme en l'espèce, dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).
2.- a) Conformément à l'art. 38 ch. 1 CP, lorsqu'un condamné à la réclusion ou à l'emprisonnement aura subi les 2/3 de sa peine, ou 15 ans de sa peine s'il a été condamné à vie, l'autorité compétente pourra le libérer conditionnellement si son comportement pendant l'exécution de la peine ne s'oppose pas à son élargissement et s'il est à prévoir qu'il se comportera bien en liberté.
Les conditions d'application de cette disposition, notamment dans le cas de condamnés ayant commis de nombreux crimes très graves, ont été exposées dans l'ATF 125 IV 113, auquel il y a lieu de se référer.
b) Il faut relever tout d'abord qu'en faisant examiner le recourant par l'expert Y.________, les autorités cantonales ont satisfait à la condition posée par l'autorité de céans dans son arrêt du 26 juillet 1999, par lequel elle a confirmé le rejet de la deuxième demande de libération conditionnelle formée par le recourant, précisant que la prochaine décision relative à cette question devrait reposer sur une nouvelle expertise psychiatrique.
L'arrêt attaqué justifie le refus d'ordonner la libération conditionnelle du recourant par le fait que l'expert n'exclut pas le risque que se produisent de nouveaux actes de violence. On ne voit pas, et le recourant lui-même ne le montre pas dans son mémoire, en quoi ce raisonnement pourrait constituer une violation du droit fédéral, fût-ce sous la forme d'un excès ou d'un abus du pouvoir d'appréciation; or, comme cela a été rappelé au considérant 1 ci-dessus, le grief tiré de la violation du droit fédéral est le seul qui puisse être invoqué à l'appui du présent recours.
Au demeurant, l'expert et l'autorité cantonale ont examiné et apprécié les divers éléments susceptibles de justifier un pronostic favorable comme ceux qui vont à son encontre. Contrairement à ce que soutient le recourant, les facteurs dénotant un risque de récidive ne sauraient être considérés comme purement hypothétiques. La dimension émotionnelle du vécu est sous-développée chez le recourant, ce qui rend son comportement véritablement imprévisible et laisse subsister un danger pour la société.
Eu égard à l'impression que donne actuellement le recourant ainsi qu'à l'expérience psychiatrique dont on dispose, il faut considérer le trouble dont il est atteint comme un état durable, qui continue à comporter un potentiel de violence. Dans ces circonstances l'autorité cantonale, compte tenu du rapport d'expertise dont elle disposait ainsi que des principes dégagés par la jurisprudence à propos de la libération conditionnelle de détenus condamnés à la réclusion à vie (ATF 125 IV 113 ss), pouvait considérer que le recourant présente encore et toujours un risque non négligeable de récidive et donc rejeter sa requête de libération conditionnelle sans violer le droit fédéral. Le recours doit dès lors être rejeté.
3.- Vu l'issue de la procédure, les frais devraient en principe être mis à la charge du recourantqui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Toutefois, il a suffisamment montré qu'il était dans le besoin et son recours n'apparaissait pas d'emblée dépourvu de chances de succès, de sorte qu'il y a lieu de le mettre au bénéfice de l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ). En conséquence, il ne sera pas perçu de frais de justice et une indemnité sera versée à sa mandataire à titre de dépens.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours.
2. Admet la requête d'assistance judiciaire.
3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.
4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à la mandataire du recourant une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens.
5. Communique le présent arrêt en copie à la mandataire du recourant, à la Commission de libération conditionnelle et au Tribunal administratif du canton de Genève ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.
__________
Lausanne, le 30 avril 2001
Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
La Greffière,