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Informationen zum Dokument  BGer 1C_209/2020  Materielle Begründung
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BGer 1C_209/2020 vom 16.10.2020
 
 
1C_209/2020
 
 
Arrêt du 16 octobre 2020
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
 
Müller et Merz.
 
Greffier : M. Tinguely.
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Pierre Rüttimann, avocat, Mangeat Avocats Sàrl,
 
recourant,
 
contre
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8.
 
Objet
 
Amende administrative,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
 
de la République et canton de Genève,
 
Chambre administrative, du 25 février 2020 (A/3011/2018-LCI, ATA/206/2020).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Le 8 octobre 2010, le Département des constructions et des technologies de l'information de la République et canton de Genève, devenu le Département du territoire (ci-après: le Département), a délivré à A.________, en sa qualité d'architecte mandataire, une autorisation de construire (DD 103'242) portant sur la création de trois chambres d'hôtes dans l'immeuble sis rue U.________, à Genève, dans le centre historique de la ville (Genève-Cité).
1
Par décision du 19 février 2013, la validité de cette autorisation de construire a été prolongée jusqu'au 21 mars 2014.
2
Les 22 mars 2013 et 10 décembre 2014, le Département a délivré à A.________ des autorisations de construire complémentaires, portant respectivement sur les "dépendances et locaux techniques en sous-sol" (DD 103'242/2) et une "réduction du gabarit et [des] transformations diverses" (DD 103'242/5). Ces autorisations n'avaient pas pour effet de prolonger la validité de l'autorisation initiale.
3
A.b. Le 11 avril 2016, un inspecteur de l'Office des autorisations de construire a effectué une contrôle sur place, lequel a fait l'objet le lendemain d'un rapport d'enquête accompagné de photographies. Il y a été constaté la réalisation de travaux non conformes aux autorisations délivrées, soit notamment: des transformations dans les étages (sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage), un changement d'affectation au sous-sol des locaux de service en logements, la création de deux logements en duplex au sous-sol et rez-de-chaussée, un abaissement de la terrasse sur la cour intérieure du niveau rez inférieur au niveau du sous-sol, des modifications des façades et de la toiture ainsi qu'une reprise du mur du sous-sol en sous-oeuvre de la façade du bâtiment principal.
4
Par décision du 8 juin 2016, le Département a ordonné à A.________ le dépôt d'une requête en autorisation de construire complémentaire en vue de la régularisation des travaux exécutés. Il a dans l'intervalle interdit l'exploitation des logements au sous-sol en tant que chambres d'hôtes.
5
Le 5 décembre 2016, le Département a accusé réception d'une demande d'autorisation de construire complémentaire déposée par A.________, qui a estimé le coût des travaux à 2'200'000 francs.
6
B. Par décision du 20 juillet 2018, le Département a délivré à A.________ une autorisation de construire complémentaire portant sur la "création de trois chambres d'hôtes - modifications diverses du projet initial" (DD 103'242/6). Par décision séparée du même jour, il lui a par ailleurs infligé une amende de 50'000 fr., dès lors que les travaux considérés avaient été engagés sans autorisation.
7
Par jugement du 14 mars 2019, le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le TAPI) a partiellement admis le recours formé par A.________ contre la décision du 20 juillet 2018, le montant de l'amende ayant été réduit à 30'000 francs.
8
Statuant sur les recours formés contre ce jugement par le Département et par A.________, la Chambre administrative de la Cour de justice genevoise (ci-après: la Chambre administrative) a rétabli, par arrêt du 25 février 2020, la décision du Département du 20 juillet 2018, en tant qu'elle infligeait une amende de 50'000 fr. à A.________.
9
C. A.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 25 février 2020. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement au prononcé d'une amende n'excédant pas 20'000 francs. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
10
Invitée à se déterminer sur le recours, la Chambre administrative a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler. Le Département a pour sa part conclu au rejet du recours.
11
A.________ a par la suite persisté dans ses conclusions.
12
 
Considérant en droit :
 
1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
13
Le recourant a pris part à la procédure devant la Chambre administrative. En tant que destinataire du prononcé d'amende administrative, il est particulièrement touché par l'arrêt attaqué et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée. Il dispose ainsi de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
14
2. Le recourant ne conteste pas l'amende qui lui a été infligée dans son principe, mais uniquement dans sa quotité. Il invoque à cet égard des violations du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.) et du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) ainsi qu'une application arbitraire de l'art. 137 al. 1 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05).
15
2.1. Le principe de la légalité consacré à l'art. 5 al. 1 Cst. exige de façon générale que l'ensemble de l'activité étatique se fonde sur la loi et repose ainsi sur une base légale. L'exigence de la base légale signifie que les actes étatiques doivent trouver leur fondement dans une loi au sens matériel, qui soit suffisamment précise et déterminée et qui émane de l'autorité constitutionnellement compétente. L'exigence de précision de la norme (ou de densité normative) est relative et varie selon les domaines. Elle dépend notamment de la gravité des atteintes qu'elle comporte aux droits fondamentaux (ATF 131 II 13 consid. 6.5.1 p. 29 s.; arrêt 2C_134/2018 du 24 septembre 2018 consid. 4.1 et les références citées).
16
Hormis en matière pénale et dans le domaine fiscal, le principe de la légalité ne constitue pas un droit constitutionnel distinct, mais uniquement un principe constitutionnel. Le recours en matière de droit public permet de se plaindre directement et indépendamment d'un droit fondamental de la violation de ce principe, au même titre que du principe de la proportionnalité ancré à l'art. 5 al. 2 Cst. (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 p. 63; arrêt 1C_292/2019 du 12 mai 2020 consid. 4.1). Toutefois, dans l'application du droit cantonal, à part les restrictions des droits fondamentaux (art. 36 al. 1 Cst.), le Tribunal fédéral n'intervient en cas de violation du principe de la légalité que si la mesure de droit cantonal viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4 p. 156 ss; arrêts 1C_557/2019 du 21 avril 2020 consid. 2.1; 2C_342/2019 du 11 octobre 2019 consid. 5.1; 2C_613/2017 du 16 avril 2018 consid. 3.2). Il en va de même s'agissant d'une violation du principe de la proportionnalité constatée dans le cadre de l'application du droit cantonal (ATF 141 I 1 consid. 5.3.2 p. 7; arrêt 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.2).
17
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 p. 327; 141 III 564 consid. 4.1 p. 566; 138 I 305 consid. 4.3 p. 319).
18
2.2. Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c) ou encore modifier la configuration du terrain (let. d).
19
Aux termes de l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de 100 fr. à 150'000 fr. tout contrevenant à la LCI (let. a), aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de cette loi (let. b) ainsi qu'aux ordres donnés par le Département dans les limites de la LCI des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Le montant maximum de l'amende est de 20'000 fr. lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3).
20
2.3. Le recourant fait valoir que l'amende prononcée ne pouvait pas excéder la limite de 20'000 fr. prévue par l'art. 137 al. 2 LCI, dès lors que les constructions litigieuses avaient finalement été autorisées et donc reconnues comme conformes à la loi. Il en déduit que c'est d'une manière arbitraire que la cour cantonale a fait application du barème de l'art. 137 al. 1 LCI pour lui infliger une amende de 50'000 francs.
21
2.3.1. S'il n'est certes pas contesté que les travaux litigieux avaient fait l'objet d'une autorisation de construire complémentaire délivrée le 20 juillet 2018 (DD 103'242/6), il ressort cependant de l'arrêt attaqué que cette autorisation n'avait été délivrée que sous conditions et moyennant une mise en conformité de travaux réalisés initialement en contravention à la législation cantonale.
22
Il en va ainsi s'agissant des logements au rez-de-chaussée inférieur que le recourant avait exécutés, selon le préavis de la Direction des autorisations de construire (ci-après: la DAC) du 9 mars 2017, d'une manière contraire à l'art. 127 al. 1 LCI, cette disposition interdisant en particulier l'utilisation, pour l'habitation, de locaux dont le plancher est situé au-dessous du niveau général du sol adjacent. Alors que ces locaux avaient jusqu'alors été dévolus à un logement, l'autorisation de construire complémentaire du 20 juillet 2018 faisait ainsi expressément référence aux conditions fixées dans le second préavis établi le 10 avril 2018 par la DAC (cf. ch. 5), lequel disposait que ces locaux pouvaient "uniquement être loués comme chambres d'hôtes pour une courte durée" (cf. arrêt attaqué, consid. 4g p. 14). Il en est de même s'agissant des conditions posées par la Police du feu dans son préavis du 21 mars 2018, lesquelles devaient, aux termes de l'autorisation du 20 juillet 2018 (cf. ch. 5), être strictement respectées alors que, selon le préavis évoqué ci-avant, le "concept sécurité" et les plans avaient dû être adaptés en raison des travaux réalisés en sus du projet initialement approuvé en 2010 (cf. arrêt attaqué, ibidem). Pour sa part, la Commission des monuments, de la nature et des sites a relevé, dans son préavis défavorable du 12 avril 2017, que le projet tel qu'il avait été réalisé "n'aurait jamais été accepté si la procédure avait été suivie". Selon cette instance, l'excavation de la cour réduisait, de manière conséquente, la surface de la cour elle-même et créait des coursives qui n'avaient pas lieu d'être dans le contexte d'une cour intérieure de la vieille-ville de Genève, zone protégée en vertu des art. 83 ss LCI (cf. arrêt attaqué, consid. 4h p. 15).
23
Il n'est nullement critiquable de considérer, au vu de ce qui précède, que les constructions litigieuses, certes finalement autorisées et tolérées en vertu du principe de la proportionnalité, n'étaient pas, à tout le moins au moment de leur réalisation, en tous points conformes à la législation cantonale, pas plus qu'elles ne respectaient alors les conditions posées ultérieurement par le Département dans le cadre de l'autorisation de construire complémentaire.
24
De surcroît, le recourant ne conteste pas que la première autorisation délivrée en 2010 (DD 103'242) était caduque au moment de la réalisation des travaux sur lesquels cette autorisation initiale portait, faute pour le recourant de les avoir entrepris dans le délai de deux ans prévu par l'art. 4 al. 5 LCI. Ainsi, alors que le Département avait expressément précisé que l'autorisation de construire complémentaire (DD 103'242/6) n'avait pas pour effet de prolonger la validité de l'autorisation initiale (cf. ch. 4 du dispositif de l'autorisation du 20 juillet 2018), on comprend que l'amende litigieuse, également prononcée le 20 juillet 2018, était aussi susceptible de viser le comportement du recourant ayant consisté à laisser échoir le délai de l'art. 4 al. 5 LCI avant d'entreprendre les premiers travaux autorisés.
25
Cela étant, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire en considérant qu'au moment d'infliger une amende au recourant, le Département n'était pas lié par la limite prévue par l'art. 137 al. 2 LCI, dont le texte suppose la réalisation de travaux conformes aux prescriptions légales.
26
2.3.2. Pour le surplus, le recourant ne revient pas sur les critères pris en considération par la cour cantonale au moment de déterminer la quotité de l'amende litigieuse.
27
Il suffit à cet égard de constater que celle-ci a été fixée en tenant compte, en application de l'art. 137 al. 3 LCI, de la gravité de l'infraction considérée, en particulier eu égard à l'envergure des travaux réalisés sans autorisation, s'agissant d'importantes modifications entreprises dans une zone historique protégée pour un coût considérable (2'200'000 fr.), qui justifiaient selon la cour cantonale d'être sanctionnées avec une grande sévérité sous peine de voir un tel procédé se répéter. Elle a également pris en compte que le recourant était un mandataire professionnellement qualifié, qui avait mis le Département devant le fait accompli, et elle s'est par ailleurs référée à des précédents jurisprudentiels cantonaux s'agissant du montant de l'amende administrative, notamment à une affaire portant sur des travaux ayant causé un danger à l'environnement (atteinte à la nappe phréatique), pour laquelle une amende de 75'000 fr. avait été infligée à une partie qui ne pouvait pour sa part pas justifier de la qualité de mandataire professionnellement qualifié (cf. arrêt ATA/978/2015 du 22 septembre 2015; cf. arrêt attaqué, consid. 4h p. 15 ss).
28
On ne voit pas à cet égard que l'amende de 50'000 fr. infligée au recourant serait disproportionnée ou qu'elle résulterait d'une application arbitraire de l'art. 137 al. 1 et 3 LCI.
29
3. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe. Le Département, qui a agi dans le cadre de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
30
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
 
Lausanne, le 16 octobre 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Chaix
 
Le Greffier : Tinguely
 
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